Monsieur le Président, je suis ravi de me joindre au débat sur les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Le projet de loi C-75 représente la réponse législative du gouvernement en vue de diminuer les retards dans le système de justice pénale, de moderniser ce dernier et de faciliter l'administration de la justice par les provinces et les territoires.
Le Sénat a proposé des amendements aux dispositions du projet de loi portant sur la libération sous caution, la reclassification d'infractions, la suramende compensatoire et l'enquête préliminaire.
Je vais me concentrer ce soir sur certains amendements, qui portent sur la reclassification d'infractions, ou le reclassement en infractions mixtes, comme on l'appelle parfois.
Les modifications relatives à la reclassification font partie intégrale des réformes législatives cernées par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice afin de réduire les retards dans le système de justice pénale. De plus, elles moderniseraient et simplifieraient le procédé pour classifier les infractions dans le Code criminel.
Dans le Code criminel, il y a deux types d'infractions: celles qui sont punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et celles qui le sont par mise en accusation. Certaines infractions peuvent appartenir à l'une ou l'autre des catégories. Les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire portent sur les actes moins graves, comme le tapage et l'intrusion de nuit. Actuellement, la peine maximale est généralement de six mois d'emprisonnement ou une amende de 5 000 $. Les infractions punissables par mise en accusation ciblent les actes plus graves, comme les voies de fait graves, le vol qualifié ou le meurtre. Dans ces cas, les peines maximales vont de deux ans à l'emprisonnement à vie.
J'ai oublié de vous dire, monsieur le Président, que je partagerai mon temps de parole avec le député de Mont-Royal.
Les infractions mixtes permettent à la Couronne de procéder par mise en accusation ou par procédure sommaire, compte tenu du fait que la gravité de l'acte visé par l'infraction peut grandement varier selon les circonstances. Par exemple, c'est le cas de la profération de menaces, des voies de fait et de la conduite dangereuse d'un véhicule à moteur.
Le projet de loi C-75 érigerait en infractions mixtes 118 infractions punissables par mise en accusation, qui sont actuellement passibles de peines d'emprisonnement maximales de 2, 5 et 10 ans. Il modifierait également le Code criminel pour faire passer, pour la plupart des infractions criminelles punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine maximale d'emprisonnement à deux ans moins un jour. On allonge donc les peines maximales pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le projet de loi ferait aussi passer la prescription pour toutes ces infractions de 6 à 12 mois.
Dans le cas des infractions punissables par mise en accusation, le procès est souvent tenu par la Cour supérieure et prend généralement beaucoup de temps, en raison des exigences procédurales telles que la tenue d'un procès devant jury et les enquêtes préliminaires, ce qui peut prolonger considérablement les procédures. Pour ces infractions, des garanties procédurales supplémentaires sont offertes parce que l'accusé est passible d'une peine d'emprisonnement plus longue.
Cependant, dans bien des cas, on peut considérer que les circonstances entourant une infraction punissable par mise en accusation justifient l'imposition d'une peine relevant d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et il arrive qu'on procède de cette façon.
Dans les cas où le procureur demande une peine relevant d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, les infractions punissables par mise en accusation représentent un fardeau inutile pour les cours supérieures, car, même si on demande une peine qui relève d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, les procédures qui sont disponibles et qui sont utilisées avant d'arriver à ce résultat peuvent être longues et complexes.
Dans le cas d'une infraction mixte, le procureur peut choisir la procédure sommaire ou la mise en accusation, selon la gravité de l'infraction, les circonstances dans lesquelles le délinquant a commis l'infraction et les ressources les mieux adaptées à la cause en question. Pour cette raison, les provinces et les territoires ont demandé à ce qu'un plus grand nombre d'infractions punissables par mise en accusation soient considérées comme des infractions mixtes.
Le fait de confier un plus grand nombre de causes aux cours provinciales permettrait aux cours supérieures d'avoir plus de ressources pour juger des causes plus graves, ce qui accélérera les procédures.
D'autres réformes proposées dans le projet de loi C-75, comme le fait de limiter l'accès aux enquêtes préliminaires aux infractions les plus graves, auront comme résultat d'alléger toute charge de travail supplémentaire qui pourrait être imposée aux cours provinciales.
Contrairement à ce que certains ont laissé entendre, ces propositions ne visent pas à refiler le fardeau aux provinces et aux territoires. Il s'agit d'accorder aux provinces et aux territoires la marge de manœuvre qu'ils ont demandée, afin que les procureurs puissent choisir la procédure la mieux adaptée aux faits et aux circonstances propres à chaque cause.
Certains ont soutenu que le système considérera qu'une infraction est moins grave si elle change de catégorie. Ce n'est tout simplement pas le cas.
Le meilleur indice de la gravité d'une infraction est la peine maximale prévue. Or, les modifications concernant les infractions mixtes ne changeraient pas les peines maximales prévues pour les infractions punissables par mise en accusation.
Dans notre système de justice pénale, les procureurs ont déjà l'habitude d'évaluer les faits en cause et la situation du contrevenant pour déterminer le type de peine à demander au tribunal. Ils peuvent déjà demander des amendes et des peines d'emprisonnement courtes ou encore ne pas en demander du tout pour la plupart des actes criminels que le projet de loi C-75 propose de reclasser en infraction mixte. Comme je l'ai déjà expliqué, ils se servent souvent de peines par procédure sommaire.
J'ai pleinement confiance que les procureurs continueront de demander des peines appropriées. En fin de compte, c'est le juge qui décide. Rien dans le projet de loi C-75 ne propose de réduire les peines imposées en vertu de la loi dans sa forme actuelle. Ces réformes ne modifieront pas les principes fondamentaux de détermination de la peine énoncés à l'article 718 du Code criminel, qui exigent la proportionnalité.
Le Sénat a apporté trois types d'amendements pour répondre aux préoccupations concernant les conséquences involontaires possibles des propositions de reclassification. L'un d'eux a de nouveau modifié l'article 802.1 pour permettre la représentation au titre des lois de la province. Toutefois, c'est problématique parce que nous n'avons pas d'information sur la façon dont cet amendement s'appliquerait aux lois provinciales et territoriales existantes. Par conséquent, je ne me sens pas à l'aise de l'appuyer.
Je suis satisfait que l'amendement que le Sénat a appuyé en décembre dernier pour régler cette question donne aux provinces et aux territoires suffisamment de souplesse pour régler rapidement toutes les conséquences du régime de reclassification concernant les représentants.
Je suis heureux de pouvoir appuyer les deux autres amendements que le Sénat propose d'apporter aux dispositions touchant la reclassification. Il s'agit d'amendements de nature technique qui aboutiraient à un statu quo en ce qui concerne le prélèvement d'échantillons d'ADN chez les délinquants reconnus coupables et la prise des empreintes digitales des accusés. Les ordonnances discrétionnaires concernant le prélèvement d'ADN sont déjà possibles pour les infractions prévues au Code criminel entraînant une peine maximale de 5 ans ou plus lorsque la Couronne opte pour la mise en accusation.
Les corps policiers craignent qu'on prélève moins d'échantillons d'ADN une fois que les dispositions de reclassification du projet de loi C-75 entreront en vigueur. L'amendement 1 proposé par le Sénat permettra de maintenir les ordonnances de prélèvement d'ADN pour les actes criminels entraînant une peine de 5 ou de 10 ans que le projet de loi C-75 érigerait en infractions mixtes.
Un amendement semblable avait été proposé au comité de la justice, mais il était de portée beaucoup plus large et aurait accru les possibilités d'ordonnance de prélèvement d'ADN. Les amendements 11, 13 et 14 proposés par le Sénat donnent suite aux craintes exprimées par les corps policiers selon lesquelles la reclassification de certaines infractions en infractions mixtes prévue au projet de loi C-75 limitera leur capacité de recueillir des empreintes digitales.
Ces amendements modifient la Loi sur l'identification des criminels afin de préciser qu'on peut prendre les empreintes digitales d'un individu accusé d'une infraction mixte même lorsque la Couronne opte pour la déclaration de culpabilité par procédure sommaire. On peut voir que le projet de loi C-75 comprend un bon nombre d'outils importants pour réduire les délais dans le système de justice pénale et aider tous les intervenants et participants à respecter le délai de l'arrêt Jordan.
J'appuie la majorité des amendements proposés par le Sénat et j'encourage mes collègues à appuyer l'approche proposée par le gouvernement pour que ce projet de loi bien nécessaire puisse être adopté avant la relâche estivale.