Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi C-83 parce que je crains que les modifications proposées compromettent la sécurité du personnel des pénitenciers canadiens et celle des détenus sous la garde et la responsabilité de l'État.
Il est plutôt étrange que le gouvernement présente un tel projet de loi.
En février dernier, le gouvernement a porté en appel une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui invalidait les dispositions législatives du Canada sur l'isolement des détenus pour une période indéfinie. Il a fait valoir que des précisions s'imposaient. Par conséquent, pourquoi le gouvernement présente-t-il une mesure législative avant d'avoir obtenu les éclaircissements demandés? Pourquoi les libéraux s'opposent-ils à la décision de la Cour d'invalider les mesures d'isolement tout en présentant un projet de loi qui a exactement le même résultat? Ne font-ils pas que renommer l'isolement en parlant d'unité d'intervention structurée?
Dans ma circonscription, Yellowhead, il y a un pénitencier fédéral, l'Établissement de Grande Cache. C'est un établissement à sécurité moyenne comptant environ 300 employés et 240 délinquants. J'ai un grand respect pour les gens de ma circonscription qui travaillent là-bas. Souvent, être un employé du Service correctionnel du Canada implique d'interagir avec des délinquants violents. Le nouvel article 36 de la loi porte sur la prestation obligatoire de services et les droits des détenus dans les unités d'intervention structurée. On peut y lire ceci:
[...] Le Service accorde à tout détenu incarcéré dans une unité d’intervention structurée la possibilité:
a) de passer au moins quatre heures par jour en dehors de sa cellule;
b) d’avoir, au moins deux heures par jour, la possibilité d’interagir avec autrui dans le cadre d’activités qui se rapportent, notamment:
(i) à des programmes, des interventions ou des services [...]
(ii) à son temps de loisir.
Le nouvel article 37 de la loi prévoit que l'article 36 ne s'applique pas si le détenu refuse ou s'il ne « suit pas les instructions [...] qui lui sont données pour assurer sa sécurité ou celle de toute autre personne ou du pénitencier [...] ».
Dans le cadre de leur travail, les employés sont tenus d'offrir un environnement sûr et positif aux délinquants. C'est essentiel pour les aider à réintégrer la société. Toutefois, le gouvernement veille-t-il à ce que les gardiens de prison jouissent d'un environnement sûr?
L'isolement préventif est une mesure courante de sécurité dans de nombreux pays occidentaux. Elle sert à protéger les gardiens contre les prisonniers dangereux et instables. Je me demande si les intervenants de première ligne ont été consultés pour savoir ce qu'ils pensaient de l'idée qu'on leur enlève cet outil. Les gardiens qui gèrent les délinquants les plus dangereux et les délinquants souffrant de maladies mentales et de troubles psychologiques, sont-ils formés comme il faut? Ont-ils les outils et les connaissances nécessaires pour reconnaître ce genre de prisonniers, travailler avec eux, les protéger, se protéger eux-mêmes et les aider à se réintégrer?
Je suis préoccupé par le fait que le projet de loi ne mentionne pas de nouveaux programmes de formation pour aider les gardiens de prison à composer avec ces changements ou avec les programmes en place. Il est primordial que les gardiens s'occupant des délinquants les plus dangereux possèdent les connaissances et l'expertise nécessaires pour accomplir cette tâche afin de garantir la protection et la sécurité de tous.
J'ai entendu des membres du personnel carcéral dire qu'ils devraient recevoir une formation plus poussée quand ils s'occupent des délinquants à risque élevé, tels que des meurtriers, que lorsqu'ils s'occupent, disons, d'une personne purgeant une peine de six mois pour vol. Nous devons voir à ce qu'ils se sentent préparés et à l'aise, au lieu de leur enlever les outils dont ils se servent pour gérer les détenus.
Le gouvernement remplacera les mesures d'isolement par des unités d'intervention structurée. Soyons honnêtes: ce n'est rien de plus que le remplacement d'un terme par son équivalent plus élégant.
Dans le cadre du nouveau modèle des unités d'intervention structurée, les détenus qui se comportent mal et ne peuvent pas être gérés de façon sécuritaire dans la population carcérale générale bénéficieront de programmes adaptés à leurs besoins personnels. Oublions-nous d'assurer la protection et la sécurité des autres détenus et du personnel carcéral afin de respecter les nouvelles directives relatives à ces unités? Dans certains cas, des détenus sont placés en isolement pour leur propre protection en vue d'éviter les conflits avec d'autres détenus à cause de leur caractère ou de leur tempérament mental. Dans d'autres, on le fait pour des raisons juridiques, notamment pour prévenir l'ingérence dans une enquête qui pourrait entraîner le dépôt d'accusations criminelles ou d'une accusation relative à des infractions disciplinaires graves commises au sein de l'établissement.
Le projet de loi prévoit que les prisonniers isolés pour leur propre sécurité pourront passer jusqu'à quatre heures par jour en dehors de leur cellule. Voici ce qui m'inquiète. Cela nécessitera davantage de ressources et créera des périodes plus longues où il risque d'arriver un incident. Le remplacement de l'isolement enlève aux gardes la capacité d'utiliser cet outil à des fins disciplinaires. Cela rendra les prisons plus dangereuses pour les gardes qui gèrent les prisonniers les pires et les plus imprévisibles.
Comme les gardes s'occupent des criminels les plus violents et de ceux qui ne se soucient aucunement des règles de la prison, les incidents qui arriveront seront beaucoup plus graves et nécessiteront davantage de recours à la force. Pourquoi mettons-nous nos travailleurs de première ligne en danger?
Je crains également que ces prisonniers qui sont isolés pour leur propre sécurité exigent des possibilités égales en vertu de la nouvelle loi. Cela risque de créer des occasions où leur sécurité et celles des gardes sera compromise.
Ceci n'est qu'un autre exemple de l'indulgence des libéraux à l'égard des criminels et de leur indifférence à l'égard du reste du monde. Une fois de plus, les libéraux accordent la priorité aux droits des criminels les plus violents et les plus dangereux du Canada.
Souvenons-nous du projet de loi C-75, qui propose des changements radicaux au Code criminel et réduit les peines pour certains crimes à de simples amendes. Par l'entremise du projet de loi C-75, les libéraux réduisent les peines associées au terrorisme, aux membres de gangs, au bris de prison, à la traite des personnes et à bien plus encore. Je ne suis pas étonné que le gouvernement libéral fasse passer en premier les droits des criminels violents reconnus coupables à l'intérieur même de notre système d'incarcération.
Un autre aspect du projet de loi que je trouve profondément préoccupant, c'est la nouvelle disposition qui permettrait au commissaire d'attribuer à un secteur d'un pénitencier une cote de sécurité différente. La disposition se lit comme suit:
Le commissaire peut attribuer à tout pénitencier ou secteur d’un pénitencier une cote de sécurité « sécurité minimale », « sécurité moyenne », « sécurité maximale », « niveaux de sécurité multiples » ou toute autre cote de sécurité réglementaire.
Le commissaire pourrait-il, en théorie, autoriser l'attribution d'une cote de sécurité moyenne ou maximale à une pièce, disons dans un pavillon de ressourcement, en ajoutant un verrou supplémentaire sur la porte? Il faut qu'on sache s'il s'agirait d'une désignation temporaire ou permanente. Si la désignation est permanente, quel protocole de sécurité sera mis en place pour un « secteur » qui a une cote de sécurité supérieure au reste de l'installation? Dans quelles circonstances y aurait-on recours?
À cause de cette disposition, un plus grand nombre de prisonniers ayant un niveau de sécurité supérieur aura le droit de se rendre dans des secteurs ayant une cote de sécurité inférieure, tout cela en raison de détails techniques. Pourquoi permettons-nous à des détenus qui devraient se trouver dans des établissements à sécurité maximale ou moyenne à se rendre dans des secteurs dont la cote de sécurité est inférieure?
Je suis d'accord avec une partie du projet de loi, celle qui porte sur les scanners corporels. Ils sont déjà utilisés en Colombie-Britannique et en Ontario et ils devraient être utilisés pour scanner les détenus dans les pénitenciers fédéraux. Plus les fouilles sont efficaces, mieux c'est. Ainsi, moins de drogues, d'armes et autres biens de contrebande pénétreront dans nos prisons.
Je me demande pourquoi le gouvernement a décidé de s'arrêter là. Pourquoi limiter la mesure aux détenus? En 2014, la CBC a publié un article contenant des données sur la marchandise de contrebande qui pénètre dans les prisons. Ces données indiquaient que les établissements correctionnels avaient saisi près de 9 000 articles de contrebande et autres articles non autorisés, une augmentation de près de 2 000 par rapport à quelques années auparavant. C'est une augmentation de 20 %. L'article indiquait également ceci:
Le porte-parole du Service correctionnel du Canada, Jonathan Schofield, a affirmé que l'augmentation était due au resserrement des mesures de sécurité pour contrer les arrivages de drogue et d'autres marchandises de contrebande dans les établissements, et que ces mesures comprennent notamment des fouilles plus fréquentes, des analyses d'urine aléatoires, l'utilisation d'outils comme des détecteurs de métaux, des appareils à rayons X, des détecteurs ioniques pour détecter la présence de drogue et le recours à des chiens renifleurs.
Howard Sapers, ancien enquêteur correctionnel du Canada, a affirmé que les sources potentielles de contrebande comprenaient les personnes autres que les détenus qui entrent dans les établissements, parfois même le personnel à qui on fait confiance.
Peut-être devrions-nous étendre l'utilisation des scanners corporels à toutes les personnes qui entrent dans les établissements, pas seulement aux détenus. Cela contribuerait à rendre ces milieux de vie et de travail plus sûrs pour tout le monde à l'intérieur des murs: les détenus, le personnel et les visiteurs. Il existe différents types de scanners corporels, certains permettant de détecter la drogue, d'autres, les métaux. On s'en sert dans les aéroports, alors qu'est-ce qui empêche que nous utilisions l'équipement le plus moderne dans le système carcéral?
Je n'appuie pas le programme d'échange de seringues qui a été annoncé récemment, et un système reposant sur l'utilisation adéquate des scanners éliminerait la nécessité d'un tel programme.
Il faut être conscients que toute mesure législative visant à changer notre façon de gérer les prisons doit prendre en compte la sécurité des employés du gouvernement et la sécurité d'autres détenus dans les établissements. Pour moi, cela doit primer sur la réponse aux besoins des criminels condamnés. N'oublions pas que, s'ils sont en prison, c'est parce qu'ils ont commis un crime et qu'ils doivent purger leur peine. Oui, dans une certaine mesure, ils ont des droits, mais ces établissements ne sont pas des camps de vacances où des endroits ou on peut se prélasser tranquillement.