Madame la Présidente, le projet de loi C-69, dont nous sommes saisis aujourd'hui propose bien des modifications à des lois en vigueur, mais il propose également de nouvelles lois. Bien que j'appuie l'un des principes du projet de loi, celui d'une seule évaluation par projet pour les grands projets d'exploitation des ressources naturelles, il pose trop de problèmes pour que je l'appuie.
Je tiens à me concentrer plus particulièrement sur la nouvelle Loi sur l'évaluation d'impact que propose de créer le projet de loi. D'abord et avant tout, le projet de loi ne simplifiera pas ni ne rendra plus rapide l'évaluation des projets qui figureront sur la liste des projets désignés. Bien que le gouvernement affirme que la Loi sur l'évaluation d'impact fera passer les délais de l'évaluation des projets de 365 jours à un maximum de 300 jours pour celles qui seront menées par la nouvelle Agence et de 720 jours à un maximum de 600 jours pour celles qui seront menées par une commission, il refuse de reconnaître que même si ces délais sont plus courts, le nouveau projet de loi prévoit par ailleurs une étape préparatoire pour toute évaluation éventuelle menée par l'Agence ou la commission qui peut durer jusqu'à 180 jours.
En fait, le projet de loi augmentera les délais d'examen des grands projets d'exploitation de ressources naturelles qui doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale fédérale. De plus, même si les échéanciers mis en place pour l'évaluation d'impact elle-même sont plus courts, les délais dans le projet de loi dont nous sommes saisis peuvent être prolongés par le ministre de l'Environnement ou par le Cabinet, à plusieurs reprises.
Rien dans la mesure législative ne laisse croire que le processus d'examen des projets soumis sera plus court. En fait, il laisse plutôt supposer qu'il sera plus long. Le projet de loi dont nous sommes saisis ne mènera pas à des évaluations plus efficaces ou moins coûteuses pour les entreprises qui souhaitent investir dans le secteur canadien des ressources naturelles. Selon les dispositions du projet de loi, il sera beaucoup plus coûteux pour les entreprises de présenter des demandes parce que le gouvernement propose d'augmenter considérablement le nombre de critères qu'un organisme ou une commission doit prendre en compte dans le cadre de l'évaluation d'un projet. Il ne suffit pas de tenir compte des facteurs environnementaux. Il faut aussi analyser les conditions sanitaires, sociales et économiques, ainsi que les effets sur d'autres enjeux, sans oublier les répercussions à long terme.
Lorsque l'on prend en compte ces critères élargis et le fait qu'ils seront élargis à long terme, il est évident que les entreprises devront dépenser beaucoup plus d'argent pour se préparer et passer à travers le processus de demande.
L'article 22 du projet de loi sur l'évaluation d'impact fait état de 20 facteurs à prendre en compte au moment d'évaluer l'impact d'un projet désigné. Par exemple, il est question de la durabilité et de l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires. Ce ne sont que quelques-uns des critères que le gouvernement a ajoutés au processus, et ces critères vont faire augmenter les coûts et la complexité du processus pour les promoteurs. Le processus sera non seulement beaucoup plus long, mais il sera également beaucoup plus coûteux.
Il s'agit d'un grave problème, puisque nous avons du mal, au Canada, à attirer les investissements intérieurs et les investissements étrangers pour les projets d'exploitation des ressources naturelles. Statistique Canada a, au printemps, fait d'ailleurs état de la plus importante baisse de l'investissement étranger direct dans ce pays en huit ans. L'an dernier, le pays a connu la plus importante chute de l'investissement étranger depuis les jours sombres de 2010, lorsque nous sortions à peine de la récession de 2009, qui avait été causée par la crise financière mondiale de 2008.
L'investissement étranger direct a connu un fort recul. Le nombre d'investisseurs prêts à investir dans les entreprises canadiennes a également chuté radicalement. L'an dernier, pour la deuxième année de suite, les investisseurs étranger ont vendu plus d'entreprises canadiennes qu'ils n'en ont acheté. Cela a entraîné une baisse des investissements, notamment dans le secteur pétrolier, accompagnée de pertes d'emploi et d'une réduction de la croissance.
Il y a aussi un autre problème que je veux souligner dans le projet de loi. Il concerne la liste des projets désignés. La façon dont certains projets sont désignés en vue d'une évaluation environnementale et d'autres, non, est problématique. Il reste à voir si le gouvernement fera correctement les choses dans ses règlements.
Plus tôt cette année, le gouvernement a annoncé qu'il allait lancer des consultations dans le but de revoir la réglementation concernant la liste des projets désignés. Les libéraux ont dit qu'ils allaient proposer de nouveaux règlements si le projet de loi était adopté, et j'espère qu'ils reliront le hansard de ce soir et qu'ils tiendront compte de nos commentaires dans l'élaboration de ces nouveaux règlements si le projet de loi est effectivement adopté.
Il y a un problème d'inégalité et d'injustice à plusieurs égards. Prenons comme exemple un projet de mine dans l'Ouest du Canada, disons en Alberta. Selon les règles d'avant 2012 et celles qui sont en vigueur depuis 2012, et peut-être aussi selon la nouvelle loi proposée, ce projet serait assujetti à une évaluation environnementale fédérale. Par contre, si le même projet de mine était proposé dans le Sud de l'Ontario — le genre de mines qu'on appelle sablières ou gravières —, il ne serait pas assujetti à une telle évaluation.
Je vais en donner un exemple aux députés. En 2011, une société américaine qui avait acheté plus de 2 500 acres de terres agricoles de grande qualité dans le comté de Dufferin, dans le Sud de l'Ontario, proposait l'établissement d'une mégacarrière. La société avait acquis l'équivalent de 10 kilomètres carrés de terres en vue d'y établir une mine à ciel ouvert. Conformément aux règles d'avant 2012, et ce serait aussi le cas avec les règles de 2012 et possiblement celles prévues dans le projet de loi, le gouvernement fédéral a dit qu''une évaluation environnementale fédérale n'était pas nécessaire. Pourtant, si on proposait de construire la même mine de 10 kilomètres carrés en Alberta — disons, une mine de bitume à ciel ouvert —, il va de soi qu'une évaluation environnement fédérale serait requise. Il s'agit d'un exemple de l'iniquité du régime actuel et, possiblement, du régime proposé par le gouvernement fédéral.
Si quelqu'un veut construire une mine pour extraire du minerai de fer ou du bitume dans l'Ouest canadien, il doit se soumettre à une évaluation environnementale fédérale. Il n'a toutefois pas à s'inquiéter s'il propose de construire la même mine dans le Sud de l'Ontario, car le gouvernement fermera les yeux et il n'aura pas à faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par conséquent, il traite non seulement un secteur de l'économie différemment d'un autre, par exemple le secteur pétrolier et gazier ou le secteur du minerai de fer par rapport à l'ensemble du secteur minier, mais il traite aussi une région du Canada différemment d'une autre, ce qui est injuste. J'espère que le gouvernement tiendra compte de cette injustice pendant les consultations.
Ce n'est pas juste non plus sur le plan de l'environnement quand il est question d'une mégacarrière à ciel ouvert de 10 kilomètres carrés dans le Sud de l'Ontario, une carrière qui aurait eu 200 pieds de profondeur et dont on aurait sorti 600 millions de litres d'eau douce par jour. Un tel projet devrait être assujetti au même processus fédéral d'évaluation environnementale qu'une mine de taille semblable dans l'Ouest du pays. La même évaluation devrait être réalisée parce que le Sud de l'Ontario possède la biosphère la plus dense du pays. Il est d'autant plus nécessaire de protéger cette biosphère qu'elle est davantage menacée que la biosphère de toute autre région du pays en raison, surtout, de la croissance de la population de villes du corridor Québec-Windsor, qui passe par Montréal, Ottawa et Toronto.
J'espère que la liste de projets à venir du gouvernement, qu'elle soit fondée sur la loi actuelle ou la loi proposée, sera équitable envers tous les secteurs de l'économie et toutes les régions du pays. J'espère aussi que le ministère tiendra compte de ces commentaires dans ses règlements.
Le projet de loi dont nous sommes saisis présente par ailleurs un autre problème, celui de l'ingérence politique, une tendance générale du gouvernement. Comme vient de le souligner le député de St. Albert—Edmonton, la mesure législative proposée conférerait au ministre un droit de veto sur les demandes de projet d'exploitation des ressources naturelles. Cette mesure est sans précédent au Canada. Avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, jamais un projet d'exploitation des ressources naturelles n'avait été rejeté ou approuvé par le Cabinet fédéral avant la réalisation du processus fédéral d'évaluation environnementale, et jamais un tel processus n'avait été annulé par le Cabinet fédéral.
Autrement dit, avant l'arrivée du gouvernement actuel, le Cabinet avait avalisé toutes les recommandations formulées à l'issue du processus fédéral d'évaluation environnementale, et ce, depuis sa création, il y a des dizaines d'années. C'était la première fois, avec le pipeline Northern Gateway, que le Cabinet bloquait un processus d'examen d'un grand projet d'exploitation des ressources naturelles avant qu'il soit mené à terme et avant que le Cabinet lui-même ait pu accepter les recommandations qui lui étaient adressées.
Le même scénario se répète ici. Les libéraux veulent donner un droit de veto au ministre. Avant même le début de l'évaluation d'impact, le ministre aura le pouvoir d'annuler un projet s'il est d'avis qu'il aura des effets inacceptables. Ce critère est tellement vaste qu'on pourrait s'y perdre. Encore une fois, le gouvernement cherche à politiser des processus quasi judiciaires autrefois indépendants et confiés au professionnalisme des fonctionnaires.
Le projet de loi C-49 est un autre bon exemple de processus autrefois confiés aux bons soins de la fonction publique et d'entités quasi judiciaires. Il accorde en effet au ministre des Transports un droit de veto politique sur les coentreprises auxquelles les lignes aériennes voudraient se joindre. Auparavant, les transporteurs aériens qui voulaient se joindre à une coentreprise devaient se soumettre à l'examen d'un des meilleurs organismes d'application de la loi du monde, le Bureau de la concurrence, afin que celui-ci s'assure que la concurrence n'en souffrirait pas. En fait, quand Air Canada a proposé de s'associer à United Airlines, il y a quelques années, le Bureau de la concurrence a rejeté la proposition initiale et indiqué aux deux transporteurs qu'ils devraient retirer une série de trajets transfrontaliers de leur coentreprise parce qu'autrement, la concurrence en souffrirait et que les prix payés par les consommateurs et les entreprises du Canada augmenteraient.
Ce que le gouvernement actuel a fait avec le projet de loi C-49, qu'il a fait adopter de force à la Chambre et au Sénat, c'est accorder au ministre des Transports la capacité d'opposer son veto à ce processus à l'aide d'une définition large de l'intérêt public afin de contourner l'examen d'une coentreprise effectué par le Bureau de la concurrence et d'approuver sans discussion une coentreprise dans l'intérêt de la compagnie aérienne et au détriment de l'intérêt concurrentiel des consommateurs du pays. Avec la récente adoption du projet de loi C-49, Air Canada a annoncé la formation d'une coentreprise avec Air China. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence.
Ainsi, voilà seulement quelques exemples qui montrent comment le gouvernement politise le processus d'application des lois sur la concurrence pour l'examen des grands projets d'exploitation des ressources naturelles, ce qu'aucun gouvernement précédent n'a fait.
Enfin, je tiens à critiquer l'approche générale du gouvernement libéral à l'égard des questions environnementales. Les libéraux ont créé un climat d'incertitude. En ce qui concerne l'approbation des pipelines, ils ont créé de l'incertitude. C'est pourquoi Kinder Morgan a annoncé qu'elle partait du Canada et pourquoi elle a vendu ses actifs au gouvernement du Canada. Les libéraux ont créé un climat d'incertitude dans le milieu des affaires. Comme je l'ai mentionné précédemment, voilà pourquoi, ce printemps, Statistique Canada a rapporté que les investissements étrangers au Canada avaient chuté pour atteindre leur plus bas niveau en huit ans. Il y a un exode de capitaux du secteur pétrolier et gazier du pays. Statistique Canada rapporte que, l'année dernière, les mouvements de capitaux ont diminué pour la deuxième année consécutive et qu'ils ont chuté de plus que de moitié depuis 2015. Les achats nets d'entreprises canadiennes par des entreprises étrangères sont désormais inférieurs aux ventes de ces mêmes entreprises étrangères, ce qui signifie que les entreprises étrangères ont vendu plus d'entreprises canadiennes qu'elles en ont achetées.
En ce qui a trait aux changements climatiques, les libéraux ont créé beaucoup d'incertitude.
Les libéraux ont annoncé leur tarification du carbone en grande pompe, mais le prix n'a été fixé qu'à 50 $ la tonne d'ici 2022. Ils n'ont pas dit ce qui allait arriver après 2022. C'est dans à peine quatre ans, et les entreprises et les consommateurs veulent savoir ce qui se passera après 2022.
De plus, les libéraux ont créé de l'incertitude, car 50 $ la tonne ne nous permet pas de respecter l'objectif de l'Accord de Paris. En fait, l'automne dernier, le vérificateur général a présenté un rapport dans lequel on peut lire que le Canada n'atteindra pas l'objectif de l'Accord de Paris qu'il s'est fixé, soit une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030, avec un prix de 50 $ la tonne. Il a estimé que nous sommes à quelque 45 mégatonnes en-dessous de notre objectif.
Les libéraux ont créé de l'incertitude avec leur politique de lutte contre les changements climatiques, car ils ont été incohérents à cet égard. Ils sont incohérents quant à la façon dont ils traitent un secteur de l'économie par rapport à un autre. Par exemple, ils demandent que les projets dans les secteurs pétrolier et gazier tiennent compte des émissions en amont et en aval, mais ils n'imposent pas cette même exigence aux projets dans les autres secteurs de l'économie.
Ils sont incohérents à l'égard de la politique de lutte contre les changements climatiques dans la façon dont ils traitent une région du pays par rapport à une autre. Dans le rapport du vérificateur général publié il y a une semaine, le quatrième rapport, on souligne l'incohérence observée dans la façon dont les libéraux traitent les Canadiens du centre du pays par rapport aux Canadiens de l'Ouest.
Par exemple, les libéraux disent aux producteurs de pétrole et de gaz de l'Ouest canadien que le processus d'approbation de tout projet d'envergure en matière d'exploitation des ressources naturelles doit tenir compte de ses répercussions sur les changements climatiques. Pourtant, ils font volte-face, et l'une des premières décisions qu'ils ont prises à leur arrivée au pouvoir a été de renoncer au péage sur le nouveau pont de compétence fédérale à Montréal, dont la construction coûtera plus de 4 milliards de dollars. Dans le rapport 4 qu'il a publié la semaine dernière, le vérificateur général du Canada a signalé que l'abandon du péage fera augmenter de 20 % la circulation sur ce pont, faisant passer de 50 à 60 millions le nombre de voitures et de camions par année. Ainsi, 10 millions de véhicules supplémentaires emprunteront ce pont tous les ans, ce qui causera de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.
Dans une partie du pays, les libéraux disent aux entreprises et aux Canadiens qu'ils doivent tenir compte des émissions de gaz à effet de serre lorsqu'ils proposent un nouveau projet dans le secteur gazier et pétrolier. Toutefois, lorsqu'il décide de construire un tout nouveau pont de compétence fédérale à Montréal pour une somme de plus de 4 milliards de dollars, il omet de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre. En fait, il va renoncer au péage, ce qui fera augmenter de 20 % la circulation, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre connexes.
Les libéraux ont finalement créé un climat d’incertitude en refusant de voir que l’impôt sur le revenu est trop élevé. Le gouvernement tient de beaux discours sur l’environnement et l’économie, mais les faits les démentent. Ils ont raté l’occasion d’une vie de réduire l’impôt des sociétés et des particuliers. Ils ont raté l’occasion de se servir des recettes produites par la tarification de la pollution causée par le carbone pour baisser les impôts sur le revenu des sociétés et des particuliers. Ils ont enfin raté l’occasion de réformer le régime fiscal afin de réduire sa complexité et ses distorsions.
Le régime a été réformé en 1971 par le gouvernement de Pierre Trudeau. La réforme suivante a été faite en 1986 par le gouvernement de Brian Mulroney. Plus de 30 ans se sont écoulés sans réforme significative de l’impôt des particuliers et des sociétés, et les libéraux ont laissé passer l’occasion alors même qu’ils avaient promis d’envisager une réforme fiscale dans leur tout premier budget.
Le gouvernement tient de beaux discours sur l’environnement et l’économie, discours que démentent les faits. Nous sommes face à une occasion manquée et c’est pourquoi je ne peux pas appuyer ce projet de loi.