Monsieur le Président, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois, également connue sous le nom de Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins, ou, comme nous l’avons entendu, du projet de loi « Free Willy ». Il a été présenté au Sénat par l’honorable sénateur Wilfred Moore le 8 décembre 2015 et, après sa retraite, il a été parrainé par le sénateur Sinclair.
Le projet de loi propose des modifications au Code criminel, à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et à la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Comme je n’ai que 10 minutes, j’appellerai dorénavant cette loi la Loi sur la protection des espèces.
Ces modifications visent à mettre fin à la captivité des cétacés, c’est-à-dire des baleines, des dauphins et des marsouins au Canada. En fait, l’objectif déclaré du projet de loi S-203 est de réduire graduellement et, éventuellement, d’éliminer la pratique consistant à garder les baleines, les dauphins et autres cétacés captifs dans des installations canadiennes.
Le projet de loi S-203 propose des modifications au Code criminel qui érigerait en infraction le fait de garder des cétacés en captivité. Il propose un amendement à la Loi sur les pêches qui interdira la capture d’un cétacé afin de l’emmener en captivité. Enfin, le projet de loi S-203 propose de modifier la Loi sur la protection des espèces pour interdire l’importation de cétacés au Canada et l’exportation d’un cétacé du Canada.
Le projet de loi S-203 est une réponse à la préoccupation grandissante du public entourant le bien-être des cétacés. Il y a maintenant une plus grande sensibilité et une meilleure compréhension en ce qui concerne la nature de ces animaux et les conditions qui leur sont nécessaires pour être en bonne santé et heureux. Il y a, sans aucun doute, un soutien croissant relativement à la protection des baleines et des autres mammifères marins, au Canada et partout dans le monde.
Depuis sa présentation, le projet de loi S-203 a subi d’importantes modifications. Nos collègues du Sénat, notamment grâce aux consultations et à l’étude effectuées par le comité permanent, nous ont envoyé un projet de loi qui mérite toute notre attention.
Le projet de loi S-203 comprend aussi maintenant des dispositions qui affirment les droits des peuples autochtones, dont bon nombre font des baleines un élément central de leur culture et de leurs traditions.
Afin de permettre la poursuite de certaines activités essentielles de conservation et de recherche, le projet de loi S-203 contient des dispositions qui créeraient des exceptions lorsqu’un animal a besoin d’être sauvé ou réhabilité. Les cétacés actuellement en captivité à Marineland et à l’Aquarium de Vancouver seraient également visés par les clauses d’exception, c’est-à-dire que ces installations ne seraient pas fermées, de sorte que les animaux qui n’ont jamais connu un autre foyer ne seraient pas laissés à eux-mêmes.
Nous sommes entourés par trois côtes incroyablement étendues côtoyant des océans spectaculaires. Ces eaux abritent 42 populations distinctes de baleines.
Toutes ces espèces animales, et bien d'autres, sont confrontées à des menaces importantes. Le réchauffement climatique a eu des impacts sur la température de l'eau, qui à son tour affecte l'approvisionnement alimentaire. La pêche illégale, non déclarée et non réglementée, les prises accessoires accidentelles et l'enchevêtrement dans les filets des pêcheries commerciales, la réduction des aliments disponibles, la pollution sonore, la pollution de l'environnement et même les collisions jouent un rôle dans la menace pour les cétacés.
La conservation et la protection des mammifères marins dans la nature, y compris les cétacés, sont devenues une priorité dans l'ensemble du gouvernement au Canada. Cette priorité a été mise en évidence par la menace croissante à laquelle sont confrontées trois espèces de baleines: l'épaulard résident du Sud sur la côte Ouest, la baleine noire de l'Atlantique Nord sur la côte Est et le béluga de l'estuaire du Saint-Laurent, au Québec.
L'engagement du gouvernement de rétablir et de protéger les espèces de baleines du Canada se reflète dans les mesures qu'il prend dans le cadre du Plan de protection des océans, doté d'une enveloppe de 1,5 milliard de dollars et annoncé par le premier ministre en 2016, l'initiative de protection des baleines, financée à hauteur de 167,4 millions de dollars et annoncée dans le budget de 2018, et la récente annonce de l'affectation de 61,5 millions de dollars à des mesures visant à soutenir les populations d'épaulards résidents du Sud.
Pêches et Océans Canada coordonne avec d'autres ministères fédéraux et des gouvernements provinciaux et territoriaux l'avancement d'autres initiatives, notamment pour réduire les collisions avec des navires et les enchevêtrements de baleines noires, réduire les contaminants qui touchent les bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent, et il propose des modifications au Règlement sur les mammifères marins pour fixer des distances d'approche générale minimales des baleines, des dauphins et des marsouins dans les eaux de pêche canadiennes.
Le projet de loi S-203 porte surtout sur la capture de cétacés sauvages pour les garder en captivité en vue de les exhiber ainsi que sur le maintien et la reproduction de cétacés en captivité. Comme je l'ai dit, il n'y a que deux centres au Canada qui gardent des cétacés en captivité: Marineland à Niagara Falls, en Ontario, et l'aquarium de Vancouver, en Colombie-Britannique.
Marineland est un établissement commercial qui abrite approximativement 60 cétacés, y compris des bélugas, des dauphins et une orque ou un épaulard. La vaste majorité des cétacés gardés à Marineland sont des bélugas.
L'aquarium de Vancouver, quant à lui, est un établissement sans but lucratif. Il abrite un seul cétacé, un dauphin à flancs blancs du Pacifique de 30 ans qui a été rescapé de la nature et dont on juge qu’il ne peut être remis en liberté dans son milieu naturel. Plus tôt cette année, l'aquarium de Vancouver a annoncé qu'il n'exhiberait plus des cétacés et qu'il se concentrerait plutôt sur son travail de conservation et de sauvetage des baleines et des dauphins échoués et blessés. L'aquarium collabore avec le ministère des Pêches et des Océans pour sauver des mammifères marins en détresse et assurer leur réadaptation.
Le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne délivre seulement des licences pour la capture d'un cétacé vivant lorsque cet acte est posé dans le but de mener des recherches scientifiques ou d'assurer la réadaptation du mammifère. Au cours des 10 dernières années, il n'est arrivé qu'une fois qu'on délivre ce genre de licence, et c'était pour la réadaptation d'un bébé faux-orque qui avait été trouvé en détresse. Cela fait plus de deux décennies que le gouvernement a comme politique d'autoriser uniquement la capture et la mise en captivité des cétacés sauvages lorsqu'elles ont pour but de les sauver, d'assurer leur réadaptation, puis de les relâcher.
Les régimes législatifs provinciaux et territoriaux dans ce domaine continuent d'évoluer. En effet, en 2015, l'Ontario a interdit l'achat, la vente et la reproduction des orques. La province a aussi modifié la Loi sur la Société de protection des animaux de l'Ontario pour mieux protéger les autres mammifères marins gardés en captivité.
Étant donné que ce projet de loi faisait l'objet d'un débat dans l'autre Chambre, nous avons débattu ici des modifications proposées par le gouvernement à la Loi sur les pêches le printemps et l'été derniers.
Mes collègues auront noté que certains des amendements proposés dans le projet de loi C-68 atteindraient l'objectif premier du projet de loi S-203, qui est de mettre fin à la captivité des cétacés. Le projet de loi C-68 le ferait, tout en préservant la capacité du gouvernement de mener des recherches scientifiques importantes.
Le projet de loi C-68 comprend également des dispositions qui garantiraient la protection des droits des peuples autochtones du Nord d'exporter des produits des cétacés, comme les défenses de narval.
Le projet de loi C-68 interdira la pêche des cétacés lorsqu'elle a pour but leur mise en captivité, sauf si le ministre l'autorise, notamment parce qu'ils sont blessés, en détresse ou parce qu'ils ont besoin de soins.
Le projet de loi prévoit une autorité réglementaire en matière d'importation de poisson, y compris de cétacés, qui permettrait au gouvernement d'établir les circonstances selon lesquelles des cétacés peuvent être importés ou exportés au Canada. Par exemple, elles pourraient être permises à des fins de repopulation ou de conservation et interdites si l'objectif est de les exposer dans des aquariums. Ces outils réglementaires permettront également au gouvernement d'autoriser l'importation et l'exportation de cétacés dans des sanctuaires marins, si on en construit dans le futur.
L'ancien ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a reconnu que les modifications à la Loi sur les pêches proposées dans le projet de loi C-68 concernant la mise en captivité de cétacés étaient inspirées du projet de loi S-203, et plus particulièrement du parrain de ce projet de loi-là, le sénateur retraité Wilfred Moore.
Il ne fait aucun doute que le gouvernement et les Canadiens d'un océan à l'autre appuient l'interdiction de maintenir en captivité des cétacés à des fins d'exposition. C'est pourquoi j'ai hâte d'appuyer ce projet de loi au comité, de participer au débat qui y aura lieu et d'entendre des témoignages à ce sujet.