Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui au sujet de la motion concernant Postes Canada.
En décembre 2013, Postes Canada a annoncé un plan d'action en cinq points conçu pour aider la société à retrouver son autonomie financière d'ici 2019.
La nécessité de transformer l'administration postale n'est pas une question qui touche uniquement le Canada. Les volumes de courrier sont en baisse partout dans le monde, selon l'Union postale universelle, l'organisme des Nations Unies chargé de fixer les règles des échanges de courrier à l'échelle internationale, en particulier dans les économies développées. Cette situation est attribuable à la croissance des communications électroniques, comme le courriel et les téléphones intelligents, y compris l'envoi de messages textes, ainsi qu'à l'augmentation des communications électroniques.
Il y a 10 ans, la grande majorité des factures étaient payées par la poste. De nos jours, les gens paient leurs factures en ligne, et certaines entreprises imposent même des frais supplémentaires aux clients qui préfèrent encore recevoir leurs factures par la poste.
La rédaction de lettres personnelles est aussi une pratique en voie de disparition. Finie l'époque où le courrier était livré plusieurs fois par jour, comme c'était le cas par exemple au Royaume-Uni. Depuis, les voitures ont remplacé les chevaux, les ordinateurs ont pris la place des calculatrices mécaniques et le courrier électronique et le texto sont en train de déloger rapidement ce que plusieurs Canadiens qualifient de « courrier escargot ».
Les entreprises spécialisées dans les cartes de souhaits éprouvent aussi des difficultés économiques attribuables à la popularité grandissante des cartes d'anniversaire électroniques. Aux États-Unis, où est livré environ 40 % de tout le courrier mondial, le Government Accountability Office prévoit que le volume de courrier pourrait diminuer de 60 % d'ici 2020, comparativement aux sommets enregistrés en 2006. Une étude réalisée par cette organisation en 2012 a aussi révélé que le service postal des États-Unis présentait une capacité de traitement excédentaire, et ce, même s'il avait apporté des compressions importantes dans ses installations de tri et ses activités depuis 2006. La même étude prévoit que le service postal des États-Unis encaissera des pertes nettes de l'ordre de 21 milliards de dollars d'ici 2016.
Jusqu'à tout récemment, la Poste royale britannique fonctionnait à perte étant donné la baisse des volumes de courrier et la déréglementation du marché postal en 2006. Cette déréglementation a ouvert la porte à des entreprises postales étrangères, qui ont commencé à s'implanter dans le secteur très lucratif du courrier commercial à faible coût en milieu urbain. Ces entreprises ont offert des tarifs moins élevés que la Poste royale, nuisant ainsi encore davantage aux revenus de celle-ci.
Dans la plupart des pays du Nord de l'Europe, comme les Pays-Bas et la Scandinavie, où le taux de pénétration d'Internet dépasse les 90 %, le pourcentage de la baisse du volume de courrier se situe dans les deux chiffres.
Dans le reste du monde, comment compose-t-on avec le déclin de l'activité postale?
Dans chaque pays, l'environnement des opérations postales est unique et se fonde sur des caractéristiques géographiques, démographiques et climatiques. Compte tenu des différences entre les pays et, dans une certaine mesure, leurs politiques, il n'est pas étonnant que chacun réagisse à sa manière à la baisse du volume du courrier.
Ainsi, en juillet dernier, un projet de loi a été présenté au Congrès des États-Unis. S'il est adopté, il autorisera le service postal fédéral à supprimer la livraison du courrier à domicile et à ne distribuer les envois que du lundi au vendredi.
Selon le Service postal des États-Unis, à peu près 30 millions d'Américains, soit moins de 10 % de la population, reçoivent leur courrier à domicile, ce qui représente pour lui une facture annuelle d'environ 353 $ par ménage. En comparaison, la livraison aux boîtes aux lettres communautaires ne coûte annuellement que 160 $ par adresse. Cependant, peu d'Américains consacrent plus qu'une fraction des coûts annuels de livraison à l'achat de timbres. L'objectif consiste donc à réduire autant que possible les coûts de livraison, d'autant plus que le service postal a le mandat d'équilibrer son budget, ce qu'il n'est pas parvenu à accomplir depuis des années.
S'il devait être adopté, ce projet de loi supprimerait également, pour les nouveaux employés, la garantie de non-licenciement qui figure actuellement dans les conventions collectives.
Puisque le projet de loi n'a pas encore été adopté, le Service postal des États-Unis fait ce qu'il peut pour réduire ses frais d'exploitation. Par exemple, il a déjà écourté les heures d'ouverture de plus de 6 000 bureaux de poste, espérant ainsi économiser 500 millions de dollars par année.
Au Royaume-Uni, l'État a décidé de privatiser la Poste royale. En effet, il a adopté en 2011 le projet de loi ouvrant la voie à cette mesure, bien que la Poste royale demeure tenue d'assurer un service postal universel. Ayant conscience qu'aucune privatisation n'était possible tant que la société d'État était déficitaire, le Royaume-Uni a donc décidé d'en accroître les revenus en haussant le prix des timbres l'année suivante, à raison respectivement de 30 % et de 36 % pour le courrier de première et de deuxième classe. Au taux de change actuel, un timbre de première classe coûte donc plus de un dollar.
Le gouvernement britannique a aussi pris à sa charge l'actif du régime de retraite de la Royal Mail, qui s'élève à 28 milliards de livres Sterling, soit environ 45 milliards de dollars canadiens. Il a également décidé d'assumer le passif du régime de retraite, qui s'élève à 8,4 milliards de livres, soit environ 14 milliards de dollars, de plus que l'actif. La Royal Mail a ainsi pu réaliser un bénéfice en 2011 et 2012. En 2012, les bureaux de poste ont été transférés à une société distincte à responsabilité limitée, qui a reçu près de 2 milliards de dollars en subventions du gouvernement.
Le plan d'action en cinq points de Postes Canada évite de devoir verser des subventions coûteuses, comme les gouvernements d'autres pays, notamment le Royaume-Uni, ont versées à leur service des postes.
La société Deutsche Post a également été privatisée, mais l'Allemagne a choisi une approche très différente de celle de la Grande-Bretagne. Le gouvernement allemand a donné à la Deutsche Post la liberté d'élargir ses activités tout en continuant de fonctionner dans un marché postal allemand protégé. Cette protection du marché a été mise en place avant l'introduction en bourse de la Deutsche Post en 2000 et est restée plusieurs années par la suite. En 1998, la Deutsche Post a commencé à racheter DHL et a depuis consolidé son leadership dans le secteur de la logistique et du transport à la faveur d'acquisitions subséquentes d'autres entreprises. La protection accordée à la société Deutsche Post pendant son expansion lui a permis de devenir la plus grande société de messageries du monde.
En fait, la livraison postale représente moins de 20 % des affaires de DHL. Constatant l'avènement des communications électroniques, la Deutsche Post a été l'une des pionnières du courrier hybride. Le courrier peut être envoyé électroniquement par courriel, puis livré sur papier. L'inverse est également possible. Le courrier est alors numérisé, envoyé électroniquement, puis imprimé au moyen d'une imprimante pratique de la Deutsche Post. Les documents juridiques sont souvent envoyés de cette façon.
D'autres services postaux ont aussi diversifié leurs activités pour compenser la baisse de la rentabilité de leurs services postaux. Australia Post, par exemple, a diversifié ses activités en vendant des licences aux bureaux de poste, qui vendent aussi des articles électroniques, des articles de voyages, des livres, des téléphones, et cetera. Cette diversification visait à contrer une baisse des revenus des activités postales. L'année dernière, Australia Post a affiché une perte record de 187 millions de dollars australiens dans son secteur du courrier postal. Australia Post vient de réaliser un sondage pour déterminer si les clients préféreraient que leur courrier leur soit livré trois fois par semaine ou qu'il soit livré tous les jours, moyennant des frais annuels de 30 $.
Le Canada est un grand pays, le plus grand des pays du G7. Il compte peut-être à peine 100 kilomètres carrés de plus que les États-Unis, mais sa superficie est presque 40 fois celle du Royaume-Uni. La population des États-Unis est plus de 10 fois supérieure à celle du Canada, et celle du Japon, plus de 100 fois supérieure, mais la poste canadienne réussit, parfois dans des conditions météorologiques difficiles, à distribuer le courrier sur de vastes distances à un prix concurrentiel. Les autres pays n'ont pas les mêmes défis à relever.
Au lieu d'étendre ses activités commerciales à des domaines qui ne lui conviennent pas, la Société canadienne des postes a cherché à répondre à une question encore plus importante: de quels services postaux les Canadiens ont-ils besoin? Elle a réagi au déclin du volume de courrier en élaborant son plan d'action en cinq points, qu'elle a annoncé en décembre 2013.
Ce plan respecte le Protocole du service postal canadien, que le gouvernement avait annoncé en 2009. Il est facile de reprocher à la Société canadienne des postes de prendre des mesures visant à assurer la viabilité des services postaux canadiens tout en répondant aux besoins des consommateurs, mais si elle ne fait rien, sa survie pourrait être menacée, ou alors les services postaux, qui ne seraient plus économiquement viables, pourraient accumuler d'énormes dettes que les contribuables devraient assumer.
S'il est vrai que le volume de courrier est en déclin, la disparition des services postaux n'est pas encore imminente. Le Canada compte sur la Société canadiennes des postes pour distribuer le courrier, et le gouvernement s'attend à ce qu'elle continue d'offrir ce service pendant encore de nombreuses années tout en gérant judicieusement ses finances.