Monsieur le Président, je suis ravi d'appuyer mon collègue, le député de Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, et la motion présentée par les libéraux dans le cadre de leur journée de l'opposition.
Il s'agit d'une motion plutôt technique, que je ne lirai pas ici. Elle met en lumière une faille très importante de la démocratie canadienne, mise en évidence par le comportement du gouvernement conservateur pendant l'étude du projet de loi C-23, la Loi sur l'intégrité ou le manque d'intégrité des élections, selon le nom que préfèrent les députés. On a pu voir comment le régime imposait sa volonté sans tenir compte des autres points de vue. C'est l'une des raisons pour lesquelles la motion d'aujourd'hui est nécessaire.
J'ai écouté attentivement le député de York-Centre, un peu plus tôt. Il a fourni beaucoup de détails sur l'utilisation de la clôture, de l'attribution de temps et des débats depuis les débuts du Parlement canadien. Il ne fait aucun doute qu'un gouvernement doit parfois avoir recours à ces mécanismes pour traiter les affaires ministérielles et voir aux besoins du pays.
Nous devons toutefois être conscients de ce qui se passe depuis quelques années. Le gouvernement a présenté des projets de loi omnibus de 400 pages, dont certains portaient sur une quarantaine de mesures législatives sans lien avec le budget. Par le passé, la plupart de ces mesures auraient été traitées dans des projets de loi séparés. Elles auraient donc été renvoyées au comité approprié, et elles auraient bénéficié d'un débat à la Chambre et d'un examen approfondi.
Il faut mentionner que la motion d'aujourd'hui porte seulement sur la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada. Quels travaux du Parlement pourraient avoir plus d'importance que ce qui touche à ces lois, qui sont à la base même de notre démocratie?
Nous devons nous assurer qu'un gouvernement à peine majoritaire ne puisse imposer sa volonté à la Chambre des communes, du moins en ce qui concerne ces deux lois. Il s'agit de l'une des faiblesses de notre démocratie. Le gouvernement doit faire progresser les choses, mais il n'a pas obtenu la majorité des voix au pays.
Le gouvernement conservateur, en particulier, n'agit pas en tenant compte de tous les Canadiens, mais seulement en fonction d'une certaine base idéologique. Par conséquent, les lois ne sont pas débattues et analysées de manière adéquate, ouverte et transparente, à la lumière des témoignages nécessaires. Comme je l'ai dit, le gouvernement impose sa volonté au peuple sans qu'il en soit débattu adéquatement.
La raison d'être de la motion d'aujourd'hui est la suivante: les lois fondamentales de notre démocratie ne doivent être modifiées que par processus consensuel. Les conservateurs traitent le projet de loi C-23 comme tout autre projet de loi partisan qu'ils cherchent à faire adopter à toute vitesse par le Parlement comme bon leur semble. Or, il faut empêcher que cela se produise, aujourd'hui et dans l'avenir. Voilà le but de la motion. Celle-ci ferait en sorte qu'un débat adéquat soit tenu.
Le député de York-Centre a dit que si chacun de nous participait au débat sur tous les projets de loi présentés, nous n'étudierions que huit projets de loi par session. Il n'a jamais été question de tous les projets de loi. Nous parlons de la façon dont les ministériels mènent leurs affaires. Ceux-ci tentent de déformer les faits et d'induire les gens en erreur en proférant des exagérations qui semblent liées au sujet de la motion mais qui ne s'y appliquent pas vraiment.
De combien d'heures la Chambre des communes serait-elle privée si le comité chargé d'étudier le projet de loi C-23 parcourait le pays pour entendre ce que les Canadiens en pensent? N'est-ce pas ainsi que les choses devraient fonctionner en démocratie? Le comité ne devrait-il par se rendre d'une région à l'autre, accompagné de représentants de tous les partis, pour entendre de vive voix ce que les témoins ont à dire du projet de loi, directement là où ils vivent, au lieu de les faire venir à Ottawa ou de les faire comparaître par vidéoconférence? Au lieu de rester dans l'espèce de bulle qu'est Ottawa, le comité devrait se rendre jusqu'aux gens, notamment ceux qui habitent en campagne, afin qu'ils puissent assister à ses réunions.
La Loi électorale et la Loi sur le Parlement du Canada sont essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie; les modifications qui leur sont proposées doivent donc reposer sur un vaste consensus et sur des données à toute épreuve. C'est ce que propose mon collègue par sa motion: qu'on organise un débat en bonne et due forme, qu'il ait lieu sur la bonne tribune et qu'on nous laisse le temps nécessaire pour discuter de ces deux lois. C'est dans cette optique que notre parti a proposé la motion d'aujourd'hui, qui va modifier le Règlement de la Chambre des communes de telle sorte que plus aucun gouvernement ne puisse invoquer l'attribution de temps pour couper court aux débats portant sur les modifications à la Loi électorale et à la Loi sur le Parlement du Canada.
En ma qualité de député libéral, j'aimerais rappeler que, si le gouvernement continue de se moquer des Canadiens en forçant l'adoption de son projet de loi à toute vapeur, le chef de notre parti a promis d'abroger les modifications antidémocratiques que les conservateurs veulent apporter à la Loi électorale du Canada. Vous pouvez en être sûrs.
En quoi ce projet de loi est-il si important? Ce matin paraissait sur iPolitics un article d'Anita Vandenbeld qui décrit de manière assez vitriolique ce qui va arriver si la Loi sur l'intégrité des élections est adoptée et qui affirme que cette dernière plonge le Canada dans l'embarras aux yeux du reste du monde.
Mme Vandenbeld a travaillé un certain nombre d'années à l'étranger dans le domaine du développement démocratique. Elle a notamment oeuvré au Programme des Nations Unies pour le développement, au National Democratic Institute, à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et au Centre parlementaire. Elle possède une vaste expérience et d'incroyables connaissances sur les démocraties du monde.
Je ne vous ferai pas la liste de tous ses arguments, car je dois aussi parler de certains des témoins qui ont comparu devant le comité. J'invite cependant les députés, et plus particulièrement les députés conservateurs d'arrière-ban, à lire cet article au lieu de s'en tenir bêtement aux arguments fabriqués d'avance que leur transmet le Cabinet du premier ministre. Mme Vandenbeld énumère les principaux défauts du projet de loi et explique que le Canada est pointé du doigt sur la scène internationale à cause de la manière dont le gouvernement actuel agit et cherche à miner sérieusement les fondements mêmes de notre démocratie.
Elle fait valoir un argument important qui révèle ce qu'elle pense réellement de ce projet de loi et de la façon dont le gouvernement gère son étude:
La dernière fois que j'ai travaillé dans un pays où un gouvernement profitait de sa majorité pour faire adopter à la hâte des modifications à une loi électorale sans consulter la population, c'était en République démocratique du Congo, en 2011. Je ne me serais jamais attendue à cette pratique au Canada.
Cela nous révèle ce que ceux qui ont observé les démocraties du monde entier pensent des gestes du gouvernement.
Je tiens à le dire, puisque j'entends des députés d'arrière-ban murmurer là-bas.
Les députés d'arrière-ban doivent comprendre que ce ne sont pas eux qui forment le gouvernement, mais les membres du Cabinet. Ils sont membres du parti au pouvoir. Ils ont le droit, s'ils le désirent, de prendre la parole au nom de leurs électeurs et des Canadiens. Ils n'ont pas besoin de suivre la ligne de parti imposée par le Cabinet du premier ministre.
Ils peuvent exprimer leur propre opinion, et puisqu'il est question de lois aussi fondamentales que la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada, je serais ravi qu'ils appuient cette motion ce soir, ou lorsqu'elle sera mise au voix. Nous les féliciterions de démontrer que la démocratie peut fonctionner sous ce régime, y compris à la Chambre. Ce serait absolument incroyable, et j'en serais ravi.
Un projet de loi qui touche nos institutions démocratiques est trop important pour qu'un gouvernement le fasse adopter à la hâte et de manière partisane. Un tel projet de loi devrait obtenir l'appui d'au moins un autre parti à la Chambre. Nous sommes tous ici pour représenter des électeurs. Nos avis ne peuvent diverger à ce point sur des questions comme la démocratie.
On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement soit capable de convaincre au moins un parti d'appuyer cette mesure législative. Hélas, puisqu'il n'y est pas parvenu, nous sommes témoins d'un abus de procédure dans le cadre du débat sur le projet de loi C-23, qui est, à mon avis, une mesure législative horrible. Il semble que seul le Parti conservateur appuie ce projet de loi, mais il a tout de même l'intention de le faire adopter à toute vitesse par le Parlement.
Je considère donc qu'il s'agit d'une atteinte à notre démocratie. Le Canada a déjà été considéré comme un modèle par les démocraties émergentes: on a demandé à des représentants d'Élections Canada et du gouvernement ainsi que des porte-parole d'expliquer comment le Parlement canadien fonctionne et comment les élections se déroulent au pays.
Tout cela est appelé à disparaître, parce que la perception qu'on a du Canada a grandement changé, notamment au sein des Nations Unies. Nous ne sommes plus considérés comme des chefs de file mondiaux en matière de paix et de démocratie. Cette perte de réputation est attribuable à la façon dont le gouvernement fonctionne.
Le député d'en face dit que c'est à cause du projet de loi C-23. Non, c'est à cause de l'attitude du gouvernement et de la façon dont le gouvernement fonctionne depuis huit ans. Le gouvernement a accédé au pouvoir en prônant la reddition de comptes et la transparence; or, il refuse de rendre des comptes sur quoi que ce soit.
Le ministre n'a manifestement pas l'intention d'assumer ses responsabilités et de s'excuser auprès du directeur général des élections, c'est on ne peut plus évident. Le ministre est à blâmer, et si le premier ministre faisait preuve d'un tant soit peu de leadership, il l'obligerait à s'excuser pour la façon dont il traite les agents du Parlement.
Voilà comment tous les ministériels se conduisent depuis qu'ils sont au pouvoir, et c'est ce qui explique que les autres pays aient perdu tout respect pour le Canada.
On tente, au Canada, d'étouffer les débats sur les projets de loi; nous en sommes tous témoins. J'ai entendu des gens dire qu'il faudrait que des observateurs des Nations Unies viennent observer les prochaines élections au Canada, et je pense aussi que cela pourrait s'avérer nécessaire.
Les députés d'en face rigolent. Pourtant, compte tenu de ce projet de loi, nous aurions peut-être besoin de pareils observateurs, car il s'agit d'une attaque en règle du gouvernement contre la démocratie. En outre, comme nous pourrons le constater lorsque cette mesure législative sera mise aux voix, aucun de ces députés d'arrière-ban ne défendront les intérêts des Canadiens. Il n'y a que leur premier ministre qu'ils sont prêts à défendre.
Jamais gouvernement n'avait déployé autant d'efforts pour empêcher les Canadiens de voter que le gouvernement actuel, au moyen du projet de loi C-23, la soi-disant Loi sur l'intégrité des élections.
Ce projet de loi vise à exclure les gens du processus démocratique, ainsi qu'à manipuler et entraver le fondement de notre démocratie: notre système électoral. Le ministre d'État à la Réforme démocratique a bien fait son travail. Il a présenté, pour son chef, le genre de mesure législative qui ne ferait que rendre les Canadiens encore plus désabusés à l'égard du processus politique. Les conservateurs espèrent que cela servira à exclure encore plus d'électeurs du système électoral, en particulier les jeunes.
Nous n'avons qu'à écouter quelques-uns des témoins qui ont comparu devant le comité et écouter ce que certaines personnes disent dans les médias. Le gouvernement ne croit pas que tous les partis à la Chambre doivent participer à part égale dans les efforts visant à assurer le bon déroulement des élections fédérales au Canada. Il perçoit plutôt le système électoral comme un outil qu'il peut manipuler à son avantage. Les conservateurs croient que ce type de comportement est parfaitement acceptable.
Selon le gouvernement conservateur, il existe seulement deux types de Canadiens: les bons conservateurs et les mauvais Canadiens. D'après lui, ceux qui s'opposent au gouvernement sont moins Canadiens que les autres. Ils sont anticanadiens, des éléments subversifs, l'ennemi. Cette mesure législative révèle aux Canadiens le genre de gouvernement qui dirige le pays actuellement. Il y a quelque chose de suspect à propos d'un gouvernement qui tente de manipuler le processus démocratique afin de priver les Canadiens de leur droit de vote, tout en craignant d'autoriser des audiences publiques exhaustives à l'échelle du pays pour entendre le point de vue des Canadiens. Un gouvernement un tant soit peu intègre aurait collaboré avec tous les partis sur cette mesure législative ou aurait eu au moins l'intégrité de mener des consultations partout au pays pour entendre ce que les Canadiens ont à dire à ce sujet. Le gouvernement peut encore consulter la population, s'il le souhaite vraiment.
Comme je l'ai dit plus tôt, les députés d'arrière-ban ont la possibilité de faire entendre leur voix pour s'assurer qu'il y a un débat en bonne et due forme, un débat à long terme, et des audiences pancanadiennes où tout le monde pourra se prononcer sur la Loi sur le Parlement et la Loi électorale du Canada.
Il faut situer cette mesure législative — le projet de loi C-23, sur lequel porte la motion d'aujourd'hui —, dans un contexte plus large. L'ancienne vérificatrice générale, Sheila Fraser, a déclaré que le gouvernement minerait la crédibilité de presque tous les organismes indépendants du gouvernement qui exercent une quelconque surveillance. Selon le Globe and Mail du 9 avril, Mme Fraser a déclaré que l'attaque contre M. Mayrand l'avait profondément « troublée », qu'elle était « totalement inappropriée » et que ce genre de commentaires « minent la crédibilité de ces institutions ». Elle a également averti que le projet de loi limiterait indûment le pouvoir du directeur général des élections, menacerait l'indépendance d'Élections Canada et empêcherait les gens, y compris sa propre fille, de voter en raison du resserrement des exigences liées à l'identification. Nous respectons tous Sheila Fraser. Elle a déjà été vérificatrice générale. Lorsqu'elle fait ce genre de commentaire important, nous devons écouter.
Permettez-moi de dresser la liste provisoire des critiques du projet de loi: M. Mayrand; le commissaire aux élections fédérales, Yves Côté; deux de leurs prédécesseurs; Mme Fraser; l'ancien chef du Parti réformiste, Preston Manning; les directeurs provinciaux des élections; Harry Neufeld, l'auteur d'un rapport faisant autorité sur Élections Canada; et des recteurs de facultés de droit. Le 11 mars, on a publié une liste de plus de 100 professeurs d'université qui s'opposent à l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle.
Je terminerai en disant que cette motion exige que nous débattions, en bonne et due forme, des projets de loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada. J'encourage tous les députés d'arrière-ban à prendre la parole, comme ils ont le droit de le faire, pour l'appuyer.