Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de ce projet de loi d'exécution du budget.
Le gouvernement a proposé ce projet de loi pour mettre en oeuvre des dispositions contenues dans le budget qui a été présenté à la Chambre des communes il y a un peu plus d'un mois. Il s'agissait du neuvième budget présenté par l'ancien ministre des Finances, le député de Whitby—Oshawa. Je veux profiter de l'occasion pour souhaiter bonne chance au ministre dans ses projets futurs et pour le remercier des années qu'il a consacrées au service du Canada et de sa province, l'Ontario, où il a siégé à l'Assemblée législative provinciale pendant de nombreuses années. L'ancien ministre s'est acquis énormément de respect de la part des députés des deux côtés de la Chambre, moi y compris. Cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec toutes les mesures qui ont été prises depuis 2006, bien au contraire.
Depuis 2006, beaucoup de choses ont eu des répercussions négatives sur la région de l'Atlantique, sur ma province — l'Île-du-Prince-Édouard — et, bien sûr, sur ma ville, Charlottetown, qui est qualifiée de berceau de la Confédération. C'est une circonscription dont je suis très fier et que j'ai l'honneur de servir.
Le Canada est un pays immense. Il vaut parfois la peine de se rappeler à quel point il est grand. Il est la patrie d'un peuple fier aux origines diverses. Nous habitons un pays aux langues, à la culture et à la géographie variées, mais nous sommes liés par une citoyenneté commune. Nous avons le devoir de consolider les liens créés par cette citoyenneté que nous partageons, ne serait-ce que pour accroître notre sentiment d'unité. Je pense que le gouvernement canadien a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Quand je pense à la citoyenneté, je pense à des droits. Je pense à la Charte des droits et libertés, à la diversité linguistique, à notre culture, à notre hymne national et, aussi, au hockey. C'est pour ces raisons et pour bien d'autres que nous avons réussi à conserver, dans les temps difficiles comme dans les bons moments, un sentiment de fierté canadienne. J'y pense encore davantage en tant que député de la Chambre des communes, où je vois des gens de tout le pays, de tous les partis, de toutes les origines ethniques et culturelles, tenter de faire de leur mieux dans l'intérêt du Canada.
Quand je pense à la citoyenneté, je pense aussi aux responsabilités que nous partageons. Un budget, autant celui d'une famille que celui du gouvernement fédéral, doit tenir compte des moyens de celui qui le fait: d'une part ses revenus et, de l'autre, les dépenses qu'il est obligé de faire pour s'acquitter de ses obligations. Le budget fédéral a ceci de particulier qu'il donne aux gens une idée des valeurs du gouvernement au pouvoir. Il leur donne en tout cas une bonne idée de ses priorités. Il leur permet aussi de voir si le gouvernement cherche ou non à renforcer les fondements de notre citoyenneté. Le budget fait-il comme si les plus vulnérables d'entre nous n'existaient pas? Monte-t-il les régions les unes contre les autres? Monte-t-il les Canadiens les uns contre les autres? Ou cherche-t-il au contraire à renforcer les fondements de notre citoyenneté?
Le gouvernement canadien est le seul à avoir l'obligation de veiller aux intérêts de tous les Canadiens. Il a aussi l'obligation, dans son budget, d'affecter les ressources collectives de manière à envoyer le message que nous sommes tous égaux et que tout le monde doit être traité équitablement, compte tenu des besoins particuliers de chaque région ou province. Je suis navré de dire que la plupart des mesures prises par le gouvernement depuis 2006 ont causé du tort aux Canadiens. En tout cas, elles ont causé du tort aux habitants de ma région et de ma province. Une grande partie de ces mesures ont eu pour effet de miner les liens qui nous unissent et les fondements de notre citoyenneté commune. Voici quelques exemples.
Selon moi, le gouvernement du Canada a le devoir d'offrir des services équitables et accessibles à tous les Canadiens sans exception, quel que soit l'endroit où ils habitent. Il s'agit à mon sens d'un principe fondamental. Je m'inscris en faux contre ceux qui prétendent que le gouvernement doit se faire le plus discret possible et que ce n'est pas à lui d'établir des règles de telle sorte que tout le monde puisse avoir une chance de réussir dans la vie. Depuis huit ans, cette notion s'est pourtant insinuée dans le discours national.
Je m'inscris en faux contre ceux qui prétendent que nous ne sommes pas des citoyens, mais de simples contribuables, comme si la seule voix qui méritait d'être écoutée était celle de ceux que les conservateurs appellent des contribuables. Nous sommes plus que des contribuables, nous sommes des Canadiens. Or, il y a justement de nombreux Canadiens qui, parce qu'ils ne gagnent pas assez d'argent, ne paient pas d'impôts. Je pense entre autres aux aînés qui ont passé leur vie à bâtir leur pays, le Canada; il arrive en effet assez fréquemment qu'une fois à l'automne de leur vie, ils ne gagnent pas assez d'argent pour payer des impôts. En sont-ils moins Canadiens pour autant?
Va-t-on exclure les pauvres de la conversation nationale simplement parce qu'ils ne répondent pas à la définition de contribuable? Est-ce vraiment l'élément central de notre citoyenneté? Notre citoyenneté commune va bien au-delà de cette vision étroite. Contrairement aux membres de l'actuel gouvernement, je ne veux pas d'un gouvernement qui ne s'immisce jamais; je veux un gouvernement qui défend les intérêts de tous les Canadiens, pas seulement de ceux qui réussissent dans la vie ou qui ont beaucoup de moyens.
Les revenus de la plupart des Canadiens ainsi que l'écart grandissant entre ceux qui s'en sortent bien et ceux qui vivent d'un chèque de paie à l'autre ou qui peinent à joindre les deux bouts posent de graves problèmes au Canada. Nous ne dénigrons pas le succès ou les gens qui travaillent fort et qui réussissent dans la vie. Nous ne devrions pas non plus dénigrer ceux qui n'ont pas eu les mêmes chances dans la vie, ceux qui luttent pour ne pas sombrer dans la pauvreté, une pauvreté qui se perpétue parfois d'une génération à l'autre. Nous ne devrions pas dénigrer ceux qui se tournent vers le gouvernement pour obtenir un coup de pouce, pas un cadeau, mais bien un coup de pouce. Nous sommes tous dans le même bateau et lorsqu'une grande partie de nos concitoyens se retrouvent avec peu de possibilités ou d'espoir dans un pays vaste et riche comme le nôtre, nous devons intervenir afin de créer des possibilités.
Je pense au travail remarquable qu'accomplissent, partout au pays et dans ma ville, les gens animés d'un grand esprit communautaire. Jour après jour, ils aident les moins fortunés et se battent pour qu'ils aient accès à davantage de possibilités. En dépit de deux décennies de discussions, nous — cela inclut mon parti — ne nous sommes pas encore dotés d'une vraie stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Les efforts déployés par le précédent gouvernement n'ont pas été suffisants. Nous devrions avoir une stratégie globale de lutte contre la pauvreté, mais nous ne l'aurons pas sous l'actuel gouvernement, simplement parce que le premier ministre du Canada a déclaré, sur un ton condescendant, qu'il incombe aux provinces de s'occuper des pauvres. Le gouvernement fédéral a adopté une position à courte vue et refuse de faire preuve de leadership pour améliorer le sort des personnes qui sont dans le besoin.
Le gouvernement conservateur a ni plus ni moins abdiqué ses responsabilités à l'égard des soins de santé au Canada. Ce faisant, les conservateurs se sont soustraits au rôle et aux responsabilités que le gouvernement du Canada a toujours assumés à l'égard de l'accès égal et universel aux soins de santé. Voici ce que j'entends par citoyenneté commune: des programmes axés sur des valeurs qui renforcent notre appartenance commune.
Puis, il y a la question de l'assurance-chômage, un programme qui a été complètement ravagé par le gouvernement actuel. Dans le cas de ma province, les modifications récentes qui rendent les conditions d'admissibilité plus difficiles à remplir nuisent aux familles en leur causant des difficultés et des soucis. Trop souvent, bien des Canadiens se sentent exclus, rejetés ou, pire, ont l'impression que le gouvernement les prend pour des paresseux ou des tricheurs. Est-ce le genre de citoyenneté commune que les Canadiens veulent ou attendent du gouvernement fédéral? Est-ce cela que les Canadiens méritent?
Que dire de la question du financement des infrastructures et de celle de l'édification du pays? Nous embrassons aujourd'hui, avec un sentiment de vénération et de sentimentalité, l'idée de bâtir une nation comme le symbolise si bien le chemin de fer qui a permis de relier les Canadiens d'un océan à l'autre. Pour pouvoir relier les îles, comme l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons mis en service un traversier. Pensons à un autre investissement important dans l'infrastructure, la route Transcanadienne, autre entreprise ambitieuse pour relier les Canadiens. Ces grands projets ont contribué à bâtir, au sens propre et au sens figuré, le pays et concourent en partie au sentiment de citoyenneté commune. Or, le gouvernement actuel a réduit de 87 % le fonds d'infrastructure Chantiers Canada. Il est stupéfiant de penser que les conservateurs font ces coupes avant d'ouvrir ensuite cyniquement les robinets en vue d'une campagne électorale.
À l'Île-du-Prince-Édouard, nous nous attendons à ce que, en ce qui concerne la Subvention canadienne pour l'emploi, les choses se passent exactement comme pour le financement par habitant en santé et les coupes dans la fonction publique. Les provinces les moins bien nanties vont être pénalisées et ce sont les plus riches qui vont en profiter. Le scénario est déjà amorcé. Nous nous sentons encore une fois tassés dans le coin. Jamais dans l'histoire de ce pays il n'y a eu une vision aussi étroite du rôle du gouvernement canadien. Les conservateurs considèrent que les gens n'ont qu'à se débrouiller. S'ils y arrivent, le gouvernement s'en réjouit et s'en attribue le mérite. Dans le cas contraire, il considère qu'ils n'ont à s'en prendre qu'à eux-mêmes.
Nous pouvons et nous devons faire mieux. Ce budget est affreusement décevant pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard et de Charlottetown.