propose:
Que la Chambre: a) demande au Comité permanent de la santé d’entreprendre une étude et d'en faire rapport afin de déterminer (i) les facteurs qui contribuent aux importantes disparités dans les résultats en matière de santé des Canadiens vivant en milieu rural, comparativement à ceux des Canadiens vivant dans les centres urbains, (ii) des stratégies, y compris le recours à des technologies des communications modernes et qui progressent rapidement, afin d’améliorer la prestation de services de santé aux Canadiens en milieu rural; b) demande au gouvernement de travailler de concert avec les provinces et les territoires, ainsi que les intervenants concernés, à améliorer par de nouvelles mesures la prestation de services de santé dans le Canada rural.
— Monsieur le Président, c’est un honneur et un plaisir pour moi de prendre la parole au sujet de ma motion d’initiative parlementaire, la motion M-226, qui concerne la prestation des soins de santé en milieu rural au Canada.
Je représente la circonscription de Kenora, l’une des plus grandes circonscriptions rurales du Canada: délimitée au nord par la baie d’Hudson, elle atteint presque la frontière américaine au sud. C’est probablement l’un des meilleurs exemples que l’on puisse utiliser pour illustrer ce qu’est une région éloignée et inaccessible, ou accessible seulement par avion ou par route d’hiver, lorsque les lacs sont gelés.
Il s’agit d’un sujet important pour tous les Canadiens qui vivent en milieu rural. Les soins de santé et leur prestation, ainsi que la capacité du gouvernement de fournir des produits de santé à toute la population canadienne, notamment dans le Nord, sont des questions qui préoccupent tous les Canadiens. Pour ces raisons, le Nord-Ouest de l’Ontario représente une étude de cas unique à bien des égards. De l’infrastructure à l’environnement, en passant par les transports et l’emploi, le Nord nous oblige à trouver des solutions innovatrices.
Les soins de santé peuvent être abordés sous différents angles, notamment ceux des soins de santé mentale, des fournisseurs de soins de santé et de leur disponibilité, de la couverture des médicaments sur ordonnance et des soins adaptés à la culture, pour ne nommer que ceux-là.
Selon les données du recensement de 2016 de Statistique Canada, la population du pays dépassait les 35 millions d'habitants, et 16,8 % d'entre eux vivaient en milieu rural. En 2006, l'Institut canadien d'information sur la santé a publié un rapport intitulé « Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural? Une évaluation de leur état de santé et des déterminants de la santé ». On peut y lire que les taux de mortalité et de mortalité infantile sont plus élevés chez les Canadiens des régions rurales et que ceux-ci ont une espérance de vie plus courte que les personnes vivant dans les centres urbains.
Des facteurs liés à la santé, comme une proportion plus élevée de fumeurs, une consommation moindre de fruits et de légumes et un taux d'obésité élevé, touchent de façon disproportionnée les résidants des régions rurales. De plus, la population en milieu rural a tendance à être plus âgée que dans les villes.
Le recrutement et le maintien en poste de médecins et de professionnels de la santé représentent aussi un défi de taille. Tout au long des années où je me suis intéressé à la question, il n'a jamais été facile de trouver suffisamment de professionnels qui veulent travailler dans les régions rurales. Selon les données de 2016 de l'Institut canadien d'information sur la santé, il y avait environ 84 000 médecins au Canada et seulement 6 790 d'entre eux, ou 8 %, pratiquaient en milieu rural.
Selon un rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé publié en 2006, les hommes vivant en milieu rural, où les fumeurs y sont plus nombreux, avaient une espérance de vie moyenne plus courte de presque trois ans par rapport à leurs concitoyens urbains. Le rapport indique que ces chiffres sont statistiquement importants.
Le risque de mortalité causée par des maladies ou des crises cardiaques, ou par des maladies respiratoires comme l'influenza et la pneumonie, était aussi beaucoup plus élevé en milieu rural que dans les grands centres urbains. Les niveaux de services offerts varient, étant donné que les régions rurales n'ont pas le bassin de population pour justifier la construction de grandes infrastructures de santé.
De plus, les collectivités rurales et éloignées ont de la difficulté à recruter et à maintenir en poste des professionnels de la santé. J'y reviens souvent parce que c'est un enjeu qui est soulevé pratiquement toutes les semaines dans ma circonscription.
Du côté des jeunes, il n'y a pas d'outil pour mesurer les disparités en matière de santé au Canada. Si on se penche sur l'expérience que les enfants et les jeunes vivant en milieu rural ont du système de santé, on obtient une bonne idée de l'état de la situation. Les populations autochtones, surtout celles qui se trouvent en régions rurales et éloignées, sont les communautés les plus mal desservies du Canada.
J'aimerais prendre une minute pour donner un exemple de situations vécues dans le Nord afin que chacun comprenne bien à quel point la prestation des soins de santé y est différente de ce qui se fait dans le Sud du pays.
En septembre 2018, l'autorité sanitaire des Premières Nations de Sioux Lookout a publié le rapport « Our Children and Youth Health Report », dans lequel est consignée l'expérience de 31 communautés autochtones de la région de Sioux Lookout.
Depuis 1991, la population des Premières Nations de Sioux Lookout a augmenté de 74 %. Pour la plupart, les gens qui ont besoin de soins médicaux s'adressent au dispensaire de leur localité. Quant aux services d'urgence, ils sont la plupart du temps accessibles seulement par avion. Les femmes des Premières Nations de Sioux Lookout qui attendent un bébé doivent donc quitter leur domicile, laisser leur famille derrière elles et parcourir des centaines de kilomètres pour donner naissance à leur enfant à l'hôpital. Les députés peuvent-ils s'imaginer se retrouver un jour dans une pareille situation? Dans la quasi-totalité des cas, aussitôt que la date de l'accouchement approche, la famille doit prendre l'avion et s'absenter pendant des semaines, absence qui peut se prolonger de plusieurs semaines si le bébé se fait attendre.
Pour la plupart, les gens qui habitent dans la région et qui ont besoin de soins médicaux s'adressent au dispensaire de leur localité. Quant aux services d'urgence, ils sont la plupart du temps accessibles seulement par avion. Les femmes des Premières Nations de Sioux Lookout qui attendent un bébé doivent quitter leur domicile, comme je le disais, et si leur nouveau-né a besoin de soins d'urgence, il est transporté par hélicoptère, parce qu'aucun établissement de la région n'a de service des urgences. Depuis 2012, le nombre de nouveau-nés qui ont eu besoin de soins d'urgence a augmenté de 11 %.
Les jeunes des Premières Nations de Sioux Lookout sont cinq fois plus nombreux que la moyenne ontarienne à se rendre aux urgences pour des problèmes de santé mentale. De 2012 à 2016, le nombre de personnes qui se sont rendues aux urgences pour cette raison a crû de 123 %.
Ces exemples illustrent bien les obstacles que doivent surmonter les Canadiens qui vivent dans un milieu rural ou éloigné et qui ont besoin de soins médicaux. Je suis ici pour trouver des moyens d'abattre ces obstacles et d'aider les localités rurales à obtenir les mêmes soins de santé qu'en ville, y compris sur le plan de la qualité.
Les questions de compétence représentent l'un des plus grands obstacles à la prestation de soins de santé de qualité dans le Nord. Quel est le rôle des divers ordres de gouvernement dans le contexte de ces diverses compétences? Le gouvernement fédéral est responsable de la prestation de soins de santé à certains groupes de la population. Évidemment, les provinces sont responsables de leur population générale respective.
L'article 10 de la Loi canadienne sur la santé prévoit que le régime d'assurance-santé de chacune des provinces doit être universel, ce qui suppose « qu’au titre du régime provincial d’assurance-santé, cent pour cent des assurés de la province ait droit aux services de santé assurés prévus par celui-ci ». Qu'est-ce que cela veut dire? En résumé, il faut adopter une approche axée sur la collaboration. Plutôt que d'avoir une approche descendante, il faut veiller à ce que les collectivités et les régions déterminent leurs besoins particuliers et qu'elles trouvent les solutions qui s'imposent.
Bref, il n'existe pas de panacée, et ce qui fonctionne dans une collectivité ne marchera pas forcément dans une autre. En fin de compte, il faut écouter les personnes qui vivent et qui travaillent dans le système tous les jours, afin de pouvoir bien comprendre le mode de prestation de soins de santé qui s'impose dans les régions rurales du pays.
Dans le cadre de ces discussions, il est parfois difficile de comparer des pommes avec des pommes ou des oranges avec des oranges. C'est pourquoi j'ai passé un peu de temps à établir des comparaisons entre le Canada et l'Australie. Comme la plupart des pays développés, le Canada et l'Australie ont un système de santé public et universel. Les deux pays ont des densités de population et des zones géographiques comparables. En juin 2018, l'Australie comptait un peu moins de 25 millions d'habitants, dont 11,4 % vivaient dans des régions rurales ou éloignées. Le gouvernement fédéral de l'Australie joue un rôle actif dans la lutte contre les disparités en matière de santé entre les populations urbaines et les populations rurales ou éloignées.
Le gouvernement australien fournit des fonds pour inciter les médecins à travailler dans les régions rurales ou éloignées et pour encourager l'adoption de la technologie de télémédecine dans ces régions. L'Australie rurale, tout comme le Canada rural, est mal desservie en ce qui concerne le nombre de ses médecins. Toutefois, le gouvernement australien est également conscient que pour changer cela, il doit trouver une solution. C'est ce que fait l'Australie, et je pense que le Canada devrait en tenir compte.
L'Australie rurale manque tellement de services qu'en 2009, on a demandé au comité permanent sur la santé rurale du conseil consultatif des ministres de la Santé de l'Australie d'élaborer un cadre stratégique national pour la santé en régions rurales et éloignées. Il a été publié en 2011, puis mis à jour en 2016.
En 2014, le gouvernement australien a mis en œuvre l'Indigenous Australians' Health Programme afin d'améliorer l'accès à des services de santé culturellement adaptés dans toute l'Australie.
En juin 2017, dans le cadre de ses efforts pour réformer le système de santé dans les régions rurales et éloignées de l'Australie, le gouvernement australien a adopté une loi visant à créer un poste de commissaire national à la santé rurale. Comme au Canada, la population autochtone d'Australie est plus susceptible d'être atteinte de maladies respiratoires, de problèmes de santé mentale, de maladies cardiovasculaires, de diabète et de maladies rénales chroniques, ainsi que d'avoir une espérance de vie réduite que les Australiens non autochtones.
Lors de l'étude des initiatives parlementaires, comme en ce moment, il est toujours bon de faire un effort pour que le débat soit non partisan et qu'il transcende les lignes de parti. Le mois dernier, j'ai eu le plaisir d'appuyer le projet de loi C-451, Loi constituant le poste de commissaire à la santé des enfants du Canada, présenté par le député de Simcoe—Grey. Le projet de loi C-451 priorise le bien-être, la santé, la sécurité et l'éducation des enfants et des adolescents en reconnaissant à tout enfant le droit de jouir d’un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental et social. Pour faciliter la concrétisation de ces mesures, le projet de loi vise à créer un poste de commissaire indépendant, qui sera chargé de faire rapport, de donner des conseils et de faire des recommandations au Parlement.
Dans le prolongement du projet de loi C-451, ma motion vise à faire la lumière sur les écarts dans la prestation des services de santé entre les Canadiens des régions rurales et ceux des régions urbaines. C'est un domaine qui doit être étudié, car il y a actuellement très peu d'évaluations de la situation sanitaire des Canadiens en région rurale. Du fait que nous n'avons pas une population assez dense pour construire certaines des infrastructures nécessaires pour offrir des services de santé adéquats, nous devons nous tourner vers les technologies nouvelles et émergentes pour remédier à l'écart dans les services. Ce type particulier d'étude n'a jamais été fait au Canada. J'ai donc hâte de travailler avec tous les partis pour qu'une telle étude soit menée.
Dans ma circonscription, nous sommes à créer un hôpital pour toutes les nations. Nous étudions la prestation des soins de santé dans la région, avec l'intention de développer un système de soins de santé pour toutes les nations, y compris un hôpital. Nous avons consulté tous les ordres de gouvernement et les collectivités locales pour déterminer la meilleure façon d'offrir ces services. Il s'agit d'une solution possible.
Je crois qu'en travaillant de concert, comme nous l'avons fait la semaine dernière avec le ministre des Services aux Autochtones lorsque nous avons annoncé l'appui du gouvernement envers un système de soins de santé pour toutes les nations, nous pouvons améliorer la prestation des services de soins de santé dans les collectivités rurales.
En conclusion, peu importe qu'une personne soit riche ou pauvre, jeune ou âgée, ou qu'elle vive dans un milieu rural ou urbain, le système de soins de santé du Canada doit offrir à tous un accès et des soins équivalents. Je suis persuadé que l'actuel gouvernement et la Chambre ont un rôle à jouer pour faire en sorte qu'on mène des évaluations appropriées et trouve les bonnes structures afin d'offrir de bons soins de santé.
Enfin, je dirai que si on permet aux gens de vivre dans les régions rurales du Canada, y compris durant leurs vieux jours, il faudra trouver un système de soins de santé adéquat pour que cela soit possible. Autrement, beaucoup de personnes âgées déménageront dans les centres urbains, en raison du nombre limité d'endroits où vivre dans les régions rurales du Canada.
Je remercie la Chambre de m'avoir donné l'occasion d'intervenir au sujet de la motion.