Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui pour me prononcer contre la motion des conservateurs. J'accorde au moins une chose aux conservateurs: ils ont fait connaître clairement leur position sur les changements climatiques. Cette motion nous montre qu'ils vont s'opposer à l'unes des solutions les plus efficaces pour combattre les changements climatiques: la tarification du carbone.
Nous savons aussi, parce que nous l'avons vu de nos propres yeux, que les conservateurs ont voté deux fois contre des motions visant à déclarer une urgence climatique. Leur position est on ne peut plus claire. Ils ont voté contre les motions sur les changements climatiques présentées par le NPD et le gouvernement. Ils n'acceptent tout simplement pas l'urgence de la situation actuelle. Le fait que les conservateurs n'ont pas encore annoncé leur plan de lutte contre les changements climatiques montre vraiment leur incapacité de comprendre l'urgence de la situation.
C'est à la fois surprenant et décevant, car même les entreprises reconnaissent les coûts exorbitants de l'inaction dans le contexte de la crise climatique. Plus tôt cette année, le Bureau d'assurance du Canada a pointé du doigt les changements climatiques comme étant le principal facteur de l'augmentation des primes d'assurance et a souligné qu'en 2018, les phénomènes météorologiques violents ont causé 1,9 milliard de dollars en dommages assurés au Canada.
Aujourd'hui, un groupe de travail présidé par le Bureau d'assurance du Canada et Sécurité publique Canada a publié un rapport sur la façon dont nous pourrions atténuer les risques financiers liés aux inondations, qui surviennent maintenant avec une fréquence et une sévérité accrues. Il ne s'agit de pas de trouver une façon de réduire ces coûts, mais bien de déterminer qui paiera la note. Comment pouvons-nous réduire les risques pour les Canadiens ordinaires pour des situations qui sont complètement hors de leur contrôle?
Personnellement, je suis actif dans le dossier des changements climatiques depuis plus de 30 ans. En 1989, je travaillais pour une petite organisation non gouvernementale dirigée par des Autochtones et située à Victoria. À l'époque, elle s'appelait la South Pacific Peoples' Foundation, mais elle s'appelle maintenant Pacific Peoples' Partnership. À la demande de nos partenaires des îles du Pacifique, nous avons organisé un programme de sensibilisation du public, notamment une tournée des écoles secondaires en Colombie-Britannique, afin de sonner l'alarme au sujet de la menace que constitue le réchauffement climatique pour les récifs de corail et les possibilités d'habiter sur les îles du Pacifique. Malheureusement, ce que nous tentions d'éviter est maintenant une réalité: c'est avec tristesse que nous avons appris qu'en deux ans seulement, soit de 2016 à 2018, la moitié des coraux du récif corallien de la Grande Barrière en Australie sont morts. Les récifs de corail meurent d'un bout à l'autre de l'océan Pacifique.
Je ne fais pas allusion au stéréotype selon lequel les habitants des îles du Pacifique devront apprendre à nager. Ce qui se passe maintenant, c'est que les récifs de corail — qui constituent la principale source de nourriture, la principale protection des côtes contre les ondes de tempête et le principal protecteur des lentilles d'eau douce, lesquelles sont essentielles à la présence humaine dans les îles — sont en train de disparaître à cause des changements climatiques.
Cette semaine, un groupe de réflexion indépendant appelé Breakthrough National Centre for Climate Restoration, à Melbourne, en Australie, a lancé un deuxième avertissement concernant les changements climatiques en publiant un document d'orientation intitulé « Existential Climate-Related Security Risk ». Le rapport conclut que « les changements climatiques représentent maintenant une menace existentielle à court et moyen terme pour la civilisation humaine ». Les auteurs notent que les objectifs actuels de l'Accord de Paris sont insuffisants et que, dans la situation actuelle, le réchauffement de la planète serait d'au moins 3 degrés Celsius si nous atteignons les objectifs de l'Accord de Paris. Les auteurs citent de nombreux rapports qui concluent que les gouvernements seront dépassés par l'ampleur des changements et des défis qu'ils auront à relever, notamment la propagation de nouvelles pandémies, des températures qui dépassent la capacité de survie humaine dans de nombreuses régions, la perturbation massive des systèmes agricoles et alimentaires, l'inondation des régions côtières où vivent des centaines de millions de personnes et la disparition des ressources en eau douce, ce qui entraînera d'énormes migrations humaines.
L'accent mis sur ces scénarios apocalyptiques risque de pousser beaucoup de gens à les rejeter comme étant exagérés, malgré le fait que ce n'est plus une question de probabilité. Ils représentent le danger réel auquel nous sommes confrontés. En raison de l'ampleur même du défi, il existe aussi le risque que de nombreuses personnes désespèrent de trouver une solution. À mon avis, la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui relève d'une de ces catégories, voire des deux.
Par conséquent, je ne voterai pas en faveur de la motion parce que cela équivaudrait à jouer à l'autruche et à nier les défis très réels auxquels nous sommes confrontés, et parce que le fait de se concentrer sur la tarification du carbone ne tient pas compte des coûts beaucoup plus élevés de l'inaction. Ces coûts existent et ils s'appliquent maintenant.
Les néo-démocrates votent contre cette motion parce que nous appuyons la tarification du carbone. Nous disons oui à une tarification du carbone, pas seulement pour les particuliers, comme les libéraux l'ont conçue, mais aussi pour les grands pollueurs. Nous aimerions que les libéraux cessent de faire profiter leurs amis des grandes sociétés de l'exemption de la taxe sur le carbone.
La tarification du carbone est évidemment un outil important dans la lutte contre les changements climatiques, mais ce n'est qu'un outil dans un ensemble complet de mesures. Il ne fait aucun doute qu'aucune mesure ne suffira à elle seule à relever l'ampleur des défis posés par cette urgence climatique. Voilà pourquoi nous avons présenté notre plan, un plan intitulé « Le courage d'agir: Pour l'urgence climatique et des emplois de qualité ».
Les libéraux et leur politique se fient presque exclusivement à un seul outil, soit la tarification du carbone. Cette mesure est loin de nous permettre d'atteindre l'objectif. Le NPD a un plan global qui reconnaît que nous sommes tous dans le même bateau et que nous ne réussirons à relever le défi des changements climatiques que si nous ne laissons personne pour compte. Si nous ignorons la question des travailleurs et de leurs emplois, si nous ignorons la situation des aînés, nous n'obtiendrons pas l'appui dont nous avons besoin pour réussir.
L'objectif de notre plan est clair: faire ce qu'il faut pour que la température moyenne de la planète n'augmente pas de plus de 1,5 degré Celcius. Autrement dit, nous ne fixerons pas de pourcentages de réduction arbitraires, mais des cibles qui se fondent sur les données scientifiques. C'est la même méthode que je proposais en 2010 dans la motion qui a été adoptée par le conseil d'Esquimalt, c'est-à-dire mesurer notre progrès et ajuster au besoin notre cible de réduction de façon à atteindre les résultats escomptés.
Nous savons maintenant qu'il faudrait atteindre, d'ici 2030, une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 38 % par rapport aux niveaux de 2005. Pour atteindre une économie sans émission nette de carbone, qui serait nécessaire pour stopper l'augmentation de la température, il faudrait atteindre, d'ici 2050, une réduction d'au moins 50 %.
Certains disent que nos cibles pour 2050 sont vagues, mais je dirais qu'elles sont au minimum de 40 à 50 % et qu'elles sont primordiales dans notre plan. Nous sommes résolus à suivre les cibles de réduction qui, selon les données scientifiques, seront nécessaires pour éviter la catastrophe.
Le NPD réclame aussi la création d'un bureau indépendant de la responsabilité en matière de changements climatiques. Ce bureau ressemblerait beaucoup aux fonctions du vérificateur général pour ce qui est des finances. Il mesurerait nos progrès accomplis et proposerait des cibles à adopter pour éviter la catastrophe qui risque vraiment de se produire.
Malheureusement, les libéraux ont maintenu les cibles de réduction des gaz à effet de serre établies par Harper, soit une réduction de 30 % d’ici 2030, cibles qui sont nettement insuffisantes. Pire encore, les mesures mises en place par les libéraux rateront les objectifs en matière d’émissions d’ici 2030 de 79 millions de tonnes; de plus, si nous ne révisons pas ces mesures, la cible d’une réduction de 30 % ne sera atteinte que dans 100 ans. Cela n’a pas empêché les libéraux de voter contre notre motion sur l’urgence climatique, qui préconisait l’établissement d’une obligation légale d’agir ainsi qu’une série de mesures précises à adopter. Au lieu de cela, hier, nous avons voté sur leur motion, qui contient bien peu de substance, à part des lamentations. Elle dit qu’il y a une urgence, mais elle ne réclame aucune mesure.
Différents choix s’offrent à nous. Nous pouvons faire l'autruche. Nous pouvons attendre que quelqu’un d’autre agisse, en soutenant que la part des émissions du Canada est trop faible pour que nos efforts aient un effet et en ne tenant pas compte du fait que nous sommes parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par habitant au monde. Nous pouvons aussi faire d’autres choix.
Nous pouvons mettre fin dès maintenant aux subventions remises à l’industrie des combustibles fossiles, qui s’élèvent à environ 3 milliards de dollars par année. Nous pouvons arrêter de gaspiller de l’argent en achetant et en réalisant des projets comme le pipeline Trans Mountain, un projet qui a encore une fois reçu l’aval du gouvernement libéral, juste avant que je prenne la parole.
Le NPD a un plan concret pour créer des emplois dans toutes les collectivités du pays, soit des emplois dans le secteur de l’énergie renouvelable, dans la rénovation écoénergétique des maisons et dans la restauration de ce que nous pourrions appeler les grands héritages environnementaux désastreux laissés par l’industrie pétrolière. Bon nombre de ces emplois feront appel aux mêmes compétences qui sont déjà utilisées par les travailleurs de l’industrie pétrolière. Ce seront de bons emplois qui permettront aux travailleurs de subvenir aux besoins de leur famille, dans chaque collectivité.
Il est temps que les conservateurs se rallient à la cause et qu’ils présentent leur plan. Il est temps qu'ils arrêtent de prétendre que les changements climatiques n’ont pas déjà de lourdes conséquences financières qui ne feront qu’empirer. Il est temps qu'ils nous disent les choix qu’ils feraient pour atténuer les changements climatiques et éviter les catastrophes climatiques.
Le plan d’action libéral est à la fois faible et contradictoire. Seuls les néo-démocrates ont présenté un plan clair pour aller de l’avant collectivement afin de relever le défi des changements climatiques.