Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'être entendu, aujourd'hui.
Cet enjeu, vous vous en doutez — nous en avons souvent parlé à la Chambre —, nous préoccupe beaucoup, au Québec. Les enjeux nous apparaissent déjà assez bien définis. Les solutions sont également assez bien définies, il me semble, mais, pour une raison que je ne m'explique pas, le gouvernement en place ne semble pas vouloir aller de l'avant, ce qui nous préoccupe grandement. Je m'explique.
Au Québec, le problème de la prostitution est surtout préoccupant chez les jeunes filles de moins de 18 ans. Nos centres jeunesse de la région de Montréal sont devenus des points de recrutement pour la prostitution. En fait, depuis quelques années, il y a eu de nombreuses interventions. En tant que député, et en tant qu'avocat avant d'être député, j'ai eu l'occasion de rencontrer bon nombre d'intervenantes qui travaillent au sein de ces organismes et qui se disent préoccupées, et ce, depuis des années.
Avant les élections de 2011, la députée du Bloc québécois Maria Mourani avait présenté le projet de loi C-612 à ce sujet, et ce projet de loi est mort au Feuilleton, à la suite des élections de 2011. Il a été présenté à nouveau par la suite, aux environs de 2013. En 2015, le projet de loi C-452 de Mme Mourani a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Il a ensuite été adopté au Sénat et a reçu la sanction royale, le 18 juin 2015.
Que disait ce projet de loi? Il créait d'abord une présomption à l'effet qu'un individu qui vit dans le même appartement qu'une personne qui pratique la prostitution, est réputé vivre des fruits de la prostitution, réputé être un proxénète. Cela renversait le fardeau de la preuve, ce qui évitait à ces jeunes filles, souvent très jeunes — mes collègues du Sénat l'ont dit —, des jeunes filles parfois de 12, 13, 15 ou 16 ans, de témoigner de la culpabilité d'un proxénète, qui leur fait peur et qui les a contrôlées auparavant. Cela devenait très difficile d'apporter ce genre de preuve. On a donc renversé le fardeau de la preuve.
Le projet de loi donnait également la possibilité de saisir les biens qui avaient été acquis au moyen des fruits de la prostitution. Il y avait une question de concordance et il y avait également la question des peines qui devaient être purgées de façon consécutive, ce qui nous apparaissait comme un élément dissuasif important dans le processus de lutte contre la prostitution.
Le projet de loi C-452, qui répondait à ces importantes questions, a reçu la sanction royale en juin 2015. Tout le monde espérait que, au courant de l'été, on allait adopter le décret pour son entrée en vigueur et enfin pouvoir dire aux jeunes filles qu'on leur offrait une protection qui avait du sens. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés en campagne électorale à la fin de l'été et, quand le nouveau gouvernement a pris le pouvoir en octobre 2015, il a relégué le projet de loi C-452 sur les tablettes. On l'a oublié pendant un bout de temps.
Ensuite, de nombreuses pressions ont été faites, vous le savez, tant par mon parti et nos députés que par la société civile et, finalement, le gouvernement actuel a décidé de présenter un autre projet de loi, le projet de loi C-38, le 9 février 2017. Le seul objet du projet de loi C-38 est de prévoir le processus d'entrée en vigueur du projet de loi C-452. Il ne fait rien d'autre que cela. On disait qu'on était d'accord sur le projet de loi C-452 et qu'on allait le faire entrer en vigueur immédiatement en ce qui concerne les articles 1, 2 et 4. Quant à l'article 3, sur les peines consécutives, on n'en était pas certain. On pensait que cela ne passerait pas le test de la Constitution. On remettait donc l'entrée en vigueur des peines consécutives à une date ultérieure.
En février 2017, tout le monde espérait qu'à tout le moins ce soit déposé et que l'entrée en vigueur se fasse rapidement. Malheureusement, aujourd'hui, en mai 2018, un an et quelques mois plus tard, toujours rien n'a été fait, et de plus, une autre façon de reporter le tout et de le « pelleter par en avant ». On a donc créé le projet de loi C-75, un projet de loi mammouth comme vous le savez. On y a inclus le projet de loi C-38, qu'on traitera à un moment donné.
Depuis 2011, on n'est pas sérieux. Je suis gêné de dire que je siège à un Parlement qui ne prend pas ce problème plus au sérieux. On ne cesse pas de repousser cette question. Il y a eu les projets de loi C-612, C-452, C-38 et C-75.
Est-on d'accord ou ne l'est-on pas? On adopte un projet de loi à l'unanimité, il reçoit la sanction royale et on laisse aller les choses. Pour ma part, je trouve indécent et gênant que ces jeunes filles, qui comptent sur nous, soient encore aux prises avec des proxénètes. Les gens ne comptent pas sur nous seulement pour présenter des excuses et dire que ce qui est arrivé il y a 100 ans, 50 ans ou 200 ans était bien triste. Ils comptent sur nous pour contribuer à éliminer des problèmes quotidiens, immédiats, auxquels ils font face.
Parfois, il n'y a pas de solution. Cela arrive. Dans certains cas, les solutions sont compliquées et demandent du temps. Par contre, on parle ici d'un problème auquel il y a une solution sur laquelle on s'est entendu et qu'on a adoptée.
Peut-on l'émettre, ce décret?
C'était mon témoignage d'aujourd'hui, monsieur le président. Je m'arrête ici. Je pense que mon message est clair.