Merci. Je m'appelle Lois Frank. Je suis de la Tribu des Blood, dans le Sud de l'Alberta.
J'ai eu de la difficulté à préparer mon exposé parce que je tentais de tout condenser en sept minutes. C'est difficile quand on est une chargée de cours et une instructrice habituée à donner des cours de quatre heures. Je vous ai préparé un exposé, et vous en recevrez une copie, mais je veux seulement parler du fond du coeur, car vous avez pris connaissance de beaucoup des données probantes disponibles et avez entendu de nombreux témoignages de gens qui ont des démêlés avec le système de justice. Je veux seulement vous faire part de quelques éléments.
Nous avons beaucoup de statistiques. Nous disposons des données sur les femmes autochtones dans le système de justice. Nous savons que les femmes ont beaucoup d'influence dans les sociétés traditionnelles et qu'elles avaient un rôle important à jouer. Elles étaient les mères nourricières. Elles assuraient parfois la santé économique des Premières Nations. Elles avaient beaucoup leur mot à dire au sein des collectivités.
Je suis là parce que j'enseigne la justice pénale à l'université. Je participe également à la rédaction de rapports Gladue. Je le fais depuis un certain nombre d'années pour la province. J'en suis venue à considérer l'expérience des personnes que je représente comme étant très importante. Je pourrais vous inonder de statistiques, d'études et d'enquêtes, mais je ne veux pas faire cela, pour l'instant. En tant que rédactrice de rapports Gladue, selon les exigences de la Cour suprême, je vous dirais qu'il est vraiment important d'étudier l'alinéa 718.2e) du Code criminel, d'examiner la situation des Autochtones. Comme je vis dans la réserve Blood et que j'ai des petits-enfants, des étudiants et des clients pour qui je rédige des rapports Gladue, il me semble que je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle dans le cadre du travail que je fais.
J'ai beaucoup appris au sujet de la vie des délinquants autochtones, y compris la toxicomanie, la violence, les traumatismes de l'enfance, l'itinérance et la violence physique, émotionnelle et sexuelle. J'ai entendu de nombreuses histoires, et je suis très préoccupée par la direction que nous empruntons, en ce qui concerne le système de justice pénale.
Comme je l'ai mentionné, les femmes étaient très importantes. Elles avaient un rôle important à jouer, mais, après la colonisation, sous le régime de la Loi sur les Indiens, les femmes n'étaient plus des personnes. Je pense que nous ressentons les répercussions de ces événements. Nous vivions dans un monde spontané fondé sur les coutumes, alors que, maintenant, ce monde est très froid. Nous sommes soumis aux dictats du gouvernement, et les gens qui se retrouvent dans le système de justice pénale estiment que c'est un monde très froid et structuré, où ils n'ont pas vraiment leur mot à dire.
Beaucoup de nos collectivités sont maintenant patriarcales en raison de la Loi sur les Indiens. Les femmes n'avaient presque aucun rôle à jouer et étaient considérées par les Européens comme étant inférieures, des personnes qui étaient... Nos rôles étaient différents. Nous n'étions pas des Européennes délicates qui n'étaient pas habituées de travailler dur. Les femmes avaient un rôle très central. Elles étaient indépendantes et avaient beaucoup de pouvoir au sein de la collectivité. Nous constatons que ce pouvoir a diminué, maintenant. Je pense que c'est pourquoi nous observons beaucoup des problèmes que connaissent les femmes autochtones. Elles sont les piliers et les racines de la collectivité. Quand on leur enlève leur importance, on voit les problèmes apparaître, comme les femmes autochtones assassinées et disparues. Nous n'avons pas besoin d'une autre étude, d'une autre enquête. Nous savons qu'il y a des problèmes.
Je pense qu'il importe que nous, en tant que personnes qui tentent de réformer une partie des systèmes que nous avons mis en place, comme les tribunaux, la police, les services correctionnels... Toutes les personnes qui participent au système de justice pénale, comme l'a mentionné Stephanie, ont besoin de recevoir une formation, mais je pense qu'il est plus important... Je suis là pour parler des femmes, des personnes que je représente, des étudiants, des gens dans la collectivité. Je ne suis pas là pour vous donner toujours plus d'information au sujet de toutes ces études. Je suis là pour représenter les personnes avec qui je communique quotidiennement. J'ai l'occasion d'entendre leur histoire, et je suis là pour défendre leurs intérêts.
Voici l'élément le plus important: les femmes sont la force, l'épine dorsale de la collectivité. Ce rôle a été totalement réduit, mais beaucoup de choses positives peuvent se produire. La Charte protège les personnes; elle protège les gens. Je pense que le système de justice pénale peut s'adapter. Nous pouvons nous adapter à la spontanéité de nos cultures.
Enfin, je voudrais tout simplement dire qu'en tant que rédactrice de rapports Gladue, je pense qu'il s'agit de l'une des façons dont nous pouvons faire quelque chose pour les femmes autochtones dans le système. Nous devons leur offrir la formation. Nous devons utiliser les mêmes critères que ceux que nous appliquons aux juges au moment de chercher des rédacteurs judiciaires autochtones de rapports Gladue, car c'est très important pour l'ensemble de ce processus.
Merci.