Monsieur le président, madame et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je suis persuadé que vous voudrez tous vous joindre à moi ce matin pour exprimer les vives inquiétudes que soulèvent en nous les deux tragédies survenues en fin de semaine à Edmonton et à Las Vegas. Il est regrettable que des événements aussi horribles puissent se passer dans une société libre, ouverte et démocratique comme la nôtre. C'est dans des circonstances semblables que nous devons nous montrer solidaires en soulignant le travail extraordinaire accompli par les premiers intervenants de part et d'autre de la frontière. Nos pensées et nos prières accompagnent les victimes, leur famille et leurs proches. Nous espérons que les blessés pourront se rétablir totalement le plus rapidement possible. Nous ne saurions trop insister sur le fait que des gestes de la sorte ne réussiront pas à nous diviser ni à nous intimider. Les enquêtes policières débutent à peine. Nous finirons sans doute par en apprendre davantage, mais je demeure convaincu que nous saurons nous montrer solidaires, aussi bien entre Canadiens qu'avec nos voisins américains, comme nous le faisons toujours dans des circonstances aussi épouvantables.
Monsieur le président, avant d'aborder le sujet du jour, je tiens à profiter de ma première comparution devant votre comité depuis notre retour au Parlement pour vous souhaiter la bienvenue dans vos nouvelles fonctions. Je remarque aussi quelques nouveaux visages de part et d'autre de la table, et quelques anciens également. Je vous souhaite tous la bienvenue en vous remerciant de l'invitation que vous m'avez faite aujourd'hui. Je suis convaincu que nous saurons bien travailler tous ensemble.
Nous allons donc d'abord nous intéresser au projet de loi C-21. Je suis accompagné aujourd'hui de trois représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il s'agit de Martin Bolduc, vice-président; Sébastien Aubertin-Giguère, directeur général, Direction de programme des voyageurs; et Andrew Lawrence, directeur exécutif par intérim, Direction de programme des voyageurs.
Grâce au projet de loi dont nous allons discuter aujourd'hui, le Canada pourra enfin, comme il le souhaitait depuis longtemps, consigner des données non seulement sur les personnes qui entrent au pays, mais aussi sur celles qui en sortent. Si vous vous dîtes que c'est quelque chose d'assez fondamental, vous avez tout à fait raison. Notre système frontalier a pourtant dû composer avec cette lacune pendant toutes ces années. Nous nous proposons maintenant d'apporter les correctifs nécessaires au moyen du projet de loi C-21. Je dois souligner que bien d'autres pays, y compris tous ceux du Groupe des cinq, recueillent déjà ces données de sortie, comme on les appelle. Le Canada souhaite rattraper son retard à ce chapitre grâce au projet de loi C-21.
Nous parlons ici simplement des renseignements personnels de base que l'on trouve à la page 2 de n'importe quel passeport, en plus du moment et de l'endroit du départ. Ce sont les mêmes données d'identification que les voyageurs communiquent déjà volontairement lorsqu'ils traversent la frontière. Lorsque vous vous rendez aux États-Unis, vous montrez votre passeport à l'agent frontalier qui consigne les renseignements figurant à la page 2. Ce sont les informations dont il est question ici: le nom, la date et le lieu de naissance, la nationalité, le sexe et l'autorité émettrice du document de voyage.
Ces renseignements seront recueillis dans le cours normal des choses, si bien que les voyageurs ne percevront aucun changement dans le processus. Pour ceux qui quittent le Canada par avion, c'est la compagnie aérienne qui consignera ces données comme elle le fait déjà pour ensuite transmettre la liste des passagers à l'Agence des services frontaliers du Canada avant le départ. Pour ceux qui se rendent aux États-Unis par voie terrestre, les agents américains qui recueillent déjà ces renseignements à titre de données d'entrée les transmettront à l'ASFC qui s'en servira comme données de sortie. La réciproque sera également vraie pour les gens qui entrent au Canada à partir des États-Unis. Il n'y aura aucun changement perceptible pour le voyageur.
Grâce à ces données, les agents canadiens seront mieux à même de lutter contre les crimes transfrontaliers comme les enlèvements d'enfants et le trafic de personnes. Nous serons ainsi mieux aptes à empêcher des individus radicalisés de se rendre à l'étranger pour se joindre à des groupes terroristes. L'intégrité des programmes de prestations reposant sur des critères liés à la résidence sera quant à elle mieux protégée. Les agents de l'immigration pourront en outre accomplir leur travail en s'appuyant sur des renseignements complets et exacts. Ils cesseront de perdre des heures à travailler sur les dossiers de personnes qui ont déjà quitté le Canada.
Le projet de loi permettra enfin de répondre à une préoccupation soulevée par le vérificateur général dans son rapport de l'automne 2015 où il recommandait des mesures plus rigoureuses de lutte contre l'exportation illégale de marchandises contrôlées ou dangereuses. Le projet de loi C-21 va apporter des modifications à la Loi sur les douanes en vue d'interdire la contrebande de marchandises contrôlées qui sortent du Canada. À l'heure actuelle, et cela en surprendra peut-être certains, seule la contrebande vers le Canada est interdite. Grâce aux nouvelles mesures législatives, les agents frontaliers disposeront à l'égard des marchandises quittant le pays des mêmes pouvoirs dont ils bénéficient déjà pour les marchandises qui entrent au Canada.
Monsieur le président, j'ai suivi avec grand intérêt le débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-21 à la Chambre. Peu de préoccupations précises ont été soulevées à cette occasion, mais j'aimerais tout de même réagir à une observation de M. Dubé au sujet des échanges d'information avec les États-Unis. Je trouve toujours inquiétant de constater que certains semblent avoir l'impression que tout échange d'information avec les Américains est une mauvaise chose en soi.
Nous devons garder à l'esprit qu'il est essentiel pour la sécurité des deux pays que les autorités canadiennes et américaines puissent collaborer et mettre en commun leurs données, conformément aux lois et aux accords en vigueur, et sous réserve d'une surveillance appropriée. C'est ainsi grâce à l'échange d'information avec les États-Unis que les autorités canadiennes ont pu intervenir l'été dernier à Strathroy en Ontario pour contrer une attaque terroriste qui avait été planifiée. Sans ces informations, la GRC et les forces policières locales n'auraient pas pu empêcher qu'une tragédie beaucoup plus grave ne survienne. Il en va de notre intérêt national que nous puissions travailler de concert avec nos homologues américains en échangeant de l'information avec eux dans les limites des règles applicables. C'est dans ce contexte qu'il nous est possible de gérer la frontière internationale la plus longue, la plus ouverte et la mieux gardée de l'histoire de la planète.
Il y a certaines questions importantes qu'il convient de se poser. Quel genre de renseignements doivent être échangés? Quelles précautions doivent être prises? À quelles fins doit-on mettre en commun ces données? Le projet de loi C-21 répond très clairement à ces questions. Quel genre d'information? Comme je l'indiquais, il s'agit des données personnelles de base figurant à la page 2 de notre passeport que nous communiquons tous déjà lorsque nous traversons une frontière. Il faut souligner que si le Canada communique ces renseignements aux autorités américaines, c'est uniquement parce que la personne visée vient d'entrer au Canada en provenance des États-Unis, lesquels ont déjà nécessairement reçu la même information de leur côté. Il n'est pas question de données nouvelles ou plus détaillées. On veut seulement savoir qui a quitté le pays et rien d'autre.
Quelles précautions sont prises? Précisons dès le départ que le gouvernement s'est assuré de communiquer avec le commissaire à la protection de la vie privée tout au long du processus. C'est encore le cas aujourd'hui. Vous pouvez trouver sur le site Web de l'Agence des services frontaliers l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée pour la phase actuelle et les phases antérieures de mise en oeuvre de l'Initiative sur les entrées et les sorties. Cette évaluation sera mise à jour une fois la nouvelle loi en vigueur.
De plus, les échanges d'information à l'intérieur du Canada et avec les États-Unis seront assujettis à des ententes officielles qui prévoiront des balises pour la gestion de l'information, des dispositions pour la protection des renseignements personnels et des mécanismes de recours en cas de problèmes.
Toutes ces mesures seront prises dans le contexte de la structure de reddition de comptes la plus efficace que le Canada ait connue en matière de sécurité nationale. Nous avons déjà adopté le projet de loi C-22 qui a permis la création du nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Il faut ajouter à cela le projet de loi C-59 présenté ce printemps qui vise la mise sur pied d'un nouvel Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Comme vous le savez, nous avons aussi agi proactivement au cours des derniers jours en communiquant de nouvelles directives ministérielles en matière d'échange de renseignements, un pas en avant qui a été fort bien accueilli.
Enfin, à quoi doit servir l'échange d'information? Comme je l'ai indiqué, il s'agit d'aider les autorités canadiennes à mieux remplir leur mandat, qu'il soit question de lutter contre la criminalité transfrontalière, d'empêcher un terroriste de voyager ou d'assurer une meilleure gestion des prestations sociales et des programmes d'immigration. Pour vous donner un exemple concret, pensons à la disparition d'un enfant. La police pourra vérifier les dossiers de sortie pour voir si l'enfant a quitté le pays plus tôt dans la journée, à quel endroit, à quelle heure et avec qui. C'est bien évidemment un outil précieux pour les enquêteurs des deux côtés de la frontière qui conjuguent leurs efforts pour retrouver l'enfant et appréhender la personne qui l'a enlevé. Cette raison devrait suffire à elle seule pour inciter le Comité à faire le nécessaire pour faire rapport de ce projet de loi à la Chambre dans les plus brefs délais.
Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.