Monsieur le Président, tout d'abord, je pense qu'on peut dire que le premier ministre a vraiment fait preuve d'un manque de jugement, lorsqu'il a émis son communiqué à la suite de la mort de Fidel Castro.
Toutefois, ce qui se passe ici, aujourd'hui, c'est que les conservateurs, en proposant cette motion qui est devant nous, veulent se servir d'une journée de l'opposition entière pour lui tomber dessus et se faire du capital politique. Ils vont se servir d'une journée entière où nous aurions pu parler d'enjeux majeurs en matière de politique étrangère.
Nous aurions pu parler de ce qui se passe à Alep en ce moment; nous aurions pu parler de reconstruction et de réconciliation en Irak; nous aurions pu parler du Yémen, de la République centrafricaine, d'Haïti ou de la Corée du Nord. Toutefois, les conservateurs veulent parler toute la journée de ce que le premier ministre a dit. On ne parle même pas de ce que le gouvernement fait ou de ce que nous pourrions faire.
Bien sûr, ils vont nous dire que c'est un enjeu qui touche la réputation canadienne. Je trouve cela très drôle, parce que les conservateurs ont tellement nui à la réputation du Canada à l'étranger. D'ailleurs, les conservateurs et les libéraux se ressemblent beaucoup à cet égard. La réputation canadienne ne se bâtit pas seulement en sonnant les trompettes et en faisant de grands discours. Elle se bâtit sur des faits et des actions précises.
Est-ce que la motion qui est devant nous propose des actions concrètes pour que le Canada appuie et fasse la promotion des droits de la personne à Cuba? Rien qu'à la lire, on constate que ce n'est pas le cas. On parle plutôt d'espoir. On va donc croiser les doigts et rester assis à ne rien faire.
Est-ce qu'elle propose quoi que ce soit pour les nombreux Canadiens qui entretiennent des liens très étroits avec Cuba, que ce soit les touristes qui y vont en grand nombre, les investisseurs, les universitaires ou les artistes? Non, il n'y a absolument rien.
Est-ce qu'elle propose des pistes d'action sur le plan multilatéral? Encore là, il n'y a rien du tout.
D'ailleurs, sur ce sujet et sur celui des droits de la personne, l'exemple le plus flagrant, c'est cette espèce d'espoir dont on parle dans la motion concernant une amélioration de la démocratie et des droits de la personne à Cuba. Cela nous vient du parti qui a supprimé le financement du Canada auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, une institution importante qui obtient des résultats concrets sur le terrain et qui travaille pour la défense des droits de la personne partout dans les Amériques, notamment à Cuba. J'aimerais donc que les bottines suivent les babines, comme on le dit chez nous, car il y a là un manque de cohérence absolument fascinant.
Est-ce que la motion dit que l'élection du nouveau président des États-Unis pourrait compliquer les relations entre Cuba et les États-Unis, qui s'amélioraient, et que le Canada pourrait jouer un rôle de médiateur? Non, elle ne présente rien de concret. L'objectif, je le répète, c'est de faire des petits gains politiques.
Par ailleurs, est-ce que la motion mentionne quelque chose à propos de notre aide au développement, à savoir si nous devrions l'augmenter ou l'axer principalement sur l'appui aux organisations de la société civile, le développement démocratique ou quoi que ce soit qui puisse changer la situation? Non, il s'agit seulement de faire de la petite politique concernant un sujet qui est pourtant important.
Toutefois, les conservateurs n'ont pas le monopole à cet égard. Les libéraux disent que le Canada est de retour et que nous aurons une politique d'engagement avec des pays comme la Russie et la Chine.
On nous le dit, mais il n'y a pas de plan concret à cet effet. Il ne suffit pas de le dire pour que cela se réalise miraculeusement.
On parle des Amériques. On aimerait voir un plan concret pour les Amériques. Que veut faire le Canada dans les Amériques? On dit aussi être féministes et vouloir défendre les droits de la personne, ce qui est un point important. Toutefois, on ne veut pas regarder de trop près le dossier de la vente d'armes à l'Arabie saoudite, car ce serait trop dérangeant. De plus, on est prêts à signer un traité d'extradition avec la Chine. Tout à coup, c'est beau la défense des droits de la personne.
Quant à la torture, on dit que c'est mauvais. Cependant, on n'amende toujours pas la directive permettant d'utiliser des informations provenant de la torture. En outre, on refuse d'ouvrir une enquête sur le transfert des détenus afghans qui ont été torturés par la suite. C'est une question qui ne date pas d'hier, mais elle est encore d'actualité. On ne veut pas d'enquête, on veut mettre cela sous le tapis.
Je dirai un mot sur les armes à sous-munitions, bien qu'il s'agisse d'un dossier moins connu. Alors qu'ils étaient dans l'opposition, les libéraux disaient que la loi adoptée par les conservateurs n'était pas bonne. Le gouvernement va-t-il changer la loi? Tout indique qu'il ne le fera pas.
Parlons maintenant du désarmement nucléaire. Soudainement, le Canada ne veut pas participer aux efforts internationaux qui nous permettraient de vivre dans un monde sans arme nucléaire. Il n'y a rien à ce sujet.
Le gouvernement dit être ouvert et transparent; il dit qu'on aura des conventions et des conversations. Nous suggérons la création d'un comité parlementaire qui pourrait étudier, au fur et à mesure, toute la question liée aux exportations d'armes, puisqu'il s'agit d'une question qui préoccupe énormément les Canadiens. Je laisse le soin à mes collègues de deviner la réponse: on ne veut pas en parler.
La politique étrangère, ce n'est pas seulement des occasions de se faire prendre en photo et de relations de famille, en plus de faire usage de grands mots. Il faut de l'action. De ce côté, on réalise qu'il y a certaines similitudes assez accentuées entre les conservateurs et les libéraux.
Une autre similitude qui me frappe, c'est l'espèce d'approche en blanc et noir. Je me souviens encore que l'ancien ministre des Affaires étrangères, le ministre Baird — je peux le nommer car il n'est plus député — était allé au Moyen-Orient en disant: ça, c'est les bons et ça, c'est les méchants ». Non seulement c'est excessivement simpliste, mais cela ne règle rien. Au contraire, cela nuit au progrès.
Il y a d'autres exemples similaires maintenant. En effet, le premier ministre a fait une déclaration toute rose. Il a dit que son père était fier d'appeler Fidel Castro un ami. Il parle de l'amour de Fidel Castro pour les Cubains. Pourtant, comme on le sait, il s'agissait d'un amour à problèmes. La question des droits de la personne était très préoccupante.
Par contre, les conservateurs présentent une motion, et tout est noir. En fait, la situation par rapport à Fidel Castro est beaucoup plus nuancée. Fidel Castro est une personne qui a signifié des choses différentes pour différentes personnes. Il a fait des choses positives. Il a amélioré la qualité de vie des plus pauvres. Il a fait du travail sur le plan de l'éducation. On serait fier d'avoir ici le même taux d'alphabétisation qu'à Cuba. Il a fait un travail important dans le domaine de la santé. Il a sorti un dictateur brutal.
Par contre, il a lui-même supprimé la liberté d'expression, emprisonné ses opposants et écrasé la liberté de presse, et il s'est attaqué en particulier à la communauté LGBTQ. Ce qu'il faut maintenant, plutôt que d'essayer de faire de la petite politique, c'est nous tourner vers l'avenir et regarder ce que nous pouvons faire pour aider Cuba sur le chemin du respect des droits de la personne et de la démocratie.
Cette motion, comme je le disais plus tôt, n'accomplit absolument pas cela. Cette motion ne fait rien de positif et rien de concret. En fait, c'est un exercice cynique de petite politique, de politique avec un p tellement petit qu'on aurait envie de dire qu'on ne le voit plus et de parler de « olitique ». Cela n'apporte rien de concret.
C'est du pur cynisme et de la petite politique. C'est utiliser ce qui pourrait être un enjeu important pour faire de la politique. Plutôt que de proposer des mesures concrètes à mettre en œuvre, on essaie de marquer des points politiques en soulignant le manque de jugement du premier ministre dans sa déclaration après le décès de Fidel Castro.
Est-ce que la motion comporte quoi que ce soit de positif concernant ce que le Canada devrait faire au chapitre des droits de la personne? Je crois que l’exemple suivant fait bien ressortir en quoi consiste cette motion. Les conservateurs disent dans cette motion que la situation au chapitre des droits de la personne à Cuba est très mauvaise, mais ils ont supprimé le financement versé à la Commission interaméricaine des droits de l'homme, qui mène des actions concrètes qui donnent des résultats, dans l’ensemble des Amériques, y compris à Cuba.
Si nous voulons promouvoir les droits de la personne, nous devons prendre des mesures concrètes. Nous devons nous doter des outils nécessaires et aider les travailleurs sur le terrain à améliorer les droits de la personne. Ce n’est pas en faisant de grands discours que l’on y parviendra.
Il n’y a rien dans la motion au sujet des Canadiens qui entretiennent des liens avec Cuba, comme les touristes, les investisseurs, les universitaires et les artistes. Il n’y a rien au sujet de l’aide au développement. Le budget consacré à l’aide au développement à Cuba est très limité. Devrait-on l’augmenter? Devrait-on mettre davantage l’accent sur le développement démocratique et le soutien de la société civile? Cette motion ne comporte rien à ce sujet.
Je vais répéter aussi souvent que nécessaire que cette motion ne concerne que la politique. Les conservateurs utilisent toute une journée d’opposition pour se faire du capital politique et s'en prendre au premier ministre, alors que cette journée aurait pu servir à aborder des enjeux majeurs, de même que la contribution du Canada. Que faisons-nous au sujet de ce qui se passe à Alep? Que faisons-nous au sujet de l’Irak? Que faisons-nous au sujet du Yémen, de la République centrafricaine et de la Corée du Nord? Je pourrais poursuivre cette liste pendant probablement 20 minutes, mais plutôt que d’aborder les grands enjeux et le rôle que le Canada pourrait jouer, les conservateurs ont utilisé cette motion pour faire de petits gains politiques.
Parlons d’espoir. Les conservateurs souhaitent que la situation s’améliore à Cuba. Nous aussi. Toutefois, cela ne se fera pas avec une baguette magique. Si nous voulons que les choses s’améliorent, nous devrons commencer à agir, et cette motion ne comporte absolument aucune proposition concrète.
Il est intéressant de constater la partisanerie qui teinte le débat. Les libéraux et les conservateurs ont un discours à sens unique, alors que la réalité est beaucoup plus nuancée. Fidel Castro a fait de bonnes choses en éducation et en santé, mais il a aussi réprimé les dissidents et la presse et emprisonné ses opposants politiques. Tout n’est pas noir ou blanc.
J’aimerais que nous utilisions le temps que nous avons à la Chambre pour proposer des mesures qui rendront le monde et le Canada meilleurs, plutôt que de faire de la petite politique. C’est ce que les Canadiens attendent de nous.