Monsieur le Président, j’espère que ces rappels au Règlement ne seront pas déduits du temps qui m’est accordé.
Comme je le disais, le débat d'aujourd’hui sur ce rapport nous amène à parler de la pertinence du moment choisi pour discuter de certaines questions à la Chambre, et il est important que nous nous penchions sur le sujet. Voilà pourquoi j’ai commencé par faire remarquer qu’il semble n’y avoir presque aucun lien entre le discours d’ouverture sur le rapport et les observations du leader parlementaire du NPD, sauf si nous examinons les motivations qui les sous-tendent. Le Président se fonde en définitive sur les motivations et la façon dont nous utilisons le temps à la Chambre pour permettre beaucoup de latitude quant à la pertinence d’un débat. Je n’en suis pas certain, mais je prévois d’autres débats sur la question.
Hier, j'ai demandé la tenue d'un débat d’urgence sur l’Ukraine et j’ai expliqué pourquoi j’estimais que c'était important. Plus tôt aujourd’hui, j’ai envoyé un autre avis au Président sur cette question d’importance cruciale, étant donné que des changements sont survenus, notamment la mobilisation des troupes russes, et que d’autres mesures ont été prises au cours des 72 dernières heures. Un député d’arrière-ban du gouvernement s’est même levé et a demandé l'appui unanime de la Chambre à l'égard d'une motion faisant état de certains de ces changements.
Ce que je veux dire, c’est que nous devons examiner la façon dont nous utilisons le temps à la Chambre. Nous devons accorder davantage d’attention à l’Ukraine à cause de la crise qui sévit là-bas. Nous pourrions réserver trois heures pour débattre de cet important rapport du comité. Était-il pertinent d’en discuter aujourd’hui? C'est pour le moins discutable. J’aimerais mieux que nous tenions un débat d’urgence sur l’Ukraine aujourd’hui et que nous discutions du rapport demain. Toutefois, le gouvernement a beaucoup de poids pour ce qui est de l'ordre du jour à la Chambre. J’espère que nous obtiendrons une réaction de sa part concernant la demande officielle que je formulerai plus tard aujourd’hui concernant la tenue d’un débat d’urgence.
J’ai dit que je parlerais de trois choses. La troisième, c’est le rapport lui-même. J’ai souligné l’importance du rapport du Comité permanent des Affaires étrangères et du développement international. Le comité s’est vraiment employé à mieux comprendre la situation des réfugiés juifs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Nous pouvons comprendre les raisons pour lesquelles il était important que le comité se penche sur cette question. Le Canada joue un rôle important dans le monde et, s’il s’en acquitte bien, il peut exercer un leadership fort.
Il est intéressant de noter que le comité, qui a entendu des témoignages, se composait de députés de tous les partis. Cela diffère du dernier voyage du ministre des Affaires étrangères en Ukraine, pour lequel le gouvernement a décidé de ne pas inclure de représentants de l'opposition. Une plus grande unité aurait été préférable, mais je m’éloigne du sujet.
En ce qui concerne le rapport, des gens de notre parti, comme Bob Rae, notre ancien chef, et notre porte-parole actuel en matière d'affaires étrangères, le député de la région de Montréal, ont fait un travail phénoménal pour s'assurer que notre parti soit bien représenté. Les membres du comité ont eu la possibilité d’entendre de nombreux témoignages, et je crois comprendre que certains de certains de ceux-ci étaient très chargés d’émotions.
Il vaudrait peut-être mieux que je vous lise la lettre que m’a remise le député de Mont-Royal, un politique tenu en haute estime à la Chambre des communes et sur la scène internationale. Je crois qu’il vaut la peine que tout le monde connaisse certains faits; alors, si les députés veulent bien me le permettre, je vais la lire cette lettre.
L'exode oublié
[...] On oublie parfois que [...] [la résolution sur le partage territorial adoptée par les Nations Unies le 29 novembre 1947] constitue la première tentative de coexistence d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Hélas, si les dirigeants juifs y ont adhéré, les dirigeants arabes l'ont plutôt rejetée, déclarant du coup — comme ils l'ont eux-mêmes admis — la guerre au nouvel État juif.
Si la résolution sur le partage territorial avait été acceptée, il n'y aurait jamais eu de guerre arabo-israélienne, il n'y aurait pas de réfugiés et nous n'aurions pas connu la souffrance que nous connaissons depuis 60 ans. Si elle avait été acceptée, nous célébrerions aujourd'hui à Annapolis 60 ans de paix israélo-palestinienne.
Or, les révisionnistes moyen-orientaux continuent d'affirmer que seuls les réfugiés palestiniens ont souffert et qu'Israël est à blâmer pour la naqba (ou catastrophe) palestinienne de 1947.
C'est ainsi que les souffrances et la détresse vécues depuis 60 ans par les 850 000 Juifs qui ont été déracinés et expulsés des territoires arabes — l'exode oublié — ont été expurgées des livres d'histoire. Comme si ce n'était pas assez, les révisionnistes, en plus de taire l'exode oublié, nient que tous ces Juifs ont été poussés à l'exode manu militari, puisque les pays arabes non seulement sont partis en guerre dans le but d'exterminer l'État juif naissant, mais ont également ciblé les ressortissants juifs vivant sur leur territoire. Les Nations Unies se préparent, à l'occasion du 60e anniversaire de la résolution des Nations Unies sur le partage territorial, à souligner la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, mais elles vont encore une fois passer sous silence le triste sort des réfugiés juifs.
En fait, le rapport Jewish Refugees from Arab Countries: The Case for Rights and Redress, publié dernièrement, prouve pour la première fois que, dans les pays arabes, les Juifs ont été systématiquement — et avec l'aval des autorités — la cible d'actes de répression et de persécution, notamment par l'adoption de lois dignes de Nuremberg, avec à la clé retraits de la nationalité, expulsions forcées, saisies illégales, arrestations et incarcérations arbitraires et j'en passe.
Ces violations massives des droits de la personne étaient le résultat d'un effort concerté, qui s'est cristallisé dans l'avant-projet de loi du Comité politique de la Ligue des États arabes. Cette partie-là de l'histoire n'est jamais racontée, et il est temps que la vérité éclate au grand jour.
Les Nations Unies sont aussi directement à blâmer si l'histoire a été ainsi déformée. Depuis 1947, elles ont adopté 126 résolutions portant expressément sur le sort des réfugiés palestiniens. Pas une ne parle des 850 000 Juifs expulsés des pays arabes. Nul besoin de préciser qu'aucun pays arabe n'a reconnu le problème, et qu'aucun non plus n'a exprimé de regrets. Que peut-on faire, dans ce cas-là?
L'heure est venue de corriger cette injustice historique et de redonner à l'exode oublié la place qui lui revient dans l'histoire du Moyen-Orient.
Les recours généralement offerts aux groupes de réfugiés — droit à la commémoration, à la vérité, à la justice et à la réparation — doivent être accordés aux Juifs expulsés des pays arabes, comme le prévoient le droit humanitaire et les conventions sur les droits de la personne. Plus précisément, chacun des pays membres de la Ligue des États arabes doit reconnaître le rôle qu'il a joué dans les violations des droits de la personne dont été victimes les ressortissants juifs sur leur territoire.
Le plan de paix actuellement préconisé par la Ligue arabe devrait en outre intégrer la question des réfugiés juifs venant de pays arabes au scénario de paix avec Israël, tout comme le plan de paix des Israéliens tient compte du sort des réfugiés palestiniens.
Sur la scène internationale, les résolutions adoptées par l'Assemblée générale de l'ONU devraient aussi parler des réfugiés juifs, et pas seulement des réfugiés palestiniens. Il en va de même pour le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.
La Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, que soulignent chaque année les Nations Unies, le 29 novembre, devrait plutôt s'appeler « Journée internationale pour la création de deux États et de solidarité pour tous les réfugiés du conflit arabo-israélien ».
Par ailleurs, toutes négociations entre Israéliens et Palestiniens — comme celles promues cette semaine à Annapolis qui, espérons-le, augurent une paix juste et durable — devraient réunir les réfugiés juifs et palestiniens dans une même discussion.
Sans commémoration, il n'y a pas de vérité; sans vérité, il n'y a pas de justice; là où il n'y a pas de justice, il n'y a pas de réconciliation; sans réconciliation, il n'y a pas de paix, alors que c'est ce que nous cherchons tous.
Ceci est un éditorial rédigé par mon collègue, le député de Mont-Royal, un excellent député et parlementaire distingué.