Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de Charleswood—St. James—Assiniboia—Headingley.
Il y a 50 ans, l'éminent astronome Carl Sagan a écrit un article sous le pseudonyme de M. X. au sujet du cannabis, soulignant que l'illégalité du cannabis était scandaleuse. Il a dit, précisément au sujet de la légalisation: « J'espère que ce sera dans un avenir assez rapproché. »
C'était il y a 50 ans.
Je commencerai par souligner les progrès que nous avons réalisés et par nous en féliciter. Si quelqu'un m'avait demandé il y a 5 ou 10 ans si je croyais que le cannabis serait légalisé de mon vivant, j'aurais réagi avec le plus grand scepticisme; or, en octobre dernier, c'est exactement ce que le gouvernement a fait en remplissant une promesse importante de traiter le cannabis comme une question de santé publique, mais aussi de traiter les Canadiens comme les adultes responsables que nous sommes.
J'appuierai le projet de loi C-93. Il supprimera la période d'attente de cinq ans et les frais de 631 $.
Le ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé a souligné que quelque 400 000 Canadiens ont un casier judiciaire pour simple possession de cannabis. Il faut corriger cela autant que possible, car nous connaissons les répercussions d'un casier judiciaire sur la capacité des gens à trouver un logement et un emploi, ainsi que sur leur capacité à voyager.
Je vais voter pour le projet de loi C-93; c'est simple et évident, selon moi. Je suis même d'avis qu'il devrait aller plus loin et j'espère que le comité proposera des amendements en ce sens.
Tout d'abord, les Canadiens et les députés doivent faire la distinction entre un pardon et une radiation. Selon la Commission des libérations conditionnelles du Canada, une suspension de casier ou un pardon vise à éliminer les obstacles à la réinsertion sociale qui peuvent être associés à un casier judiciaire. L'idée, c'est de dire: « Nous vous avons pardonné. Reprenez une vie normale ». Dans le cas d'une radiation, le gouvernement reconnaît que la condamnation a été prononcée pour un geste qui n'aurait jamais dû être considéré comme un crime et que, partant, les personnes concernées ne devraient pas être vues comme d'anciens délinquants. Ici, on dit plutôt: « Nous sommes désolés. Nous avons fait une erreur. La condamnation n'aurait jamais dû avoir lieu. »
Il est évident que la possession de cannabis — je ne parle pas du trafic — n'aurait jamais dû être érigée en infraction et que la radiation est la solution.
Le gouvernement a fait valoir des arguments techniques en ce qui concerne les voyages. J'ose espérer que le comité les étudiera. À la frontière américaine, on ne fait pas la distinction entre le pardon et la radiation. Les agents américains appliquent leurs propres lois comme bon leur semble. Nous devrions nous concentrer sur nos propres lois.
Une chose est certaine à mes yeux: si nous avons une occasion d'aider des gens à tourner la page et à améliorer leur sort, nous devrions la saisir. La suppression du casier judiciaire serait plus utile qu'un pardon aux personnes touchées.
La distinction entre le pardon et la suppression du casier judiciaire ressort clairement quand on regarde les différences entre divers gouvernements. Nous en avons un exemple avec ce qui se passe en Ontario à l'heure actuelle, où le balancier est vraiment, vraiment parti dans le sens inverse. Un autre gouvernement pourrait en fait rétablir le casier de personnes qui ont obtenu un pardon. On ne fait que mettre le casier de côté. S'ils étaient supprimés en bonne et due forme, les casiers judiciaires ne pourraient pas être rétablis par un gouvernement différent.
Je félicite le député de Victoria d'avoir présenté le projet de loi C-415, mais j'aimerais souligner par ailleurs qu'on parle ici d'une politique de la base libérale. Je vais lire une résolution présentée par les Jeunes libéraux du Canada pendant le Congrès biennal libéral de 2012 et qui avait obtenu l'appui de 80 % de la base libérale à l'époque:
Il est en outre résolu qu'un nouveau gouvernement libéral étendra une amnistie à tous les Canadiens antérieurement condamnés pour possession simple ou minimale de marijuana et s'assurera de l'élimination de tout antécédent criminel relatif à cela.
Si nous voulons respecter notre promesse liée à la légalisation qui remonte à cette résolution, il faut offrir l'amnistie.
Plus important encore, nous devons corriger une injustice. Au départ, la criminalisation du cannabis se voulait une forme d'oppression raciale et elle a toujours cet effet aujourd'hui.
J'aimerais citer directement Harry Anslinger, le premier responsable de la lutte antidrogue aux États-Unis. Ses propos ne sont pas positifs, ils sont plutôt insultants. Selon lui, le cannabis porte les Noirs à penser qu'ils sont aussi bons que les Blancs.
Ici, au Canada, Emily Murphy, l'une des Célèbres cinq et une grande militante des droits des femmes, était à la tête d'un mouvement de tempérance fermement axé sur la croyance que des extraterrestres noirs se servaient de la drogue pour corrompre la race blanche.
Si on se penche sur l'application actuelle des lois, on constate que, d'après une enquête réalisée par le Toronto Star en 2017, les Noirs sans antécédents judiciaires sont trois fois plus susceptibles de se faire arrêter pour possession de cannabis que les Blancs. Ces données datent de 2017. Dans le cadre d'une enquête ultérieure, des demandes d'accès à l'information ont été présentées à des services de police dans l'ensemble du pays. Cette enquête a révélé que, à Regina, par exemple, les Autochtones comptaient pour 41 % des personnes arrêtées en lien avec le cannabis en 2015 et en 2016, alors qu'ils ne représentaient que 9,3 % de la population totale.
La Fédération des Canadiens noirs et l'Association canadienne des juristes noirs demandent maintenant que le gouvernement aille plus loin pour accorder l'amnistie pour possession de cannabis. Ils dénoncent cette injustice raciale. Le gouvernement soutient pour sa part que l'injustice est liée à l'application de la loi et n'est pas inhérente à la loi. Toutefois, ceux qui comprennent l'interprétation du droit constitutionnel et comment on peut établir qu'une loi est inconstitutionnelle, il ne faut pas uniquement tenir compte de l'objet de la loi, mais également de ses effets. La suppression des casiers judiciaires peut donc être motivée par une loi qui, à la fois, est fondamentalement injuste et dont l'application donne lieu à une injustice.
On peut se demander si l'objectif initial, comme je l'ai mentionné, ne devrait pas être pris en considération aussi lorsqu'on parle d'injustice. Je dirais qu'il s'agissait en soi d'une injustice. Dans le rapport de la commission Le Dain, publié en 1970, j'ai lu qu'il ne fait aucun doute que les lois canadiennes sur les drogues ont longtemps été liées, dans l'esprit des législateurs et du public, à l'attitude et aux politiques générales adoptées envers les personnes d'origine asiatique.
Voici où je veux en venir. Nous avons peur de différentes drogues aujourd'hui parce qu'auparavant, nous avions peur des gens différents de nous.
En dernier lieu, je voudrais faire valoir que, si nous mettons de côté les très importants arguments concernant l'injustice raciale et que nous nous en tenons au gros bon sens, étant donné que presque la moitié des Canadiens ont déclaré avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, nous devrions arriver à la conclusion qu'ils sont tous des criminels. Comme le cannabis est moins nocif que le pack de six bières ou la flasque de vodka qu'on apporte à une fête, les gens qui sont en possession de cannabis — je répète, qui ne sont pas des trafiquants —, devraient-ils être considérés comme des criminels? Évidemment non, pas plus que les fêtards qui apportent un pack de six bières à une fête. Si les gens consomment une substance moins nocive, ils ne devraient pas être considérés comme des criminels et, à titre de législateurs, nous devrions remédier à cette faille dans la loi. Nous avons les moyens d'y voir. Nous pourrions le faire simplement en améliorant la mesure dont nous sommes saisis.
Nous devons tous nous demander — c'est tout simple —, si la conduite en question doit entraîner l'ouverture d'un casier judiciaire. Manifestement, la réponse est non. Au départ, la possession simple n'aurait jamais dû être illégale.
J'appuie le projet de loi C-93 parce qu'il va dans la bonne direction. Cependant, nous devrions faire ce qui est juste alors que nous en avons la possibilité: nous devons corriger cette injustice.