Que la Chambre: a) reconnaisse qu’Internet s’est développé grâce aux principes de neutralité que sont l’ouverture, la transparence, la liberté et l’innovation; b) reconnaisse que le Canada dispose en matière de neutralité du Net de règles solides qui reposent sur la Loi sur les télécommunications et qui sont appliquées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC); c) reconnaisse que le maintien d’un Internet ouvert et de la libre circulation de l’information est vital pour la liberté d’expression et la diversité, l’éducation, l’entrepreneuriat, l’innovation, la démocratie canadienne, et la prospérité économique et sociale future des Canadiens; d) exprime qu’elle appuie fermement la neutralité du Net et le maintien d’un Internet ouvert, exempt de discrimination injuste et d’interférence; e) demande au gouvernement d’inclure la neutralité du Net comme un principe directeur des prochains examens de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion afin d’explorer les possibilités de mieux inscrire dans la législation les principes de neutralité dans la prestation et la distribution de tous les services de télécommunications.
— Monsieur le Président, j'ai l'honneur de lancer aujourd'hui le débat sur la motion M-168. Je tiens d'abord à remercier M. Andrew Quinn de sa rigueur, de tout le travail qu'il a accompli et de ses excellentes recherches. Je remercie aussi le député de Laurentides—Labelle d'appuyer la motion.
La motion M-168 vise à renforcer et à protéger l'ouverture d'Internet au Canada en faisant de la neutralité du Net l'un des principes directeurs de l'examen que fera prochainement le gouvernement du Canada de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion. L'objectif? Intégrer à la législation les principes de neutralité dans la prestation de tous les services de télécommunication.
La neutralité du Net occupe de plus en plus de place dans l'esprit des Canadiens, alors le gouvernement du Canada doit absolument réaffirmer sa détermination à tout faire pour qu'Internet demeure neutre et ouvert pour tous les Canadiens. Je crois aussi qu'il est temps que les Canadiens discutent sérieusement de cet enjeu.
Même si l'expression « neutralité du Net » n'est pas familière à tous, tous les Canadiens en ont déjà récolté les fruits. Le concept de neutralité du Net suppose que la totalité du trafic sur Internet est traitée de la même façon par les fournisseurs de services Internet, un terme que je me permets d'abréger en FSI, parce que je l'emploierai très souvent. Quand le Web est neutre, les FSI ne sont pas censés bloquer ou ralentir l'accès au contenu légitime, et ils ne sont pas censés non plus créer des voies express pour les fournisseurs de contenu prêts à délier les cordons de la bourse. Par exemple, les lois de la neutralité du Net empêchent un FSI donné de ralentir l'accès des usagers à un service comme Netflix dans le but de les inciter à se tourner vers un concurrent qui lui verserait davantage d'argent afin d'accélérer son service de diffusion en continu. Le concept de neutralité du Net est intrinsèquement lié à la manière dont nous consommons et échangeons de l'information au Canada, et il a même contribué au succès économique du pays.
Il est important de noter que l’expression neutralité du Net n’est ni utilisée ni définie dans la Loi sur les télécommunications. Jusqu’à aujourd’hui, le Canada s’est engagé à assurer cette neutralité, et nous bénéficions de certaines des protections garanties en vertu du concept de transport commun.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, définit la neutralité du net comme étant:
[…] un concept selon lequel tout le trafic sur Internet doit être traité sur un pied d’égalité par les fournisseurs de services Internet, avec peu ou pas de manipulation, d’interférence, de priorisation ou de préférence.
Chose intéressante, les dispositions de la Loi sur les télécommunications qui traitent du concept de neutralité du Net sont antérieures au terme lui-même et antérieures à Internet. On a fait remarquer que le concept de transport commun au Canada remonte à la Loi sur les chemins de fer nationaux du Canada de 1906. Chris Seidl, directeur exécutif des télécommunications pour le CRTC, affirme à ce sujet:
Il s’avère que les mêmes principes s’appliquent, que nous parlions du fret transporté sur des wagons de chemins de fer ou des données transmises sur les réseaux de télécommunications. Il est important de garder en tête que la neutralité du Net vise le transport et non le contenu.
Comme ces dispositions ont été écrites de façon neutre au plan technologique, elles ont permis aux CRTC de protéger le concept de neutralité du Net dans ses politiques. Toutefois, le statu quo n’est pas suffisant. Le CRTC a défini la neutralité du Net, et il est évident qu’il comprend et accepte ce concept. En conséquence, le gouvernement doit moderniser la loi en consacrant la définition et le concept dans la Loi sur les télécommunications.
D'après mes discussions avec des résidants de ma circonscription, il est évident qu'il s'agit d'un dossier prioritaire. Dans ma circonscription, Oakville, les PDG, les entrepreneurs, les chefs d'entreprises, les jeunes membres du conseil jeunesse de ma circonscription et les simples résidants d'Oakville sont tous favorables à la neutralité du Net.
J'ai présenté cette motion au Collège Sheridan, devant une foule d'étudiants et de membres du personnel des facultés d'informatique, de sciences appliquées et de communications Internet. Les étudiants et les membres des facultés ont tous pris part à la discussion sur ce sujet qui les préoccupe vivement. Ils ont posé des questions réfléchies et approfondies qui portaient sur la teneur de cette motion et qui soulignaient à quel point il est important d'assurer la neutralité du Net au Canada de nos jours. Il est très motivant de voir une jeune génération qui s'intéresse vivement à un sujet et qui veut participer au processus démocratique. De toute évidence, c'est un principe qui transcende les désaccords habituels et qui est fortement appuyé partout au Canada.
J'aimerais souligner quelques-unes des raisons pour lesquelles il faut soutenir la neutralité du Net. De nos jours, les interactions en ligne occupent une place importante dans nos vies. Il est important qu'Internet demeure une tribune ouverte pour exprimer des idées, atteindre de nouveaux marchés et maintenir les échanges démocratiques. Internet a pris son essor grâce à la neutralité du Net, fondée sur les principes d'ouverture, de transparence, de liberté et d'innovation. Il faut maintenir et protéger ces principes.
La neutralité du Net permet à tous les Canadiens d'avoir accès à du contenu légal sur Internet sans l'ingérence de tiers. Elle montre que nous sommes libres d'exprimer et de partager des idées. La neutralité du Net empêche des tiers, par exemple des fournisseurs de services Internet ou de télécommunications, de choisir le contenu que les Canadiens peuvent voir. Elle empêche que des entreprises s'octroient un rôle de censure, une situation qui mettrait en péril le droit des Canadiens à la liberté d'expression, un droit fondamental. Signalons, par ailleurs, que l'économie numérique est fondée sur le principe de la neutralité du Net.
Regardons de plus près quelques-uns de ces aspects. S'il fallait que le réseau perde sa neutralité, ce sont les consommateurs et les Canadiens ordinaires qui seraient les plus durement touchés. J'ai présenté la motion à l'étude parce que je considère que le gouvernement a la responsabilité de protéger les consommateurs contre des situations injustes et de promouvoir la concurrence au sein de l'économie canadienne. C'est ce qu'il accomplirait en réitérant le principe de la neutralité du Net au Canada. Nous devons voir à préserver un environnement numérique qui favorise la liberté des consommateurs plutôt que les bénéfices des entreprises, et qui encourage la diversité et l'entrepreneuriat plutôt que les monopoles.
Les fournisseurs de services mobiles et de services Internet devraient offrir une plateforme qui permet aux consommateurs d'accéder à du contenu et de le partager sans intervention. Si les fournisseurs de services Internet sont en mesure de bloquer certains contenus sur Internet, les consommateurs devraient s'en inquiéter. C'est notamment à cause des répercussions qu'aurait une telle ingérence que je demande au gouvernement de réitérer son engagement envers la neutralité du Net. Nous devons défendre les intérêts des consommateurs.
La neutralité du Net favorise aussi la concurrence d'une façon qui permet d'offrir des produits et des services de meilleure qualité aux Canadiens. La concurrence axée sur les consommateurs est avantageuse pour les Canadiens et notre économie. La concurrence entre les fournisseurs de services Internet continuera de se traduire par des innovations et de mener à l'excellence. Les fournisseurs peuvent se faire et se font effectivement concurrence sur le prix de leurs forfaits, la qualité de leurs services et leurs plans de données. Je pense que tous les Canadiens seraient en faveur d'un investissement continu dans l'infrastructure, l'augmentation de la vitesse de connexion et l'amélioration du service.
La perte de la neutralité du Net porterait également atteinte à nos droits et libertés. Nous, Canadiens, chérissons notre droit d'exprimer nos idées et nos croyances ouvertement, à tel point que nous avons inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Sans engagement ferme envers la neutralité du Net, la liberté d'expression en ligne des Canadiens pourrait être minée. Si la neutralité du Net était abrogée ou réduite, il y aurait une possibilité réelle que des tiers censurent du contenu à des fins pécuniaires ou idéologiques.
Il s'agit d'une situation alarmante qui devrait inquiéter tous les Canadiens. Internet est une tribune où les Canadiens peuvent échanger des idées, être exposés à des points de vue nouveaux et différents, et explorer des concepts novateurs et inconnus. Il est impératif qu'il reste ainsi.
Parlons politique. De nos jours, la plupart des Canadiens s'informent en ligne. Les perceptions des gens et leur vision du monde sont en grande partie définies par les articles qu'ils lisent, très souvent sur Internet. L'accès à une grande variété de renseignements, provenant de différentes sources, est un outil précieux pour établir un point de vue informé et étoffé sur les enjeux politiques.
Je sais que tous les députés reconnaissent la valeur des discours et des débats en politique. Le régime démocratique canadien est étroitement lié à la liberté d'expression, et la neutralité du Net est le fondement de notre expression démocratique en ligne.
Les tiers comme les fournisseurs de services Internet et de téléphonie mobile ne devraient pas avoir le pouvoir de limiter la capacité des Canadiens à accéder au contenu publié par les partis politiques ou aux médias d'opinions et de tendances politiques diverses. Cette diversité favorise des conversations riches et permet aux Canadiens d'avoir accès aux arguments de tous les camps sur les enjeux politiques. Réaffirmer notre appui envers la neutralité du Net protégerait les discussions démocratiques ouvertes réunissant tous les points de vue en plus de faire en sorte que la démocratie au Canada demeure saine, ouverte et forte.
Parmi les raisons les plus importantes pour garantir le maintien de la neutralité du Net et l'appui envers celle-ci, il y a l'importante économie numérique en croissance rapide au Canada. Selon le Conseil des technologies de l'information et des communications, l'économie numérique représentait 71,5 milliards de dollars du PIB du Canada en 2015, et la croissance s'est poursuivie chaque année depuis.
Nous entendons tous parler du prochain produit ou service insurpassable qui est offert par une entreprise ou un entrepreneur canadien. Il est extrêmement important que nous poursuivions sur cette lancée. La neutralité du Net rend les règles du jeu équitables pour tout le monde. Un jeune entrepreneur, fraîchement diplômé de l'université avec la prochaine grande idée, compte sur les possibilités créées par un Internet ouvert et équitable pour se lancer en affaires.
Supposons que des entrepreneurs développent un service de vidéos en continu encore inégalé. Imaginons qu'ils ont amassé l'argent nécessaire, qu'ils ont développé le produit, qu'ils l'ont lancé sur le marché international et qu'ils ont trouvé leurs premiers clients. Leur entreprise est prospère et elle commence à enregistrer une croissance. Soudainement, le fournisseur de services Internet avec qui ils font affaire leur annonce qu'ils doivent payer des frais élevés s'ils ne veulent pas que la transmission du contenu vers leurs clients soit ralentie. Ils n'ont pas les moyens de payer ces frais.
Les clients ne choisiront pas leur produit si cela signifie un service lent. Personne ne veut des vidéos constamment en mise en mémoire tampon. L'entreprise sait qu'elle a bâti un produit supérieur à ceux de la compétition, mais n'a pas les moyens de payer les frais additionnels simplement pour distribuer le contenu.
Il existe un terme pour cela. Cela s'appelle du vol de grand chemin. Les fournisseurs de services Internet font leur argent en vendant l'accès Internet aux consommateurs. Ils ne doivent pas exiger des frais aux entreprises à l'autre bout de la chaîne en plus.
Comment une nouvelle entreprise peut-elle démarrer si elle ne peut concurrencer? Sans neutralité du Net, nous étouffons l'innovation et nuisons à notre économie numérique.
Allons un peu plus loin. Ces entrepreneurs bâtissent un service de diffusion vidéo en continu. Les Canadiens partout au pays se ruent sur leur programme. Un gros fournisseur de service Internet voit cela. Il possède un programme rival de diffusion vidéo et n'aime pas le fait qu'il perd des clients au profit du nouveau service. Plutôt que de livrer concurrence, ce fournisseur de service Internet bloque simplement complètement le service de sorte que personne ne puisse y accéder.
C'est exactement ce qui s'est produit aux États-Unis en 2012, lorsque AT&T a bloqué FaceTime, un service de vidéobavardage créé par Apple. AT&T a bloqué FaceTime pour toute sa clientèle des États-Unis, car FaceTime rivalisait avec son propre service.
Certains diront que cela ne se produirait jamais au Canada. Or, c'est arrivé, et sans neutralité du Net, cela se produira de nouveau.
En 2015, Bell a porté plainte contre le fournisseur cellulaire Vidéotron. Vidéotron avait lancé un forfait en août qui permettait aux clients de lire de la musique en continu à partir de certains services sans que les données utilisées soient comptabilisées dans le total des données pour le mois. C'était une façon d'inciter les gens à s'abonner au service Internet de Vidéotron. En 2017, le CRTC a donné raison à Bell et a indiqué que toutes les données devaient être traitées de la même façon et que celles provenant des services internes d'un fournisseur ne pouvaient faire l'objet d'un traitement préférentiel.
Par cette pratique de tarification différentielle, appelée « taux zéro », les fournisseurs de services Internet facturent des taux variables en fonction de l'application ou du service qu'un client utilise. Si on permet aux fournisseurs de services Internet de soustraire certaines données du calcul de l'utilisation mensuelle, ils peuvent choisir de favoriser et de prioriser certains contenus. C'est inacceptable et nous ne laisserons jamais cela arriver.
Toutes les décisions qui concernent la neutralité du Net sont préoccupantes, puisque le concept n'est défini explicitement ni dans la Loi sur la radiodiffusion ni dans la Loi sur les télécommunications.
Pour toutes ces raisons, il est évident que la neutralité du Net est essentielle au Canada. La démocratie, l'économie et même les interactions sociales de tous les jours dépendent de la neutralité et de l'ouverture d'Internet. Il faut soutenir les Canadiens, qu'il s'agisse des entrepreneurs, des militants politiques ou de ceux qui font des achats en ligne.
J'espère que la motion à l'étude servira de catalyseur pour que tous les intervenants, les entreprises, les consommateurs, le gouvernement, les fournisseurs de services Internet et les Canadiens en général se rassemblent pour discuter de la neutralité du Net dans le cadre de l'examen à venir de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications. Le moment est venu d'en discuter.
La Chambre doit faire preuve d'initiative à ce sujet. Nous devons demander au gouvernement d'inscrire la neutralité du Net en tant que principe directeur dans l'examen de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications afin d'étudier les occasions qui permettraient que soient fermement enchâssés dans la législation les principes de la neutralité dans la prestation de tous les services de télécommunication.
Le Canada doit réaffirmer son engagement envers la neutralité du Net. Je suis convaincu que les Canadiens affirmeront haut et fort vouloir le renforcement et la protection de la neutralité du Net. C'est pourquoi j'ai déposé la motion M-168. J'ai hâte d'entendre le débat à son sujet.