Monsieur le Président, pour commencer, je remercie Change.org pour son travail dans ce dossier, les dizaines de milliers de Canadiennes qui ont signé la pétition et le NPD pour avoir présenté à la Chambre cette motion demandant au gouvernement d'exempter les produits d'hygiène féminine de la TPS. Le Parti libéral convient que ces produits sont essentiels et nous appuyons cette motion.
Initialement, la TPS n'était pas censée s'appliquer aux produits jugés essentiels, pour que les Canadiens ne payent pas de taxe dessus. Comme ces produits essentiels sont utilisés par les femmes, les taxer revient à imposer une taxe fondée sur le sexe. Pour les Canadiennes vivant dans la pauvreté, le supplément que représente la TPS peut rendre l'achat de produits d'hygiène féminine prohibitif.
Le Manitoba soustrait les produits d'hygiène féminine à la taxe provinciale tandis que la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et la Colombie-Britannique les exemptent de la portion provinciale de la TVH. Des données du gouvernement du Manitoba montrent que la province renonce à 18 millions de dollars par année en n'imposant pas la TVP sur les produits d'hygiène féminine. En appliquant ces données à tout le Canada, compte tenu de la composition de la population, on estime que les Canadiennes ont dépensé 520 millions de dollars pour ces produits depuis 2014 et ont payé, en plus, 36 millions de dollars en TPS.
À l'heure actuelle, la Loi sur l'accise accorde un taux de TPS de zéro à plusieurs produits jugés essentiels. Cela comprend notamment les produits alimentaires de base, ce qui représente une perte de taxes de 4,2 milliards de dollars par année; la plupart des médicaments d'ordonnance, environ 785 millions de dollars; les instruments médicaux, 335 millions de dollars; et les services de garde d'enfants et les services personnels, environ 170 millions de dollars.
Il est temps de reconnaître que les produits d'hygiène féminine sont des achats essentiels et d'éliminer ce qui est, en pratique, une taxe sexiste, tout simplement injuste qui, pour citer une femme, « montre le sexisme sous-jacent de la société, le handicap financier qui s'étend aussi au nettoyage à sec et à l'équité salariale ».
La taxe payable pour les produits d'hygiène féminine montre l'une des formes que prend le traitement inéquitable des femmes au Canada. Il faut agir. J'aimerais maintenant passer à un autre sujet.
Bien qu'on porte une attention considérable, à l'échelle nationale et internationale, à l'égalité des sexes et à l'accroissement du pouvoir des femmes, le Canada est toujours bien loin de l'équilibre entre les sexes. À titre d'exemple, d'après le Rapport 2014 sur les disparités entre les sexes publié par le Forum économique mondial, le Canada a chuté de la 14e place en 2006 à la 31e en 2008. Depuis 2010, son classement, relativement stable, oscille entre la 18e et la 21e places.
D'après le rapport 2014 du Forum économique mondial, le Canada se classe au 17e rang au chapitre de la participation et des perspectives économiques des femmes, 25e pour la participation au marché du travail, et 27e en ce qui touche la parité des salaires pour un même travail.
Bien que les Canadiennes luttent pour obtenir l'équité salariale depuis une centaine d'années, l'écart de revenus entre les hommes et les femmes s'établit encore à 19 % au Canada. D'après le Conference Board, le Canada se classe 11e sur 17 pays, ex aequo avec les États-Unis, et obtient une note de C. Selon un rapport publié en 2005 par la Banque royale du Canada, la disparité salariale ferait perdre aux Canadiennes des revenus d'environ 126 milliards de dollars par année.
Un rapport publié cette semaine par Catalyst dresse un portrait troublant. Il révèle que les Canadiennes gagnent 8 000 $ de moins que les hommes faisant le même travail. Cet écart de 8 000 $ est deux fois plus élevé que l'écart moyen de 4 000 $ constaté à l'échelle mondiale. Cette disparité des revenus a de graves conséquences pour les femmes, les familles et l'économie du Canada.
Les Canadiens ne devraient pas oublier que, avec le budget de 2009, les conservateurs s'en sont pris aux droits des femmes canadiennes en s'attaquant à l'égalité salariale. De plus, en 2010, ils ont voté contre le projet de loi d'initiative parlementaire des libéraux visant à mettre en oeuvre les recommandations faites en 2004 par le Groupe de travail sur l'équité salariale, ce qui comprenait la mise sur pied d'une commission chargée de l'équité salariale au sein de la fonction publique, des sociétés d'États et des sociétés sous réglementation fédérale.
Il est grand temps que les compétences des femmes et leur contribution au marché du travail soient reconnues à leur juste valeur, que l'on reconnaisse l'injustice que constitue la discrimination salariale, et que l'on fasse des efforts pour atteindre l'équité salariale.
Le travail non rémunéré contribue aussi aux inégalités. Chaque semaine, je suis sidérée de constater l'ampleur du travail non rémunéré et sous-évalué que les femmes font — souvent sans qu'on s'en rende compte —, dans ma collectivité et partout au Canada, que ce soit des grands-mères qui s'occupent de leurs petits-enfants pendant que les parents sont au travail, des jeunes mères qui décident de rester à la maison pour élever leurs enfants, des femmes qui font du bénévolat tous les jours pour des oeuvres de bienfaisance, ou des femmes qui prennent soin d'un membre de la famille qui est malade.
Il est renversant d'apprendre que les femmes font les deux tiers des 25 milliards d'heures de travail non rémunérées que les Canadiens effectuent chaque année. On estime que la valeur économique de ce travail pourrait s'élever jusqu'à 319 milliards de dollars, ce qui représente 41 % de notre PIB. Le fait que les femmes ne sont pas rémunérées pour un grande partie de leur travail a un effet direct sur leur sécurité économique, et même sur leur santé. Le temps que les femmes passent à faire du travail non rémunéré ne peut pas servir à effectuer un travail rémunéré, ce qui fait considérablement chuter leur revenu potentiel.
Étant donné que la valeur du travail non rémunéré des femmes n'avait traditionnellement pas été mesurée, il fallut de nombreuses années pour que les gouvernements reconnaissent et calculent les heures consacrées au travail non rémunéré. Par conséquent, beaucoup d'activités des femmes ne furent pas prises en compte dans l'élaboration des lois et des politiques. Cette énorme omission aggrava les inégalités qui existaient déjà.
La longue marche des femmes vers l'égalité connut une percée majeure lorsque le gouvernement libéral décida de mesurer le travail non rémunéré dans le formulaire détaillé du recensement de 1996. Le Canada devint ainsi un modèle à suivre pour les autres pays. Toutefois, à l'été 2010, le gouvernement conservateur élimina le recensement à participation obligatoire et le remplaça par l'Enquête nationale auprès des ménages, à participation facultative. La question 33, qui servait à recueillir des données sur le temps consacré au travail non rémunéré, fut enlevée de l'enquête, malgré les engagements pris par le Canada aux Nations Unies.
Les députés devraient donc tous se poser les questions suivantes: comment pourrons-nous mesurer la réussite économique et sociale des femmes et comment pourrons-nous mesurer leurs progrès ainsi que le chemin qu'il leur reste à parcourir? Pourquoi dépensons-nous plus d'argent pour obtenir moins d'information, ce qui facilite la tâche du gouvernement lorsqu'il veut dissimuler son incompétence?
L'écart entre les femmes et les hommes se manifeste aussi dans la chute vertigineuse du Canada au classement dans le domaine de la santé. Selon le Forum économique mondial de 2014, le Canada se retrouve au 100e rang sur 142 pays, alors qu'il était au 49e rang l'année dernière. Les Canadiens ne devraient pas oublier les écarts tragiques qui perdurent entre les Autochtones et le reste de la population pour ce qui est de la santé.
L'été dernier, les Canadiens ont pleuré la disparition de Tina Fontaine à l'âge de 15 ans. Elle a été retrouvée morte, enveloppée de plastique, dans la rivière Rouge, à Winnipeg. Son décès tragique a incité les familles, l'ensemble des gouvernements des provinces et des territoires, les groupes autochtones et les organisations internationales comme les Nations Unies à reprendre le flambeau pour réclamer une enquête publique sur les 1 181 femmes autochtones portées disparues ou assassinées.
Tandis que les femmes autochtones ne représentent que 4,3 % de la population du Canada, elles constituent 16 % des victimes d'homicide et 11,3 % des femmes portées disparues.
Le premier ministre et le gouvernement conservateur passeront à l'histoire pour avoir fait fausse route en refusant de lancer une enquête publique sur le nombre effarant de femmes autochtones portées disparues ou assassinées.
De façon plus générale, le taux de violence familiale au Canada s'est stabilisé après avoir connu un déclin pendant dix ans. En effet, en 2009, le taux d'actes de violence conjugale déclarés par les victimes était le même qu'en 2004. D'expérience, nous savons que la violence fondée sur le sexe demeure très courante. Les faits le confirment: la moitié des femmes au Canada ont déjà été victimes de violence physique ou sexuelle.
Quand sommes-nous devenus si insensibles à la violence? Pourquoi certains hommes réagissent-ils encore avec colère lorsqu'est évoqué le sujet de la violence fondée sur le sexe? Pourquoi le gouvernement répond-il à cette grave crise nationale de manière fragmentaire et décousue? La violence faite aux femmes et aux filles est révoltante. Ce genre d'atteinte aux droits fondamentaux a des conséquences dévastatrices qui peuvent durer des générations.
Chaque année au Canada, la violence et les mauvais traitements poussent plus de 100 000 femmes et enfants à quitter leur foyer pour se rendre dans un refuge. Au Canada, parmi les victimes qui se font agresser par leur partenaire, on compte toujours neuf femmes pour un homme. Ce sont les jeunes filles de 12 à 15 ans qui courent le plus grand risque de se faire agresser par un membre de la famille. Les coûts humains d'une telle violence sont incalculables.
Il y a également des coûts économiques. D'après une étude du ministère de la Justice, la violence faite aux femmes coûte 7,4 milliards de dollars par an à la société canadienne, dont 21 millions de dollars au titre de l'hospitalisation et des visites chez le médecin et aux urgences, ainsi que 180 millions de dollars au titre des services de santé mentale.
En août 2013, la ministre de la Santé a pris la parole lors d'une réunion de l'Association médicale canadienne, l'AMC, où elle a annoncé que l'éradication de la violence en milieu familial serait le thème de son mandat. Elle a répété un message similaire à la dernière réunion de l'AMC, en avril 2014. Cependant, les Canadiens attendent toujours un plan d'action national pour éradiquer la violence.
D'après le Forum économique mondial, c'est en politique que l'écart entre les sexes est le plus grand. Alors que les pays nordiques les mieux classés ont réduit cet écart de plus de la moitié, le Canada se classe toujours, et c'est lamentable, au 42e rang mondial. Les hommes sont beaucoup plus nombreux au Parlement que les femmes, avec une proportion de trois hommes pour une femme. Au Rwanda, les femmes occupaient 45 des 80 sièges au Parlement, c'est tout un contraste.
Le gouvernement conservateur doit mettre en place des incitatifs fondamentaux pour orienter les mesures et les politiques publiques afin de soutenir concrètement l'égalité des sexes. Nous avons besoin de plus de femmes en politique pour remédier au manque d'équité et de justice dans les institutions qui formulent les lois et les programmes qui touchent la vie des femmes dans des domaines comme la violence familiale, les soins de santé et l'équité salariale. Nous devons aussi comprendre qu'augmenter le nombre de femmes qui occupent des charges publiques n'est qu'une première étape.
Il existe un outil qui pourrait nous aider à rendre les choses plus justes et à combler cet écart. Il s'agit de l'analyse comparative entre les sexes. Les analyses de ce genre cherchent à déterminer si les politiques et les programmes ont des effets différents sur les femmes et les hommes, et si oui, quelles sont les différences. Utilisées adéquatement et de manière généralisée, elles peuvent nous aider à atteindre l'égalité entre les sexes.
Depuis 1995, le gouvernement fédéral s'est engagé à de nombreuses reprises à réaliser des analyses comparatives entre les sexes. Or, en 2009, quand la vérificatrice générale a soumis à une vérification sept ministères « dont les responsabilités peuvent avoir des répercussions différentes sur les hommes et les femmes », elle a constaté qu'il n'existait aucune politique pangouvernementale obligeant les ministères et les organismes à réaliser des analyses comparatives entre les sexes.
Selon un document d'information publié par Condition féminine Canada, il existerait, et je cite: « un centre d'excellence en ACS ». Or, quand j'ai voulu savoir en quoi consiste ce fameux centre, s'il fait par exemple partie du réseau de centres d'excellence et s'il recevait des fonds en propre, on m'a répondu qu'il s'agissait d'un nom et rien d'autre.
Cette appellation est pourtant censée vouloir dire que les analyses comparatives entre les sexes plus figurent parmi les compétences fondamentales du gouvernement. Le « plus » signifie que les analyses réalisées ne s'intéressent pas seulement aux différences entre les sexes et étudient aussi d'autres facteurs, comme l'âge, la culture, les études, l'emplacement géographique, le revenu et la langue.
Quand j'ai voulu savoir combien d'argent on consacrait à ces analyses plus, on m'a répondu qu'elles ne recevaient aucun financement, puisqu'elles sont considérées comme une compétence fondamentale, ce qui veut dire que tout le monde est censé en effectuer. J'ai alors demandé ce qu'il en avait coûté pour produire le cours en ligne d'une durée de deux heures servant à former les fonctionnaires, mais je n'ai jamais obtenu de réponse.
Environ 1 500 fonctionnaires auraient suivi ce fameux cours interactif et reçu un certificat pour le prouver. Selon le greffier du Conseil privé, la fonction publique fédérale comptait près de 263 000 fonctionnaires en mars 2013. Combien de hauts fonctionnaires, de sous-ministres et de sous-ministres adjoints l'ont déjà suivi et l'ont fait suivre à leurs collaborateurs?
Je signale au passage qu'aucune autre formation n'a été jugée nécessaire à part ce cours de deux heures suivi une fois. J'ai été consternée d'apprendre qu'il était impossible de savoir si les ministères s'étaient dotés d'une unité spécialisée dans les analyses comparatives entre les sexes plus, s'ils avaient à tout le moins réalisé un projet pilote ou ce qu'ils avaient investi dans ce type d'analyse.
De façon plus générale, quels organismes et ministères peuvent présenter des éléments de preuve qui démontrent l'utilisation d'ACS+ dans l'élaboration de politiques publiques? Quels organismes et ministères peuvent présenter des éléments de preuve au Cabinet et au Conseil du Trésor sur l'incidence des énoncés de politiques selon le sexe? A-t-on effectué une analyse comparative entre les sexes de la taxe sur les produits d'hygiène féminine?
Nous savons qu'aujourd'hui, les femmes représentent 50,4 % de la population canadienne. Nous savons également que l'égalité des sexes peut accroître la productivité, améliorer le sort de la génération suivante et assurer une meilleure représentativité au sein des institutions.
Pour mettre fin à l'injustice et combler les lacunes au Canada, il faut avant tout se faire une idée claire de l'engagement du gouvernement à l'égard de l'ACS+. Tâchons d'exiger des comptes du gouvernement fédéral à l'égard de la responsabilité qu'il a d'encourager la participation des Canadiennes, et tâchons d'exiger qu'il cesse de s'en dérober en affaiblissant les groupes de défense.
Nous avons besoin de l'aide et des idées des femmes afin de déterminer ce que le Canada peut améliorer pour accroître la participation des femmes dans l'économie, pour veiller à leur santé et à leur sécurité et à celles de leurs enfants, et pour bâtir un avenir meilleur pour tous les Canadiens.