Merci beaucoup de nous donner la possibilité de témoigner aujourd'hui.
Je veux aussi souligner que l’endroit où nous sommes réunis aujourd’hui fait partie du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine Anishinabeg.
La question de la condition physique et du niveau d’activité physique des jeunes au Canada est importante.
J'aimerais préciser qu'il s'agit d'une étude à la fois opportune et stratégique. Elle dénote une certaine volonté politique et le désir de renforcer les liens entre les compétences et les secteurs concernés. Il est donc permis d'être optimistes, puisqu'il s'agit d'un moment charnière pour nous tous.
Éducation physique et santé Canada existe depuis plus de 85 ans. Notre organisation s'est taillé une place unique dans le tissu canadien, puisqu'elle est idéalement placée pour connaître tant la condition physique et le niveau d'activité physique de la population que les systèmes qui les sous-tendent. Notre travail englobe l'activité physique, la culture de l'activité physique, le sport, l'éducation physique et la santé.
Au sein du système scolaire, Éducation physique et santé Canada soutient deux volets déjà abordés par l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, soit l'éducation à la santé et l'éducation physique. De façon plus générale, nous faisons la promotion de la santé dans l'ensemble du système scolaire grâce au cadre de l'approche de santé globale en milieu scolaire.
Éducation physique et santé Canada est géré par un conseil de direction composé de professionnels de l’éducation physique et de l’éducation à la santé qui représentent leurs associations canadiennes, de même que par un conseil de recherches qui réunit plus de 100 représentants des facultés d'éducation, de kinésiologie et de santé au pays.
Les enjeux auxquels sont confrontés les jeunes aujourd'hui ne sont pas la responsabilité d'un système en particulier, et le sport n'est pas l'unique solution. Nous avons tous un rôle à jouer. Ce principe est au cœur de la Canadian Alliance for Healthy School Communities, que nous avons fondée.
Je suis la directrice générale d'Éducation physique et santé Canada, tandis que Mme Zakaria en est la gestionnaire des Campagnes et programmes. À ce titre, nous avons le privilège de travailler avec plus de 100 000 enseignants, administrateurs scolaires, leaders communautaires, professionnels de la santé et jeunes à l'amélioration de la santé et du mieux-être de plus de cinq millions d'enfants canadiens. Je suis donc très heureuse de vous transmettre ce que nous savons sur cet enjeu important. Malheureusement, le message central de mon témoignage n'est pas positif. Permettez-moi d'abord de le mettre en contexte.
Je vous rappelle que s'adonner régulièrement à de l'activité physique maintient et favorise la vie. C'est un simple fait. C'est le deuxième jour de vos travaux sur la question. Vous connaissez donc tous les faits sur la santé cardiovasculaire, le diabète, etc. Malgré cela, les gens continuent de mener des vies de plus en plus sédentaires et inactives, et les systèmes dans lesquels nous évoluons favorisent cette inactivité.
L'inclusion aujourd'hui à la liste de témoins de représentants du système scolaire de la maternelle à la 12e année, et plus particulièrement d'Éducation physique et santé Canada, est un choix judicieux. Les domaines de la santé, de l'éducation et du sport sont interreliés quand il est question de la santé de nos jeunes et des solutions aux problèmes connexes.
La conversation que nous avons aujourd'hui est donc aussi opportune que stratégique, et ce, pour trois grandes raisons.
D'abord, nous savons pourquoi il faut agir. Plus que jamais auparavant, les jeunes Canadiens mènent une vie sédentaire. Les preuves à cet effet abondent. Et les conséquences de cette sédentarité sur leur santé physique et mentale sont durables. Il est certes facile de jeter le blâme sur le temps passé devant un écran et les jeux vidéos, mais les raisons sont bien sûr beaucoup plus complexes. Elles sont liées à la façon dont nous concevons nos collectivités, nos écoles, nos gouvernements, nos routes et nos infrastructures, à notre culture et à notre perception de ce qui est sûr, entre autres. La complexité de tout cela exige la concertation de tous les intervenants.
Ensuite, il est important de participer à la conversation, car elle arrive à point nommé. Adopter des comportements sains tôt dans la vie accroît les possibilités d'être actif tout le long de sa vie. De la maternelle à la 12e année, les écoles ont plus d'influence sur la vie des jeunes que toute autre institution sociale. Ce qui est acquis pendant cette période déterminante dure toute la vie.
Enfin, les écoles constituent la seule institution sociale apte à joindre pratiquement tous les enfants, peu importe leur sexe, leur âge, leurs capacités, leur culture, leur religion ou leur statut socioéconomique. Ainsi, les écoles sont un moyen idéal pour soutenir les enfants et les jeunes et optimiser leur développement de façon équitable.
La dernière Enquête canadienne sur les mesures de la santé établit que 95 % des enfants canadiens ne consacrent pas suffisamment de temps à l'activité physique au quotidien. De plus, on constate que 51 % des enfants canadiens n'ont pas l'occasion de participer à des activités physiques à l'extérieur du milieu scolaire.
Pour ces jeunes, ces 51 ou 49 %, leur activité physique se résume à l'éducation physique et aux sports en milieu scolaire. C'est limpide: nous savons pourquoi il est important de bouger; nous savons que les enfants sont en milieu scolaire et que c'est le meilleur véhicule pour tous les inclure dans nos efforts. Donc, il est crucial de saisir les occasions d'éducation physique et d'activité physique qui se présentent avant, pendant et après l'école si nous voulons avoir un impact sur leur vie. Pourtant, le pourcentage d'écoles au Canada qui disent assurer le niveau d'activité physique adéquat chaque jour à leurs élèves, c'est-à-dire 60 minutes, varie de 8 à 65 % selon l'année scolaire. Pourquoi?
C'est systémique: ce problème est en grande partie attribuable à la nature intersectorielle de l'activité physique. L'absence d'un partenariat conscient, planifié et durable de même que l'absence de collaboration ou de mécanismes connexes entre les secteurs du sport, de l'activité physique, de la santé, des loisirs et de l'éducation constituent certaines des lacunes qui contribuent à cette carence. À vrai dire, il y a très peu de soutien en place et, lorsqu'il y en a, c'est à petite échelle et axé sur des projets.
Mais c'est aussi un problème d'éducation. Les programmes d'éducation physique varient d'un bout à l'autre du pays, et chaque province a ses propres exigences quant au temps minimal réservé chaque jour à l'éducation physique. Ainsi, on estime que seulement 22 % des enfants canadiens sont actifs tous les jours à l'école.
Nos résultats aux derniers tests illustrent bien ce qui a été dit dans le témoignage précédent. Selon les résultats des tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le Canada se classe au 2e rang en sciences, au 3e rang en lecture et au 14e rang en mathématiques. Toutefois, sur les 29 pays évalués, le Canada se classe 17e pour l'activité physique.
Le bien-être global de nos jeunes est en péril. À l'échelle nationale, nous avons également reçu la note D+ pour le niveau d'activité physique. Des résultats qui augurent mal pour l'avenir. Mais, au-delà des conséquences physiques, comme le diabète, un manque d'activité physique comporte aussi des risques pour la santé mentale. Soixante-dix pour cent des maladies mentales se déclarent pendant l'enfance et l'adolescence. Un Canadien de moins de 18 ans sur 5 est atteint d'au moins une maladie ou un trouble mental. Nous savons également que les enfants sont victimes d'intimidation, d'exclusion et d'intolérance, à l'école et ailleurs, ce qui réduit leurs occasions d'établir et de maintenir des relations saines, y compris pendant les jeux actifs et leurs loisirs.
Chez bien des enfants d'âge scolaire, cela se traduit par la solitude, l'anxiété, un état dépressif et le stress. Les répercussions sur leur santé et leur bien-être futurs sont profondes. Bref, bouger et faire de l'activité physique ne peuvent pas être de simples activités. Cela doit devenir partie intégrante de qui nous sommes, de notre identité. Quand l'éducation physique et l'activité physique sont marginalisées dans les écoles et ailleurs, nous disons aux jeunes que leur corps est une entité distincte de leur esprit et, de bien des façons, nous leur montrons qu'il n'est pas important de bouger. Il est facile de deviner la suite. Selon des données empiriques, quand bouger fait partie de nos activités quotidiennes, les résultats scolaires s'améliorent et diverses possibilités d'innovation et d'apprentissage socioaffectif émergent. On constate même une réduction de l'anxiété et une amélioration de la santé mentale.
Nous pouvons obtenir des résultats en activité physique qui sont comparables à ceux en mathématiques et en sciences, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Prenons un peu de recul afin de bien voir le portrait général: le système de santé canadien est coincé entre, d'une part, les exigences économiques et, d'autre part, le vieillissement de la population et la santé toujours plus mauvaise des jeunes. Les coûts annuels de la sédentarité pour le système de santé canadien sont d'environ 6,8 milliards de dollars, soit près de 4 % des frais de santé totaux des Canadiens.
Je suis persuadée que d'autres témoins vous feront part de statistiques semblables. Ce qu'il faut en comprendre, c'est que nos enfants sont sur la mauvaise voie. Ils bougent moins et passent plus de temps assis. En réalité, nous avons les moyens de faire mieux. Ce que nous ne pouvons pas nous permettre de faire, c'est d'attendre.
Renverser la vapeur n'est pas simple. Beaucoup de difficultés nous attendent dans nos efforts pour faire bouger nos enfants davantage, et nous n'avons pas le temps de toutes les explorer aujourd'hui. Plusieurs doivent être abordées de front, en commençant par l'équité. Les enfants n'ont pas tous le même accès aux avantages d'une activité physique régulière. Comme je l'ai dit, seulement 51 % d'entre eux participent à des activités sportives à l'extérieur de l'école.