Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec mon collègue de Winnipeg-Centre.
Je suis heureux de donner mon point de vue sur certains des amendements proposés dans le cadre de l’étude du projet de loi C-65 par l’autre Chambre.
La question du harcèlement et de la violence au travail est complexe. Les mesures requises pour éradiquer ces comportements doivent tenir compte de nombreux facteurs. Par exemple, les femmes nous disent qu’elles ne se manifestent pas parce qu’elles estiment que le risque n'en vaut pas la peine ou que c’est embarrassant. Beaucoup craignent d'en subir des conséquences. Ce qui est peut-être le plus décevant, c’est que beaucoup de travailleuses ne croient tout simplement pas qu'il puisse être utile de porter plainte.
Il faut du courage pour porter plainte. Les femmes craignent de subir des représailles ou même de perdre leur emploi, et il peut leur être extrêmement difficile de se déclarer victime quand on connaît la stigmatisation qui peut en résulter. Il est clair que, si une personne sait qu'elle peut porter plainte sans risquer d’être identifiée, elle sera moins réticente à le faire.
L’un des éléments clés de ce projet de loi est le soutien pour les employés touchés. La protection de la vie privée fait partie intégrante de ce soutien. Nous croyons que les bons résultats que l'on peut espérer du projet de loi C-65 seront étroitement liés à protection de la vie privée des personnes impliquées dans les affaires de harcèlement et de violence. C’est dans cette perspective que nous avons examiné certains des amendements proposés par l’autre Chambre.
L’autre chambre a proposé deux amendements voulant que le rapport annuel du ministre et le rapport annuel préparé par la Commission des relations de travail dans le secteur public fédéral contiennent des données statistiques sur le harcèlement et la violence, classées selon les motifs de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ces statistiques comprendraient notamment la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de l’identité sexuelle et l'état de personne handicapée.
Le gouvernement appuie l’amendement proposé visant à inclure cette information dans le rapport annuel du ministre. Toutefois, nous n’appuyons pas la modification de l’article qui s’appliquerait au rapport annuel de la Commission des relations de travail dans le secteur public fédéral. Permettez-moi de m’expliquer.
La première modification proposée concerne le rapport annuel que le ministre du Travail publierait chaque année et qui fournirait des données sur les cas de harcèlement et de violence dans les lieux de travail de compétence fédérale, y compris les lieux de travail parlementaires. La modification proposée exigerait que les données recueillies auprès des employeurs pour le rapport annuel du ministre du Travail comprennent des renseignements indiquant si une affaire donnée peut être considérée comme liée à un motif de distinction illicite. Cela fournirait des renseignements très utiles sur la nature de ces affaires afin qu’ensemble, nous puissions travailler à les prévenir.
Cependant, nous savons également que la collecte des données nécessaires présenterait certains risques pour nos collègues. Le plus grand risque serait peut-être le risque pour la vie privée des personnes qui fournissent les renseignements. C’est particulièrement vrai dans les petites organisations comptant peu d’employés, où le risque d’être identifié est très réel. Pour atténuer ce risque, la communication des renseignements serait entièrement volontaire. Il appartiendrait aux employés de décider s’ils se sentent à l’aise de divulguer des détails qui pourraient permettre de les identifier. Nous pensons que c’est la meilleure approche.
Nous estimons qu’il est important d’appuyer l’amendement visant à inclure les données dans le rapport annuel du ministre parce que nous croyons que le risque serait efficacement atténué et que les avantages potentiels sont importants.
Les données recueillies pourraient servir à déterminer si le projet de loi C-65 a l'effet escompté, particulièrement pour les personnes les plus vulnérables au harcèlement et à la violence au travail. Ces données, qui concerneraient les lieux de travail de compétence fédérale et le Parlement, pourraient être utilisées pour faire des ajustements si elles indiquent que les effets ne sont pas ceux que l'on espérait.
Le gouvernement s’est engagé à définir les politiques à partir de données probantes. Plus nous aurons de données à notre disposition, plus nous serons capables de prendre des décisions judicieuses. Toutefois, comme je l’ai mentionné, nous n’appuyons pas l’amendement proposé par l’autre Chambre pour exiger que les données statistiques contenues dans le rapport annuel de la Commission des relations de travail dans la fonction publique fédérale soient classées selon les mêmes critères. Bien que nous souscrivions à l'esprit de l’amendement, nous ne pensons pas qu’il puisse être mis en application. Le rapport produit par la Commission ne porte que sur les appels interjetés relativement à la partie II du Code canadien du travail. Seul un plus petit sous-ensemble de ces appels s’appliquerait au harcèlement et à la violence. De plus, les statistiques sur les appels ne concerneraient pas les enquêtes elles-mêmes, mais la question de savoir si la plainte a été traitée conformément au Code.
Étant donné que le rapport ne porterait que sur les appels entendus par la Commission des relations de travail dans la fonction publique fédérale et que ces appels seraient liés au respect de la procédure, les données recueillies à ce sujet porteraient sur un nombre d'affaires beaucoup trop petit pour qu'on puisse les classer en fonction des motifs de distinction illicite sans révéler l’identité des personnes concernées. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne voulons surtout pas porter atteinte à la vie privée des gens ou les dissuader de porter plainte.
Je tiens à être clair. Le rapport de la Commission des relations de travail dans la fonction publique fédérale ne porterait que sur les appels et non sur le nombre total de cas de harcèlement et de violence survenus dans les lieux de travail parlementaires. Les statistiques sur la totalité des cas seraient consignées dans le rapport du ministre mentionné précédemment.
Nous savons que ces comportements ne sont pas particuliers aux lieux de travail de compétence fédérale. Cependant, avec la montée de mouvements tels que #MoiAussi et #TimesUp, nous comprenons où nous devons agir et quels recours nous devons offrir aux victimes. Ce projet de loi contribuera à créer une culture où certains comportements ne sont tout simplement pas tolérés.
Le projet de loi C-65 permettra réaliser un changement profond de culture permettant aux gens de travailler dans un milieu de travail sécuritaire, exempt de harcèlement et de violence. Pour ce faire, les gens doivent avoir la possibilité de se plaindre des comportements répréhensibles sans craindre les représailles. Le projet de loi C-65 contribuera à ce que ce soit le cas.