Madame la Présidente, je désire remercier mon collègue de Dartmouth—Cole Harbour d’avoir bien voulu partager son temps de parole avec moi.
Ce débat d’urgence est maintenant sous le coup de l’attribution de temps. Il a débuté voilà un mois, et c’est la première fois que je peux exposer les diverses raisons pour lesquelles je veux soutenir la motion des libéraux selon laquelle il y a urgence climatique et l’amendement des conservateurs voulant que nous accomplissions quelque chose de plus rigoureux à ce propos. J’ai déjà voté en faveur de la motion du NPD visant un effet similaire et déclarant qu’il s’agit d’une urgence climatique.
Je désire prendre du recul et considérer le contexte, qui est en fait mondial. Je vais tenter d’y arriver de manière non partisane, dans la mesure du possible.
La situation actuelle est manifestement une situation d'urgence climatique sur le plan mondial. La grande menace envers notre avenir ne vient pas d’un ennemi étranger, mais simplement de notre nature humaine. Notre problème vient des politiques partisanes qui, dans chaque démocratie, font obstacle à la communauté scientifique qui comprend bien qu’on doit agir.
Dans tous les pays, c'est la même chose: les élus se heurtent à un gigantesque obstacle, à des entraves internes, qui les empêchent d'adopter les politiques qui s'imposent.
Nous traversons actuellement une crise très grave. Les mots « urgence climatique » s'appliquent parce que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat estime que nous disposons au maximum de 10 ans, et probablement moins, pour veiller à ce qu'il soit possible d'atteindre les objectifs fixés pour 2030 et 2050.
Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'objectifs politiques, mais bien de cibles non négociables. Il peut arriver que des objectifs politiques ne soient pas atteints, même si l'on tente toujours de les respecter. Dieu sait combien de fois le Canada n'a pas atteint son objectif d'éradiquer la pauvreté infantile. Je n'entends pas que c'est une bonne chose; pas du tout. Nous n'avons aussi pas atteint pleinement les objectifs relatifs à l'approvisionnement en eau potable dans les réserves des Premières nations. Mais à la Chambre, nous établissons et déclarons des objectifs; c'est ce que nous faisons.
Les objectifs de lutte contre les changements climatiques en situation d'urgence climatique découlent toutefois de déclarations de scientifiques qui nous disent que, en tant qu'élus, nous n'avons qu'une seule chance pour ceci. Soit dit en passant, je travaille sur ce dossier depuis 1986. À l'époque, j'étais membre du cabinet de l'ancien ministre de l'Environnement. Nous avions encore beaucoup de chances à l'époque.
La procrastination nous a menés où nous en sommes maintenant. L'heure n'est plus au gradualisme. Nous n'avons plus assez de temps pour nous contenter d'ajustements mineurs. La situation est tellement urgente que, si nous voulons laisser un monde viable à nos enfants et éviter qu'ils assistent à la fin de la civilisation — et il n'y a rien de plus grave que cela —, alors nous devons admettre que nous sommes en situation de crise climatique et que nous ne pouvons plus agir comme nous le faisons maintenant.
Dans notre contexte politique, cela signifie également qu'il faut faire les choses différemment. À l'approche des élections, je me demande dans quelle mesure cette assemblée réussira à mettre la partisanerie de côté pour prendre les bonnes décisions.
À l'heure actuelle, deux pays ont accepté de parler d'une « urgence climatique ». En effet, le Royaume-Uni et l'Irlande ont admis que nous sommes en présence d'une urgence climatique. Je pense qu'il serait très important que le Canada saisisse cette occasion historique et suive l'exemple de ces pays. Tous les pays doivent se mobiliser et unir leurs efforts. Je devrais dire également que, sur le plan gouvernemental, ce sont les administrations municipales qui en ont fait le plus, car nombre de villes, dont Ottawa, Vancouver, Victoria et Halifax, ont déjà déclaré l'état d'urgence climatique. De nombreuses collectivités reconnaissent que nous sommes en situation d'urgence climatique.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il ne faut plus se contenter des discours. Je répète que nous devons admettre que nous ne pouvons plus agir comme nous le faisons maintenant. Nous devons arrêter de nous demander si la tarification du carbone est un bon enjeu politique. Il ne faut pas que les gens voient cette campagne électorale seulement comme un débat sur le bien-fondé du régime libéral de tarification du carbone. À vrai dire, la question n'est pas pertinente. Dans une situation d'urgence climatique, la seule question importante est de savoir si les stratégies en place permettront d'éviter une catastrophe climatique et de préserver la civilisation.
La réponse à cette question est, tragiquement, non. Nous savons que la cible actuelle du pays, ce que les Nations unies appellent la contribution prévue déterminée au niveau national, est nettement insuffisante pour limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius.
Nous faisons face à une urgence climatique. Qu'arriverait-il si tous les partis et tous les chefs à la Chambre comprenaient ce que cela signifiait? D'abord, nous conviendrions qu'il faut abandonner les combustibles fossiles le plus vite possible. Nous commencerions là où il le faut. D'ici 2050, le monde doit ne générer aucune émission. Il faut donc répondre aux appels à l'action sur la scène internationale.
Je tiens à souligner que la Chambre est un endroit qui permet une véritable coopération entre les partis. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a convoqué un rassemblement d'urgence pour faire face à la crise climatique et pour demander à tous les pays d'améliorer leurs cibles et de prendre des mesures en conséquence. Ce sommet climatique d'urgence doit avoir lieu le 23 septembre prochain, en même temps que la rencontre annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies. Les prochaines négociations sur le climat, la COP25, commenceront à Santiago, au Chili, en décembre.
Tous les élus ici sont en train de penser qu'ils seront en pleine campagne le 23 septembre prochain. Pourquoi ne pas s'inspirer de Greta Thunberg, la jeune Suédoise qui a lancé la grève pour le climat? Pourquoi ne pas décider que l'urgence climatique est à ce point grave que nous faisons la grève et suspendons la campagne pour nous rendre à New York? Nous dirions au premier ministre qu'il est crucial qu'il y soit, que nous sommes conscients du fait qu'il y a une campagne électorale, mais qu'il n'a pas à s'inquiéter: le chef conservateur, le chef néo-démocrate, la chef du Parti vert, le chef du Bloc et le chef du Parti populaire se rendraient tous au sommet des Nations unies. Ensemble, nous pourrions y déclarer que le Canada s'engage à abandonner complètement les combustibles fossiles d'ici 2050, à respecter cet échéancier et à réduire ses émissions de 60 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030.
Si nous ne fixons pas un objectif ambitieux, nous ne pourrons jamais l'atteindre. Comparons notre objectif actuel à un immeuble de quatre étages en feu; c'est comme si nous disions que le fait d'installer un escabeau qui mène au premier étage était une mesure significative. Nous devons nous rendre sur quatre étages et secourir les gens qui sont sur le toit et qui sont entourés par les flammes. Dans ce contexte, le gradualisme ne suffit pas. L'urgence climatique est précisément un contexte qui doit faire l'objet de plus de mesures de notre part. Même en cette année électorale, j'ai fait valoir aux députés que nous devons mettre fin à notre statu quo.
L'élément central du plan d'action « Mission: possible » du Parti vert est que nous nous mettions sur un pied de guerre, non pas, encore une fois, relativement à un ennemi étranger, mais bien à notre conduite et à notre comportement. Nous avons l'occasion de sauver nos enfants d'un monde impensable. Nous perdrons l'occasion d'agir et d'atteindre nos objectifs avant les élections de 2023. Les mesures pour atteindre les objectifs que nous devons atteindre d'ici 2030 doivent être prises assez rapidement et de façon plutôt radicale. À l'heure actuelle, le bilan du Canada est moins reluisant que celui du reste du monde.
La plupart des pays qui ont signé le Protocole de Kyoto ont maintenant des niveaux bien en deçà des niveaux d'émissions de 1990. Ceux de l'Écosse sont à 40 % en dessous des niveaux de 1990. Au Canada, nous sommes encore bien au-dessus des niveaux de 1990. Si nous atteignons la cible du gouvernement Harper que nous tentons toujours d'atteindre, nous serons un peu en deçà des niveaux de 1990. Toutefois, comme nous l'ont dit récemment tous ceux qui ont étudié cette question, les mesures cumulatives annoncées jusqu'à maintenant par le gouvernement actuel sont loin d'être suffisantes. Cette cible en soi est comparable à l'échelle qui se rend au premier étage, alors que nous devons nous rendre aux quatre étages et secourir les gens qui sont sur le toit.
Je tiens à souligner que s'il s'agit d'une urgence, nous devons changer notre comportement, mettre de côté la partisanerie et nous dire que nous devons le faire ensemble en tant que Canadiens. Nous devons dire aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays que la contribution de tous est nécessaire.
Attelons-nous à la tâche. C'est une question urgente et nous devons agir ensemble.
En dépit de toute la mesquinerie évidente qui entoure la politique partisane, c'est dans cet espoir que je demande à tout le monde de ne pas penser aux résultats des sondages ni au nombre de sièges, mais bien à l'avenir de nos enfants. Nous devons travailler ensemble.