propose que le quatrième rapport du Comité permanent de la défense nationale, présenté le jeudi 12 juin 2014, soit agréé.
— Monsieur le Président, je suis heureux de soulever cette question à la Chambre aujourd'hui. Il s'agit du quatrième rapport du Comité permanent de la défense nationale qui a été publié il y a un an et qui porte sur la situation qui perdure relativement aux soins et traitements offerts aux militaires malades ou blessés et à leurs familles.
Le rapport est le résultat de deux années d'études sur la situation des anciens combattants et des militaires qui ont servi le pays. Le nombre de blessures graves a monté en flèche au cours de la période pendant laquelle les militaires ont servi en Afghanistan. Le Canada a participé pendant 12 ans à la guerre en Afghanistan, un nombre d'années sans précédent pour les militaires canadiens. Il y a eu de nombreux déploiements, et les militaires canadiens se sont retrouvés dans une situation très dangereuse.
C'est une expérience hors du commun. Je ne crois pas que nous étions prêts à assumer les conséquences d'envoyer des militaires aussi loin et pendant aussi longtemps ou les répercussions que ce déploiement aurait sur les militaires eux-mêmes.
Dans son rapport, le comité a tiré de nombreuses conclusions, dont une qui, à mon avis, nous rend tous très heureux. Je parle du fait que la réponse du personnel médical militaire aux blessures physiques et aux traumatismes — même s'il s'agissait évidemment d'une situation grave et tragique pour les personnes concernées — a été très rapide et de haut niveau. Le personnel médical militaire a non seulement été reconnu pour son professionnalisme, mais aussi pour sa capacité supérieure à traiter les traumatismes, qui ont malheureusement été très nombreux.
Il y a eu un haut degré de réceptivité à l'aide fournie aux personnes blessées durant le conflit en Afghanistan. En fait, les efforts de l'équipe médicale des Forces canadiennes ont été reconnus et loués à l'échelle internationale, ce qui a valu à celle-ci d'être maintes fois décorée.
La plus grande préoccupation des membres du comité, ainsi que des soldats rentrant au pays et de leur famille était les conséquences des blessures mentales subies par ces militaires, qui sont maintenant reconnues universellement comme étant un trouble de stress post-traumatique, ou TSPT.
Dans les années 1990, j'ai représenté un grand nombre de personnes qui avaient été victimes d'agressions sexuelles durant leur enfance. Je me rappelle avoir appris beaucoup de choses sur le TSPT, mais je me rappelle aussi qu'un psychiatre militaire m'avait dit que ce trouble n'existait pas. Il ne faisait pas partie des personnes qui croyaient en son existence.
J'ai trouvé cela assez surprenant, mais il convient de souligner que l'acceptation du trouble de stress post-traumatique est relativement récente, surtout dans le milieu militaire.
Au Canada, il nous a fallu du temps pour reconnaître l'étendue et la réalité de la situation. Nous disposons de très peu de statistiques sur ce trouble. Les études réalisées au sein des Forces canadiennes concernant les besoins des professionnels de la santé mentale et de la santé étaient fondées sur des projections tirées de l'étude réalisée en 2002 par Statistique Canada. Nous nous fiions à ces chiffres.
Statistique Canada a réalisé une autre étude en 2013, mais les résultats n'avaient pas encore été rendus publics au moment de préparer notre rapport. Nous avons utilisé les données disponibles à l'époque. Nous savions que les Forces armées canadiennes disposaient de très peu de soutien pour réaliser des recherches indépendantes, mais des recherches internes ont été réalisées. Contrairement notamment aux forces étatsuniennes et britanniques, les Forces canadiennes ne disposaient pas d'un appui généralisé pour mener des recherches sur la santé, les blessures et le traitement des militaires et des anciens combattants. La situation a changé, mais seulement au cours des dernières années.
Je vois certains de mes collègues du comité de la défense en face. Nous avons entendu le témoignage de Mme Alice Aiken de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans qui a récemment été mis sur pied à l’Université Queen's avec l’appui de quelque 25 universités canadiennes. L’ICRSMV est un institut indépendant regroupant 25 universités canadiennes qui mènent des recherches sur les besoins du personnel militaire canadien, des anciens combattants et des familles de militaires.
Mme Aiken a dit au comité qu'il n'y avait aucun financement pour assurer la viabilité de la recherche indépendante. La situation a changé. Notre comité a recommandé dans son rapport dissident que le Canada contribue à un vaste fonds pour la recherche indépendante qui permettrait à l’ICRSMV, par l’entremise de ses institutions partenaires, de réaliser de façon autonome des recherches sur les problèmes de santé qui touchent le personnel des FAC, les anciens combattants et leur famille, ce qui a été fait. Le comité avait recommandé de verser — pas dans le présent budget, mais bien dans le précédent budget — 5 millions de dollars à l’ICRSMV, et cette somme a été égalée par la True Patriot Love Foundation. Il y a maintenant un fonds important disponible pour réaliser des recherches partout au pays.
En fait, la semaine dernière, j’ai assisté à un séminaire à l’Université Memorial, dans ma circonscription, St. John's-Est. Des chercheurs et ceux qui s’intéressent à la santé des militaires et des anciens combattants étaient regroupés pour discuter d’idées de projets de recherche qui sont nécessaires en vue d’atténuer les problèmes de santé que vivent les militaires et les anciens combattants canadiens.
Nous avons discuté du TSPT et de la nécessité d’avoir plus de professionnels pour s’en occuper. Durant son étude, le comité s’est penché sur la question des familles de militaires qui sont également touchées par le TSPT de leur proche, parce que même si nous avons un programme et que les soins de santé des militaires relèvent directement de l’armée, la question des familles relève des provinces. Il a été très clairement précisé que les soins de santé pour les familles de militaires ne relèvent pas de l’armée et du gouvernement fédéral pour des raisons constitutionnelles; la santé est une compétence provinciale.
La famille du militaire qui rentrait chez lui, au pays, pour retourner vivre dans son milieu, avec sa conjointe ou son conjoint et le reste de sa famille, et qui souffrait de TSPT, ignorait les conséquences de ce trouble, mais devait quand même les subir. D'ailleurs, une quantité considérable de données démontrent que les conjointes ou conjoints souffraient eux-mêmes de TSPT parce que le militaire en souffrait. Les témoins que le comité a entendus, les membres des familles de militaire et les soldats avec lesquels j'ai pu discuter dans les commerces autour de Petawawa, par exemple, parlent tous du phénomène du TSPT parmi les conjointes ou conjoints. Certaines de ces personnes nous ont indiqué que, même après beaucoup d'efforts, il était très difficile pour les conjointes ou conjoints d'avoir accès à des traitements, à du soutien psychologique ou même simplement à une certaine formation leur permettant de comprendre ce qui arrivait à leur soldat.
C'était très débilitant. Les familles subissaient les conséquences sérieuses de ce trouble, qui minait gravement la vie conjugale. Les personnes souffrant de TSPT n'étaient pas capables de trouver de l'aide pour résoudre leurs problèmes.
Nous avons pu faire également une autre constatation concernant l'aide pour les familles dans ce domaine, où personne n'est directement responsable de répondre aux besoins des familles en matière de santé. Les militaires déménagent à divers endroits au pays. Nous connaissons leur situation. Ils peuvent avoir une nouvelle affectation tous les deux ans et se retrouver dans divers milieux. Ils ont des enfants. Les familles des membres des Forces canadiennes comptent beaucoup de jeunes enfants. La semaine dernière, on m'a indiqué qu'au total, les militaires canadiens avaient environ 68 000 enfants. Ces familles ayant des enfants déménagent d'un bout à l'autre du pays. Dès qu'elles arrivent à un nouvel endroit, elles doivent se trouver un médecin de famille. C'est essentiel pour la santé et le bien-être des gens.
Or, dans ces situations, en particulier dans certaines régions rurales ou éloignées où se trouvent des bases militaires canadiennes, il arrive que le système médical de l'endroit subisse de fortes pressions. Il est difficile d'avoir accès rapidement à un médecin de famille, en particulier lorsque la famille compte des enfants ayant des besoins spéciaux, notamment des difficultés d'apprentissage et d'autres types de besoins devant être évalués. Les listes d'attente sont longues. Les problèmes se multiplient au fil des déménagements de la famille.
Une question absolument fondamentale n'a pas encore été résolue: la manière dont on répond aux besoins en matière de santé des familles des militaires qui déménagent à l'autre bout du pays. Souvent, dans le cas du trouble de stress post-traumatique, elles doivent composer avec des répercussions qui touchent non seulement le soldat lui-même, mais bien la famille entière. Comment peut-on le faire sans empiéter sur les champs de compétence?
Il y a des moyens de répondre à ces besoins. C'est possible. Lorsque les Forces armées font déménager des familles, la présence des militaires se reflète souvent dans les infrastructures d'une ville, d'un village, d'un lieu. C'est la réalité. Il y a des besoins au chapitre de la congestion routière, des transports, des ponts, du logement et ainsi de suite, et les Forces armées peuvent influer sur les décisions de cet ordre. Elles peuvent aussi fournir de l'aide aux cliniques. Lorsque les Forces armées sont présentes dans une région, des fonds pourraient être affectés à la rendre attrayante pour le personnel médical de manière à ce que les militaires qui s'y installent aient éventuellement accès à une clinique existante qui répondrait aux besoins de leur famille et des résidants des environs. On pourrait prévoir des mesures incitatives. Les Forces armées et le ministère de la Défense nationale pourraient faire preuve d'initiative afin que les familles des militaires aient accès à des soins de santé sur place.
Je sais que le ministère a instauré des programmes qui s'adressent aux conjoints, notamment les Centres d'entraide aux familles des militaires. Conscient que la santé des soldats dépend de celle de leur famille, le ministère est en mesure d'offrir plus de services, comme des consultations. Nous aimerions que le gouvernement fasse le point là-dessus.
Je sais qu'il faut plus de recherches dans ce domaine. Une foule de professionnels y participent, qu'il s'agisse de professionnels de la santé, de travailleurs sociaux ou de chercheurs oeuvrant dans diverses disciplines. Je tiens à saluer le travail de Mme Aiken, qui a accompli beaucoup de progrès en très peu de temps en vue de promouvoir la notion de recherches indépendantes partout au pays. Tout ce travail a été réalisé, en gros, au cours des cinq dernières années. C'est grâce aux efforts considérables déployés par Mme Aiken et son équipe, avec l'aide de la fondation True Patriot Love, qui travaille en étroite collaboration avec l'institut pour rallier des appuis dans l'ensemble du pays.
Je sais que des députés de tous des partis ont prôné cette idée. D'ailleurs, le travail effectué par l'institut a suscité mon intérêt au plus haut point, tout comme celui de ma collègue, la députée de Vancouver-Est, qui était alors notre porte-parole en matière de santé. Nous appuyons sans réserve ce travail. C'est un domaine dont nous aimerions entendre parler plus souvent.
Il y a un autre thème qui est revenu sans cesse: la transition des militaires, en particulier de ceux qui étaient sur le point d'être libérés pour des raisons médicales, mais qui se voyaient forcés de quitter l'armée avant d'avoir accumulé 10 ans de service, ce qui aurait garanti leur admissibilité à une pension. Nous avons entendu des témoignages déchirants à ce sujet.
Je me souviens en particulier du caporal Glen Kirkland, du Manitoba, qui a comparu devant le comité. Il a dit qu'il était libéré pour des raisons médicales, mais qu'il n'était pas prêt à quitter les Forces armées canadiennes. Cette question a fait l'objet d'un long débat à la Chambre. En fait, le ministre de la Défense de l'époque lui avait dit que cette situation ne lui arriverait pas. Il n'a pas accepté cette réponse parce qu'il jugeait qu'on faisait une exception pour lui. La règle s'appliquerait toujours, et certaines personnes seraient relevées de leurs fonctions avant qu'elles aient pu obtenir une pension et la sécurité qui va de pair.
L'armée cherchait des moyens de trier les gens dont la situation ne répondait pas aux exigences en matière d'universalité du service et qui allaient être relevés de leurs fonctions avant d'avoir droit à une pleine pension et à la sécurité du revenu. Et ce dilemme a donné lieu à toute une série de recommandations.
Bien des gens hésitaient même à déclarer leur trouble de stress post-traumatique et à réclamer un traitement, de peur que cet acte mette fin à leur carrière et les prive de la sécurité du revenu. Ils n'auraient plus été en mesure de rester au sein des forces. Leur situation n'aurait plus répondu aux exigences en matière d'universalité du service. Ils auraient vu leur carrière militaire prendre fin sans qu'ils aient d'autres perspectives d'avenir. Cette situation était très courante. Elle a aussi empêché des gens d'obtenir le traitement dont ils avaient besoin pour surmonter le trouble de stress post-traumatique dont ils souffraient.
Ce sont là quelques-uns des problèmes sur lesquels le comité a eu à se pencher. Nous avons présenté plusieurs recommandations sérieuses. L'une d'elles faisait suite à des observations de l'ancien ombudsman, Pierre Daigle, qui avait parlé de l'universalité du service.
L'universalité du service suppose que tous les militaires doivent pouvoir être intégrés en tout temps à des opérations expéditionnaires relevant des Forces armées canadiennes. Il a dit qu'il fallait moderniser et modifier cette règle pour permettre aux personnes atteintes d'une invalidité — que ce soit un trouble de stress post-traumatique ou une incapacité physique — de réintégrer la force. Nous avons des exemples très frappants de ce par quoi se traduit l'application de cette règle. Il devrait y avoir des modifications pour permettre aux gens de rester dans l'armée même s'ils risquent de ne pas pouvoir être envoyés au front.
Ce sont là certains des problèmes. Il y a beaucoup de travail dans ce rapport et un grand nombre de recommandations. Je pense qu'il est temps que nous ayons un rapport sur la façon dont ces recommandations ont été suivies, sur les progrès réalisés et sur les mesures à prendre, notamment en ce qui concerne l'universalité du service et pour permettre aux gens de passer de membre en service à ancien combattant en répondant à leurs besoins en santé.