Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour participer au débat sur le projet de loi C-22, Loi concernant les opérations pétrolières au Canada, édictant la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, abrogeant la Loi sur la responsabilité nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence.
Je devrais peut-être commencer par fournir un bref aperçu de l'objet du projet de loi, puisque quelques mois se sont écoulés depuis la dernière fois où la Chambre l'a étudié.
Le projet de loi C-22 moderniserait le régime de responsabilité nucléaire du Canada en précisant les conditions et le processus liés à l'indemnisation des victimes d'un incident dans une centrale nucléaire. Il maintiendrait les principes de la responsabilité absolue, limitée et exclusive en matière nucléaire pour les exploitants, sauf dans les cas d'actes de guerre ou d'activités terroristes. Il ferait passer la responsabilité absolue de 75 millions à 1 milliard de dollars. Ces modifications à la responsabilité en matière nucléaire s'appliqueraient aux installations nucléaires canadiennes telles que les centrales nucléaires, les réacteurs de recherche, les usines de traitement du combustible et les installations de gestion du combustible épuisé. En outre, le projet de loi ferait passer le délai de prescription pour la soumission de demandes d'indemnisation à la suite de préjudices corporels de 10 à 30 ans en ce qui concerne les maladies latentes, en conservant la période de 10 ans pour tout autre dommage.
De plus, le projet de loi C-22 vise à moderniser le régime de responsabilité du Canada dans les zones extracôtières pour l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz en vue de prévenir les incidents et d'assurer une intervention rapide en cas de déversement. Il maintiendrait la responsabilité illimitée des exploitants en cas de faute ou de négligence et ferait passer la limite de responsabilité absolue de 40 millions de dollars dans l'Arctique et 30 millions de dollars dans l'Atlantique à 1 milliard de dollars pour les projets pétroliers et gaziers extracôtiers dans les eaux de l'Arctique et de l'Atlantique. Et surtout, le projet de loi fait explicitement référence au principe du pollueur-payeur afin d'établir clairement et officiellement que les pollueurs devront répondre de leurs actes.
Les députés se souviendront que mes collègues néo-démocrates et moi avons appuyé ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture afin qu'il soit renvoyé au comité, qu'il y soit examiné de façon approfondie et que nous puissions présenter des amendements pour corriger ses nombreuses lacunes. Comme nous l'avons indiqué à ce moment-là, notre appui était fondé sur la promesse faite par l'ancien ministre des Ressources naturelles selon laquelle il y aurait amplement de temps pour tenir des consultations publiques. Nous aurions dû être plus avisés.
Après le remaniement ministériel au printemps, le nouveau ministre des Ressources naturelles a tout simplement fait fi des engagements pris par son prédécesseur. Au lieu de tenir des audiences publiques complètes et d'effectuer un examen détaillé du projet de loi, le comité des ressources naturelles n'a pu consacrer que trois réunions, soit un total de six heures, à l'étude de cette importante mesure législative. Des témoins ont été entendus durant deux de ces réunions, tandis que la troisième a été consacrée à l'étude article par article du projet de loi. Le comble, c'est que l'une des réunions au cours desquelles des témoins devaient être entendus a été écourtée parce les députés devaient se rendre à la Chambre pour voter. Or, le temps perdu n'a jamais été repris.
Je m'excuse auprès de Thomas Hobbes, mais l'étude en comité a été « vilaine, brutale et courte ». Tout le processus n'était qu'une supercherie reflétant parfaitement le mépris profond qu'affiche le gouvernement à l'égard des consultations publiques. Cela dit, la volonté du gouvernement de faire adopter cette mesure législative sans une véritable consultation n'a pas échappé aux Canadiens.
Une témoin au comité a indiqué qu'elle et sa famille vivent à moins de 4 kilomètres de la centrale nucléaire de Pickering. Ses voisins ne savent rien du projet de loi C-22 qui est en train d'être étudié au Parlement, et elle n'a pas eu le temps de dire aux gens que les avoirs des résidents de Pickering font l'objet de discussions dans la noble institution d'Ottawa. Ils ont un journal qui est publié le mercredi et le jeudi. Ils ne pouvaient même pas être informés en temps réel par les médias lors de la tempête de verglas, alors imaginez un projet de loi adopté à toute vapeur au Parlement.
Comme on pouvait s'y attendre, ce vibrant plaidoyer afin que plus de temps soit consacré à l'étude du projet de loi C-22 et de ses répercussions sur les Canadiens et sur leurs collectivités n'a eu aucun effet sur l'approche du gouvernement dans cet important dossier.
Après les Canadiens, ce fut au tour des députés de se faire envoyer promener. Les néo-démocrates ont proposé des amendements importants, étayés par les témoignages d'experts, qui auraient permis d'améliorer considérablement le projet de loi du gouvernement. Les amendements étaient raisonnables. Ils visaient simplement à renforcer le projet de loi en lui conférant une plus grande équité et un meilleur équilibre. Hélas, pas un seul de nos amendements n'a été adopté et le gouvernement a raté l'occasion d'adopter une mesure législative avant-gardiste en matière de responsabilité dans le secteur énergétique au Canada.
Il est dommage que je n'aie que 20 minutes pour parler de témoignages importants livrés au comité. Vingt minutes ce n'est vraiment pas suffisant pour expliquer l'importance de certains amendements proposés par les néo-démocrates et pour expliquer les conséquences néfastes de l'inaction du gouvernement quant à leur adoption. À tout le moins, j'ai l'obligation envers ceux qui nous ont fait bénéficier de leur expertise de faire un bref survol des graves lacunes du projet de loi.
En bref, voici ce que nous, néo-démocrates, avons tenté de faire avec nos amendements. Premièrement, nous avons voulu appliquer le principe du pollueur-payeur, notamment en éliminant la limite de responsabilité. Deuxièmement, nous avons voulu faire adopter le principe de la viabilité dans le projet de loi en incluant les dommages-intérêts liés à la valeur de non usage.
Troisièmement, nous avons tenté d'encourager davantage les mesures de sécurité en responsabilisant les fournisseurs et les entrepreneurs et non seulement les exploitants.
Quatrièmement, nous avons présenté un amendement qui rallongerait le délai pour soumettre les demandes d'indemnisation concernant des préjudices corporels, une maladie latente ou un décès.
Enfin, nous avons essayé d'obtenir des engagements concrets à tenir dorénavant des consultations publiques inclusives.
Nous avons proposé 13 amendements dans ces cinq grandes catégories, mais pas un seul n'a été adopté. Examinons-les d'un peu plus près pour que les gens qui pourraient regarder le débat ici aujourd'hui puissent vraiment comprendre les conséquences potentiellement désastreuses de l'attitude intransigeante des conservateurs dans ce dossier.
Voyons ce que le projet de loi suppose. La plus grande lacune de ce projet de loi est qu'il prévoit qu'on continue à subventionner l'industrie en faisant assumer tout risque financier supérieur à 1 milliard de dollars par les contribuables. Il ne respecte pas le principe fondamental du pollueur-payeur. Dans le projet de loi C-22, la responsabilité absolue est plafonnée à 1 milliard de dollars, les fonds publics et les contribuables étant censés combler toute somme excédentaire.
Les témoins ont dit et redit au comité des ressources naturelles que le plafond d'un milliard de dollars est arbitraire puisqu'il est insuffisant. Voici un bref aperçu des témoignages que nous avons entendus.
Dans un mémoire de l'Association canadienne du droit de l'environnement, Theresa A. McClenaghan a écrit:
[...] la somme de 1 milliard de dollars est nettement insuffisante pour indemniser adéquatement les victimes d'un accident grave dans le secteur de l'exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers et dans le secteur de l'énergie nucléaire. Dans le cas de l'exploitation pétrolière et gazière, nous avons vu ce qui s'est passé avec le déversement du Deepwater Horizon, lorsque le président Obama a créé un fonds de 20 milliards de dollars qui ne couvre même pas les dégâts environnementaux ni ne prévoit les coûts du nettoyage. Les conséquences possibles d'un accident de l'ampleur de Fukushima dans les centrales nucléaires en Ontario pourraient dépasser largement la somme de 1 milliard de dollars; la somme devrait donc être évaluée en regard de la valeur des biens dans la région du Grand Toronto ainsi que des expériences à Chernobyl et à Fukushima. Les préoccupations quant à la possibilité qu'il y ait réellement des accidents ne sont pas purement théoriques. Un article de Mme Kristin Shrader-Frechette, de l'Université Notre-Dame, publié dans la foulée de l'accident de Fukushima, énumère 26 accidents nucléaires avec fusion du coeur qui se sont produits dans le monde depuis les années 1950, les plus connus étant bien sûr celui de Chernobyl en 1986 et les trois à Fukushima en 2011. Pour Fukushima, les Physicians for Social Responsibility ont cité des chiffres allant de 250 à 500 milliards de dollars comme conséquences de ces événements. Le coût de ce genre d'accidents dépasse largement la limite de 1 milliard de dollars fixée par le projet de loi C-22 pour la responsabilité absolue, tant dans les secteurs pétroliers et gaziers que dans le secteur nucléaire.
Le professeur William Amos, d'Ecojustice, est du même avis:
J'ai l'impression que le montant de 1 milliard de dollars a vraiment été fixé au hasard. Les conversations que nous avons tenues avec le gouvernement abordaient aussi la question de savoir quel est le chiffre adéquat. Nous avons maintenu qu'il n'y avait pas de chiffre adéquat; la responsabilité devrait être illimitée.Il me semble que, à un certain point, le gouvernement doit reconnaître que, s'il veut évoluer sur un libre marché, les entités qui souhaitent entreprendre des activités risquées, comme le forage extracôtier en Arctique, devraient avoir les moyens d'en assumer tous les coûts. Je crois qu'il est irréaliste d'attendre de la Couronne qu'elle recouvre tous les coûts découlant des dommages causés, dont ceux liés à la perte de jouissance, si le pire devait se produire au large de l'une ou l'autre des côtes du Canada.
Il a aussi dit ceci:
Le but de n'importe quel régime de responsabilité extracontractuelle est de s'assurer que les actions préventives d'un opérateur sont du plus haut niveau possible et de faire en sorte que la compagnie elle-même — et pas la Couronne ou ceux qui paient les impôts — assume les risques évidents. Il est sûr que lorsqu'un régime est plutôt axé sur le principe du pollueur-payeur et que les articles de la loi font en sorte que s'il y a un déversement catastrophique, la compagnie va payer une plus grande portion des dommages, cette compagnie va adopter des mesures à l'avance pour modifier son comportement. Dans ce cas, la modification du comportement des acteurs économiques est ce qui est le plus important.
Enfin, je tiens à citer un extrait du témoignage de Gordon Edwards, du Regroupement pour la surveillance du nucléaire:
Nous exhortons les élus canadiens à ne pas adopter le projet de loi à l'étape de la troisième lecture sans s'être dûment acquittés de leur devoir de diligence.Primo, pourquoi ainsi limiter la responsabilité? Chaque entreprise ne devrait-elle pas être tenue d'assumer la responsabilité pleine et entière de tout éventuel préjudice hors site?S'il faut que l'État finisse par intervenir pour réparer un gâchis, comme ce fut le cas à Lac-Mégantic, eh bien soit. Mais pourquoi le propriétaire ou l'exploitant devraient-ils être préalablement dégagés de leurs responsabilités?Secundo, d'où vient le montant de 1 milliard de dollars? C'est moins que le coût de reconditionnement d'un réacteur nucléaire et beaucoup moins que la valeur des dommages aux installations que causerait un accident nucléaire grave, dont le propriétaire-exploitant assume pourtant l'entière responsabilité et pour lesquels il est adéquatement assuré [...]Les coûts grimpent. Du jour au lendemain, le coût estimatif d'un assainissement radioactif à Port Hope est passé de 800 millions à 1,8 milliard de dollars. Du jour au lendemain, les 7 milliards de dollars que coûterait l'assainissement des installations de Chalk River ont bondi d'un autre milliard de dollars.
Les néo-démocrates qui siègent au comité ont pris au sérieux ce témoignage d'expert et ils ont présenté des amendements visant à abolir la limite de responsabilité de 1 milliard de dollars. Nous nous entendons pour dire que les contribuables canadiens n'ont pas à assumer les coûts de nettoyage et d'indemnisation au-delà de la limite de 1 milliard de dollars. Ce ne sont pas les contribuables canadiens qui sont les pollueurs. Par conséquent, ils ne devraient pas être tenus responsables des dommages causés par l'industrie. Les Canadiens ne sont protégés convenablement que si on applique le principe du pollueur-payeur.
Dans le même ordre d'idées, en ce qui concerne la responsabilité, qu'on me permette d'aborder encore quelques questions à propos desquelles nous avons présenté des amendements. Premièrement, non contents de refuser d'abolir la limite de responsabilité, les conservateurs en ont rajouté en accordant au ministre des pouvoirs discrétionnaires supplémentaires lui permettant de réduire la responsabilité absolue en-deçà même du seuil déjà insuffisant de 1 milliard de dollars. Comme il n'y avait aucune raison valable d'accorder des allègements de responsabilité, nous avons proposé que ces dispositions soient supprimées du projet de loi. À la manière dont le gouvernement conservateur abuse arbitrairement de ses pouvoirs, nous ne pouvons tout simplement pas compter sur lui pour protéger l'intérêt public. Il n'est pas étonnant que les membres conservateurs du comité se soient empressés de rejeter nos amendements.
Nos efforts visant à répartir plus équitablement la responsabilité ont connu le même sort. La version actuelle du projet de loi C-22 exclut complètement les fournisseurs de toute responsabilité. Du côté du secteur nucléaire, la responsabilité des fournisseurs ne s'étend pas au-delà de la négligence, ce qui restreint par le fait même la possibilité de parvenir à une répartition plus équitable de la responsabilité. En excluant la chaîne d'approvisionnement du processus de responsabilité, on fait porter tout le blâme à l'exploitant. Comme les entreprises dans la chaîne d'approvisionnement ne sont pas tenues financièrement responsables de leurs actions, rien n'empêche les petits fournisseurs d'agir dangereusement, ce qui fait augmenter le risque d'accident nucléaire.
Au lieu de laisser les contribuables assumer les coûts de nettoyage qu'une entreprise ne pourrait pas payer, les néo-démocrates ont soumis au comité des amendements qui intégreraient les fournisseurs et les entrepreneurs dans le processus de responsabilité. De cette façon, on inciterait davantage l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement à adopter des pratiques exemplaires et, par le fait même, on protégerait davantage les Canadiens.
Certains témoins pensaient comme nous qu'il faut régler le déséquilibre présent dans la loi actuelle. Theresa McClenaghan, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, a abordé ainsi la question de la responsabilité du fournisseur et de l'entrepreneur:
Les deux aspects du projet de loi renvoient la responsabilité du fournisseur et de l'entrepreneur à l'exploitant ou au titulaire de permis en ce qui concerne la responsabilité absolue, mais ce n'est que dans le volet des hydrocarbures que les fournisseurs et entrepreneurs peuvent être tenus responsables de leur négligence. Du côté du nucléaire, ce n'est pas possible. Les fournisseurs de nucléaire de l'ensemble de cette chaîne d'approvisionnement n'ont jamais à tenir compte des conséquences de leurs décisions en matière de risque, et, dans le domaine tant du nucléaire que des hydrocarbures, des décisions en matière de risque sont prises tous les jours.
Dans son mémoire, l'association recommande de:
[...] modifier le projet de loi C-22 afin d’inclure les fournisseurs et les entrepreneurs du secteur nucléaire dans le cadre de responsabilité, tout comme les secteurs gazier et pétrolier, et de supprimer la limite de responsabilité afin que les exploitants nucléaires ainsi que d’autres acteurs de la chaîne logistique soient responsables des conséquences de leur négligence au-delà de leur assurance d’un milliard.
Je suis tout à fait d'accord. Les fournisseurs et les entrepreneurs du secteur nucléaire ne devraient pas jouir d'une pleine immunité face à tout risque lié à la responsabilité. Les exploitants de centrales nucléaires qui font preuve de négligence devraient assumer pleinement les conséquences, tout comme le font les exploitants du secteur pétrolier et gazier.
Shawn-Patrick Stensil, analyste nucléaire à Greenpeace, est d'accord. Il a dit:
À l'heure actuelle, en termes de responsabilité, un fournisseur de réacteurs n'a aucune obligation dans le cas où surviendrait un accident. C'est la façon dont la loi est libellée et c'est également le cas en ce qui a trait à nouvelle version. Pour notre part, nous pensons que ce n'est pas une bonne chose.Dans le cas de Fukushima, on a démontré que le concepteur, General Electric, connaissait les problèmes de ce réacteur en matière de conception mais aussi de fabrication. Ce n'est pas ce qui a causé l'accident, mais cela a contribué aux fuites de radiations dans l'environnement. S'il s'agissait de n'importe quelle autre industrie, les Japonais pourraient poursuivre la compagnie.Nous recommandons donc qu'il y ait un droit de recours à cet égard.L'exploitant est toujours l'entité que l'on peut poursuivre. Cependant, il pourrait poursuivre un fournisseur négligent parce qu'il est le mieux placé pour le faire et obtenir ainsi plus d'argent pour indemniser la population touchée. C'est plutôt cela qu'on demande.
Hélas, même cet amendement des plus raisonnables a été rejeté par les membres conservateurs du comité.
C'est également le cas d'un autre amendement on ne peut plus raisonnable concernant la santé des Canadiens. Nous avons proposé un amendement afin de prolonger le délai pour présenter une demande d'indemnisation liée à un préjudice corporel, une maladie latente ou un décès. Pour les demandes d'indemnisation liées à une blessure ou une maladie latente, les dispositions actuelles prévoient un délai de 10 ans. Le projet de loi C-22 prolongerait ce délai jusqu'à 30 ans, mais il n'y a pas de données médicales qui permettent de démontrer que les problèmes de santé peuvent se manifester et être identifiés dans un délai de 30 ans. Au contraire, selon ce que nous savons des effets mutagènes du rayonnement émis par une source de radiation et de l'exposition à ce rayonnement, le gouvernement aurait dû profiter de cette occasion pour inclure une génération supplémentaire dans le délai prévu pour la présentation d'une demande d'indemnisation.
Afin de renforcer cette partie du projet de loi, les néo-démocrates ont proposé un amendement qui aurait simplement prolongé le délai pour le faire passer de 30 ans à 50 ans. Cependant, même une proposition aussi simple a été rejetée par les conservateurs. Il est évident que la protection de l'intérêt public ne faisait pas partie des principaux objectifs du gouvernement lors de l'élaboration de ce projet de loi.
Par conséquent, il n'est guère étonnant que les membres conservateurs de notre comité aient rejeté notre amendement visant à mener une consultation publique constructive et inclusive dans ce dossier. Les néo-démocrates ont proposé un amendement pour exiger que les résultats de l'examen aux termes de la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation nucléaires soient publiés, et que cet examen se fasse en consultation avec des intervenants qui ne font pas partie de l'industrie et qui n'ont aucun lien avec l'industrie nucléaire. Une telle approche est cruciale pour la transparence et la reddition de comptes. Comme le Dr Edwards l'a demandé de façon éloquente: « Ne devrait-on pas donner à la population une occasion de donner son avis et de participer de manière adéquate au débat sur les importantes questions en matière d'équité qui touchent l'ensemble des Canadiens? Les citoyens des provinces où il n'y a aucun réacteur nucléaire ne devraient-ils pas avoir l'occasion de donner leur avis sur un projet de loi auquel leurs enfants et leurs petits-enfants pourraient être assujettis? »
Évidemment, la réponse est oui; cela ne fait aucun doute. Ce n'est cependant pas la réponse que nous avons reçue des conservateurs lorsque nous avons proposé notre amendement au comité. Ils ont également voté contre ces efforts.
Je sais que mon temps est presque écoulé, mais j'aimerais seulement ajouter quelques observations supplémentaires au sujet des dispositions du projet de loi concernant le pétrole et le gaz extracôtiers. L'une des pierres d'assise de la politique du NPD en matière d'énergie est le développement durable. Ce principe devrait guider tous les secteurs de l'économie de l'énergie canadienne. Cependant, dans sa version actuelle, le projet de loi C-22 accorde peu d'importance à la durabilité. Ainsi, il ne tient pas compte des aspects essentiels du monde auquel on ne peut et on n'a pas attribué de valeur monétaire. Le projet de loi ne prévoit aucun pouvoir de réglementation pour le calcul des dommages-intérêts liés à une perte de la valeur de non-usage liée à l'environnement.
Voici ce que le professeur Amos a dit à notre comité:
[...] la Cour suprême du Canada a reconnu que la common law prévoit des dispositions concernant les dommages-intérêts liés aux ressources naturelles, ou les dommages-intérêts qui constituent une indemnisation pour une perte de la valeur de non-usage [...] liée à l'environnement naturel [...]Toutefois, dans le contexte de la common law, il existe actuellement certaines incertitudes concernant les demandes d'indemnisation pour des dommages-intérêts liés aux ressources naturelles. [...] le processus employé pour évaluer les dommages-intérêts liés aux ressources naturelles est mal défini, ce qui est attribuable à un manque de données écologiques de référence et à la difficulté inhérente au fait d'associer des valeurs monétaires à des valeurs environnementales.
Il faut saluer le fait que le projet de loi C-22 prévoie d'inclure dans la loi des dispositions sur l'imposition de dommages-intérêts liés aux ressources naturelles, y compris des dispositions explicites sur l'établissement de dommages-intérêts pour la perte de la valeur de non-usage. Cependant, le projet de loi C-22 n'accorde aucun pouvoir de réglementation pour le calcul de ces dommages-intérêts. C'est une lacune grave, puisqu'il faut mettre en place des règles rigoureuses pour répondre au manque de données écologiques de référence et à la difficulté inhérente au fait d'associer des valeurs monétaires à des valeurs environnementales.
Pour combler cette lacune, nous avons proposé un amendement visant à quantifier la perte de la valeur de non-usage et à en tenir compte. Nous voulions saisir cette occasion de réglementation pour inclure l'environnement dans l'évaluation de l'ampleur et du coût des dommages à l'environnement. Malheureusement, ces dispositions n'ont jamais été adoptées, ce qui laisse profondément lacunaire toute la section portant sur la perte de la valeur de non-usage.
Aucun de nos amendements n'avait pour but de réveiller l'ours qui dort. Nous avons reconnu qu'amorcer un débat sur une responsabilité accrue était un pas dans la bonne direction. Toutefois, ne pas améliorer le projet de loi représente une occasion manquée colossale. Les amendements que nous avons proposés n'avaient rien de radical ou d'exagéré. En fait, la plupart ne cherchaient qu'à rendre le projet de loi plus équitable et plus équilibré. Même notre proposition de supprimer complètement la limite de responsabilité n'était pas aussi radicale que le gouvernement voudrait le faire croire aux Canadiens. D'ailleurs, l'Allemagne, le Japon, la Suède, la Finlande, le Danemark, l'Autriche et la Suisse ont tous déjà instauré la responsabilité illimitée pour les centrales nucléaires. Même aux États-Unis, la limite de responsabilité absolue est de 12,6 milliards de dollars.
Ne vous laissez pas duper par la réponse des conservateurs à cet égard, monsieur le Président. Sans grande surprise, les conservateurs tenteront de laisser entendre qu'une responsabilité illimitée encouragerait les exploitants à déclarer faillite plutôt que de nettoyer si un incident survenait.
Or, il faut regarder le problème de l'angle inverse. Les néo-démocrates croient que la responsabilité doit être suffisamment importante pour faire en sorte qu'une catastrophe nucléaire ou en mer ne se produise jamais et que les exploitants se sentent tenus de mettre en pratique les meilleures mesures de sécurité qui soient. Voilà comment protéger les intérêts des Canadiens car, honnêtement, ceux-ci ne méritent rien de moins.