Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux d'être de retour ici, en compagnie cette fois-ci de la leader à la Chambre, de mon sous-ministre, Malcolm Brown, de même que d'Ian McCowan et de Heather Sheehy du Bureau du Conseil privé.
Aujourd'hui, il est bien évidemment question du projet de loi C-22, la loi qui constitue le comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
La mise sur pied d'un mécanisme de surveillance parlementaire rigoureuse des activités de sécurité nationale et de renseignement était l'un des points cruciaux de notre programme électoral lors de la dernière campagne. Il s'agit d'une composante importante des mesures que nous prenons pour assurer la sécurité des Canadiens et, en même temps, protéger nos droits et libertés. Comme je l'ai indiqué clairement à maintes reprises, le projet de loi C-22 est la pierre angulaire de notre approche à cet égard, mais il ne s'agit certainement pas de la seule mesure que nous prenons.
L'approche multidimensionnelle que nous empruntons pour la sécurité nationale consiste notamment à mettre en place un bureau de sensibilisation communautaire et de coordination de la lutte contre la radicalisation avec les fonds qui ont été promis dans le dernier budget, à améliorer le système d'interdiction de vol, tout particulièrement en ce qui concerne les mécanismes de recours et d'appel, à assurer qu'il y a conformité complète à tous les égards à la Charte des droits et libertés, à protéger le droit de militer et de manifester, à donner davantage de précisions au sujet des mandats, à mieux définir la propagande terroriste, à organiser un examen complet des lois antiterroristes après trois ans et à demander aux Canadiens, y compris aux parlementaires, aux experts en la matière et au grand public, quelles autres mesures prendre afin d'atteindre les deux objectifs : protéger notre sécurité et nos droits.
C'était dans le contexte de ces consultations que j'avais comparu devant vous il y a quelques semaines. Je sais que les membres du comité ont parcouru le pays pour écouter ce que les Canadiens avaient à dire sur le très vaste sujet que représente la sécurité nationale. J'apprécie énormément votre dévouement et j'ai hâte de recevoir le rapport que vous allez déposer et qui représente une contribution importante à ce dialogue sans précédent à l'échelle nationale sur le cadre de la sécurité nationale du Canada.
Je vais maintenant aborder plus particulièrement l'un des éléments du cadre qui nous est présenté aujourd'hui, le projet de loi C-22. Comme vous le savez, il débouchera sur la création d'un comité de parlementaires qui aura un accès privilégié à des renseignements classifiés, leur permettant d'examiner les activités liées à la sécurité et au renseignement de tous les ministères et de toutes les agences du gouvernement du Canada.
Ce cadre existe chez la plupart de nos alliés depuis de nombreuses années, ou du moins certaines variantes de celui-ci. Il s'agit d'une initiative que beaucoup de gens dans notre pays prônent depuis de nombreuses, nombreuses années, y compris notre comité, depuis 2009, d'autres comités parlementaires, y compris les comités de l'autre Chambre, le vérificateur général et au moins deux enquêtes judiciaires.
Des projets de loi très semblables au projet de loi C-22 ont été présentés par le gouvernement de Paul Martin en 2005 et par plusieurs députés et sénateurs depuis une dizaine d'années. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a été adopté. Le Canada demeure donc une anomalie par rapport à ses alliés en matière d'imputabilité liée à la sécurité nationale. Cette loi viendra enfin combler cette lacune.
J'aimerais prendre quelques moments pour examiner de plus près la façon dont le comité que nous proposons de constituer, c'est-à-dire le comité canadien, se compare à ceux de nos alliés qui ont des parlements de type Westminster.
D'abord, le comité canadien aurait un mandat beaucoup plus large que les comités dans la plupart des autres pays. Le projet de loi C-22 confie au comité la tâche d'examiner « les cadres législatif, réglementaire, stratégique, financier et administratif de la sécurité nationale et du renseignement » ainsi que « les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement ».
Autrement dit, le comité aura le pouvoir d'examiner des activités dans l'ensemble du gouvernement fédéral, notamment des questions opérationnelles, et d'assurer un suivi des preuves, peu importe où elles mènent.
On estime qu'une vingtaine de ministères ou d'agences serait couverts. Cette liste, j'insiste sur ce point, est ouverte. Y figurent ceux vers lesquels les preuves nous conduisent.
Voilà une différence, par exemple, par rapport au comité britannique, qui exige un protocole d'entente entre le comité et la première ministre du pays pour qu'on puisse examiner tous les éléments qui dépassent le travail de trois agences précises: le MI5, le MI6 et l'agence de renseignement du GCHQ. Si le comité britannique souhaite passer outre ces trois agences, il doit effectivement négocier un protocole d'entente avec la première ministre.
De même, le comité australien se contente d'effectuer des examens de la législation prescrits par la loi ainsi que de l'administration et des dépenses d'organismes en particulier. En fait, en Australie, il faut une résolution parlementaire ou une recommandation du ministre afin que le comité puisse même se pencher sur d'autres problèmes liés à ces mêmes agences. Comme vous pouvez le voir, le langage utilisé dans la loi fédérale ici au Canada est sensiblement élargi
En ce qui concerne l'accès, par notre comité canadien, à l'information, question que plusieurs membres ont soulevée pendant le débat à l'étape de la deuxième lecture, je pense encore qu'il vaut mieux examiner la façon dont les comités comparables travaillent dans d'autres pays.
Au Royaume-Uni, un ministre peut empêcher la divulgation de renseignements au comité en invoquant le fait qu'il s'agit de renseignements confidentiels, à ne pas divulguer dans l'intérêt de la sécurité nationale. C'est la règle en Grande-Bretagne.
En Nouvelle-Zélande, un témoin peut refuser de donner des renseignements au comité en invoquant le fait qu'il s'agit de renseignements confidentiels, ce qui irait à l'encontre de l'intérêt national s'ils étaient divulgués. C'est au premier ministre de renverser cette décision s'il détermine qu'il est préférable de les divulguer dans l'intérêt public.
En Australie, les ministres peuvent émettre des certificats empêchant des témoins de présenter des preuves devant le comité afin de prévenir la divulgation de renseignements importants sur le plan opérationnel.
Nos alliés ont des listes de catégories de renseignements qui ne peuvent pas être divulgués, comme en Australie, par exemple, les renseignements qui compromettraient la sécurité nationale ou les relations internationales ou qui pourraient les compromettre, en Nouvelle-Zélande, les renseignements qui risqueraient de porter préjudice au respect de la loi, y compris la prévention des infractions, les enquêtes sur les infractions et la détection d'infractions, et au Royaume-Uni, les renseignements qui pourraient dévoiler des aspects de « méthodes opérationnelles ».
Nos alliés sont évidemment conscients qu'il faut user d'une certaine discrétion afin d'éviter que les enquêtes du comité menacent la sécurité, et nous sommes d'accord avec ce principe. Voilà pourquoi, par exemple, le projet de loi C-22 autorise le ministre à intervenir s'il est établi qu'un examen pourrait compromettre la sécurité nationale. Cependant, en raison de la portée considérable du mandat du comité canadien et parce que le projet de loi C-22 ne l'empêche pas d'examiner les questions opérationnelles, notre version canadienne aura un pouvoir d'enquête qui dépasse de façon générale celui dont disposent ses homologues ailleurs.
Il conviendrait également de souligner qu'advenant une controverse entre le comité de parlementaires et le gouvernement, un litige concernant une activité ou des renseignements peut parfaitement être déclaré par le comité. Si le comité, composé de sept députés et de deux sénateurs, signale une série d'incidents au cours desquels le comité ne semble pas obtenir la collaboration du gouvernement, la situation en elle-même deviendra une question disciplinaire très grave pour le gouvernement. La controverse ne sera pas réglée tant que le comité n'aura pas donné le signal de fin d'alerte.
Enfin, le rapport annuel et les autres rapports spéciaux du comité ont souvent fait l'objet d'une discussion à l'étape de la deuxième lecture. La leader de la Chambre y a fait allusion. Je souhaite simplement en souligner l'importance. Comme c'est le cas au Royaume-Uni, le comité (c'est-à-dire le comité canadien) doit envoyer ses rapports au premier ministre avant qu'ils soient présentés au Parlement. Et comme dans le cas du Royaume-Uni, le premier ministre peut demander que certains éléments soient retranchés pour des raisons de sécurité.
Je pense qu'aucun d'entre nous ne jugerait cela déraisonnable. Lorsqu'on traite des renseignements classifiés, ils doivent demeurer classifiés, mais il s'agit de la seule raison pour renvoyer le rapport au premier ministre. Ce dernier n'est pas en mesure d'y faire d'autres révisions, de le modifier ou d'y faire des ajouts. C'est simplement dans le but de protéger des renseignements classifiés. Je pense que le premier ministre se servirait de ce pouvoir assez rarement de toute façon parce que le comité lui-même ne voudrait pas publier des renseignements classifiés. Selon moi, nous avons tous intérêt à nous assurer que ce genre de renseignements est protégé. Sinon, le comité peut dire tout ce qu'il veut, en tout temps.
La suggestion qui a été présentée est d'indiquer dans le rapport public les parties qui ont été caviardées et je suis ouvert à cette possibilité. En fait, je suis ouvert à toutes les propositions de bonne foi qui pourraient nous aider à atteindre notre double objectif, qui est de veiller à ce que le cadre de sécurité nationale du Canada fonctionne de manière efficace pour assurer la sécurité des Canadiens, tout en protégeant nos droits et nos libertés.
Pendant que vous examinerez le projet de loi, je vous invite à garder également à l'esprit le contexte international dans lequel le présent comité évoluera et où nos arrangements au Canada doivent être jugés crédibles. Dans d'autres pays, ceux qui nous ont précédés en concevant ce genre d'examen et de surveillance nous ont tous recommandé d'user de prudence en commençant et de tirer des leçons de notre expérience.
Les députés dans le comité devront apprendre à connaître le rôle et les responsabilités uniques et extraordinaires qu'ils devront assumer. Le comité devra gagner la confiance du public et également celle des agences qu'il supervise, de même que celle des autres organismes de révision déjà en place dans le système fédéral.
Sur ce point, j'aimerais reprendre une déclaration de l'ancien sénateur Hugh Segal. Voici ce qu'il a dit sur la façon d'amener le comité à partir du bon pied:
Le modèle proposé dans le projet de loi C-22, c'est-à-dire un comité de parlementaires nommés par décret, à l'image du modèle initialement choisi au Royaume-Uni (…) est le bon. Copier directement le comité de parlementaires actuel du Royaume-Uni, après des décennies d'expérience et un bilan reconnu en matière de discrétion et du maintien du lien de confiance, serait une erreur (…)
Vous vous souviendrez sans doute qu'au moment où le projet de loi a été présenté au mois de juin, l'un des plus éminents experts au Canada dans le domaine du droit de sécurité nationale, le professeur Craig Forcese de l'Université d'Ottawa, a déclaré que le comité constitué par le projet de loi C-22, serait un organisme plus fort que son homologue au Royaume-Uni et en Australie. Je suis d'accord. Il a également déclaré que l'imputabilité liée à la sécurité nationale au Canada sera transformée. Je suis également d'accord.
Le projet de loi C-22 donnera enfin au Canada le droit de regard parlementaire nécessaire pour les questions relatives à la sécurité et au renseignement, qui nous manquait depuis trop longtemps. Puis, plus près de nous, après cinq années d'expérience, nous aurons la possibilité d'examiner la législation et de la modifier à ce moment-là si nous le jugeons nécessaire.
Monsieur le président, puis-je me permettre de terminer en faisant état d'une observation que j'ai faite: la composition du comité s'est modifiée depuis ma dernière visite ici. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à M. Clement comme critique de l'opposition officielle. Je lui souhaite bonne chance dans ses nouvelles fonctions.