Merci, monsieur le président.
C’est vraiment une belle occasion de discuter avec le Comité de la procédure de certaines de ces questions fondamentales. Je vous suis très reconnaissante de me donner la chance de participer au débat et je remercie M. Baylis; vous êtes nombreux à cette table à avoir, vous aussi, contribué à la préparation de ces propositions.
M. Baylis m’a demandé de parler précisément des points concernant le Président, les questions et l’identification des intervenants, ainsi que le rôle des whips. Je vais juste prendre du recul et dire que je constate, maintenant que je suis sur le point d’avoir 65 ans, que je suis parfois affligée d'une très bonne mémoire. J'ai également l'avantage d'avoir écouté des députés qui sont maintenant décédés me raconter leur histoire, alors pardonnez-moi d’enfiler en quelque sorte l'habit du conteur. On réfléchit à la continuité au sein de notre Parlement et on sait, en fait, à quoi cela a déjà ressemblé, mais on passe rapidement à autre chose. Un député nouvellement élu n’a aucune idée que les choses n'ont pas toujours été ainsi.
J’ai la grande chance d’avoir travaillé dans l’administration Mulroney — je n’étais pas membre du parti qui était au pouvoir à l’époque — à titre de conseillère principale en matière de politique auprès du ministre de l’Environnement. J’étais souvent à la Chambre et je travaillais avec le Président de la Chambre de l’époque, M. John Fraser, pour essayer de voir s’il y avait moyen d’obtenir l’appui de tous les partis à l'égard de l'un de nos projets. Un jour de gloire, nous avons obtenu le consentement unanime pour sauver le tiers inférieur de ce qui s’appelait alors les îles de la Reine-Charlotte, mais qui porte maintenant le nom de parc national Gwaii Haanas, à Haida Gwaii.
J’ai un peu de mémoire institutionnelle et je me retrouve souvent à espérer ne pas avoir une aussi bonne mémoire; il serait plus facile de tolérer ce qui se passe.
De toute façon, je veux aussi vous parler de Flora MacDonald, parce que j’adorais cette femme. Elle était mon modèle et mon héroïne. Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, elle a été députée progressiste-conservatrice de la région de Kingston et a brièvement fait partie du gouvernement de Joe Clark. Elle n’aurait jamais toléré le chahut autour d’elle, c’est certain. Je lui ai demandé si elle pensait qu’un tel faisait du bon travail comme Président. Elle a répondu: « qu'il n'y avait pas eu un bon Président depuis Lucien Lamoureux. » J'ai fait mes recherches pour savoir qui était Lucien Lamoureux et quand il avait été Président. C’était de 1966 à 1974.
Donc, une personne dotée d'une mémoire encore meilleure que la mienne, mais qui est maintenant décédée, pensait ainsi. Quand on remonte un peu le temps, on se rend compte que l’histoire de notre Parlement et de notre démocratie en ce qui concerne le rôle des députés et le nôtre lorsque nous venons ici pour servir est une histoire de progression continue... Je ne dirais pas que c’est la démocratie par opposition à l’autocratie, mais il y a un peu de cela; le rôle du député est amoindri au détriment du renforcement du pouvoir des partis politiques organisés. Les partis politiques organisés, surtout les acteurs en coulisses, décident que ce que nous faisons vraiment au Parlement n’est qu’un signe avant-coureur de la reprise des combats en campagne électorale, de sorte que les activités du Parlement sont maintenant supplantées par les whips des partis ou les acteurs des partis de l'antichambre contrairement à ce qui se faisait dans les années 1980, par exemple.
Maintenant, en nous concentrant sur la question de l’autorité du Président et sur la façon dont nous pouvons améliorer le décorum, rehausser la qualité du débat et redonner plus de pouvoirs au député, nous pouvons atteindre beaucoup d’objectifs en même temps en observant une règle que nous avons déjà. Je veux aborder cette question très rapidement parce que je sais que nous voulons tous parler de ces choses.
Lorsque Lucien Lamoureux était Président, le Président était le seul à décider qui avait la parole à la Chambre. Il avait aussi des pouvoirs — comme les Présidents en ont toujours, mais ils sont tombés en désuétude — et les députés qui faisaient fi du Président de la Chambre, comme cela se fait tous les jours maintenant, auraient été pointés du doigt et expulsés de la Chambre et ils n’auraient pas été autorisés à revenir pendant un certain temps, à la discrétion du Président — une semaine, deux mois, six mois.
Le Président était aussi ultra-impartial. Une des choses pour lesquelles Lucien Lamoureux est connu, c’est qu’il a essayé d'appliquer la pratique britannique. Il avait été élu comme conservateur. Lorsqu’il est devenu Président de la Chambre, ce qui n’était pas un poste pour lequel nous votions à l'époque, il s’est présenté de nouveau comme indépendant. Les libéraux et les progressistes-conservateurs se sont retirés et ne se sont pas présentés contre lui en tant qu'indépendant. Le NPD s’est présenté contre lui. Il a été réélu comme indépendant. La fois suivante, tous les partis se sont présentés contre lui. Avec le temps, il a baissé les bras et ne s'est plus efforcé de reproduire ce qui se passe au Royaume-Uni: le Président devrait être entièrement impartial.
Quant à ce qui s’est passé avec Jeanne Sauvé, qui a été Présidente de 1980 à 1984, elle avait des problèmes de vue. C’était légitime.
Sa vue n'était pas vraiment bonne. Il faut attirer l'attention du Président pour demander la parole. C’est notre règle qui a été confirmée par l’ancien Président Andrew Scheer dans sa décision sur la question de privilège personnel de Mark Warawa à qui on avait refusé la possibilité de faire une déclaration conformément à l'article 31 du Règlement. Nous savons que, selon la règle, il faut capter l'attention du Président. D'après l’ancien Président Scheer, il n’existe pas de liste de parti que le Président soit tenu de respecter. Il suffit d'attirer l’attention de l'occupant du fauteuil, ce qui était impossible dans le cas de Jeanne Sauvé. Elle disait qu’elle ne pouvait pas voir tout le monde suffisamment bien au fond de la Chambre pour savoir qui demandait la parole. Elle a donc demandé la liste à un des whips pour que sa tâche soit plus facile. Cette pratique est tellement devenue une habitude que les Présidents n'ont pas envie de revenir en arrière pour affirmer qu'ils ne sont pas tenus de suivre la liste des partis.
Que se passe-t-il au Royaume-Uni? John Bercow est Président au Royaume-Uni. Je suis certaine que nous nous sommes tous amusés à le regarder. Un député lui demande par écrit de poser une question tôt dans la journée. Il décide des questions qui seront posées. Il ne s'agit pas vraiment d'attirer l'attention du Président — bien sûr, le Parlement de Westminster compte plus de 600 députés; il n'y a pas assez de place pour tout le monde —, mais vous savez à l’avance que vous allez pouvoir poser votre question. C’est au Président de décider.
Alors, qui a le pouvoir? C'est le Président. Allez-vous déjouer le Président, enfreindre le protocole, enfreindre le Règlement ou agir avec mépris à l’égard du Président ou du décorum de la Chambre? Non. Le pouvoir dans cette chambre appartient au Président.
Je pense que nous voulons tous parler de ces questions et de ce que vous pensez des propositions que nous avons élaborées en groupe. En terminant, je tiens à remercier d’autres personnes qui ont éclairé cette démarche. J’ai beaucoup appris de Brent Rathgeber lorsqu’il était conservateur d’Edmonton—St. Albert et j’ai beaucoup aimé travailler avec lui. Il a vraiment défendu les droits du député dans cette enceinte. Il y a aussi Kennedy Stewart, qui a pris l’initiative de travailler avec un certain nombre d’entre nous. Je ne vais pas énumérer tout le monde; le produit de la vente sera remis au Samara Centre. Bien sûr, Scott Reid et Michael Chong y ont participé. Nous avons tous joué un rôle dans la réorganisation du Parlement.
Simplement pour que ce soit consigné au compte rendu et que les Canadiens sont peut-être intéressés de le savoir, cet effort a généré un caucus multipartite pour la démocratie. Ce qui nous rassemble, c’est notre manière de progresser, malgré nos affiliations politiques, pour réduire le pouvoir que les partis politiques ont sur les députés. Je pense que c’est un projet fascinant. Anita Vandenbeld est l’actuelle présidente du caucus pour la démocratie, mais nous représentons tous les partis, donc, toute personne qui veut se joindre à nous qui n'a pas déjà... Nous réfléchissons déjà à ce que nous allons faire après les prochaines élections, selon qui est réélu et qui ne l’est pas. Comment continuer sur cette lancée?
Quoi qu’il en soit, le PROC est le comité officiel de la démocratie, de nos règles et de la façon dont nous nous conduisons ici. Je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de lancer un appel public au Comité pour que vous encouragiez le Président à ne pas craindre la colère du whip du parti. Le Président pourrait simplement décider de dire qu'il n'a pas besoin de ces listes, qu’il peut voir tout le monde d’où il est assis, qu’il connaît chacun par son nom et qu’il prendra une décision en sa qualité de Président, ou nous pourrions adopter la pratique qui a cours au Royaume-Uni et qui consiste à soumettre les questions au Président à l’avance et à voir lesquelles il choisit.
Nous pourrions ainsi certainement atteindre bien des objectifs, à savoir renforcer l’indépendance et le pouvoir des députés. Nul doute que cela permettrait d'améliorer le décorum à la Chambre et servirait l’objectif très salutaire de rééquilibrer les choses en ne modifiant pas le Règlement, car ce sont nos règles. En ce qui concerne nos règles, j’aimerais bien ajouter l’interdiction de livrer des discours, mais cela ne fait pas partie des propositions dont nous sommes actuellement saisis.
J’aimerais bien approfondir la question et voir ce que nous pouvons faire au cours des derniers jours de la présente session parlementaire pour faire avancer l'effort louable de respecter le fait que, dans ce pays, personne n’est élu député s'il n’a pas déjà fait un travail considérable au service de sa communauté. Je pense que nous nous soucions tous de nos communautés et que nous avons tous une tête sur les épaules. Nous n’avons pas vraiment besoin de laisser notre cerveau à la porte dès que nous devenons membres du Parlement à cause du pouvoir de l’antichambre.
Merci.