Monsieur le Président, j'ai l'honneur de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet d'une motion de l'opposition déposée par les conservateurs, ce que j'ai aussi fait hier sur un autre sujet. Je suis heureux que les conservateurs changent de sujet. Ils sont obsédés par les taxes et les impôts, l'équilibre budgétaire et la taxe sur le carbone. Ce sont toujours les trois mêmes sujets et il n'y a jamais de débat substantiel ni de proposition concrète. Ce n'est que du rabâchage d'idées.
Il faut donc leur attribuer le mérite d'avoir décidé de débattre d'un sujet très intéressant qui fait couler beaucoup d'encre dans l'espace public et qui intéresse plusieurs acteurs concernés, notamment le gouvernement du Québec. L'Assemblée nationale du Québec s'est aussi intéressée au sujet. Les conservateurs s'intéressent enfin à un débat de fond sur une question importante, plutôt qu'à des débats stériles sur les mêmes sujets chaque jour.
En ce qui concerne la déclaration de revenus unique, le principe soutenu par les tenants de cette idée veut que les contribuables québécois soient traités équitablement par rapport aux contribuables des autres provinces canadiennes et des territoires qui, eux, chaque année, font une seule déclaration d'impôt. Celle-ci est traitée par Ottawa et les revenus tirés des impôts sont ensuite redistribués aux provinces, en fonction des taux d'imposition dans chacune des provinces.
C'est donc par souci d'équité que l'on soulève cette question dans le débat public. Plusieurs acteurs intéressés par le sujet, notamment des comptables et des gens qui s'intéressent à la perception des impôts et à l'efficacité de ce système, ont commencé à en parler pour voir ce qu'il était possible de faire pour simplifier la vie aux Canadiens et, dans ce cas-ci, aux Québécois.
Ultimement, je crois qu'il s'agit là de l'objectif de tous les députés de la Chambre, en espérant qu'ils ont tous de bonnes intentions. Les contribuables des autres provinces ont définitivement la vie plus facile en ce qui concerne leur déclaration de revenus. Plusieurs pistes de solutions existent pour tenter de simplifier la vie aux contribuables en leur permettant de remplir une seule déclaration.
C'est pourquoi cette idée a fait son chemin, bon an, mal an, depuis plusieurs années. Cependant, c'est surtout lorsque le NPD en a parlé qu'elle a ressurgi dans le débat public. N'en déplaise aux conservateurs et au député de Louis-Saint-Laurent, qui s'attribuait tout le mérite en disant que les conservateurs avaient été les premiers à aborder cette question, c'est une idée qui existe depuis très longtemps, et c'est le NPD qui a été le premier à proposer qu'on l'explore davantage. Au départ, on parlait d'explorer cette question à Ottawa. Le NPD a ensuite adopté une résolution, lors de son congrès fédéral en février 2018, qui proposait cette piste de solution.
Cela dit, je vais lire la résolution adoptée en février 2018, bien avant que l'Assemblée nationale du Québec ne se prononce sur cette question. Celle-ci l'avait fait le 15 mai 2018, mais de février à mai, il s'est passé beaucoup de choses, notamment du côté des conservateurs, qui ont réalisé que c'était peut-être un sujet intéressant pour eux. Notre résolution était la suivante:
ATTENDU QUE le double rapport d'impôt au Québec est un système couteux et inefficace en plus d'être un cas d'exception au Canada; ATTENDU QUE la simplification des déclarations des Québécoises et des Québécois permettrait des économies majeures en fonds publics; ATTENDU QU'UN rapport d'impôt unique permettrait aux contribuables et aux entreprises du Québec de sauver temps et argent; ATTENDU QU'UN rapport d'impôt unique renforcerait l'autonomie fiscale du Québec, laquelle s'inscrit parfaitement dans les principes mis de l'avant par la déclaration de Sherbrooke; [...]
En passant, la déclaration de Sherbrooke est une déclaration qui fait partie de nos statuts politiques et qui respecte l'autonomie du Québec et ses décisions, notamment, sans trop entrer dans les détails. Je poursuis:
[...] ATTENDU QUE depuis de nombreuses années divers intervenants et spécialistes ont travaillé afin d'obtenir ce changement; ATTENDU QUE le gouvernement du Québec est déjà responsable de collecter la TPS pour le gouvernement fédéral; [...]
C’est là qu’on entre dans le vif du sujet, notre résolution de février 2018:
IL EST RÉSOLU QUE le NPD propose l’idée d’un rapport d’impôt unique gérer par le gouvernement du Québec qui transférait par la suite l’impôt fédéral au gouvernement fédéral;
Aujourd’hui, je veux mettre l’accent sur le deuxième énoncé « il est résolu » adopté au congrès, qui montre la pertinence et les devoirs accomplis par les membres du Nouveau Parti démocratique avant de proposer cette résolution, soit:
IL EST RÉSOLU QUE la mise en application de cette idée ne doit pas entraîner de perte d’emploi au sein de la fonction publique fédérale, c’est pourquoi cette offre politique devra être formulée en collaboration avec les syndicats et les représentants des fonctionnaires fédéraux.
Cette deuxième partie de la résolution vise explicitement à établir une collaboration avec les représentants des employés fédéraux, afin de s'assurer de concrétiser cette idée sans perdre d’emplois au Québec. La question des emplois qui sont en jeu au Québec, si on adopte cette proposition, est revenue constamment dans le débat d’aujourd’hui. Cette condition a été mise par les membres du congrès. Grâce à leur vivacité d’esprit et à leur intelligence, ils ont décidé d’intégrer cette condition à la résolution afin d’assurer le maintien des emplois de qualité et bien rémunérés dans les régions dont c'est l'un des moteurs économiques.
Par la suite, le NPD a entamé des démarches pour trouver la solution idéale, celle qui permettrait de simplifier la vie des Québécois tout en protégeant les travailleurs du secteur public fédéral, plus particulièrement ceux de l’Agence du revenu du Canada dans les régions du Québec. C’est à ce moment-là qu’une discussion ouverte et franche avec des représentants du syndicat s’est entamée afin d’analyser la viabilité de cette idée. Au fil de ces longues discussions, nous avons compris que, dans le contexte actuel et en appliquant cette proposition, peu d’options permettraient de sauvegarder les emplois au Québec, et il y a plusieurs raisons à cela.
En effet, il n’était pas envisageable de transférer des employés du gouvernement du Canada vers le gouvernement du Québec. On ne peut pas transférer des emplois à l’Agence du revenu du Québec pour répondre à la lourdeur administrative imposée puisque les conditions d’emplois et les avantages sociaux sont nettement différents. Une autre solution explorée était d’offrir d’autres affectations aux employés touchés à l’Agence du revenu du Canada. Encore là, les employés ont des compétences dans différents secteurs, que ce soit dans le secteur des vérifications, de la perception ou des enquêtes. Ils n’ont donc pas tous les mêmes compétences et ils ne peuvent pas faire le travail d’un autre employé du jour au lendemain. Ils ne peuvent pas s’échanger du travail puisque certaines compétences et exigences sont requises pour certains postes. C’était évident qu’il ne s’agissait pas d’une bonne option.
Nous avons donc réalisé que, dans le contexte actuel, il est difficile de soutenir cette proposition puisqu’on ne peut pas remplir la condition de protéger les emplois au Québec.
Aujourd’hui, les conservateurs abordent le même enjeu dans leur motion. J’ai l’impression qu’ils reprennent l’enjeu pour des raisons différentes des nôtres, des raisons non avouées.
À la fin de mon discours, je proposerai un amendement à la motion principale. Cela va nous permettre de voir le vrai visage des conservateurs. Cet amendement vise à protéger les emplois dans la fonction publique fédérale au Québec. Les conservateurs disent vouloir protéger les emplois. Ils répètent que leur chef a mentionné à plusieurs reprises, sur différentes tribunes, que les emplois seront protégés, que les employés du secteur public fédéral ne doivent pas s'inquiéter, que tout sera bien fait et qu'il n'y aura aucune perte d'emplois. Tantôt, nous verrons si les paroles du chef conservateur se traduisent par des gestes concrets et par une protection des emplois des fonctionnaires fédéraux enchâssée dans la motion. C'est beau de le dire et de faire croire qu'on va protéger ces emplois, que personne ne doit s'inquiéter et que tous les employés de l'Agence du revenu du Canada seront assurés de garder leur emploi. Lorsqu'ils devront se prononcer par l'entremise de leurs gestes, nous verrons vraiment leur position sur cet enjeu. Nous pourrons enfin voir le vrai visage des conservateurs.
La vraie raison, inavouée, pour laquelle les conservateurs ont proposé cette motion, c'est qu'ils veulent revenir à l'austérité de 2011. Si ce n'est pas le cas, qu'ils le prouvent. S'ils n'appuient pas cet amendement, nous verrons vraiment que le vrai but de la motion des conservateurs est de revenir à l'austérité de 2011, alors qu'on avait supprimé des milliers d'emplois dans la fonction publique fédérale au nom de l'équilibre budgétaire. C'est ce qu'on va voir durant la campagne électorale de 2019. Ils vont proposer un programme d'austérité pour revenir à l'équilibre budgétaire en coupant dans les services publics et dans les emplois de la fonction publique. Selon des chiffres qui circulent, 5 000 fonctionnaires fédéraux de l'Agence du revenu du Canada sont au Québec. Voilà pourquoi le chef de l'opposition a sauté sur une telle proposition. Il voyait cela comme une révélation. Voici 5 000 emplois qu'on peut supprimer du jour au lendemain grâce à l'intérêt du Québec pour une déclaration de revenus unique.
Le chef conservateur s'est dit que ce serait une pièce maîtresse de sa plateforme électorale pour arriver à l'équilibre budgétaire une fois au pouvoir. Ce que les conservateurs n'avoueront pas, c'est que cette déclaration de revenus unique est appuyée par le chef conservateur et par les députés conservateurs de tout le pays parce qu'ils voient cela comme une occasion en or d'instaurer un nouveau programme d'austérité. Voilà l'occasion de supprimer facilement 5 000 emplois, qui représentent des dépenses de centaines de millions de dollars. Voilà la vraie raison pour laquelle les conservateurs appuient cette proposition. On verra tantôt ce qu'ils diront. S'ils acceptent mon amendement, nous verrons qu'ils se soucient davantage du bien-être de la population dans son ensemble en voulant simplifier la vie des Québécois et protéger des bons emplois qui sont des moteurs économiques de régions importantes, dont celle de mon collègue conservateur de Chicoutimi—Le Fjord. Je pense qu'il serait très triste de voir les conservateurs voter contre un tel amendement qui vise à protéger les emplois. Chez lui, plusieurs personnes doivent appeler à son bureau ou lui envoyer des courriels. Il aura la chance de le dire plus tard dans son discours. Je pense que ces gens s'inquièteront de cette proposition si on n'inclut pas une condition de protection des emplois. Les conservateurs auront l'occasion tantôt de se prononcer, et nous verrons leur vrai visage.
Tout cela s'inscrit dans un contexte où une grande partie des contribuables sont fâchés. Ils sont en colère à cause de la façon dont notre système fiscal en général est géré. Les contribuables qui paient leurs impôts chaque année me disent généralement qu'ils sont fâchés du laisser-aller du gouvernement libéral envers les mieux nantis, qui, eux, ont les moyens de se payer des avocats, des fiscalistes et des comptables experts en évitement fiscal. Ils sont fâchés, et c'est pour cela qu'ils réclament que le gouvernement soit davantage à l'écoute de leurs demandes. Ces contribuables font tout leur possible pour payer chaque année leur dû en temps opportun. Parfois, à cause d'erreurs de bonne foi, ou à cause d'un manque d'attention dans un formulaire, ils se voient rattrapés par l'Agence du revenu, qui, en un temps record, réclame les impôts dus, avec intérêt. Or ils lisent quotidiennement dans le journal que des riches contribuables, qui font affaire à des firmes comme KPMG, créent de grands stratagèmes avec l'île de Man pour envoyer de l'argent dans un autre pays qui a des taux d'imposition très faibles ou presque inexistants.
Un important stratagème a même été découvert par l'Agence du revenu du Canada. Ces contribuables millionnaires reçoivent des amnisties ou des propositions pour régler cela vite fait, sur le coin d'une table. On s'entend secrètement et c'est réglé. On leur demande de payer ce qu'ils n'ont pas payé pendant quelques années et qui était dû; puis on ferme les livres, on oublie cela et ils continuent leur vie comme si de rien n'était.
Le contribuable moyen ne se voit jamais offrir ce luxe par l'Agence du revenu du Canada. Le contribuable moyen se fait poursuivre et talonner par des fonctionnaires, qui font le travail que l'Agence du revenu du Canada leur demande. Ce n'est pas leur faute, mais ils font leur travail et talonnent des contribuables.
La ministre du Revenu national pourchasse des personnes handicapées qui veulent simplement le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Elle les traite comme des criminels. Plus tôt, la ministre disait que les employés de l'Agence, qui avaient été victimes de la réforme Harper de l'assurance-emploi, étaient perçus comme des criminels.
C'est exactement ce qu'a fait la ministre du Revenu national avec les personnes handicapées qui réclamaient leur crédit d'impôt. Elles étaient perçues comme des criminels qui voulaient tirer avantage du système.
Aujourd'hui, je peux comprendre que les contribuables soient fâchés et qu'ils réclament que leur gouvernement soit plus attentif à leurs demandes. Cette proposition est une piste de solution importante. On doit la considérer et doit continuer à creuser pour tenter de trouver une solution afin de simplifier la vie des Québécois, tout en protégeant les emplois au Québec.
C'est pour cette raison que, de notre côté, nous avons adopté une approche responsable. Nous avons fait nos devoirs, nous avons discuté et nous avons parlé avec les personnes concernées pour tenter d'arriver à simplifier la vie des Québécois quand ils remplissent leurs déclarations de revenus.
C'est ce que les conservateurs n'ont pas fait, aujourd'hui. On verra plus tard où ils se situent sur la question de la protection des emplois.
Nous avons pris nos responsabilités et fait nos devoirs, contrairement au gouvernement. Plutôt que de faire ses devoirs, de s'asseoir, de lire la documentation et de discuter avec des représentants du Québec et le syndicat représentant les employés, il a plutôt décidé de fermer carrément la porte, sans aucune discussion, comme si simplifier la vie des Québécois n'était pas une priorité pour eux et que cette simplification n'était pas nécessaire, alors que je l'entends dans ma circonscription, Sherbrooke. Je suis certain que, dans les circonscriptions de tous mes collègues, on entend des gens qui veulent simplifier leur déclaration de revenus.
Le gouvernement l'a refusé, tout simplement, comme il l'a fait dans d'autres dossiers, il a claqué la porte au nez du Québec. Il leur dit non merci, qu'il n'était pas intéressé par ce que proposait le Québec, car cela ne faisait pas son affaire, fin de la discussion.
Voilà la condescendance du gouvernement envers le Québec. C'est la même condescendance qu'on voit dans plusieurs dossiers lorsqu'il est question du respect du Québec et de son autonomie.
C'est très différent de notre approche respectueuse, qui vise à trouver des solutions efficaces pour les Canadiens qui paient leurs impôts chaque année et qui font leurs démarches de bonne foi et de façon vraiment responsable. Cependant, on leur tape sur les doigts à la première occasion. Voilà pourquoi le principe qui sous-tend tout cela est bon. On veut simplifier la vie des Québécois tout en respectant les fonctionnaires.
Comme mon discours approche de sa fin, je propose, appuyé par le député de Rosemont—La Petite-Patrie, l'amendement qui va montrer le vrai visage des conservateurs: que la motion soit modifiée par adjonction après les mots « le 15 mai 2018 » de ce qui suit: et ce, sans engendrer de perte d'emploi dans la fonction publique fédérale.