propose que le projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur les pêches (aquaculture en parc clos), soit le pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de présenter officiellement mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur les pêches (aquaculture en parc clos).
Je tiens tout d'abord à remercier ma comotionnaire, la députée de Nanaimo—Ladysmith, ainsi que mes collègues qui m'ont dit avoir l'intention d'appuyer mon projet de loi.
Ce dernier protégerait le saumon sauvage en obligeant, dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur, les élevages de saumon de la Colombie-Britannique à abandonner les nuisibles cages en filet au profit de parcs clos beaucoup moins dommageables. Les éleveurs pourraient choisir la technologie qui leur convient le mieux, tant que l'élevage se ferait en parc clos.
Le projet de loi obligerait le ministre à créer un plan de transition dans les 18 mois suivant la sanction royale.
La situation du saumon sauvage sur la côte Ouest du pays est inquiétante, et le Canada a aujourd'hui la chance de devenir un chef de file mondial dans le domaine de l'aquaculture en parc clos.
Comme de nombreuses autres espèces, le saumon sauvage subit les contrecoups des changements climatiques et de la disparition de son habitat, mais il est aussi particulièrement vulnérable aux maladies, comme le pou du poisson, aux polluants et aux autres substances nocives que produisent les élevages utilisant des cages en filet.
Personnellement, comme beaucoup de Canadiens de la Colombie-Britannique, j’entretiens un lien particulier avec le saumon sauvage. C’est un emblème de notre passé, de notre présent et, je l’espère, de notre avenir.
J’œuvre à la protection du saumon sauvage depuis plus de 25 ans. En 1995 et en 2000, j’ai parcouru à la nage les 1 400 kilomètres du fleuve Fraser, l’un des plus beaux fleuves à saumon du monde entier, afin d’attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur ce cours d’eau et sur sa population de saumon.
En 1997, en reconnaissance de mon engagement envers le saumon sauvage, la nation Squamish m’a conféré le nom d’Iyim Yewyews, qui signifie poisson noir, épaulard, ou encore bon nageur, dans le monde animalier. C’est un honneur pour moi, et aussi une immense responsabilité, de plaider ici en faveur de la protection du saumon sauvage.
Le saumon sauvage est une espèce caractéristique de la Colombie-Britannique, de son économie, de son environnement et de sa culture. Les pêcheurs commerciaux, les pêcheurs sportifs et les pêcheurs des Premières Nations dépendent du saumon pour leur subsistance. La pêche récréative et sportive injecte des centaines de millions de dollars dans notre économie et offre des expériences inoubliables à bon nombre de familles. Le saumon est une source de nutrition pour nos magnifiques forêts. Les grizzlis et les aigles amènent leurs carcasses jusque dans la forêt, lesquelles nourrissent le sol et lui fournissent des aliments nutritifs et des nitrates.
Les Canadiens savent qu’une industrie ne devrait pas avoir un impact négatif sur une autre, et pourtant, c’est ce qui se produit. L’aquaculture du saumon, qui est une industrie de bien moindre envergure, a un impact négatif sur l’industrie du saumon sauvage qui, elle, est beaucoup plus importante. Comparons les chiffres.
La pêche commerciale du saumon sauvage emploie environ 1 400 personnes sur la côte ouest, pour un chiffre d’affaires de 102 millions de dollars. Toujours sur la côte ouest, la pêche récréative du saumon sauvage emploie environ 8 400 personnes, pour un chiffre d’affaires de 325 millions de dollars. On y trouve aussi une industrie du tourisme en milieu sauvage qui emploie plus de 40 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 780 millions de dollars. Cela fait un total de plus de 1,1 milliard de dollars et environ 50 000 employés. Comparons ces chiffres à ceux de l’industrie de l’aquaculture en Colombie-Britannique. L’Alliance de l’industrie canadienne de l’aquaculture dit générer environ 5 500 emplois, dont seulement 2 400 à plein temps, et à peu près 475 millions de dollars en exportations.
À une certaine époque, il y avait tellement de saumons qu’il était impossible de les compter. On disait même qu’on pouvait leur marcher sur le dos pour traverser une rivière. Aujourd’hui, les remontées de saumon sont attendues dans la crainte et l'anxiété.
Autrefois, les montaisons de saumon dans le Fraser atteignaient 100 millions de poissons. Aujourd'hui, une montaison de 20 millions de poissons est considérée comme exceptionnelle. Ces dernières années, nous avons enregistré certaines des plus faibles montaisons des annales. En 2009, à peine plus d'un million de saumons rouges du Fraser sont revenus frayer, ce qui a donné lieu à une enquête judiciaire dirigée par le juge Bruce Cohen. Malheureusement, la tendance se maintient, les indicateurs révélant que la montaison de saumon de 2016 sera fort probablement la pire jamais enregistrée.
Le juge Cohen a conclu ceci:
[...] l’élevage salmonicole expose le saumon rouge du Fraser à un risque de préjudice grave ou irréversible. Les maladies se transmettent entre les saumons sauvages et les saumons d’élevage et je suis convaincu que les fermes salmonicoles se trouvant le long des voies de migration du saumon rouge peuvent introduire des maladies exotiques et aggraver les maladies endémiques de sorte à entraîner un impact négatif sur le saumon rouge du Fraser.
Le Canada n'est pas le seul à subir les graves répercussions de l'élevage du saumon dans des parcs en filet. En Norvège, au Chili et en Écosse, l'élevage salmonicole a eu une incidence négative sur les pêches sauvages, conduisant à une diminution des stocks de saumon et, dans certains cas, à l'effondrement de l'aquaculture. Ainsi, des maladies transmises par le pou du poisson, comme l'anémie infectieuse du saumon et l'inflammation cardiaque et musculo-squelettique, se sont propagées chez le saumon sauvage; des matières fécales et des résidus de moulée ont détérioré les écosystèmes; et des saumons d'élevage qui se sont échappés se sont croisés avec des saumons sauvages.
Le pou du poisson est un parasite présent naturellement qui prolifère particulièrement bien dans les parcs en filet. En Colombie-Britannique, beaucoup de ces exploitations sont situées en plein sur la route migratoire du saumon sauvage, ce qui crée les conditions idéales pour la propagation du pou du poisson et de maladies mortelles. Lorsque les saumoneaux sauvages quittent l'embouchure du fleuve Fraser, ils passent tout près des parcs en filet. Les parasites qui s'y trouvent s'accrochent à eux, les drainent de leur force vitale et nuisent à leur croissance. Les saumoneaux deviennent ainsi plus vulnérables aux prédateurs, ce qui accélère leur déclin. D'après les scientifiques, si les parcs en filet demeurent, la maladie décimera tôt ou tard la population entière de saumons sauvages.
Plus tôt cette année, Kristi Miller, une scientifique du ministère des Pêches et des Océans, a confirmé la présence d'une inflammation cardiaque et musculo-squelettique dans des échantillons de saumons atlantiques prélevés entre 2013 et 2014 dans un parc en filet situé dans le détroit de Johnstone, en Colombie-Britannique. Cette constatation confirme qu'il est urgent d'intervenir afin de prévenir la propagation de cette maladie mortelle pour le saumon.
Je félicite le gouvernement d'avoir adopté le principe de précaution et d'avoir renouvelé son engagement à mettre en oeuvre les recommandations de la Commission Cohen, mais je l'exhorte à joindre le geste à la parole. Selon le principe de précaution, en l'absence de certitude scientifique, on peut et on doit prendre des mesures de conservation lorsque les renseignements les plus fiables disponibles indiquent que l'environnement ou des ressources risquent de subir des dommages graves ou irréversibles. En vertu de ce principe, le gouvernement se doit d'agir pour protéger le saumon sauvage si les connaissances scientifiques démontrent l'existence d'un risque supérieur au risque minimal. Dans le cas présent, les données scientifiques sont claires et les risques sont réels: des maladies sont présentes. Il ne serait pas vraiment logique de laisser les fermes piscicoles élevant le saumon dans des parcs en filet, une toute petite industrie, détruire celle du saumon sauvage, beaucoup plus importante. Le juge Cohen le reconnaît dans son rapport, dont la troisième recommandation se lit comme suit:
Le gouvernement du Canada doit supprimer la promotion de l’industrie salmonicole et de son produit, le saumon d’élevage, du mandat du ministère des Pêches et des Océans.
Nous ne pouvons pas rester les bras ballants alors que la situation du saumon sauvage se dégrade, surtout quand des données scientifiques nous montrent clairement où se situe le problème et que des innovations fort prometteuses nous offrent une solution. La solution, c'est l'élevage en parc clos. Si nous agissons sans tarder, nous pouvons devenir un chef de file mondial dans ce domaine.
Les systèmes de parcs clos nécessitent qu'une barrière physique, un mur solide, sépare le saumon sauvage du saumon d'élevage, ce qui élimine les effets négatifs associés aux fermes salmonicoles utilisant des parcs en filet. Si l'industrie adopte les parcs clos, elle pourra éliminer ses conséquences négatives sur le saumon sauvage, qui reprendra de la vigueur, pour le plus grand bien de l'industrie du saumon sauvage. La production de saumon en parcs clos gagne du terrain au Canada, ses chefs de file étant Kuterra en Colombie-Britannique et Sustainable Blue en Nouvelle-Écosse. En fait, la Colombie-Britannique compte déjà plus de 70 fermes piscicoles autorisées à élever des poissons à nageoires, comme le saumon, le tilapia et la truite, mais aussi l'écrevisse.
L'entreprise Kuterra, propriété de la nation 'Namgis, est une ferme piscicole à parcs clos pleinement opérationnelle située dans le Nord de l'île de Vancouver. Elle produit chaque année 400 tonnes de saumon atlantique élevé sans antibiotiques, sans hormones et sans OGM. Kuterra compte cinq employés à temps plein et elle fait appel à des sous-traitants. Elle crée de l'emploi dans les domaines de la pêche, de la transformation, de la distribution et de la vente à Port Hardy et à Richmond, en Colombie-Britannique.
À Burlington, en Nouvelle-Écosse, Sustainable Blue est un établissement de premier plan à l’échelon mondial qui est financé par des fonds privés. Cet établissement est prêt à produire 100 tonnes de saumon en parc clos cette année et a pour objectif de passer à 150 tonnes, voire davantage, l’année prochaine. Comme dans le cas de Kuterra, les poissons n’ont pas d’infection et aucun antibiotique ou substance chimique n’est donc nécessaire. Le système de gestion des déchets de Sustainable Blue recycle ce que les parcs à filet rejettent dans l’océan. Il recueille les matières fécales des poissons et les stocke sur place dans l’attente de leur transformation en engrais pour l’agriculture.
Le gouvernement fédéral doit agir maintenant pour encourager cette tendance. Il doit cesser d’autoriser le secteur nocif de la salmoniculture en parcs à filet à se servir de l’océan comme d’une toilette, d’une décharge pour les produits chimiques, les toxines et les maladies. D’autres pays relèvent déjà le défi. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester à la traîne en n’imposant pas le passage aux parcs clos.
En Norvège, qui est le plus grand producteur de saumon en parc à filet au monde, le gouvernement investit, en collaboration avec le secteur, dans les parcs clos. La transition a déjà commencé.
Au Danemark, Danish Salmon a une capacité de production de 2 000 tonnes de saumon en parc clos par an. Langsand Laks, au Danemark, fournit à ses clients des prises hebdomadaires toute l’année. Cette année, l’établissement prévoit une production de 2 000 tonnes et, l’an prochain, il vise 4 000 tonnes. Les investisseurs danois exportent maintenant cette technologie aux États-Unis. Ils construisent d’énormes installations de parcs clos au sud de Miami, en Floride, et comptent produire 30 000 tonnes de saumon d’élevage par an.
Nous ne pouvons pas nous laisser distancer par d’autres pays. Nous avons une occasion en or, ici, au Canada, mais nous devons agir maintenant, faire preuve d’audace et tirer parti du potentiel de la salmoniculture en parc clos. Nous pouvons commencer par appuyer le projet de loi C-228 et par imposer le passage aux parcs clos sur la côte ouest du Canada.
Pourquoi la côte ouest du Canada? Parce que nous sommes idéalement situés sur l’océan, parce que nous avons d’excellentes conditions d’élevage pour le saumon et parce que nous avons une main-d’œuvre bien formée. J’ai consulté l’industrie, les secteurs de la pêche commerciale et de loisir, les Premières Nations, des universitaires, des scientifiques, des chefs d’entreprise, des groupes syndicaux, des organisations environnementales, le gouvernement de la Colombie-Britannique et le public, et je leur ai demandé de soutenir mon projet de loi. Des milliers de personnes s’y sont ralliées. Elles ont signé des pétitions en ligne et sur papier. Elles prennent contact avec leurs députés et leur demandent de voter selon leur conscience et de protéger le saumon sauvage.
Les appuis continuent à arriver et la liste est aussi diversifiée que le Canada. Elle compte des chefs d’entreprise tels qu’Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, Jim Lawley de Scotia Fuels, Tony Allard de Wild Salmon Forever ainsi que des pêcheurs indépendants et des chefs cuisiniers de tout le Canada.
Elle compte de célèbres défenseurs de l’environnement comme David Suzuki, Alexandra Morton et Mark Angelo; des dirigeants des Premières Nations comme le grand chef Stewart Phillip et le chef Bob Chamberlin; la First Nations Wild Salmon Alliance; la Union of British Columbia Indian Chiefs, le Sommet des Premières Nations et la British Columbia Assembly of First Nations.
Elle compte également des associations professionnelles comme le Sport Fishing Institute of British Columbia, la British Columbia Federation of Fly Fishers, la British Columbia Federation of Drift Fishers et la Fraser River Sportfishing Alliance; des organisations de conservation comme la British Columbia Wildlife Federation, la Steelhead Society of British Columbia, la Fédération du saumon atlantique, la Watershed Watch Salmon Society et l’Outdoor Recreation Council of British Columbia; des syndicats comme la United Fishermen and Allied Workers Union-Unifor, le Syndicat canadien de la fonction publique–Colombie-Britannique et la section locale 1518 des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce; des universitaires et des scientifiques tels que M. Rick Routledge, M. Andrew Wright, M. Lawrence Dill et Mme Marie Clement, pour n’en citer que quelques-uns.
J’ai même reçu le soutien de Willie Mitchell, le champion de la Coupe Stanley, et, comme de nombreux députés l’ont vu, un appui vidéo en ligne du capitaine en personne, l’acteur canadien mythique William Shatner.
Ce projet de loi offre un choix clair aux députés. Ils peuvent se porter à la défense du saumon sauvage et des gens dont la vie en dépend, et soutenir le progrès, la technologie et l’innovation, ou ils peuvent rester figés dans l'immobilisme, faire obstacle au progrès et mettre le saumon sauvage encore plus en danger.
Si nous faisons fi de la science et refusons de nous tourner vers les parcs clos, non seulement risquons-nous de perdre une occasion de devenir des chefs de file mondiaux, mais nous mettons en danger une espèce de poisson importante dans le monde. Si les stocks de saumon sauvage s’effondrent, d’autres pertes d’emplois frapperont les collectivités côtières et la culture des Premières Nations en souffrira. C’est pourquoi la majorité des Premières Nations de la Colombie-Britannique s’opposent fortement à l’élevage du saumon en parcs en filet.
Tirons des leçons de l’une des plus grandes catastrophes écologiques de l’histoire du Canada, l’effondrement des stocks de morue du Nord. Ne répétons pas la même erreur sur la côte Ouest. Nous ne pouvons nous permettre de rester les bras croisés et nous contenter de trouver des excuses sans rien faire. Nous ne pouvons laisser une petite industrie détruire le secteur beaucoup plus important du saumon sauvage.
Nous pouvons choisir un avenir sain pour le saumon sauvage et les gens dont c'est le gagne-pain. Nous pouvons choisir d’élargir nos débouchés économiques pour les Premières Nations et les Canadiens des régions rurales et côtières en adoptant les parcs clos. Nous pouvons choisir de donner un nouvel élan à notre saumon en le protégeant de la menace des maladies résultant de l’élevage du saumon en parcs en filet.
Je demande à tous les députés de la Chambre d’appuyer ce projet de loi.