Monsieur le Président, cette fois-ci, je pense que c'est effectivement mon dernier discours de la 41e législature à la Chambre. Je pensais que mon discours de ce matin serait peut-être le dernier, mais finalement, ce sera celui-ci.
Comme tout le monde, je veux en profiter pour remercier tous les employés de la Chambre. Je pense aux greffiers, aux pages, au personnel de sécurité, au service dans le lobby, aux chauffeurs d'autobus, qui nous permettent d'être à la bonne place et à l'heure, et aux gens des cafétérias, qui nous permettent de manger afin qu'on ne tombe pas dans les pommes.
Dans mon cas, puisque je commence à être connue pour ce que j'appelle l'improvisation intelligente de mes discours, j'ai un immense respect pour les interprètes, qui ont le travail ingrat d'interpréter mes propos, alors qu'ils n'ont absolument aucun papier devant eux. Je les félicite, car je sais également que je ne suis pas celle qui parle toujours le plus lentement. J'ai donc encore plus de respect pour eux, et je les remercie de leur travail.
Je remercie également les gens du hansard. À la minute où je termine mes discours, j'en reçois les textes, et je constate parfois que ces personnes ont même l'art d'écrire mes propos mieux que je ne les ai exprimés. Lorsque je me relis, je me trouve bien éloquente, mais je sais que ce n'est pas exactement ainsi que je m'étais exprimée. Alors, je les remercie d'améliorer la qualité de mon langage. Je l'apprécie et tous les francophones du pays l'apprécient aussi.
Je veux remercier mon équipe, qui fait un travail extraordinaire: Roxane, Shirley, Aline, Alex, Yan et Elise. Cela a été assez rock-and-roll, cette année, d'être l'équipe de la députée de Gatineau et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, compte tenu du nombre de projets de loi que nous avons eu à traiter et à recommander, comme le disait le secrétaire parlementaire. J'ai eu l'aide de la députée de La Pointe-de-l'Île, que je remercie aussi.
Cela m'amène à remercier mon chef, le leader de l'opposition officielle et député d'Outremont, qui m'a accordé sa confiance pour faire ce travail qui n'était pas de tout repos.
Toutefois, je remercie surtout les citoyens de Gatineau. En 2011, ils m'ont élue à une majorité véritable, forte et stable, la plus grande au Québec. Je me plais à le dire, car ceux qui connaissent mon parcours savent que j'ai participé à d'autres élections auparavant et que les résultats étaient relativement serrés. Alors, terminer première au Québec avec 63 % des votes, c'est ce que j'appelle une majorité forte et stable. On essaiera de faire de même en 2015, pour la suite des événements. Je remercie donc du fond du coeur les gens de Gatineau, qui ont su m'accompagner tout au long de mes démarches, pendant ces quatre ans, en étant actifs et en me faisant part de leurs commentaires.
Lorsque je votais et que plusieurs personnes me demandaient ce que signifiait ce geste, je leur disais que je votais avec mon coeur. Je n'ai jamais voté autrement que par conviction, selon mon coeur et en pensant aux gens de Gatineau. C'était pour cela que je les regardais. C'est à eux que je pensais à chaque fois. J'ai peut-être échappé un vote, un soir où on a voté pendant toute une nuit, mais 99 % du temps, j'ai voté en ne pensant qu'aux citoyens de Gatineau.
Je vais maintenant de passer au projet de loi C-53.
L'avocat criminaliste d'Ottawa, Leo Russomano, a dit ceci:
Disons les choses telles qu'elles sont. Il s'agit d'un projet de loi proposé durant une année électorale pour régler un problème. C'est une solution en quête d'un problème [...]
En fait, il est question de peines d'emprisonnement à perpétuité. Qu'un individu obtienne une libération conditionnelle ou non, il purge une peine d'emprisonnement pour le reste de sa vie. Cela fait naître un manque de confiance dans l'administration de la justice.
D'autres nous disaient, en passant, que le secrétaire parlementaire leur avait parlé de Clifford Olson.
[...] les pires meurtriers, les tueurs en série comme Clifford Olsen, mourront derrière les barreaux. Elle prédit que d'autres qui n'auront aucune chance de purger le reste de leur peine à perpétuité sous surveillance stricte dans la communauté seront en colère et désespérés et qu'ils deviendront un danger pour eux-mêmes ou pour les autres.
Je vais revenir sur ce point.
Le projet de loi C-53 vise à imposer des peines plus sévères aux individus reconnus coupables de haute trahison.
Le secrétaire parlementaire l'a bien mentionné.
Louis Riel a été la dernière personne reconnue coupable de haute trahison au Canada.
À un moment donné, il faut arrêter de rire des gens. Les infractions mentionnées dans le projet de loi sont en effet des crimes horribles. Personne à la Chambre, peu importe le siège occupé, va applaudir cela ou éprouver quelle que compassion que ce soit. La sympathie est définitivement pour les victimes.
Ce que je déplore chez les conservateurs depuis le début de leur règne en 2006 s'inscrit dans ma passion. Je suis avocate depuis longtemps. La justice, tout d'abord sociale, mais surtout la justice avec un grand « J », c'est ce qui m'anime et me passionne. C'est ce qui fait en sorte que j'ai décidé un jour d'aller en politique. Les conservateurs se plaisent à parler du nombre de projets de loi déposés, mais la quantité n'est jamais synonyme de la qualité. On peut bien avoir 150 projets de loi mais si ces 150 projets de loi, ou lois dans certains cas, ne signifient rien ou se retrouvent un jour devant les tribunaux et se font rejeter ou abolir, il y a un problème quelque part. Là n'est pas tellement la question parce que parfois il peut s'agir de conflits d'opinion. Dans ces cas, je peux respecter la question du débat et ainsi de suite.
Toutefois, c'est extrêmement arrogant d'arriver en fin de mandat et d'échanger les projets de loi en surprise hier soir afin de placer celui-ci à l'ordre du jour pour au moins donner l'impression d'en discuter, alors que les conservateurs le promettent depuis longtemps et qu'ils font des conférences de presse. Il y en a peut-être qui ne l'ont pas lu, mais un média national anglophone a dit que malgré tout l'accent que les conservateurs avaient mis sur le projet de loi C-53, il n'y avait même pas eu une heure de débat à son sujet. Quelle surprise: après l'article, voici l'heure de débat. Que ceux qui nous écoutent sachent, comme nous le savons vous et moi, monsieur le Président, que ce que nous sommes en train de faire, c'est du verbiage. C'est du verbiage qui ne donnera strictement rien.
Le secrétaire parlementaire en a parlé; nous avons fait l'étude en comité du projet de loi C-587, qui prévoyait une possibilité de libération conditionnelle, étudiée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, jusqu'à 40 ans pour le même genre de crime que dans le projet de loi C-53. J'ai posé des questions pendant l'étude en comité. Même le député conservateur, qui avait déposé le projet de loi, en a suspendu l'étude pendant un certain temps parce qu'il semblait y avoir un conflit avec le dépôt du projet de loi C-53, en grande pompe et ainsi de suite. J'ai souvent dit une chose aux conservateurs, je vais la répéter encore et c'est un peu triste que ce soient mes derniers mots à la Chambre: je trouve que les conservateurs vont malheureusement s'être énormément servis des victimes pour faire passer des principes, des concepts ou des phrases choc, des moments de haut niveau médiatique qui, dans le fin fond, vont strictement servir à décevoir. Ils vont décevoir les victimes parce que, comme je l'ai dit au moment où nous avons étudié la Charte des droits des victimes, ce ne sont que de beaux énoncés d'intention, des voeux pieux. Toutefois, lorsque l'opposition officielle a présenté des amendements concernant ces droits et affirmer qu'il s'agissait effectivement d'un droit à l'information, ces amendements ont été battus par les conservateurs.
Je ne suis pas amère, parce que je suis quand même une fille positive. Ce n'est pas pour rien que je suis au NPD où nous sommes optimistes et positifs. J'ai donc quand même l'espoir que tout n'est pas fini et que nous pourrons réparer un jour beaucoup des dommages que ce gouvernement aura fait au système de justice.
Cela me ramène à ce point central de ce que j'aurai vécu au cours des deux dernières années, de façon plus immédiate, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. Il s'agit du fait que le gouvernement, par tous ces projets de loi, par ce genre d'énoncés choc, nuit au concept de justice comme tel, et donne cette impression que le système va mal aux communs des mortels, à tous les citoyens canadiens, à tous ceux qui nous écoutent et à tous ceux qui s'intéressent à la question. Il donne l'impression que si le système va mal, c'est parce que la Commission des libérations conditionnelles du Canada ne fait pas son travail, parce que les juges sont trop soft, parce que l'opposition est proterroriste et parce que ceci ou cela.
On parle de justice et on croit fondamentalement à la justice. On peut parler du dossier d'Olson. Il n'est jamais sorti de prison et il est mort en prison ou de celui de Bernardo, un autre cas visé par ce genre de choses, qui ne sortira jamais de prison. On peut parler du fait que les familles sont obligées d'aller devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada de façon périodique. Des projets de loi ont été présentés pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'audience avant une certaine période de temps, afin que les familles ne soient pas obligées d'y aller si souvent. Il y a d'autres solutions encore plus simples. Quand on présente des solutions simples à un problème qui existe et que tout le monde reconnaît, ce n'est pas aussi séduisant qu'une grande conférence de presse avec beaucoup de drapeaux en arrière et des propos choc qui ne devraient jamais sortir de la bouche des gens censés être des leaders dans notre société.
Lorsqu'on a fait l'étude du projet de loi C-587 du député conservateur, j'ai dit que la Commission des libérations conditionnelles du Canada utilisait déjà d'autres moyens dans plusieurs dossiers. C'est faux de prétendre que les gens sont appelés constamment à aller devant la commission. Pourquoi? C'est parce que les autorités ont déjà tendance à ne pas laisser la personne sortir. Alors, on ne dérange pas, on informe. Probablement que cela fait revivre certaines choses. Comme je le disais à une des victimes qui était devant le comité à un moment donné, quand bien même on le mettrait à 60 ans, c'est quelque chose qu'on n'enlèvera jamais du coeur d'une personne.
Ma jeune soeur est décédée pendant cette législature. Pense-t-on que dans 5, 10 ou 15 ans, je vais l'oublier? Et ce n'était même pas une mort à la suite d'un crime. Ce sont des choses qui ne s'oublient pas.
On pourrait simplifier la vie des familles et leur dire que ces personnes ne sortiront jamais de prison et que ce sont des criminels dangereux.Toutes sortes d'outils existent. En déposant le projet de loi C-53, on laisse croire qu'on règle un gros problème. Comme je le disais, en ce qui concerne un cas de crime de haute trahison, on repassera. Des cas comme celui de Louis Riel, il n'en pleut pas au Canada. Dans ce contexte, on peut passer à autre chose. Dans le cas des autres crimes mentionnés, comme ceux de Bernardo et d'Olson, le gouvernement est incapable de dire des noms de gens qui seraient en train de se promener dans nos rues et qui auraient commis un crime comme ceux mentionnés dans le projet de loi C-53. Il n'en a pas, parce que cela n'arrive pas. Toutefois, si on le dit et qu'on le répète assez souvent, on va faire croire aux gens que cela existe. On fait peur aux gens.
Je me souviens d'une entrevue que j'ai eue à faire avec une magnifique radio de Québec qui m'attendait de pied ferme, parce que c'était sur la question du registre des délinquants sexuels dangereux. Ils m'attendaient en se disant qu'ils allaient recevoir les softies du NPD. Ils contaient, avant de me passer en onde, le cas d'un gars qui se promenait libre comme l'air dans les rues de Québec. Ils avaient hâte d'avoir le registre. Je les ai arrêtés, en une fraction de seconde, en leur disant que j'étais surprise qu'ils me parlent d'un registre pour régler le problème de la personne qui était dans leurs rues, alors que la vraie question était plutôt de savoir ce qu'elle faisait dans les rues.
Arrêtons de tout mêler et de créer des situations qui laissent croire certaines choses qui n'existent pas.
En tant que Parlement, dans cette institution démocratique, il est de notre devoir à tous, tant sur les banquettes gouvernementales que sur celles de l'opposition, de ne pas induire la Chambre en erreur, de travailler à l'appui de nos piliers de démocratie et de ne pas nuire aux piliers juridique, législatif et exécutif.
Or, malheureusement, ce gouvernement n'aura fait que cela: il aura semé des doutes sur la qualité et la transparence de nos juges de la Cour suprême, y compris la juge en chef; quand une décision est rendue, on dit que la cour est comme ceci ou comme cela, et ainsi de suite; si nous ne disons pas comme les représentants du gouvernement, nous sommes pro-criminels et pro-terroristes. C'est d'une grande tristesse.
Nous n'avons peut-être pas les mêmes programmes, mais je pense que tous les députés de la Chambre veulent qu'il y ait le moins de crimes possible en vue d'assurer la sécurité publique de nos concitoyens. Faisons-le correctement.
Les conservateurs n'ont aucune statistique. Ils n'ont jamais été capables de présenter au Comité permanent de la justice et des droits de la personne quelque statistique que ce soit pour appuyer les projets de loi qu'ils mettaient en avant.
Le ministre a présenté son projet de loi sur les prédateurs sexuels. Pourtant, il s'est vanté qu'il n'y avait jamais eu autant de lois que celles du gouvernement conservateur pour rendre les peines encore plus sévères. Il nous a présenté un constat d'échec en nous démontrant que ces infractions avaient augmenté au cours des deux dernières années, et ce, malgré la plus grande sévérité des lois. Il y a un problème quelque part.
Le bottom line réel des dossiers de la justice et du crime, c'est que les statistiques ne prouvent pas les déclarations des conservateurs. Les statistiques nous démontrent que le nombre de crimes commis descend. Que le nombre de certains types de crimes ait augmenté est fort possible, mais concentrons-nous sur ces problèmes au lieu de faire de la petite politique de bas étage uniquement pour faire des shows de boucane devant les médias, en faisant sortir des victimes pour les utiliser.
Par contre, lors des nombreuses conservations que j'ai eues avec les victimes à différents moments de cette législature, j'ai été contente de constater que leurs yeux s'ouvraient de plus en plus et qu'elles commençaient à réaliser qu'elles étaient des pantins entre les mains du gouvernement, ce qui m'attriste profondément.
Je voudrais parler de la disposition qui permet au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d'agir. Puisque ce ne sera pas le ministre actuel, je n'entrerai même pas dans le type de spécialisation de la personne qui est là. Même si la personne la plus compétente occupait le siège du ministre de la Sécurité publique, cela resterait indécent. C'est indécent de politiser la question dans le contexte d'une société libre et démocratique, soumise à une Constitution, à des lois et à une Charte des droits. On ne fait pas cela.
Il s'agit, encore une fois, d'un constat qui va à l'encontre de la Commission canadienne des libérations conditionnelles, dont les membres sont pourtant nommés par le gouvernement. Il y a un problème quelque part. Ou ils sont assez bons pour faire leur travail ou ils ne le sont pas, et alors changeons cela au plus coupant.
Cependant, ne commençons pas à donner un pouvoir de cette nature à une personne qui occupe de hautes fonctions politiques et qui va attendre de voir ce que M. et Mme Tout-le-Monde vont venir lui dire. Nous savons que nous sommes tous semblables quand il se commet un crime horrible: nous avons tous tendance à vouloir le pire des pires. C'est pour cette raison qu'un organe indépendant, capable d'analyser le dossier et de l'examiner, est nécessaire.
Arrêtons de mélanger les pommes et les poires, et surtout, cessons de nuire au système judiciaire dans son ensemble. Corrigeons-le et réparons les problèmes, mais ne le jetons pas, comme le bébé avec l'eau du bain, comme si c'était un vulgaire système.
Le système juridique dessert bien les Canadiens dans son ensemble. Qu'il s'agisse de procureurs de la Couronne, de procureurs de la défense, de juges ou de n'importe quel intervenant, ces personnes font ce qu'elles ont à faire dans un contexte qui n'est pas toujours facile, vu les compressions gouvernementales.
Dans ce contexte, arrêtons donc d'attaquer ce système de tous bords tous côtés et de présenter des projets de lois qui n'iront même pas plus loin que la fin de la journée, ou qui vivra peut-être une autre heure demain.
C'est absolument insultant et indécent d'avoir présenté ce genre de dossiers aussi important, et ce, en sachant fort bien qu'il ne franchira pas davantage les discours que les gens vont entendre maintenant.