propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, c'est effectivement une bonne journée aujourd'hui. Je suis fière de prendre la parole pour la dernière fois à la Chambre des communes, au nom de mes concitoyens de Desnethé—Missinippi—Churchill River, concernant mon projet de loi d'initiative parlementaire.
J'ai l'impression d'avoir entrepris cette démarche il y a très longtemps. J'éprouve de la satisfaction en voyant que le travail que nous avons effectué ensemble dans ce dossier tire à sa fin.
Je suis consciente, comme tous mes collègues au Parlement devraient l'être, que nous ne sommes pas loin de l'endroit où le régime de pensionnats indiens du Canada a été créé. C'est à l'intérieur des murs de la cité parlementaire que des dirigeants politiques de partout au Canada ont décidé que la culture des Premières Nations, des Métis et des Inuits n'avait pas sa place au Canada. C'est dans des salles proches d'ici que des dirigeants ont discouru pendant des heures de l'idée que les Premières Nations, les Métis et les Inuits ne méritaient pas de parler leurs langues. Pas très loin d'ici, un premier ministre canadien a pris la parole officiellement pour décréter, avec l'appui de son parti, que les Premières Nations, les Métis et les Inuits devaient être réduits au silence, séparés et rejetés.
Aujourd'hui, c'est avec une touche de fierté et beaucoup d'humilité que je m'adresse à la Chambre, car je sais que l'histoire a repris son cours et que la justice a repris ses droits. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est grâce aux innombrables heures de consultation auprès de mes aînés et des électeurs de ma circonscription, mais aussi grâce à l'histoire de nos peuples. Aujourd'hui, les efforts déployés par tous les partis pour donner suite à l'appel à l'action no 80 de la Commission de vérité et réconciliation franchissent une autre étape. Le projet de loi dont la Chambre est présentement saisie est le fruit d'un effort collectif visant à mettre en lumière l'héritage des pensionnats indiens, à rendre hommage aux survivants et à trouver des moyens de faire amende honorable auprès des générations d'Autochtones du Canada actuelles et futures.
Je tiens à remercier les membres du comité du patrimoine canadien d'avoir consacré de leur temps à mon projet de loi et de l'avoir étudié aussi soigneusement. Aucun parti politique, aucune personne ne peut prétendre connaître avec certitude le chemin qui mène à la véritable réconciliation. La réconciliation est un objectif que nous nous devons de partager tous ensemble et auquel nous devons réfléchir collectivement, et je ne parle pas seulement des députés, mais aussi de leurs employés et de l'ensemble des fonctionnaires fédéraux.
Mon projet de loi touchera quiconque oeuvre dans la sphère fédérale, parce que c'est le gouvernement du Canada qui a décidé de persécuter et d'opprimer les Premières Nations, les Métis et les Inuits du pays. Cette tragédie, nous devons tous nous la faire pardonner et nous devons unir nos efforts pour éradiquer le racisme systémique qui caractérise si souvent le gouvernement colonial canadien.
Je ne veux pas donner l'impression que c'est aujourd'hui la fin du voyage vers la réconciliation. Dans l'ensemble, nous avons accompli très peu de choses. Après aujourd'hui, tout le monde se serrera la main et se félicitera, tout comme c'est arrivé après le travail du comité du patrimoine. On revendiquera la victoire parce que des points politiques ont été marqués. Toutefois, les efforts déployés pour arriver à la réconciliation ne servent pas à marquer des points politiques. Il s'agit d'une obligation morale de faire le bien.
Il convient également de noter que le travail concernant la journée nationale de la vérité et de la réconciliation est loin d'être terminé. Au départ, quand j'ai parlé de mon projet de loi, mes consultations ont clairement montré que le 21 juin devrait être un jour férié. Le 21 juin, Journée nationale des peuples autochtones, est une journée qui a été choisie par les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada parce, pour de nombreuses personnes, elle a une signification spirituelle liée au solstice d'été.
Sachant cela, le gouvernement du Canada finance des célébrations nationales d'un océan à l'autre. Il fournit des fonds aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits pour leur permettre de célébrer publiquement leur identité, leurs origines et ce que l'avenir leur réserve. Ces célébrations auraient lieu de toute façon, mais le fait que le gouvernement accorde des fonds permettant aux non-Autochtones de participer à nos célébrations est bien pensé et bien accueilli.
Toutefois, un tel financement n'est pas encore en place pour la journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Le gouvernement s'est engagé publiquement à ce que ce jour férié devienne réalité cette année, mais nous ignorons toujours ce qu'il prévoit de faire à l'occasion de ce nouveau jour férié. C'est particulièrement important, car l'intention n'a jamais été de simplement donner aux employés fédéraux un jour de congé de plus, mais plutôt de leur permettre de dialoguer avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits qui les entourent et ainsi mieux comprendre le système d'oppression qui existe toujours.
Un engagement sans substance de la part du gouvernement est inacceptable. En l'absence de directives claires de la part du gouvernement, avec le consentement préalable des Autochtones, donné librement et en connaissance de cause, ce jour férié ne servira à rien. Cette initiative ne servira à rien si aucune mesure substantielle n'est prise pour que les employés fédéraux soient sensibilisés à l'histoire et aux conséquences des pensionnats indiens. Mes collègues néo-démocrates et moi exhortons tous les députés à faire les efforts nécessaires pour que ce jour férié serve à quelque chose.
Certaines personnes, dont nombre de résidants de ma circonscription, craignent que le fait de limiter ce jour férié aux employés du gouvernement fédéral ne soit pas une réponse suffisante à l'appel à l'action no 80. Je suis pleinement consciente des limites du champ de compétence du gouvernement fédéral. Il ne peut pas légiférer à la place des provinces dans ce dossier. Je crois cependant qu'il devrait faire tout en son pouvoir pour convaincre ses homologues provinciaux de répondre, eux aussi, à cet appel à l'action.
Ce n'est pas seulement le gouvernement fédéral qui a causé des torts aux enfants des Premières Nations, des Métis et des Inuits dans les pensionnats. Les commissions scolaires et les employés des provinces ont été directement responsables de la majorité des torts. À l'occasion de ce jour férié, il incombe à tous les députés de réfléchir et d'avoir aussi une conversation difficile avec leurs amis, leur famille et leurs propres élus pour que l'ensemble des Canadiens aient le temps de réfléchir adéquatement à l'incidence des pensionnats, qui continue à se faire sentir. Nous le devons aux survivants. Nous le devons aux victimes. Nous le devons au Canada.
Ma dernière préoccupation est probablement la plus importante et elle concerne la portée du jour férié. J'ai d'abord proposé de désigner le 21 juin pour ce jour férié parce que la Journée nationale des peuples autochtones englobe la grande majorité des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada. Modifier la date du jour férié pour que ce soit le 30 septembre et rebaptiser celui-ci « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation » n'est pas nuisible en soi, mais je m'interroge sur les Autochtones qui se sont fait arracher leur culture par le gouvernement fédéral ailleurs qu'aux pensionnats.
Je pense en particulier aux survivants des pensionnats et des écoles de jour qui attendent encore que le gouvernement écoute leur histoire. Je pense à tous les enfants qui ont été enlevés à leur famille lors de la rafle des années 1960, éloignés pour toujours de leur famille, de leur culture et de leur langue. Oui, cette journée de la réconciliation serait bien, mais inclurait-elle leur vérité et leur histoire? J'ai très hâte de poursuivre ces discussions avec les gens du Nord de la Saskatchewan et j'invite tous les députés à ouvrir leur coeur et leurs oreilles et à laisser entrer ces histoires dans leur vie.
J'ai déjà exprimé ces préoccupations aux membres du comité, et ils m'ont assuré que ce sont des discussions que le gouvernement veut tenir. C'est avec grand honneur que j'accepte mon travail de députée de Desnethé—Missinippi—Churchill River consistant à demander des comptes au gouvernement et à veiller à ce qu'il respecte entièrement l'intention de cette journée. Ce n'est pas une mince tâche, et elle doit être abordée avec sérieux et dans le plus grand respect. Je surveillerai la situation. Les Autochtones la surveilleront, et tout le Canada la surveillera.
À ce stade-ci, j'aimerais prendre un instant pour réfléchir aux amendements apportés au projet de loi et dire pourquoi il devrait être adopté ici et renvoyé à l'autre endroit.
Lorsque j'ai présenté mon projet de loi, il y a quelques années, j'ai proposé que le 21 juin soit jour férié pour les raisons que j'ai données plus tôt dans mes commentaires aujourd'hui. À l'époque, l'Assemblée des Premières Nations, le Congrès des peuples autochtones, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et bien d'autres organismes autochtones et personnes de premier plan de tout le pays ont demandé que le 21 juin soit désigné jour férié pour souligner la Journée nationale des peuples autochtones.
Je ne m'oppose pas à modifier le projet de loi pour faire du 30 septembre la journée nationale de la vérité et de la réconciliation, à la condition que le gouvernement réponde adéquatement aux préoccupations que j'ai soulevées un peu plus tôt. L'objectif que j'espérais atteindre avec mon projet de loi était de lancer une conversation nationale à propos d'un jour férié pour honorer les survivants et commémorer les séquelles des pensionnats. Le débat d'aujourd'hui montre que nous y sommes arrivés ensemble.
Je suis très heureuse que le processus démocratique ait été efficace et que nous ayons tenu des discussions publiques, par l'entremise de l'étude en comité, sur ce jour férié. Comme le ministre du Patrimoine canadien l'a dit, des projets de loi imparfaits sont présentés, puis modifiés par les comités de la Chambre. C'est ainsi que le processus démocratique doit se dérouler, et c'est ce qui s'est passé avec ce projet de loi.
Lors des réunions du comité, nous avons entendu des témoignages d'aînés, d'organismes autochtones nationaux, d'organisations de femmes autochtones, de syndicats, du Centre national pour la vérité et la réconciliation et d'un certain nombre de chefs de partout au Canada. Leur réponse a été claire et nette: le 30 septembre devrait être une journée de la vérité et de la réconciliation.
Des gens des quatre coins du pays pourraient être contrariés par la modification du projet de loi, et je les comprendrais. J'ai défendu du mieux que je pouvais le choix du 21 juin et de la Journée nationale des peuples autochtones. Cela dit, après mûre réflexion et à la suite de nombreuses consultations, nous avons, à mon avis, vraiment choisi la date appropriée pour ce jour férié. Ma porte est toujours ouverte pour continuer cette conversation parce que je sais bien qu'elle est loin d'être terminée. Je me suis engagée auprès des habitants de ma circonscription à être toujours à l'écoute.
Je vais maintenant parler de l'une des leçons les plus précieuses que j'ai tirées du processus de consultation: il y a une différence entre les jours de célébration et les jours de deuil. La journée de festivités du 21 juin a sa place. Une journée de la vérité et de la réconciliation ne peut pas coïncider avec des célébrations existantes. Pour cette raison, je vois d'un bon oeil les amendements au projet de loi.
Comme je l'ai déjà dit, le 30 septembre est de plus en plus reconnu dans tout le pays comme une journée de réconciliation avec notre histoire. Tant dans le Nord de la Saskatchewan qu'ici, à Ottawa, j'ai trouvé très encourageant de voir autant de gens porter la chemise orange, ce qui est une façon de dire au monde que ce qui est arrivé aux enfants et aux familles des Premières Nations, des Métis et des Inuits est inacceptable. Je trouve également encourageant le travail accompli par d'autres pour améliorer la vie des enfants autochtones de tout le pays. L'action de gens comme la docteure Cindy Blackstock, qui a consacré sa vie au bien-être des enfants au Canada, m'inspire. Je pense souvent aussi au travail qu'accomplissent les aînés, les centres d'amitié, les camps de culture autochtone et les éducateurs de tout le pays pour que les jeunes puissent retrouver la culture de leur famille. Je pense à Kevin Lewis qui dirige un programme de ce genre dans le Nord de la Saskatchewan.
Je pense également aux militants autochtones du Canada qui se sont tellement battus pour que le gouvernement entende les voix autochtones. Je pense aux femmes autochtones qui ont refusé de demeurer inactives lorsque le gouvernement a fait peser une menace sur leurs terres et la souveraineté autochtone. Je pense à nos soeurs dont la vie a été volée, qui nous rappellent chaque jour les générations de femmes autochtones qui continuent de vivre dans nos coeurs. Je pense également à des gens comme Colleen Hele-Cardinal, qui a travaillé presque toute seule pour que les survivants de la rafle des années 1960 obtiennent justice.
Je dis tout cela pour rappeler aux députés le contexte qui entoure le débat d'aujourd'hui. Les Premières Nations, les Métis et les Inuits luttent si dur et depuis si longtemps pour leurs membres. Si l'on établit une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, ce n'est pas pour se féliciter. C'est pour se donner l'occasion d'en apprendre davantage à propos du travail des Autochtones et de trouver des façons d'intégrer leurs idées de sorte que justice leur soit rendue et que nous puissions dire aux survivants des pensionnats que ce que nous leur avons fait subir ne se reproduira jamais.
Les appels à l'action présentés par la Commission de vérité et réconciliation ne sont pas une liste de vérification des choses qui peuvent être accomplies. La concrétisation d'un seul appel à l'action n'est pas un pas vers le progrès. D'ici à ce que tous les appels à l'action soient mis en oeuvre, nous avons bien peu de raison de célébrer. Aujourd'hui, nous nous sentons bien, mais demain, nous devons redoubler d'ardeur. Aujourd'hui, nous envisageons un avenir meilleur, mais demain, nous devons travailler encore plus dur pour améliorer la qualité de vie des Premières Nations, des Métis et des Inuits au Canada.
Le 30 septembre, nous nous souviendrons du passé et nous rendrons hommage au passé et au futur, mais tous les autres jours de l'année, nous devons lutter pour réparer les injustices commises contre les Autochtones au Canada.