Monsieur le Président, j'ai été élu pour la première fois le 2 juin 1997. Aujourd'hui, près de 22 ans plus tard, j'informe la Chambre que le 10 février 2019 sera mon dernier jour comme député de Kings—Hants.
Je tourne la page sur un chapitre de mon histoire. Pendant 22 ans, j'ai travaillé et lutté sans relâche pour la population de Kings—Hants, de la Nouvelle-Écosse et du Canada atlantique, et ce fut pour moi un honneur extraordinaire.
En décembre dernier, pendant nos derniers jours dans l'édifice du Centre, j'ai fait part de ce que la Chambre des communes représente à mes yeux et de mes observations sur les débats et les décisions qui ont façonné le Canada que je chéris.
La Chambre des communes a façonné ma vie, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, en 1997, une famille comme la mienne ne pouvait être reconnue légalement au Canada. Je me sens privilégié non seulement d'avoir pu apporter ma modeste contribution en tant que parlementaire, mais aussi d'en avoir bénéficié comme citoyen. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles je quitte aujourd'hui la vie publique en étant plus que jamais convaincu que le gouvernement, le Parlement et la politique peuvent contribuer à bâtir une meilleure société.
En cette ère de cynisme où les gens qui doutent nous disent que le gouvernement n'a pas d'importance, l'existence même de ma famille m'apparaît chaque jour comme une preuve vivante de l'influence positive du gouvernement. Le gouvernement est important, la politique est importante et les députés sont importants.
J'ai été élu sept fois sous deux bannières et j'ai travaillé sous la direction de neuf chefs. J'ai été membre de caucus de différentes tailles. Le plus petit comptait 12 membres et le plus grand 184. J'ai siégé au sein d'un cinquième parti et dans des gouvernements minoritaires et majoritaires. Je suis profondément reconnaissant au très honorable Paul Martin et au très honorable premier ministre, le député de Papineau, de m'avoir donné l'occasion de faire partie de leurs Cabinets respectifs.
Je suis fier de ce que le premier ministre et le gouvernement ont accompli pour les Canadiens et en collaboration avec eux. J'ai grandement aimé faire partie de son équipe.
C'est vrai, j'ai bien aimé me retrouver sur les banquettes ministérielles, mais je peux dire aux députés qu'il n'y a pas de mauvaises places quand on siège à la Chambre des communes. Il n'est pas nécessaire pour un député de faire partie du Cabinet pour laisser sa trace dans l'histoire ou contribuer à l'amélioration du Canada. Il ne faut jamais sous-estimer l'honneur que les Canadiens nous accordent en nous faisant confiance pour bâtir l'avenir du pays en cette enceinte, améliorer la vie des gens et changer les choses. Il ne faut pas sous-estimer l'honneur qu'on nous fait en nous demandant de venir représenter la population. Lorsque les députés et leur équipe de circonscription aident des gens, ils changent leur vie.
Je voudrais lire un passage d'un article de l'Enfield Weekly Press, publié dans ma circonscription le 11 mai 2005. Le titre de l'article était « Mme Gorman aura sa pension ». On pouvait y lire ceci:
Une femme de Gormanville âgée de 90 ans n'aurait pu demander meilleur cadeau pour la fête des Mères.
Almira Gorman, qui habite toujours dans sa maison de la région, attend le versement d'environ 27 000 $ en arriérés de prestations du Régime de pensions du Canada.
Mme Gorman ne savait pas qu'elle avait droit à ces prestations et ne les avait pas demandées [initialement].
La politique du gouvernement prévoyait qu'elle pouvait demander rétroactivement des prestations pour une période allant jusqu'à 11 mois, mais il semble que cette politique ait changé [...]
C'est ce qui conclut l'article, mais ce n'est pas toute l'histoire. Le personnel de mon bureau de circonscription et moi avons travaillé très fort pour défendre la cause de Mme Gorman. Il n'a pas été facile d'obtenir son remboursement rétroactif, mais nous avons réussi. Les efforts déployés par mon bureau de circonscription ont permis à cette dame au revenu modeste, qui a élevé une famille nombreuse dans le comté rural de Hants, d'obtenir l'argent qu'elle méritait. Ainsi, elle a été en mesure de construire une salle de bain adaptée dans sa demeure, ce qui lui permet de continuer à vivre chez elle. Cela a changé sa vie.
Le travail que nous effectuons en tant que parlementaires à la Chambre des communes, dans les salles de caucus et dans les salles de comité revêt une importance capitale. Le rôle de député nous offre une occasion inouïe de nous pencher sur des enjeux, d'étudier, d'apprendre, de développer des idées, de les défendre, d'amener les gens à changer d'avis et parfois de leur permettre de nous faire changer d'avis.
J'ai fait partie de l'opposition pendant 16 ans, et j'ai trouvé que ces années passées en tant que simple député ont été très épanouissantes à bien des égards. J'espère que les députés de l'opposition actuelle pourront savourer ce rôle pendant bien des années encore.
Quel que soit le siège que l'on occupe à la Chambre des communes, on peut avoir un effet bénéfique sur la vie des Canadiens. Il suffit de demander au député de Cumberland—Colchester, qui a exceptionnellement bien servi ses concitoyens, les Canadiens de l'Atlantique, ainsi que tous les autres Canadiens pendant sa carrière remarquable et bien remplie de parlementaire.
En matière de partisanerie, j'ai une perspective singulière. En effet, j'ai servi dans deux partis et j'ai du respect et de l'affection pour les députés de tous les partis. Il y a de bonnes personnes dans tous les partis. Certes, nous avons des idéologies différentes, mais nous sommes tous ici pour servir, animés par le même désir de faire du Canada un pays meilleur. Personne n'est parfait, mais tous les députés ont de belles qualités. Autrement, ils n'auraient pas été en mesure de gagner la confiance des citoyens qui les ont élus à la Chambre. Lorsque nous nous traitons respectueusement, nous faisons font preuve de respect envers les électeurs qui nous ont élus députés, et inversement.
En parlant de non-partisanerie, je m'en voudrais de ne pas saluer le premier député fédéral ouvertement gai, Svend Robinson, qui est présent à la Chambre aujourd'hui. Grâce au courage dont il a fait montre en 1988, il m'a été plus facile, plus tard, de vivre de manière ouverte et authentique et de devenir le premier membre ouvertement homosexuel du conseil des ministres fédéral, en 2004.
Alors que les députés amorcent un nouveau chapitre dans cette nouvelle Chambre, j'amorce pour ma part un nouveau chapitre de ma vie. J'aimerais remercier certaines personnes envers qui je suis très reconnaissant.
D'abord, je remercie ma famille, notamment mon père de 95 ans, Clifford Brison, qui nous regarde à la maison. Je crois savoir qu'on a mis de nouvelles piles dans ses appareils auditifs. Papa a distribué des feuillets de campagne à l'entrée du Sobeys pour moi.
Je tiens à remercier les citoyens de Kings—Hants, qui me sont restés fidèles, dans les bons moments comme dans les plus difficiles, à sept élections, et pendant 22 ans. Ils m'ont appuyé lorsque j'ai déclaré publiquement mon homosexualité en décembre 2002. Ils m'ont appuyé lorsque je suis devenu membre du Parti libéral en décembre 2003. Ils m'ont appuyé dans les grands débats, notamment lorsque j'ai fait partie du Cabinet qui a légalisé le mariage entre conjoints de même sexe en 2005. Ils ont célébré avec Max et moi lorsque nous nous sommes mariés à notre domicile, à Cheverie, en 2007. Je tiens à remercier les gens de Kings—Hants de l'amour et du respect qu'ils ont témoignés à moi ainsi qu'à ma famille, à Max, à Claire et à Rose.
J'aimerais remercier tous les bénévoles qui ont frappé aux portes et installé des affiches. Je les invite tous à notre dernier grand barbecue, chez moi, à Cheverie, cet été. Il s'agira du 23e barbecue annuel de Kings—Hants — j'ai oublié de le dire à Max —, et ils auront le plaisir de m'entendre chanter Hello Darlin', de Conway Twitty, une dernière fois.
Je tiens à remercier le personnel de mon bureau de circonscription qui, au fil des ans, a compté la regrettée et merveilleuse Audrey-Ann Murphy, Pat Taylor, Tanya Moore, et plus récemment, Evan Fairn. Ces personnes ont contribué à améliorer la vie de milliers de leurs concitoyens.
Je tiens à remercier Dale Palmeter, mon ami depuis 40 ans, membre de longue date du personnel et organisateur de toutes mes campagnes. Dale me donne des conseils sans détour depuis 22 ans, et je suis sûr que dans mon prochain chapitre, il continuera à le faire.
Je tiens à remercier Tisha Ashton qui est avec moi aujourd'hui. Pendant 17 ans, elle m'a toujours — ou presque — prodigué des conseils stratégiques sans faille. Edward Rawlinson travaille avec moi depuis 13 ans et Adèle Desjardins est à mes côtés depuis 22 ans. Adèle a commencé sa carrière à la Chambre des communes il y a plus de 50 ans, en 1968, en travaillant pour le très honorable Robert Stanfield. Elle a aussi servi le très honorable Joe Clark pendant plusieurs années. Je suis la seule personne pour qui elle a travaillé qui n'a pas porté le titre de très honorable. J'ai essayé, mais cela n'a pas fonctionné. Merci beaucoup Adèle.
Je remercie les équipes de mon cabinet ministériel, dont certains représentants sont ici aujourd'hui. Outre le fait qu'ils sont fantastiques, exceptionnels et loyaux, ces gens sont intelligents et intègres et ils m'ont aidé à clore le dernier chapitre de ma vie politique, auquel nous avons donné, à l'interne, le nom de code « Brixit ».
Je tiens à remercier l'excellente députée de Vancouver Quadra, qui a accompli un travail formidable comme secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor et qui continuera de s'acquitter de cette fonction avec brio.
J'exprime également ma reconnaissance à nos fonctionnaires de calibre mondial, notamment ceux de mon ministère, aux agents de sécurité de la Chambre des communes, au personnel du restaurant du Parlement, particulièrement à Marguerite, et aux pages. Tous se sont très bien occupés de moi et de l'ensemble des parlementaires.
J'aimerais remercier particulièrement les interprètes de la Chambre des communes. Je sais que, de temps en temps, ce n'était pas facile de suivre mon français. Je suis certain que j'ai représenté un des plus grands défis de leur carrière. En fait, un des plus grands cadeaux de ma vie fut l'occasion que j'ai eue, comme député, de perfectionner mon français.
Détendez-vous. Je blaguais. Les parlementaires sont des gens très sérieux. Je vous en prie, après mon départ, serait-il possible de ramener un peu d'humour dans cette enceinte? Il faut remédier à l'ablation du sens de l'humour qu'a subie la Chambre des communes.
En conclusion, trois grandes raisons motivent ma décision.
Premièrement, je quitte de mon propre chef fier de ce que j'ai accompli au cours de mes 22 années à titre de député.
Deuxièmement, je suis prêt pour un changement. À 51 ans, j'ai l'énergie pour entreprendre une nouvelle carrière et relever de nouveaux défis, et cette perspective m'emballe.
Troisièmement, le plus important, c'est ma famille. En ce qui me concerne, il y a trois miracles aujourd'hui à la tribune: Maxime, Rose et Claire.
Pour certains, il est facile de devenir parents et cela se fait parfois accidentellement. Pour Max et moi, le cheminement vers la paternité n'a été ni facile ni accidentel. J'ai l'immense bonheur, depuis de nombreuses années, d'avoir une magnifique famille. À mes yeux, les rôles et les titres les plus importants que j'aurai jamais dans ma vie sont ceux de mari de Max et de père de Rose et Claire.
Bien après que j'aurai laissé la vie publique, je ramènerai mes enfants ici pour leur rappeler que le Parlement est important. C'est ici que de courageux législateurs, bâtisseurs de pays, députés et sénateurs contribuent à bâtir le Canada, une des rares places dans le monde où une famille comme la nôtre peut exister.
Il existe une tradition dans les églises rurales de la Nouvelle-Écosse. J'ai souvent assisté à des funérailles, au fil des ans. Il y a un texte qui se termine par « Pensez à moi, mais permettez que je parte. »
Monsieur le Président, je vous remercie. Pensez à moi, mais permettez que je parte.