Madame la Présidente, je débuterai par ce par quoi mon collègue de l'autre côté de la Chambre a terminé, en disant que, oui, il y a de bonnes intentions en principe dans cette idée de limiter le financement des entités étrangères à des tiers partis.
Nous sommes tous préoccupés par l'ingérence étrangère dans nos élections, dans nos démocraties, ici, au Canada et un peu partout dans le monde. On a vu ces derniers temps des premières pages de journaux très inquiétantes. Cette ingérence est une attaque directe à notre démocratie, à nos démocraties. Il faut en prendre note et trouver des solutions pour l'éviter. Évidemment, le financement est une porte grande ouverte à l'ingérence.
Soyons clairs, nous, au NPD, nous sommes tout à fait favorables à l'idée de limiter les contributions d'étrangers à des tiers. Cependant, nous craignons vraiment que ce projet de loi n'arrive pas à atteindre cet objectif.
Il y a plusieurs problèmes. On a mentionné des problèmes de mise en œuvre de ce qui est proposé dans le projet de loi. Ils sont nombreux. Il s'agit d'enjeux d'extraterritorialité, enjeux importants et difficiles. Oui, il y a donc des problèmes de mise en œuvre.
Cela dit, ce qui me préoccupe le plus, c'est surtout qu'il y a des trous énormes dans ce projet de loi. D'abord, cela parle essentiellement du financement des publicités pendant les campagnes électorales. Pourquoi cela concerne-t-il seulement la publicité? C'est un trou, parce qu'un tiers pourrait recevoir de l'argent et le détourner à d'autres fins. Il pourrait prendre l'argent de l'étranger destiné à un objectif donné, mais finalement s'en servir à des fins publicitaires. En limitant le tout à la publicité, on mine l'objectif fondamental, qui est de lutter contre l'ingérence étrangère.
Il y a cet aspect-là, mais il y a plus encore. Il y a la question de la définition de ce qu'est une entité étrangère. Le projet de loi utilise la définition de la Loi électorale du Canada. Cette définition parle de personnes qui ne sont ni des citoyens ni des résidents permanents et de sociétés qui n'exercent pas leurs activités au Canada. C'est assez intéressant. Nous sommes en 2019. En 2019, il y a certainement des petites compagnies un peu partout, mais regardons autour de nous, le secteur privé et le grand nombre de multinationales. Cela veut dire que si on exclut seulement des individus, on laisse entrer par la grande porte les multinationales, qu'on accueille les bras grands ouverts parce qu'elles ne sont pas exclues. Elles peuvent continuer de faire des dons à des tiers pour la publicité lors de campagnes électorales. Elles ne sont pas touchées par ce projet de loi.
C'est très intéressant, parce que, quand on parle de défense de démocratie et de financement électoral, les conservateurs m'apparaissent toujours passablement sélectifs.
J'ai entendu le discours de mon collègue qui parlait de la fondation Tides et d'organismes environnementaux qui ont souvent une préoccupation mondiale parce que, en matière d'environnement, les défis auxquels nous faisons face sont des défis et planétaires qui ne connaissent pas de frontière.
Dans le discours de mon collègue conservateur, on sentait vraiment que, ce qui le dérange vraiment, ce sont les groupes environnementaux. On sentait qu'il fallait cesser de les laisser intervenir. Les multinationales, elles, peuvent continuer d'agir sans aucun problème.
Je trouve cela un peu ironique, tout comme je trouve ironique que cette préoccupation sur le financement politique nous vienne des conservateurs, alors que ce sont eux qui ont décidé, à un moment donné, que le financement public des partis politiques n'était pas une bonne idée.
Ils ont dit que ce n'était pas vraiment une bonne idée et qu'il fallait abolir cela. Cela m'a rendue triste. Quand j'étais jeune et que je votais au Québec pour le NPD à l'époque où les gens ne connaissaient pas encore beaucoup le NPD, je me disais qu'on ne remporterait assurément pas la circonscription, mais que, au moins je donnais un « p'tit 2 piasses » au parti auquel je croyais. Les conservateurs, eux, ont préféré abolir cela.
Est-ce que cela veut dire qu'il n'y a pas de financement public des partis politiques? Non. Le financement public des partis politiques existe encore, parce que, maintenant, lorsque je fais un don à un parti politique, j'ai droit à un remboursement d'impôt.
Ce crédit d'impôt n'est pas une forme de financement public, sauf que c'est du financement public accordé aux gens qui, comme moi, ont des revenus suffisants pour payer des impôts. C'est reconnu: ceux qui donnent le plus d'argent et qui ont le plus de moyens sont ceux qui ont les plus gros remboursements d'impôt. Par contre, il n'y a pas de subvention à la contribution politique pour les gens qui ont de très bas revenus. Ils la paient carrément de leur poche.
Je trouve donc assez ironique de voir maintenant les conservateurs se lever pour défendre la démocratie canadienne, alors que tant de leurs mesures quand ils étaient au pouvoir ont plutôt contribué à la miner.
Cela dit, comme le suggérait un de mes collègues, j'espère qu'on pourra travailler de façon non partisane — ce serait tellement merveilleux —, en évitant ces petits jeux sur des enjeux comme la réforme électorale, le développement démocratique, la préservation de nos institutions.
J'ai toutefois l'impression que ce projet de loi, qui est difficile à mettre en œuvre, qui est rempli de trous, est encore vraiment teinté de petite politique.