Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, mes formidables collègues de Battered Women's Support Services.
Merci beaucoup pour votre invitation à témoigner devant le Comité permanent de la condition féminine et à discuter d'une question qui me concerne beaucoup sur les plans personnel et professionnel, la cyberviolence envers les femmes et les filles.
Je me rappelle très bien le début des communications en ligne et par les médias sociaux ainsi que l'avènement d'Internet. Quand j'étais en 6e année, ICQ et MSN Messenger sont devenus la norme dans les communications entre amis et jeunes du même âge. Ç'a aussi ouvert la porte d'un nouvel univers. C'est aussi devenu des plateformes permettant de répandre rumeurs, commérages et commentaires haineux dans un auditoire immense.
Quand j'étais en 10e année, la popularité de LiveJournal a augmenté. Cette plateforme permettait de s'exprimer davantage, grâce à l'écriture d'un journal en ligne, au blogage et à un site permettant de se mettre en rapport avec des personnes de partout dans le monde qui partageaient des intérêts semblables. Cependant elle a aussi ouvert la porte au harcèlement public, à la pression de l'opinion et à l'intimidation. Facebook a été lancé pendant ma première année d'études universitaires. Cet endroit qui permettait de se lier à ses semblables, d'échanger des photos et de rester en rapport avec des amis de différents endroits sur la Terre n'a pas empêché l'augmentation du nombre de violations de la vie privée et n'a pas conduit à prendre au sérieux les dénonciations du harcèlement et de la violence.
Internet et les médias sociaux constituent pour les jeunes qui veulent y naviguer un paysage très complexe. Alors que les percées de la technologie multiplient les possibilités de communiquer avec le monde, chacun de ses utilisateurs trouve à sa portée immédiate un ensemble tout à fait nouveau d'outils pour perpétuer et masquer la violence.
La cyberviolence et la cybermisogynie sont omniprésentes dans la culture technologique évoluée dans laquelle nous baignons, mais, disons-le, la surveillance patriarcale des femmes et des filles remonte bien avant qu'Internet et les médias sociaux ne l'aient facilitée. Non seulement les femmes, les transgenres et d'autres sexes marginalisés vivent-ils — vivons-nous en somme — dans la crainte chez eux, au travail, dans les espaces publics, les écoles et les institutions censées les protéger, les instruire, les soigner et leur dispenser la justice, mais, maintenant, c'est dans le cyberespace aussi.
Le cyberespace devient de plus en plus l'endroit où on travaille, fait des courses, entre en rapport les uns avec les autres, joue, apprend et, très souvent, il devient lieu de violence et d'oppression. Une grande partie de la violence qui se manifeste en ligne est sexualisée et enracinée dans des normes misogynes, le racisme, le capacitisme, l'homophobie, la transphobie, le classisme et la violence coloniale. Comme on pouvait s'y attendre, elle vise souvent les lieux créés par ces tranches de la population pour parler contre la violence et l'oppression, relater leurs expériences en la matière et préconiser la justice sociale et elle s'y manifeste souvent.
Je tire ma compréhension de la cyberviolence et de la cybermisogynie de mon travail de coordonnatrice des programmes jeunesse au YWCA Halifax et de ma participation à l'équipe de conseillers du Projet déclic de YWCA Canada. Dans ce rôle, je gère Safety NET, une stratégie de ma province visant à combattre la cyberviolence envers les jeunes femmes et les filles. Nous avons parlé à plus de 200 jeunes et à 20 fournisseurs de services de la province pour apprendre directement d'eux à quoi ressemble la violence en ligne et comment mieux aider celles qui y survivent et contribuer à un changement systémique durable.
Après que les chants appelant au viol par des étudiants de l'Université Saint Mary's sont devenus viraux, après l'affaire du Gentlemen's Club de l'école de dentisterie Dalhousie et après l'agression et la mort de Rehtaeh Parsons, la cyberviolence est devenue pour notre région un sujet à régler particulièrement urgent.
Même si la cyberviolence, particulièrement contre les femmes et les filles, est omniprésente, elle est mal comprise du grand public, des fournisseurs de services et des décideurs. Je suis si heureuse de vous communiquer ce que nous avons appris grâce à notre projet Safety NET et de vous communiquer des pratiques prometteuses, trouvées principalement par les jeunes, qui peuvent aider à prévenir et à réprimer la violence sexuelle en ligne.
Mais avant, je veux vous dire que les idées radicales mènent à des changements radicaux. Pour vraiment combattre la violence en ligne et toutes les formes de violence sexuelle, nous devons parvenir à des transformations culturelles qui changeront notre perception des femmes, des transgenres et des autres sexes marginalisés et la valeur que nous leur accordons.
Nous avons besoin d'un investissement durable et d'un véritable engagement de la part de toutes les parties prenantes, y compris de leur volonté de changer les systèmes inefficaces.
J'ai tellement bon espoir que nous sommes sur la bonne voie grâce à la stratégie fédérale contre la violence fondée sur le sexe qui a été lancée cet été et grâce à votre étude sur la violence dans la vie des femmes et des filles.
L'évaluation des besoins grâce à la stratégie Safety NET a débouché sur quatre recommandations principales:
Dans la province, le premier besoin reconnu a été celui d'une éducation sur la cyberviolence qui serait animée par des jeunes et celui de programmes communautaires. Ça signifie de vraiment valoriser les expériences et les points de vue des jeunes, des jeunes femmes plus précisément, et de canaliser leurs voix dans des programmes communautaires de base, de même que de parler explicitement des problèmes systémiques qui nourrissent la cyberviolence.
D'après moi, une grande partie de l'éducation sur la cyberviolence échoue précisément parce qu'elle omet ces actions. Les jeunes ont besoin d'espace pour discuter, apprendre entre eux et s'enseigner mutuellement les moyens de se protéger en ligne tout en accédant activement à la culture et à tout ce qu'elle offre. L'éducation du public, sa sensibilisation et la recherche sur la nature précise de la cyberviolence, sa fréquence, ses conséquences et ses effets ont aussi été reconnus comme des besoins importants.
Les jeunes et les partenaires dans la communauté ont parlé de la nécessité de collaborer avec des joueurs clés, particulièrement dans le domaine de la justice et de l'éducation, pour mettre sur pied, pour les survivantes de la cyberviolence, des systèmes de réponse adaptés aux traumatismes subis. Il faudrait notamment éviter les réactions de blâme à l'endroit des victimes et celles qui préconisent simplement de décrocher de la technologie et des médias sociaux. Elles sont tellement nocives.
Enfin, les gouvernements et les organisations communautaires devraient collaborer avec les médias sociaux et les organismes axés sur les médias à l'élaboration de lignes directrices et de protocoles offrant une meilleure protection aux usagers. Une activité soutenue permettant d'obtenir l'adhésion de ces compagnies est un élément nécessaire de la mise en place d'une sécurité plus grande en ligne.
Encore une fois, je vous remercie de l'invitation que vous m'avez lancée de participer à votre examen de la cyberviolence. J'ai hâte de me mêler à la discussion et je vous sais gré de reconnaître ainsi officiellement le fait que la violence en ligne entrave l'équité pour les femmes et les filles.
Je conclus mes observations avec le sentiment que si Internet peut maintenir et faciliter l'oppression et la violence, c'est en même temps le remède qui peut nous aider à les combattre et à militer pour un monde plus sûr, plus stimulant pour les femmes et les filles dans toutes leurs identités croisées.
Merci.