Monsieur le Président, c'est un plaisir d'intervenir ce soir dans cette enceinte dont on a beaucoup parlé ces derniers jours. Comme nous le savons tous, dans quelques jours, les députés rentreront chez eux, dans leur circonscription, pour les vacances, et cette salle fermera pendant un certain nombre d'années. On nous dit que ce sera entre 10 et 12 ans, mais on sait qu'à Ottawa, cela veut plutôt dire entre 15 et 20 ans. Cette estimation n'est probablement pas loin du compte. La prochaine fois que nous foulerons ce sol, mes enfants seront dans le milieu ou à la fin de la vingtaine.
Je songe au fait que nous sommes saisis d'un projet de loi sur les élections. Il est plutôt opportun que, depuis 100 ans, cette enceinte soit le lieu où les représentants de tous les coins du Canada débattent, à deux longueurs d'épée et demie d'écart, des questions du jour. Notre capacité de le faire découle de notre système électoral. La légitimité de notre présence ici repose sur une seule chose, l'appui des gens de notre circonscription respective, dans les diverses régions du pays.
Il est opportun que nous soyons saisis d'un projet de loi électorale, le dernier à être débattu dans cette enceinte, ce lieu sacré. Il est un peu paradoxal que le projet de loi soit soumis à ce que l'on appelle l'attribution de temps, qui permet au gouvernement d'imposer sa volonté sur le plan législatif et de clore le débat sur la démocratie canadienne et sur les conséquences qui en découleront pour elle. C'est d'autant plus paradoxal que quand les conservateurs faisaient la même chose lorsqu'ils étaient au pouvoir, les libéraux dénonçaient furieusement cette atteinte à la démocratie parlementaire par laquelle on bâillonnait le Parlement pour imposer un projet de loi par la force. Quelques années après, les libéraux font de même. Pourquoi tant de presse? C'est parce qu'ils ont tellement tardé à présenter le projet de loi.
Je tiens à être bien clair: les libéraux ont été élus en promettant de défaire ce que le gouvernement Harper avait fait au système électoral et d'apporter des modifications corrélatives. Environ un an après être arrivés au pouvoir, ils ont présenté un projet de loi à cet effet, puis ils n'ont rien fait. Ils ont laissé traîner le projet de loi pendant des centaines de jours. Il n'a pas bougé, on n'en a ni débattu ni discuté, rien. On aurait cru en quelque sorte qu'ils ne voyaient pas l'urgence de remédier aux lacunes du système démocratique. Le premier ministre avait déclaré que l'une de ses priorités les plus urgentes était de régler les problèmes que son prédécesseur avait créés. Nous étions d'accord avec lui et nous lui avons demandé à maintes reprises où en était le projet de loi.
Les libéraux n'en ont rien fait. Ensuite, quelques centaines de jours plus tard, ils ont présenté le présent projet de loi. Nous avons attendu 748 jours en tout avant que les libéraux le présentent. C'est 226 jours après la date butoir fixée par Élections Canada. L'organisme avait indiqué au Parlement du Canada que, pour organiser les élections, il devait recevoir les règles modifiées avant une date précise. C'était il y a 226 jours. Si le projet de loi C-76 est adopté, ce qui devrait arriver dans un jour ou deux, une foule d'éléments qu'il contient ne seront pas mis en oeuvre au cours de la prochaine campagne électorale. Ces solutions ne seront pas mises en place et ce ne sera aucunement la faute de l'opposition. Le gouvernement a laissé traîner la mesure législative aussi longtemps parce qu'il avait d'autres priorités.
Il existe un fait méconnu au sujet de l'édifice du Centre, qui abrite la Chambre des communes. Lorsqu'ils ont conçu les plans de l'édifice, les architectes en ont fait délibérément une oeuvre inachevée. Si on jette un coup d'oeil à la maçonnerie et à l'architecture en parcourant les couloirs de l'édifice, on se rend compte que des espaces sont vides, c'est-à-dire qu'il ne s'y trouve aucune oeuvre d'art ni inscription. Lorsqu'on leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi, les architectes ont déclaré que l'édifice serait un symbole de la démocratie au Canada, qui faisait alors l'objet d'une discussion inachevée.
Pour un trop grand nombre de Canadiens, cette discussion a à peine commencé. Je pense tout particulièrement aux Autochtones, qui attendent depuis plus de 150 ans que la Couronne et la Chambre des communes comprennent en quoi consiste véritablement un dialogue de nation à nation et comment il convient de le mener avec respect. C'est un travail inachevé.
Nous disons souvent que nous sommes sur un territoire non cédé, c'est-à-dire qu'il n'a pas encore été cédé au Canada ou à la Couronne. Pour que nous puissions être entièrement nous-mêmes, il faudra faire plus que simplement rénover un édifice. Il faudra apporter de véritables changements à la structure et au partage des pouvoirs. Il faudra que le gouvernement du Canada cesse d'agir comme une entité paternaliste auprès des Autochtones et qu'il entame avec eux un dialogue fondé sur la réciprocité et le respect, qui se fait attendre depuis très longtemps.
Revenons-en au projet de loi, un texte bien mal écrit de quelques centaines de pages. Les ministériels et les députés de l'opposition ont formulé 338 amendements. C'est un nombre incroyable de corrections pour un projet de loi que le gouvernement a mis trois ans à rédiger. Si le texte est volumineux, le but visé, lui, est assez simple: un système électoral juste et ouvert à tous les Canadiens.
On a vraiment raté une occasion d'apporter quelques bons changements. Notre ancien collègue Kennedy Stewart avait présenté un projet de loi très judicieux. C'est un gars intelligent. Aujourd'hui, il est le maire de Vancouver. Des gens intelligents l'ont élu maire. Il a regardé les démocraties dans le monde et s'est demandé dans quels pays le Parlement était représentatif de la population. L'équilibre hommes-femmes au Parlement serait un bon indicateur. On peut regarder quels pays sont efficaces à cet égard et lesquels ne le sont pas.
Les Canadiens ont peut-être l'impression, à tort, que parce que le premier ministre se dit féministe, on doit atteindre un certain équilibre entre les deux sexes au Parlement. Surprise, ce n'est pas le cas. Soixante-seize pour cent des gens ici sont comme moi, des hommes, pour la plupart blancs. Il y a 24 % de femmes.
On peut se demander quelle était la proportion à l'époque du gouvernement Harper. C'était presque identique. Je crois qu'il y a une différence de 1 %, d'un gouvernement à l'autre. Cela étonne peut-être les Canadiens, car le gouvernement semble avoir tellement changé, mais en ce qui a trait à l'équilibre des genres à la Chambre, en réalité, il n'y a pas eu le moindre changement. Pourquoi? Parce que les mêmes règles s'appliquent.
Notre collègue a examiné d'autres pays, notamment l'Irlande, la Norvège et les pays scandinaves. Il a trouvé que la meilleure façon d'y arriver — et les libéraux le savent, car nous avons eu beaucoup de témoignages à ce sujet en comité — consiste à avoir un système électoral équitable.
Un système électoral proportionnel tend à favoriser l'élection de plus de femmes et de membres de groupes sous-représentés. Notre premier ministre féministe l'a constaté, il a promis de changer le système électoral, il s'est rendu compte que cela n'avantagerait pas vraiment les libéraux et il est revenu sur sa promesse, même si elle aurait permis à plus de femmes et de membres de groupes qui revendiquent l'équité d'être élus au Parlement. Il lui fallait choisir entre le pays et le parti, et le premier ministre libéral a choisi le parti.
Il a renié cette promesse, au grand désarroi de nombreux Canadiens, puisqu'il l'avait répétée 1 800 fois. J'ai moi-même cru le premier ministre. Je suis peut-être un peu naïf. En voyant le chef d'un parti aspirant au poste de premier ministre répéter, clair et net, une promesse 1 800 fois, j'ai pensé qu'il n'abandonnerait pas celle-là, car cela ferait de lui un menteur.
Un jour, ô surprise, il a décidé tout d'un coup qu'il ne souhaitait plus faire cela parce qu'il n'aimait plus cela. Le comité a entendu des témoignages de simples Canadiens; 80 % d'entre eux ont dit vouloir un mode de scrutin proportionnel. Parmi les spécialistes qui ont témoigné devant le comité, 90 % ont dit que le Canada devait passer à un mode de scrutin plus équitable. Toutes les études réalisées, dont 14 études nationales, tous ceux qui ont étudié la question, depuis la Commission du droit du Canada jusqu'à chacune des provinces, ont conclu que le Canada devait passer à un mode de scrutin proportionnel où chaque vote compte.
Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues, mais l'une des principales raisons que les gens me donnent pour ne pas voter, lorsque je fais du porte-à-porte, c'est: « Mon vote n'a pas d'importance. Je vote pour un parti dans ma circonscription qui n'a aucune chance, alors à quoi bon? J'ai voté à 10 élections, et jamais la personne pour qui j'ai voté n'a été élue. »
Lors des dernières élections canadiennes, un peu plus de la moitié des votes sont allés à des personnes qui n'ont pas été élues. Pour plus de la moitié des gens qui se sont rendus dans les bureaux de scrutin, leur vote, l'expression de leur espoir pour l'avenir, n'a rien donné de concret. Les libéraux ne veulent pas d'un mode de scrutin équitable, car il ne les avantagerait pas.
Nous avons ensuite examiné l'idée de notre ami Kennedy Stewart, qui affirme que l'Irlande a trouvé une toute nouvelle solution. Les partis politiques en Irlande qui engagent des dépenses électorales se les font en fait rembourser par les contribuables. C'est une solution très généreuse à l'endroit des partis politiques. Pourquoi ne pas lier ce remboursement à la représentativité de la liste de candidats de chacun des partis? Comme le disait le premier ministre en 2015, nous sommes en 2015. Plus la liste de candidats d'un parti est représentative de la diversité du pays, plus ce parti obtient un remboursement généreux des contribuables. Moins sa liste est représentative de cette diversité, moins le parti reçoit d'argent, puisque l'argent semble être une source de motivation pour les partis. Qui l'eut cru?
Quel a été le résultat de ce changement tout simple, en Irlande? Le nombre de candidats provenant de groupe issus de la diversité et de candidates a augmenté de 90 %, quel que soit le parti. Quant à la proportion qui ont été élus au Dail — c'est-à-dire à l'assemblée législative d'Irlande —, elle a augmenté de 40 %. Je rappelle qu'au Canada, entre le gouvernement Harper et le nouveau gouvernement libéral, cette proportion a crû de 1 %. À lui seul, ce changement a permis à l'assemblée irlandaise de représenter plus fidèlement la population du pays dans une proportion de 40 %.
Voici ce que moi, j'en pense. Si 75 % des parlementaires étaient des femmes, le Canada aurait déjà des garderies abordables et une loi sur l'équité salariale. Nous savons que le sexe des candidats et des élus joue sur le type de politiques qui sont ensuite adoptées. Depuis de trop nombreuses générations, les femmes et les groupes issus de la diversité sont tenus à l'écart et doivent plaider avec ceux qui ont le pouvoir au lieu d'exercer directement leur influence.
Nous avons déjà reçu les Héritières du suffrage. Mes collègues se rappellent-ils le moment où 338 jeunes femmes représentant les 338 circonscriptions du pays ont fait leur entrée? L'une d'elles a pris la parole pour poser une question au premier ministre. Elle lui a dit qu'elle souhaiterait que le Canada adopte la représentation proportionnelle, car ce système a fait ses preuves. Le premier ministre lui a répondu par la négative et affirmé que les hommes à qui on demande de se porter candidat répondent toujours oui, mais que les femmes, elles, veulent savoir pourquoi on les choisirait, elles. C'était comme s'il blâmait les victimes, comme si c'était la faute des femmes, comme si elles n'avaient pas le courage et la confiance nécessaires pour se faire élire ou pour s'attaquer aux graves problèmes que doivent affronter les familles du pays. J'ai trouvé cela plutôt insultant. Avec un aplomb qui m'a beaucoup plu, la jeune femme en question lui a répliqué qu'au rythme où vont les choses, il faudra 86 ans avant que le Parlement soit paritaire, et qu'elle ne voulait pas attendre aussi longtemps. C'était bien de voir une jeune femme remettre le premier ministre du Canada à sa place.
Nous devons en outre aborder la question de l'influence étrangère dans nos élections, et leur intégrité. Il s'agit d'un enjeu d'actualité partout sur la planète. Mes collègues conservateurs en ont parlé. Les témoignages que nous avons entendus au comité ne laissent aucun doute quant à la vulnérabilité de notre système politique par rapport à l'influence étrangère, qui se manifeste notamment par le piratage des bases de données des partis.
Que renferment les bases de données des partis? Une mine de renseignements sur les électeurs; non seulement leur âge et leur lieu de résidence, mais leurs préférences lors des élections, leurs revenus et leurs opinions sur les enjeux importants. Chaque parti cherche à recueillir ces renseignements par rapport aux électeurs. Le parti libéral s'en est même vanté lors des dernières élections, affirmant qu'il s'agissait de l'élément essentiel ayant mené à sa victoire. Il était en possession des meilleures données. Il a été en mesure, plus que tout autre parti, d'extraire toutes sortes de renseignements des médias sociaux. Chaque fois qu'un internaute a cliqué sur un élément présent sur Facebook, aussi banal que la mention « j'aime » d'une photo de chat, le Parti libéral a pu s'emparer de ces renseignements.
Qui les libéraux ont-ils embauché? Comment s'appelle l'entreprise à laquelle ils ont donné un contrat? Elle se nomme Cambridge Analytica. Si, si, c'est bel et bien elle. Les libéraux ont donné un contrat de 100 000 $ à Cambridge Analytica, ce que nous ne comprenons pas encore. Dans quel autre dossier Cambridge Analytica est-elle impliquée? Dans le Brexit, c'est exact. Ce sont ces gars-là qui ont employé des subterfuges technologiques pour puiser des données illégalement sur Facebook, sur Twitter et dans les autres médias sociaux largement fréquentés afin de connaître les préférences, les opinions et les renseignements personnels des gens à leur insu.
L'idée que les partis politiques devraient être soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels a été défendue devant le comité par le directeur général des élections, le commissaire à la protection de la vie privée et même le chef du service de renseignement de sécurité, car les espions aussi considèrent la situation actuelle comme problématique. Maintenant, soyons francs. Il y a deux ans, mon parti, le NPD, était opposé à cette idée. En étant soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels, un parti politique serait obligé de permettre aux Canadiens qui en feraient la demande d'obtenir les renseignements personnels qu'il a recueillis sur eux et de supprimer ces renseignements lorsqu'une personne le demanderait. Les partis politiques n'en ont pas envie.
Toutefois, lentement mais sûrement, à mesure que nous avons pris connaissance des faits, nous avons été convaincus de la justesse de cette idée et nous y souscrivons désormais. Les trois grands partis politiques étaient représentés lors des travaux du comité. Les conservateurs ont dit qu'ils se plieraient à la loi, quelle qu'elle soit. Les libéraux, eux, refusaient l'idée jusqu'à ce qu'ils fassent volte-face dimanche. Pourquoi?
Voici une citation qui devrait donner des frissons à certains de mes collègues libéraux: « Nous croyons qu’il est très probable que les cybermenaces contre les processus démocratiques seront plus nombreuses et plus complexes au cours de l’année à venir ». Le Canada sera particulièrement touché. C'est le responsable du Centre de la sécurité des télécommunications qui a tenu ces propos. Il s'agit de l'agence d'espionnage à qui la ministre des Institutions démocratiques a commandé une étude en vue d'évaluer la menace actuelle à notre sécurité démocratique. L'agence a étudié la question et a indiqué qu'il existe bel et bien une menace: un gouvernement ou un organisme étranger n'aurait qu'à pirater les bases de données du Parti libéral, du Parti conservateur ou du NPD et il pourrait ensuite manipuler le résultat des élections comme cela fut le cas lors du référendum sur le Brexit.
Le souvenir fait sourire mon collègue de Winnipeg. Je me demande comment les gens de l'Angleterre se sentiraient s'ils savaient qu'on a piraté l'important vote sur le maintien de l'Angleterre au sein de l'Union européenne ou son retrait de celle-ci, que des renseignements personnels ont été dérobés à divers partis politiques et extraits de Facebook et que des messages particulièrement influents ont été envoyés aux électeurs pour influencer leur vote. Dans ce cas-là, l'objectif était de faire voter en faveur du retrait de l'Angleterre de l'Union européenne. Le gouvernement est maintenant complètement bouleversé et les habitants ne font pas confiance au système.
Que s'est-il passé avant l'élection de Trump? De nombreux cas bien étayés ont montré qu'on s'est servi des médias sociaux, comme Facebook et Twitter, pour recueillir des informations sur les intentions de vote des électeurs et leurs points de vue sur certains enjeux. On leur a envoyé des messages ultra ciblés afin de les influencer. Dans le cas de M. Trump, l'objectif était de le faire élire président. Qui a embauché les pirates informatiques? Ce sont les Russes. C'est l'objet de toute l'enquête sur l'ingérence étrangère dans les élections américaines. Oublions les paiements versés à des vedettes de la pornographie et tout le reste. Ce n'est que diversion. Le principal enjeu pour la démocratie américaine est le fait que les élections ont été piratées par la Russie, un ennemi juré des États-Unis.
Au Canada, nous pensons que nous sommes de bonnes gens que personne ne voudrait influencer. Il est certain que le gouvernement chinois n'a pas le moindre intérêt à influencer l'issue des prochaines élections au Canada. Le gouvernement chinois n'a aucune opinion concernant les arrestations ou les détentions qui ont eu lieu, concernant l'arrivée d'une quelconque société de télécommunication au Canada ou concernant l'acquisition d'actifs majeurs dans les sables bitumineux par des compagnies chinoises. Non, non, le gouvernement chinois ne s'abaisserait jamais à de telles pratiques. Qu'on ne s'y trompe pas: il le ferait et nous sommes naïfs et stupides de n'avoir pas réagi alors que nous y voyions clair.
Selon le directeur général des élections du Canada, l'homme qui dirige nos élections, « s’il y a un domaine où le projet de loi a échoué, c’est bien celui de la protection de la vie privée ». D'après le commissaire à la protection de la vie privée, le projet de loi C-76 « n'ajoute rien ». Selon l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, la protection des renseignements personnels est loin de respecter les normes internationales reconnues dans ce domaine. Pour leur part, les libéraux disent qu'on devrait continuer de se comporter comme au far west et que tout ira bien puisque nous sommes au Canada. Comme si cela pouvait nous protéger.
Je trouve sincèrement préoccupant que la dernière mesure législative qui sera adoptée à la fin de la présente législature soit la plus importante de toutes, puisqu'elle établit comment les Canadiens élisent les gens qui les représenteront, qui parleront en leur nom et qui adopteront des lois dont les répercussions se feront sentir sur-le-champ et pendant plusieurs générations. Pendant le processus législatif, les libéraux ont reçu toutes les données et toutes les pistes de solution qui leur auraient permis de remédier aux lacunes de ce projet de loi de manière à protéger le mieux possible la démocratie canadienne contre l'influence étrangère, le piratage informatique et les gens qui tentent d'influencer le résultat d'une élection libre et impartiale. Les libéraux ont dit qu'il fallait simplement étudier la question de plus près. Après des centaines de jour d'inaction, ils ont dit qu'il fallait étudier la question de plus près, alors que nous étions justement en train de l'étudier.
Les membres libéraux du comité de la protection des renseignements personnels et de l'éthique viennent eux-mêmes de terminer une étude à ce sujet qui conclut — c'est révolutionnaire, je le sais — que les lois relatives à la protection des renseignements personnels devraient s'appliquer aux partis politiques, ce qui est justement ce que nous réclamions comme changement au projet de loi. Les libéraux qui siègent à un comité ont dit qu'il faut agir dans ce sens afin de protéger la démocratie au Canada, mais ceux qui siègent au comité n'ont pas voulu légiférer à ce sujet. C'est extrêmement exaspérant. Ce n'est pas possible.
La session s'achève, et le projet de loi suit son cours jusqu'à son aboutissement, mais il ne faut pas laisser accroire qu'il accomplit tout ce que la ministre a prétendu cet après-midi. Les Canadiens doivent savoir de quoi il en retourne, rester vigilants et se méfier. Le dossier reviendra sur le tapis — après tout, il faudra réparer de nouveau le gâchis —, et voici ce que je redoute: des rumeurs circuleront durant la prochaine campagne électorale, des allégations de piratage et d'ingérence étrangère qui se confirmeront après coup, preuves à l'appui: les élections auront été piratées. Les Canadiens ne pointeront pas qu'un seul parti politique du doigt. Ils perdront encore plus confiance dans le processus démocratique, ce qui portera atteinte à tout ce que nous tentons d'accomplir, à ce que tous les députés tentent d'accomplir à la Chambre depuis un siècle.
Nous pouvons faire mieux. Les Canadiens méritent mieux que cela. Ce projet de loi aurait pu être quelque chose de tellement mieux.