Monsieur le Président, je suis honorée de prendre la parole au sujet de l'article 51 du Règlement. Je dirais même que je suis honorée de siéger à la Chambre. Chaque fois que je suis à Ottawa, que je marche vers la tour de la Paix pour venir ici, je me rappelle le privilège que j'ai d'être députée et à quel point c'est une expérience riche et unique pour chacun d'entre nous.
Je suis contente que nous ayons un débat franc et ouvert sur le Règlement aujourd'hui. C'est une des rares occasions où nous pouvons donner notre avis sur la façon d'améliorer le Parlement et être plus efficaces pour les électeurs.
Je vais parler d'un seul élément et c'est comment accroître l'efficacité des députés du Canada dans leur principale fonction, qui est d'être les porte-parole des gens qu'ils représentent ici, à Ottawa.
Je propose de rééquilibrer le calendrier parlementaire pour que nous passions plus de temps dans nos circonscriptions, au service des gens qui nous ont élus.
De nombreux députés peuvent rentrer chez eux en avion, un soir au milieu de la semaine pour assister à une activité dans leur circonscription, puis revenir à la Chambre le lendemain matin. Leur réalité est différente, peut-être, de celle que je vais décrire.
C'est tout simplement impossible pour les députés qui viennent de régions éloignées du pays, car cela limiterait considérablement le temps qu'ils pourraient passer dans leur circonscription.
L'immensité du territoire canadien est l'un de nos principaux atouts, mais je dois dire qu'elle représente aussi un obstacle de taille pour le Parlement ainsi que pour les parlementaires qui ne peuvent pas se rendre facilement à Ottawa. Les gens de nos circonscriptions veulent nous voir, avoir de nos nouvelles et nous parler de leurs préoccupations. Ils veulent nous parler de leurs organisations et de leurs initiatives. Cela nécessite de passer du temps dans notre circonscription. Le travail que nous faisons dans notre circonscription est important, et les députés doivent y consacrer plus de temps.
Notre travail consiste davantage à représenter les gens de notre circonscription et à faire part de leurs préoccupations à Ottawa qu'à représenter Ottawa dans notre région.
Les députés savent peut-être que, pendant près de la moitié de l'histoire du Parlement canadien, les députés étaient à Ottawa de janvier ou février jusqu'à mai ou juin. C'est pendant cette période que se tenaient les séances du Parlement et que la Chambre menait ses travaux. Le reste de l'année, les députés étaient dans leur circonscription pour servir leurs électeurs.
Cela a changé en 1940, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque la complexité de la participation du Canada à ce conflit a exigé la tenue de beaucoup de débats, un grand engagement des ministres et des décisions de la part du Parlement. Par conséquent, à partir de 1940, les députés se sont mis à devoir être présents à Ottawa plus ou moins à longueur d'année.
Ce n'est qu'en 1982 que le Règlement a été modifié pour qu'il y ait sept périodes d'ajournement, ce qui permettait aux députés de s'organiser selon un calendrier prévisible et stable pour pouvoir retourner dans leur circonscription l'été, à Noël, à Pâques et pendant quatre autres périodes d'ajournement.
C'est la dernière fois où un changement substantiel a été apporté au Règlement concernant le calendrier parlementaire.
Je tiens à souligner que ce changement a eu lieu pendant la 32e législature, à une époque où la Chambre des communes ne comptait que 16 femmes députées.
Le travail des députés dans leur circonscription est important. C'est un mythe de prétendre qu'un député ne travaille qu'à Ottawa. Il est complètement faux et trompeur de dire, comme nous l'avons entendu de la bouche de certains députés, au cours du présent débat, que la semaine de travail aurait quatre jours ou que nous aurions une journée de congé par semaine, car le gros du travail que nous faisons se déroule en fait dans nos circonscriptions, où se trouvent les personnes que nous devons toutes servir et qui peuvent être aussi nombreuses que 100 000.
Nos bureaux font tout ce que les gens voient lorsqu'ils nous envoient des courriels, qu'ils nous téléphonent, qu'ils assistent à des réunions avec nous. Ils viennent nous parler de leurs inquiétudes et de leurs problèmes. Ils nous font des demandes. Ils veulent que nous les défendions. Ils ont besoin d'aide. Les gens de nos circonscriptions voient cette dimension de notre travail, dont une grande partie n'est cependant pas visible. Le travail que nous faisons dans nos circonscriptions exige beaucoup de temps.
Je vais tout simplement donner des exemples qui me sont propres. Tous les mois, j'organise un petit déjeuner, auquel participent plus de 100 personnes. J'invite un conférencier du milieu de la politique, qui parle de l'un des enjeux de l'heure. J'organise souvent des assemblées publiques. Je tiens aussi des consultations. Le principe est simple: les gens viennent prendre un café et discutent ensemble d'une question de politique. Je communique ensuite les résultats de ces consultations aux ministres.
Nous pouvons consulter les électeurs de nombreuses façons, et je pense qu'il n'est pas nécessaire que je les explique aux députés. Nous savons tous que c'est une tâche qui prend du temps, mais elle est très importante, car nous sommes le lien entre les électeurs et les politiques fédérales qui ont une incidence sur leur vie. Nous devons les représenter et exprimer leur opinion, et ce sont des tâches qui exigent beaucoup de temps.
Nous nous occupons aussi de projets spéciaux dans nos collectivités; nous devons donc nous renseigner sur les questions qui préoccupent la population, puis organiser des réunions pour les comprendre pleinement. Parfois, nous constituons des groupes consultatifs spéciaux, qui nous donnent des conseils. Ensuite, nous rencontrons parfois d'autres intervenants pour les inciter à faire participer les électeurs ou pour défendre leurs intérêts. Ces projets spéciaux qui se déroulent dans nos circonscriptions prennent aussi beaucoup de temps.
Je tiens toutefois à signaler que ce n'est pas seulement le Parlement à Ottawa qui nous éloigne de nos circonscriptions. Pendant les sept périodes de relâche, nous sommes souvent absents. Si, comme résidante de la Colombie-Britannique, je fais l'aller-retour chaque semaine — et c'est ce qui arrive le plus souvent —, cela signifie que, pendant 16 à 20 heures par semaine, je ne suis pas dans ma circonscription, puisque je suis en déplacement. Je prends au sérieux la situation de mon collègue de Yukon, qui doit consacrer 28 heures par semaine à de tels déplacements. Pendant ce temps, il n'est pas dans sa circonscription.
Il nous faut également voyager à l'étranger pour représenter le Canada, comme le voyage que j'ai fait en Zambie pour assister à une conférence de l'Union africaine sur l'élimination du mariage des enfants. C'était important pour moi d'y assister, et ce fut un honneur, mais ce sont des journées que je ne consacre pas aux habitants de ma circonscription.
Nous voyageons au Canada dans le cadre de nos fonctions, pendant les périodes de relâche. Il y a des réunions de caucus. Certaines de ces réunions peuvent avoir lieu à l'extérieur de notre circonscription, de sorte que nous puissions entendre le point de vue d'intervenants provenant d'une autre partie de la province. C'est ce que notre caucus a fait cette année à Kelowna. Il peut également y avoir des réunions du caucus national qui ont lieu à l'extérieur de nos circonscriptions pendant les périodes de relâche, ou encore il y a d'autres types de voyages, comme les déplacements de comité et les déplacements en tant que secrétaire parlementaire. J'ai fait plusieurs voyages de ce genre à l'extérieur de ma circonscription pendant les périodes de relâche.
Tous ces déplacements rognent sur le temps que nous pouvons consacrer aux électeurs. Je recommande donc non seulement qu'il y ait une journée de relâche par semaine quand la Chambre siège, mais aussi que la durée des relâches décrites au paragraphe 28(2) du Règlement soit prolongée afin de réduire nos déplacements et de compenser les périodes que nous devons passer loin de notre circonscription pour faire notre travail.
Je profiterai du temps qu'il me reste pour dire une chose: nous pouvons changer les choses sans couper dans l'efficacité du Parlement. Il suffit de s'inspirer des nombreux moyens proposés aujourd'hui: vote électronique, conférences audiovisuelles, Parlement parallèle où les députés pourraient faire des déclarations et dont les débats seraient intégrés au compte rendu officiel. Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour réussir à la fois à rendre notre travail à Ottawa plus efficace et à passer plus de temps dans nos circonscriptions.
N'oublions pas non plus que, ce faisant, nous ferions tomber un obstacle important à la représentation des femmes au Parlement. Au rythme actuel, il faudra encore 100 ans avant d'atteindre la parité hommes-femmes parmi les députés. S'il en est ainsi, c'est entre autres parce que les femmes sont souvent celles qui, dans leur circonscription, prennent soin de proches âgés ou s'occupent d'une part accrue des tâches ménagères. Environ 66 % des aidants familiaux sont des femmes. Elles peuvent s'occuper de leurs proches le soir, mais encore faut-il qu'elles soient dans leur circonscription, parce qu'ici à Ottawa, c'est impossible. Nous contribuerions ainsi à l'égalité hommes-femmes. Ce serait bon pour les circonscriptions, et ce serait bon pour les parlementaires, qui pourraient passer plus de temps à s'occuper des électeurs de leur circonscription.
Pour résumer: pour le bien de tous les parlementaires — et de la démocratie parlementaire —, rééquilibrons le calendrier.