Merci beaucoup.
J'aimerais remercier le président, le vice-président et tous les membres du Comité d'être ici aujourd'hui et de poursuivre l'étude des questions de conservation et de développement durable. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir cet enjeu suffisamment à cœur pour entreprendre ce travail. Je vous remercie.
Pour commencer, permettez-moi de lire une citation très simple, tirée du livre Almanac d'un comté des sables, d'Aldo Leopold: « Conserver chaque dent et chaque roue d'un engrenage est la première précaution d'un bricoleur intelligent. »
Je pense que nous sommes rendus au point où les données démontrent sans équivoque que nous n'avons pas été des bricoleurs très intelligents. Nous perdons des espèces à un rythme effarant et, qui plus est, les populations de nombreuses espèces périclitent à un rythme encore plus rapide.
L'analyse des nouvelles données publiées en 2018 sur les populations des 4 005 vertébrés qui font l'objet d'une surveillance plus ou moins continue depuis 1970 démontre que ces populations ont diminué de 50 à 67 % au cours de cette période. Cette terrible conclusion provient de l'Indice planète vivante, qui révèle que notre planète vivante est considérablement moins vivante qu'elle ne l'était lorsque j'étais enfant, lorsqu'on a commencé à faire ce suivi.
De telles tendances sont récurrentes dans l'évaluation globale extraordinaire de la PIBSE. Ce rapport fait une synthèse des tendances de milliers d'études primaires différentes.
J'aimerais commenter quelques-unes de ces études, puisqu'un auteur du rapport est ici. Je ne pense pas qu'il est nécessaire que je vous présente un résumé, car il s'en est très bien chargé.
Le premier point que j'aimerais souligner, c'est que certains sont partis, à tort, de l'hypothèse selon laquelle les taux de déclin de la biodiversité d'autres régions, comme les tropiques, sont plus élevés qu'ici, ce qui est incorrect et indéfendable, d'après les analyses quantitatives. On compte beaucoup plus d'espèces dans les tropiques qu'ici, mais lorsqu'on mesure les taux de déclin des espèces au Canada par rapport au nombre d'espèces qui y vivent, on constate que les taux sont assez semblables, et comparativement à d'autres régions du monde, le rythme d'extinction est parfois supérieur aux moyennes mondiales.
À l'échelle mondiale, par exemple, 32 % des espèces d'amphibiens sont menacées d'extinction, contre 44 % au Canada. Pour les reptiles, 19 % des espèces sont en péril à l'échelle mondiale, contre 65 % au Canada. Les chiffres varient d'un groupe à l'autre, mais le message général est plutôt simple: nous n'avons aucune raison d'être optimistes. Les menaces pour la biodiversité dont nous avons hérité de nos ancêtres sont importantes et réelles, ici au pays.
L'une des principales raisons pour lesquelles tant de nos espèces sont en péril, c'est qu'elles sont concentrées, comme la majorité de la population humaine, le long de la frontière sud du pays, là où les changements à l'affectation des terres sont les plus intenses et les plus importants, surtout pour l'agriculture, mais aussi pour les zones urbaines et l'extraction des ressources.
Nous avons réduit l'habitat dans de nombreuses zones névralgiques pour la biodiversité du Canada et introduit des pratiques d'utilisation des terres incompatibles avec la vie d'un grand nombre d'espèces. L'habitude des gouvernements nouvellement élus de défaire les politiques du gouvernement précédent immédiatement après l'élection n'aide pas non plus.
Il y a toutefois des raisons d'espérer. Les secteurs essentiels de l'habitat dans le réseau national d'aires protégées en croissance et dans les territoires traditionnels des peuples autochtones fournissent un habitat vital à de nombreuses espèces, même lorsque les terres voisines font l'objet d'une utilisation intensive et concurrente, notamment dans le sud de l'Ontario.
J'ai fait mon doctorat dans certains de ces endroits, au parc provincial Pinery, sur les rives du lac Huron, par exemple. Ce très petit parc, qui ne fait que sept ou huit kilomètres carrés, peut-être, est situé dans une région de culture extrêmement intensive, mais il abrite de nombreuses espèces en péril. C'est une des zones névralgiques pour la biodiversité à l'échelle nationale. Cela démontre indéniablement que la restauration de l'habitat, même sur de petites superficies, peut avoir des avantages disproportionnés dans des milieux où la perte d'habitat et l'utilisation de pesticides sont omniprésentes.
Pour que ce soit clair, je dirais qu'il est préférable d'avoir de grands parcs, mais les petits parcs peuvent aussi être magnifiques tout en jouant un rôle essentiel. Pourtant, les stratégies de conservation ne peuvent être fondées sur des anecdotes, aussi charmantes soient-elles.
Si nous examinons le rendement économique de l'utilisation des terres agricoles, par exemple, le Recensement de l'agriculture de Statistique Canada a démontré que les producteurs reçoivent peu de retombées économiques pour leur travail acharné dans certaines régions.
Si nous jumelons ces régions avec des endroits où il y a le plus de potentiel pour rétablir les populations d'espèces canadiennes en péril, nous pouvons trouver des solutions afin de classer par ordre de priorité les régions où nous pouvons mener des activités de conservation de manière relativement efficace et à peu de frais. Nous avons publié une carte qui montre un exemple de cela en 2017 dans la revue Conservation Biology, un exemple de planification systématique de la conservation qui tient une place très importante dans le travail visé par l'objectif 1 auquel de nombreuses personnes contribuent.
Une autre grande conclusion qui a été relevée dans cet article est que, en ce qui concerne les coûts économiques des mesures de conservation, il est préférable d'agir immédiatement que de peaufiner le plan et de le retarder de plusieurs années en conséquence. On fait considérablement augmenter les coûts lorsqu'on attend, même si le plan immédiat doit être peaufiné en cours de route. Il est moins coûteux d'agir rapidement, et c'est plus efficace.
Au Canada, on ne perd pas seulement de la biodiversité. On perd également des espèces qui font des choses pour nous et qui nous offrent des services écosystémiques sans lesquels nous ne pouvons pas vivre. Les pollinisateurs sont l'un de ces groupes. Nous avons montré que les assemblages des pollinisateurs, comme les papillons, sont en plein processus d'homogénéisation biotique. Des espèces rares sont en train de disparaître dans de nombreuses régions et sont remplacées par des espèces envahissantes communes. La conséquence est que d'un endroit à l'autre, les groupes d'espèces se ressemblent de plus en plus. Le caractère distinctif des régions biologiques est en déclin.
Je n'ai pas encore discuté des changements climatiques. Comme vous le savez tous, et comme les données probantes le montrent sans équivoque, les émissions de gaz à effet de serre causées par l'humain sont la principale cause des changements climatiques à l'heure actuelle. Nous avons le pouvoir d'intervenir pour réduire ces émissions, empêcher que le réchauffement climatique atteigne des seuils dangereux — et je parle de danger pour la stabilité soutenue de la civilisation humaine — et résoudre les problèmes critiques et connexes auxquels nous sommes confrontés concernant la conservation de la biodiversité.
Je dois préciser que nous avons des preuves solides que les changements climatiques contribuent aux risques d'extinction d'espèces sans lesquelles nous ne pouvons pas vivre. Plus particulièrement, je vais parler des pollinisateurs dans le cas desquels nous avons démontré — conjointement avec de nombreux autres chercheurs dans le monde entier — que les changements climatiques contribuent à une perte de leur biodiversité qui est maintenant détectable à l'échelle continentale en Europe et en Amérique du Nord. Bon nombre de ces espèces sont touchées par les changements climatiques, qui réduisent les variétés des espèces — qui sont en train de disparaître. Leur capacité de fournir des services écosystémiques qui déterminent si nous avons des cultures notamment — dans 75 % des cas — est en train de disparaître également. C'est un changement extrêmement nuisible qui devrait grandement nous préoccuper.
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous interroger à savoir si nous allons prendre des mesures à l'égard des changements climatiques. Nous aurions pu le faire un peu dans les années 1980, puisque l'incertitude scientifique aurait pu justifier la tenue d'une longue étude plutôt que des mesures immédiates. À ce stade-ci, cependant, l'inaction à l'égard des changements climatiques et de ses nombreuses conséquences, y compris les répercussions écologiques, est un jeu de roulette russe.
Atteindre une connectivité dans des aires pour permettre aux espèces d'aller ailleurs ou de trouver refuge en cas d'intempéries extrêmes fait partie de ce que nous devons examiner au Canada. Ce raisonnement a clairement été exprimé dans les témoignages que vous avez entendus à ce comité récemment sur une Stratégie relative aux aires protégées. Des politiques pour lutter contre les changements climatiques existent et ont été mises à l'essai; et elles fonctionnent. Elles peuvent être améliorées à mesure que nous apprenons de nouvelles choses. Elles n'imposent pas des coûts économiques irréalistes; il n'y a aucune incompatibilité entre la conservation et l'économie.
Pour terminer, je vais conclure ma déclaration en vous faisant part de quelques notes simples, en paraphrasant un dicton autochtone: nos ancêtres ne nous lèguent pas le monde dans lequel nous vivons; nous l'empruntons à nos enfants. En tant que scientifiques, nous connaissons quelles sont les véritables répercussions de l'inaction en matière de conservation. Mais en tant que parents et citoyens, nous prenons davantage conscience de cette nécessité, car nous voyons ce qui nous attend; nous évaluons la situation dans le cadre de notre travail au quotidien.
Les renseignements de base dont j'ai parlé aujourd'hui, qui sont publiés dans le rapport de la PIBSE, ne sont pas nouveaux, mais de nombreuses améliorations ont été apportées. Les données scientifiques étaient à notre disposition il y a de cela 30 ans.
Depuis, les messages que la communauté scientifique communique aux décideurs sont essentiellement les mêmes — là encore, avec des améliorations et des révisions importantes. Toutefois, le moment est venu pour nous de mettre en oeuvre une mesure politique efficace pour conserver la diversité biologique. Nous pouvons facilement en trouver les raisons lorsque nous retournons à la maison dans nos familles le soir et que nous nous rappelons que nous empruntons le monde à nos enfants. Ce n'est pas un héritage de nos parents.
Thank you very much.
I'd like to thank the chair, the vice-chair and all members for being here today, and for your continued work on conservation issues and sustainable development. I am really grateful to every one of you for the fact that you actually care enough to be doing this work. Thank you.
I will begin my comments today by using a guiding quote from Aldo Leopold's A Sand County Almanac, and that is very simply, “To keep every cog and wheel is the first precaution of intelligent tinkering.”
I think we are at the point now where the data demonstrate very clearly to us that we have not been very intelligent tinkers. We are losing species at a ferocious pace, and more than that, we are losing populations of species at an even greater pace.
In new data that emerged in 2018, we saw that, based on analyses of 4,005 vertebrate populations that have been monitored more or less continuously since 1970, those populations have declined by between 50% and 67%, over that time period. This dreadful conclusion comes from the Living Planet Index, and it tells us that our living planet is considerably less alive than it was when I was a child, when these measurements first began.
Trends of this kind figure prominently in the extraordinary global summary that IPBES has provided. That report rounds up trends from thousands of different primary research studies.
I'd like to comment on a few of those primary research studies, as we have an author of the report here, and I don't think I need to summarize it for you. He has already done that very ably.
The first point I'd like to make is that some have laboured under the mistaken belief that rates of biodiversity decline in other places, such as the tropics, are higher than they are here. This view is incorrect and indefensible, based on quantitative analysis. There are far more species in the tropics than here, but if we measure rates of species decline in Canada relative to numbers of species that actually live here, we find that those rates are pretty similar, and sometimes even higher than global averages of the pace at which things are disappearing in other parts of the world.
For example, 32% of amphibian species globally are at risk of extinction, but 44% of amphibian species in Canada are at risk; 19% of reptile species globally are at risk of extinction, but that number is 65% among Canadian reptile species. Numbers vary from group to group, but the general message is rather simple: We have nothing we can be sanguine about, in terms of the proximity and importance of these threats to the biodiversity we have inherited from our ancestors.
A major reason that such a large proportion of species here is at risk is that they, like most people, are pressed up against our southern border. It is in these southern areas of Canada that land-use changes are most intensive and extensive, largely for agriculture, but also for urban areas and resource extraction.
We have hollowed out habitat in many of Canada's biodiversity hot spots and introduced land-use practices that are incompatible with life for many of those species. The policy whiplash created by governments, immediately upon election, undoing their predecessors' work, is not helping either.
Yet there is cause for hope. Bright spots for habitat in Canada's growing protected areas network, and in traditional territories of indigenous peoples, provide vital habitat for many species, even when there are neighbouring intensive and competing land uses, as in southern Ontario.
I did my Ph.D. in some of those places, such as Pinery Provincial Park on the shores of Lake Huron. It is an area surrounded by extremely intensive agriculture, yet this very small park, which may be only seven or eight square kilometres in size, provides a home for many species at risk. It's a biodiversity hot spot here, at a national scale. It gives us an undeniable example that restoring habitat in even small areas can exert disproportionate benefits in landscapes where habitat loss and pesticide use are pervasive.
To be clear, bigger parks are better, but small parks can be beautiful and vital, too. Yet conservation strategies cannot be based on anecdotes, no matter how charming I find them.
If we examine the economic return from agricultural land uses, for instance, the Statistics Canada census of agriculture data has demonstrated that producers receive little return for their hard work in some areas.
If we then line up those areas with places where there is the most potential for recovering populations of Canadian species at risk, we can work out solutions for prioritizing areas where conservation might proceed relatively effectively and relatively inexpensively. We published a map showing an example of this in 2017 in Conservation Biology, an instance of systematic conservation planning that figures very prominently in the target 1 work that so many people are contributing to.
Another major conclusion of that paper is that, in terms of the economic costs of conservation action, it is better to proceed immediately than to refine the plan somewhat but delay it by several years while refining it. Waiting makes the costs much higher than doing it now, even if the immediate plan needs to be refined while it is in motion. Fast action is cheaper, as well as more effective.
In Canada, it's not just biodiversity that's being lost. We're also losing species that do things for us and that provide us with ecosystem services we cannot live without. Pollinators are one such group. We showed that pollinator assemblages, as exemplified by butterflies, are undergoing a process of biotic homogenization. Rare species are disappearing from many areas, and replacing them are common weedy species. The consequence is that, from place to place, groups of species look more and more like each other. The distinctiveness of biological regions is declining.
I have not yet discussed climate change. As you all know, and as the evidence unequivocally demonstrates, human-caused emissions of greenhouse gases from all sources today are the major cause of present-day climate change. We have the power to intervene to reduce those emissions and keep our climate from warming beyond dangerous thresholds—and I mean dangerous for the continued stability of human civilization—as well as the essential and allied problems we face around biodiversity conservation.
I must emphasize that we now have strong evidence that climate change is contributing to extinction risks among groups of species we are not able to do without. In particular, I'll talk about pollinators where we've shown—along with many other researchers around the world—that climate change is contributing to a loss of pollinator biodiversity that is now detectable at continental scales across Europe and North America. Indeed, many of these species are effectively trapped in a climate vise, and their ranges are being crushed by climate change—they're disappearing. That means their capacity to provide these ecosystem with services that determine whether we get to have things like crops—in 75% of cases—is disappearing as well. This is a most unhelpful development and something we should be very concerned about.
We do not have the luxury of time to vacillate about whether we act on climate change. We could have done that a little bit in the 1980s, given that scientific uncertainty could questionably have justified prolonged study rather than immediate action. At this point, however, failing to address climate change and its many impacts, including ecological impacts, is a game of roulette with a loaded pistol.
Achieving connectivity in landscapes to enable species to disperse elsewhere or find refuge from extreme weather is part of what we must address in Canada. This thinking was also clearly front of mind in testimony that you heard in this committee recently on a protected area strategy. Policies for addressing climate change exist and have been tried—they work. They can be refined as we learn new things. They don't impose impractical economic costs; there is no conflict between conservation and the economy.
Finally, I'm going to close on a few simple notes, paraphrasing an indigenous saying: We do not inherit the world from our ancestors; we borrow it from our children. As scientists, we know there are real impacts from failures to take effective conservation action. But, as parents and as citizens, we feel this need more acutely because we see what is coming; we measure it as part of our day jobs.
The basic information I've discussed here today, as published in the IPBES report, isn't new, but has many refinements and improvements. That science was available to all of us 30 years ago.
Ever since, the basic messages that have been conveyed from the scientific community to policy-makers have remained largely consistent—again, with important revisions and refinements. However, the time has now come for us to proceed with effective policy action to conserve biological diversity. The reasons to do so are easily found when we go home to our families at night and remember that we have borrowed the world from our children. We did not inherit it from our parents.