Madame la Présidente, je suis ravi de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-55, même si notre temps de parole sera limité en raison des mesures prises par le gouvernement libéral. J'ai déjà tenté à quatre reprises de lancer le débat sur cette question, je vais donc m'efforcer d'y arriver aujourd'hui.
Je prends la parole au sujet du projet de loi C-55, qui vise à autoriser le ministre des Pêches et des Océans à désigner, sans consultation, des zones de protection marine et à interdire, dans de telles zones, l’exercice de certaines activités pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans. Après cinq ans, le ministre serait en mesure de rendre permanente une zone de protection marine. Le projet de loi accordera aussi au gouverneur en conseil le pouvoir d’interdire la pêche ainsi que les activités pétrolières et gazières dans les zones de protection marine. J'ai été surpris à la lecture du projet de loi C-55, surtout de la part d'un gouvernement qui se targue constamment d'écouter les Canadiens et de mener des consultations publiques. J'ai été surpris parce que la mesure législative fait fi de toute forme de consultation.
J'ai siégé au comité de l'environnement et j'ai participé à l'étude « Agir dès aujourd'hui: Établir des aires protégées pour l'avenir du Canada ». Je tiens à rapporter une remarque faite par Paul Crowley, l'un des témoins ayant comparu au comité. Il a déclaré ceci:
Je pense que la chose la plus importante est de le faire de manière transparente. Quels sont les avantages économiques? Quelle est la gestion de base qui peut être transférée aux communautés? Soyons tous clairs, tout de suite, et justes, et ne renégocions pas d'une région à l'autre, d'une communauté à l'autre, d'une réclamation à l'autre. Mettons la barre haute dès le départ, et obtenons le « oui » très rapidement.
Il a dit cela, mais il disait qu'il fallait négocier. Or, le gouvernement veut adopter la mesure législative rapidement et faire les études nécessaires après coup. Encore une fois, le gouvernement libéral fait passer les militants écologistes en premier, avant l'économie du pays et au détriment des gens les plus touchés par ces décisions dans les collectivités. Des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Colombie-Britannique ont indiqué qu'ils n'avaient pas été consultés du tout à propos des répercussions du projet de loi C-55. Comment pourrions-nous nous attendre à ce qu'ils soient consultés quand les libéraux veulent faire de leur région des zones de protection marine le plus vite possible pour respecter un objectif que le parti s'est donné?
La représentante de la Cape Breton Fish Harvesters Association a déclaré ceci: « Je pense que ce qui nous dérange le plus, c'est la façon dont les choses ont été faites. Elles auraient dû être faites autrement. Elles auraient dû être faites avec plus de respect. »
Selon le directeur d'un regroupement de pêcheurs appelé Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board, « le processus de consultation n'était pas bien planifié, organisé, ni transparent, même au sein du [ministère des Pêches] ».
La chef de la nation de Pictou Landing affirme de son côté avoir reçu très peu d'information sur le projet visant à faire de sa région une zone de protection marine. Elle ajoute que sa communauté dépend fortement des revenus de la pêche au crabe des neiges et au homard. Pour cette petite région côtière du Cap-Breton, la pêche au crabe et au homard, dont elle vit depuis des générations, constitue un apport de 70 millions de dollars. Voilà maintenant qu'elle pourrait être en péril à cause du projet de loi C-55.
C'est encore le pêcheur Gordon MacDonald, de Fourchu, en Nouvelle-Écosse, qui résume le mieux la situation: « Les inconvénients risquent d'être supérieurs aux avantages, mais il faut que le Canada ait l'air de faire quelque chose, qu'il se positionne comme un chef de file de la protection et de la conservation [...] »
Certains des endroits envisagés ne sont pas en danger. La pêche y est pratiquée dans une perspective durable. C'est justement à quoi servent les quotas imposés par le gouvernement: à protéger ces secteurs. Si le projet de loi C-55 est adopté, le ministre devra appliquer le principe de précaution lorsqu'il décidera de créer une zone de protection marine: s'il y a le moindre doute, il devra inscrire la région concernée sur la liste, sans aucune consultation.
Premièrement, si le gouvernement consultait les gens sur le terrain, il pourrait éviter de créer beaucoup d'incertitude. Deuxièmement, si le gouvernement impose une zone de protection marine qui n'est pas nécessaire, même si ce n'est que pour cinq ans, il détruira l'économie locale, et le milieu marin y gagnera très peu. Cependant, comme l'a dit M. MacDonald, ce serait bon pour l'image des libéraux sur la scène internationale.
Les libéraux ont beaucoup misé sur la transparence pendant la campagne électorale. Or, le projet de loi et des décisions antérieures du ministre des Pêches et des Océans soulèvent de très sérieuses questions en matière de transparence. Remontons quelques mois en arrière. Le ministre a octroyé le quart du quota de la mactre de Stimpson à un partenariat entre Premium Seafoods et la Five Nations Clam Company. Cependant, il a fallu attendre des semaines après la décision pour que les libéraux ou la Five Nations Clam Company acceptent de révéler les groupes autochtones participants.
Apparemment, au moment de l'appel d'offres, même les soumissionnaires ne savaient pas qui étaient les participants, ce qui ne les a pas empêchés de décrocher le contrat. Dans leur proposition, ils ont simplement laissé des espaces blancs pour les groupes autochtones. Ils n'ont rempli ces espaces vides qu'après avoir reçu le quota. On dirait qu'il y a anguille sous roche, sans oublier que le président de Premium Seafoods, qui a obtenu le contrat, est le frère d'un député libéral actuel et qu'il a versé des milliers de dollars au Parti libéral. Le président de l'une des cinq nations partenaires est également un ancien député libéral.
Le ministre doit cesser de faire de la petite politique avec les pêches et présenter un plan en bonne et due forme qui favorisera la création de bons emplois bien rémunérés dans les localités côtières. Non seulement le projet de loi touchera la pêche commerciale, mais il nuira aussi aux gens qui pêchent pour assurer leur subsistance et à l'industrie touristique des régions concernées. Par exemple, lors de la réunion tenue cette année par la Commission internationale du flétan du Pacifique, on a été incapable de s'entendre sur les limites de prises pour le Canada et les États-Unis; il a donc été décidé de maintenir les limites fixées pour 2017.
Lorsque l'industrie de la pêche récréative en Colombie-Britannique a atteint son quota tôt cette année, le gouvernement l'a obligée à clore sa saison à l'issue d'un préavis de 36 heures seulement. Les entreprises de pêche touristique ont donc été forcées d'interrompre leurs activités pour le reste de l'année ou de louer des quotas de pêche commerciale, deux options très coûteuses pour cette industrie.
Que se passera-t-il si le gouvernement décide sans préavis ni consultation de faire d'une région une zone désignée et d'y interdire la pêche pour cinq ans? Les entreprises qui dépendent de la pêche sportive et du tourisme seraient obligées non plus d'interrompre leurs activités prématurément ou de louer des quotas, mais carrément de fermer leurs portes. Pendant cinq ans, il ne leur serait même plus possible de quitter le quai.
Que recevront-ils pour compenser cette perte de revenus? Le projet de loi ne prévoit rien. Le gagne-pain de la famille de M. MacDonald dépend de l'abondance de homard, de crabe et d'autres espèces dans la région. Pour lui, les zones de protection marine seront en fait des « zones d'exclusion des humains ». Il a affirmé ce qui suit: « Ils veulent exclure les humains, comme si c'était une forme de conservation [...] La santé des océans, là où nous pouvons intervenir, dépendra plutôt d'une plus grande participation notre part, pas de notre absence. »
Le plan des libéraux pour protéger 10 % des zones côtières et marines d'ici 2020 se traduira assurément par des consultations inadéquates et l'interdiction de toute activité commerciale ou récréative dans de grandes zones le long de tout le littoral canadien.
Je ne suis pas contre la création de zones de protection marine. Au contraire, le Parti conservateur a travaillé à établir des zones de conservation et de protection marine par le passé. Le gouvernement précédent fondait son action sur l'optimisation des marchés internationaux existants et sur l'accès à de nouveaux marchés, tout en investissant massivement dans des secteurs comme la recherche marine, les infrastructures portuaires, la pérennisation du homard, l'innovation en aquaculture et la participation des Autochtones.
Au lieu de consulter les populations qui seraient le plus touchées par le plan des libéraux concernant les zones de protection marine, le ministre a décidé d'accélérer le processus afin de respecter des cibles politiques qu'il s'était imposées lui-même.
Il faut en arriver à un équilibre entre la protection des habitats marins et la protection des économies locales qui dépendent de la pêche commerciale et récréative. On ne peut y arriver sans des consultations étendues et un effort concerté pour prioriser les besoins des collectivités locales.
Je mets le gouvernement au défi de nous expliquer pourquoi il met de côté les consultations et la transparence. Le projet de loi risque de causer des dommages importants aux pêches locales et il ne représente certainement pas un exemple de l'économie et de l'environnement allant de pair.