Monsieur le Président, je remercie les ministres du travail qu'ils ont fait quant au projet de loi C-81. J'aimerais également souligner l'excellent travail du député d'Edmonton Mill Woods, qui a su nous motiver et nous rassembler autour de ce projet de loi. Mon collègue, qui est ici à mes côtés, mérite aussi une bonne main d'applaudissement pour l'ensemble de son travail.
Je suis peut-être le dernier à avoir la chance de parler de ce projet de loi, et c'est un honneur pour moi. J'ai toujours été très interpellé par la cause des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées, et je m'y suis engagé.
Quand j'ai commencé ma carrière, j'étais un jeune animateur de radio, et la toute première tâche bénévole que j'ai eu à faire a été d'animer un radiothon, un téléthon de la paralysie cérébrale. Je ne sais pas si les gens du Québec ou ici, à la Chambre, se souviennent du fameux grand Téléthon de la paralysie cérébrale avec le grand animateur Serge Laprade. Pendant des années, ce fut le rendez-vous annuel des Québécois qui découvraient ces grands événements télévisuels où on voulait amasser des sous pour les personnes handicapées.
C'était comme une première. À la télévision, une fois par année, on montrait des gens qui avaient de la difficulté à faire les mêmes choses que nous. On montrait des gens qui, pour vivre, devaient avoir l'aide des autres et les sous des autres. Je ne sais pas s'il y avait quelque chose de semblable ailleurs; je vais donc parler du Québec.
Les Québécois se montraient toujours très généreux. D'année en année, il y avait de plus en plus de gens qui contribuaient à cette cause. Tout en aidant ces personnes, on a pu commencer à sensibiliser les gens à l'importance de fournir des accès aux personnes handicapées, qui sont des personnes comme nous. Au début, lors de ces téléthons, on avait tendance à montrer ces personnes pour qu'on les prenne en pitié. C'était comme cela. On montrait des scènes éprouvantes où les personnes avaient des difficultés. Les personnes atteintes de paralysie cérébrale ont parfois des problèmes d'élocution. Il fallait donc se concentrer pour les écouter.
Les Canadiens et les Québécois avaient une relation un peu difficile avec les divers handicaps. Il y avait ces téléthons, mais aussi, ceux dans les petites régions comme la mienne. Un petit téléthon local avait eu lieu à la Caisse populaire. On avait réussi à regrouper les personnes atteintes de paralysie cérébrale. Ayant la chance d'échanger avec elles, les gens découvraient que c'était plaisant. Le problème, c'est que, même lors de nos téléthons ou nos radiothons, ces personnes ne pouvaient pas accéder aux édifices. Il fallait les prendre, les porter pour les faire entrer. Même aux endroits où on faisait des téléthons ou des activités pour les personnes handicapées, ce n'était pas possible d'y entrer.
Une des premières décisions qu'a prises l'organisation d'action bénévole a été d'aménager une rampe. Ces personnes pouvaient donc accéder à la scène où on avait l'intention et la bonne volonté de les aider. On voulait les impliquer afin qu'elles soient présentes avec nous pour aider à amasser des sous. C'est un des objectifs du projet de loi dont je vais parler plus tard.
J'ai tellement aimé l'expérience du téléthon que je suis devenu président de l'association de paralysie cérébrale de ma circonscription, à Thetford Mines. C'était une petite association qui réussissait tant bien que mal à amasser 50 000, 60 000, ou 80 000 $ par année. Elle faisait des miracles avec ces sommes. C'était essentiellement de la sensibilisation parce qu'aménager des édifices coûte cher. Cela coûte plus que 60 000 ou 80 000 $.
Je suis donc devenu président de l'association. L'une des premières choses que nous avons faites a été d'augmenter le nombre de membres du conseil d'administration atteints de paralysie cérébrale ou d'autres déficiences ou problèmes pour qu'on puisse prendre des décisions avec elles et pour elles. C'est l'un des éléments du projet de loi qui m'a le plus marqué et touché. Ce n'est pas un projet de loi qui va imposer des choses aux personnes qui ont différents handicaps. Il cherche plutôt à travailler avec ces personnes pour trouver des solutions.
Parfois, on peut se croire très intelligent en décidant de faire ceci ou cela; or on se rend compte finalement que ce n’est d'aucune utilité pour les personnes ayant un handicap, qui n'en ont pas besoin. Pour moi, cela été plus qu'un premier exercice de bénévolat, cela a été un contact avec la vie, un contact avec des gens qui sont différents, qui ont des choses à dire et qui veulent faire des choses. Ce sont des gens extraordinaires.
Depuis cette expérience de bénévolat, mon regard n'est plus le même. Partout où je vais, dans toutes les organisations, dans tous les édifices publics, ou quand je pratique un sport ou un loisir, je prends toujours un petit moment pour me demander si tout le monde peut avoir accès à cet endroit, si tout le monde peut faire ce sport, si tout le monde peut travailler à cet endroit. Or on se rend compte que, malheureusement, il y a encore beaucoup de choses à faire, qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir.
Bien que je sois tout à fait d'accord sur cette mesure législative, il faut dire que c'est un premier pas. Les montants d'argent que ce projet de loi octroie, sa bonne volonté et les plans qu'il propose ne représentent qu'un petit pas. Ce n'est qu'un petit geste, mais c'est un geste, quelque chose qui n'avait pas été fait encore et qui devait être fait.
Comme je l'ai dit, j'ai commencé en 1985 à faire ce bénévolat à la radio. Nous sommes maintenant en 2019 et nous sommes encore à essayer d'implanter des programmes d'accessibilité. J'ai eu la chance — je parle bien de chance — de travailler avec des personnes qui ont des handicaps. Je peux dire que c'est incompréhensible. Pourquoi en sommes-nous encore aujourd'hui à déposer des projets de loi sur l'accessibilité? Cela devrait maintenant être une chose normale et traditionnelle. On ne devrait pas avoir à se poser la question. Unplan d'accessibilité devrait tout simplement être le plan d'architecture de tous les endroits, de tous les travaux. C'est pourquoi je suis très honoré ce soir de prendre la parole sur ce projet de loi.
Quand on fait du bénévolat, cela ne nous quitte pas. On travaille un peu partout. J'ai été maire de Thetford Mines. Une des premières choses que j'ai faites a été d'aller vérifier tous les édifices municipaux pour m'assurer que tout était adéquat. J'ai été maire de Thetford Mines pendant sept ans. Je n'ai pas réussi à rendre accessible la salle du conseil de Ville de Thetford Mines, parce que c'est difficile. Ce sont de gros sous et beaucoup d'investissements. Nous devons donc envoyer un message: dans tous les programmes d'infrastructures, il devrait toujours y avoir une enveloppe réservée à l'accessibilité à tous les bâtiments publics. Si on ne l'a pas, il faudra convaincre sept autres personnes qui n'ont pas eu d'expérience de bénévolat comme la mienne d'investir un montant d'argent assez important pour permettre à une personne de la communauté d'assister au conseil municipal une fois par année. Essayer de convaincre nos collègues autour de la table n'est pas toujours facile. Je n'ai pas réussi.
Nous avions commencé. Nous avons décidé de déplacer la salle du conseil. Nous avons détruit un bâtiment et décidé que la prochaine salle du conseil serait à cet endroit, en bas, et qu'elle serait donc accessible. Nous ne nous sommes pas rendus là parce que nous n'avons pas réussi à avoir des sous pour construire un autre hôtel de ville, mais c'est une autre histoire.
N'empêche que nous sommes rendus là aujourd'hui. Il faut que tous les élus, toutes les personnes qui occupent un poste de responsabilité, tous les ministères, toutes les organisations et toutes les sociétés d'État dont le ministre a la responsabilité aient cette pensée, cette orientation. Si on n'arrive pas à consacrer une partie des budgets d'infrastructure pour améliorer la qualité de vie des personnes qui ne peuvent pas, comme nous, accéder à l'ensemble de ces services auxquels elles ont droit autant que tous les autres Canadiens et Canadiennes, on aura échoué.
Je vais parler du projet de loi C-81. Je vais faire quelques rappels pour les gens qui nous écoutent, parce que c'est important.
Ce projet de loi a pour objet la transformation graduelle du Canada, dans le champ de compétence législative du Parlement, en un pays exempt d’obstacles, à l'avantage de tous, en particulier des personnes handicapées, par la prise de mesures proactives de conformité et d'application des normes d'accessibilité que les parties réglementées doivent respecter et maintenir. Le maintien est un autre aspect important.
Parfois, on reçoit une subvention et on installe une belle rampe, mais il faut l’entretenir. S'il y a un trou dans la rampe après cinq ans, le fauteuil roulant ne passera pas. S'il ne passe pas, cela veut dire que ce n’est plus accessible. Il faut l'entretenir. C’est bien beau d’avoir un certain montant, mais il faut continuer à maintenir les installations. C’est pour cela que le plan d'accessibilité nous oblige à rendre des comptes après un certain nombre d’années. C'est un élément essentiel du projet de loi. Il s'agit d'une belle initiative.
L’exigence selon laquelle toutes les entités sous réglementation fédérale, dont les entreprises privées, doivent créer des plans d’accessibilité pluriannuels, fixer des objectifs et présenter un rapport sur ce qui a été fait a été satisfaite. C’est ce que je mentionnais dans la question que j'ai posée au ministre juste avant mon discours.
C’est bien de montrer l’exemple, mais ce n'est qu'un premier pas. Il faudrait que cela soit partout. Il faut absolument qu’on fasse comprendre le message à l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes, pas uniquement à ceux qui sont sous compétence fédérale, mais bien à l'ensemble des entreprises et des petits commerçants. Penser à l’accessibilité de nos bâtiments devrait être quelque chose d’absolument naturel.
En ce qui concerne, la création de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité, une société d’État, nous devons créer des normes. J’ai toujours un peu peur quand on crée de nouveaux offices. J’ai toujours peur qu’il y ait plus d’argent qui aille dans le bureau que sur le terrain. C'est une de mes craintes. Or si on ne commence pas quelque part, on ne fera rien. On en est conscient. C’est un cercle vicieux.
Le message que je désire faire passer, c’est que j’espère que cette organisation va être plus préoccupée par ce qui se passe sur le terrain que par l'organisation des bureaux et le fait de faire de plus en plus de bureaux. On ne veut pas que toutes les personnes handicapées aillent travailler pour l'office. On veut qu’ils travaillent partout, dans tous les bureaux du gouvernement fédéral, et non pas à un seul endroit. C’est quelque chose dont il faut absolument se souvenir.
On a soutenu ce projet de loi et on va le soutenir encore, parce que c'est effectivement un projet de loi qui est nécessaire. Évidemment, on aurait aimé qu’il aille un peu plus loin, on aurait aimé qu’il soit un peu moins permissif à l'égard du ministre et on aurait aimé que le ministre impose un peu plus d’obligations aux gens qui vont devoir mettre en œuvre ce projet de loi.
On avait proposé une soixantaine d’amendements, mais seulement trois amendements proposés par l'opposition ont été retenus. J’ose espérer que, dans l’avenir, on pourra continuer à l’améliorer. À mon avis, il y a encore 57 bonnes idées qui n’ont pas été retenues dans ce projet de loi.
Je pense que cela nous démontre qu’il y a encore du travail à faire. Cela démontre que le prochain gouvernement, peu importe sa couleur, a encore du travail à faire. On sait fort bien que je ne peux pas faire tout un discours sans mentionner que j’espère que je ferai partie du prochain gouvernement, avec toute mon équipe. C’est difficile de faire un discours non partisan pendant 20 minutes. Les gens d’en face me connaissent.
Le Sénat a adopté 11 amendements au projet de loi C-81. Ces amendements ont permis d'améliorer grandement le projet de loi. Je pense que c’est un pas dans la bonne direction. Les amendements du Sénat font notamment en sorte de reconnaître que la langue des signes américaine, la langue des signes du Québec et la langue des signes autochtones sont les langues principales de communication des personnes sourdes au Canada. Cela est conforme aux recommandations des intervenants et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, que le gouvernement Harper avait ratifiée en 2010.
Même avec les amendements, le projet de loi utilise un langage permissif, comme je l'ai déjà mentionné. Si c’est possible, j’espère que les ministres qui vont devoir le mettre en œuvre vont changer may pour must. S’ils en font une affaire personnelle, ils vont pouvoir le faire. Ils peuvent le faire, car cela est écrit. J'espère qu'ils vont le faire.
Comme je le mentionnais, ces nouvelles normes ne vont s’appliquer qu’aux personnes et aux entités réglementées, mais ce serait vraiment très intéressant que cela s’étende et qu’on se serve de ce projet de loi comme d’un exemple pour faire en sorte que tous aient une meilleure vie.
En terminant, je me permets de lire quelques extraits d’une lettre ouverte en faveur d'une rapide ratification des modifications sénatoriales, qui a été signée par plusieurs organisations. Dans cette lettre ouverte, on félicite la ministre, mais on mentionne surtout ce petit commentaire de la sénatrice Chantal Petitclerc, commentaire que j’ai bien aimé. Elle a déclaré que les modifications apportées par le comité traduisaient le slogan des collectivités des personnes handicapées: « Rien pour nous, sans nous. » C’est ce qui doit absolument nous guider.
C'est ce qui doit guider les ministres, les directeurs des agences et l'ensemble des gens qui seront appelés à intervenir dans le cadre des plans d'accessibilité et de l'ensemble des mesures qui s'y retrouvent.
De bien bonnes idées peuvent provenir des personnes comme nous qui n'ont pas à vivre avec un handicap, mais si nous pensons parfois avoir la solution, ce n'est souvent pas le cas. Les personnes qui vivent avec un handicap sont capables, elles, de nous dire quelle est la solution et comment nous pouvons les aider. Cela peut coûter beaucoup moins cher que de mettre en œuvre nos propres solutions. Je l'ai déjà vu. Ces personnes ne veulent pas la plus belle Cadillac ou le plus bel aménagement. Elles veulent vivre leur vie et s'épanouir comme nous, et la meilleure façon de les aider est de collaborer avec elles.
Plusieurs organisations demandent une mise en oeuvre rapide. Je vais les nommer, parce qu'elles méritent qu'on reconnaisse le travail qu'elles ont fait tout au long du processus d'adoption du projet de loi C-81.
Ce sont les suivantes: Conseil des Canadiens avec déficiences, alliance AODA, ARCH Disability Law Centre, Alliance pour une loi fédérale sur l'accessibilité, Citizens With Disabilities — Ontario, Ontario Autism Coalition, Lésions médullaires Canada, StopGap Foundation, Travel For All, Older Women's Network, Physicians of Ontario Neurodevelopmental Advocacy, Canada sans barrières, B.C. Coalition of People who use Guide Dogs, l'équipe Measuring Up de Keremeos, National Coalition of People who use Guide and Service Dogs in Canada, Project Group Consulting Cooperative, VIEWS for the Visually Impaired de l'Ontario, Accès troubles de la communication Canada, British Columbia Aboriginal Network on Disability Society, Service ontarien de la surdicécité, Marche des dix sous du Canada, North Saskatchewan Independent Living Centre, Peterborough Council For Persons With Disabilities, Québec accessible, Fondation INCA pour le Québec et l'Ontario, Electromagnetic Pollution Illnesses Canada Foundation, Fédération ontarienne pour les paralysés cérébraux et Fondation Rick Hansen.
Ce n'est qu'un tout petit nombre de gens, mais ils ont travaillé fort pour qu'on change nos méthodes et nos habitudes de vie. Pour avoir été moi-même membre d'une de ces organisations à l'époque, je sais qu'on a encore beaucoup de travail à faire. Ces organisations travaillent si fort.
Premièrement, elles travaillent avec leur clientèle; deuxièmement, elles essaient de convaincre le gouvernement de changer les choses; troisièmement, elles collectent des fonds, puisqu'elles n'ont pas beaucoup d'argent pour fonctionner; et quatrièmement, elles améliorent la vie de nombreuses personnes qui vivent avec l'un ou l'autre des handicaps qu'on a mentionnés.
En terminant, j'aimerais remercier toutes les personnes impliquées dans la présentation du projet de loi C-81. Je rappelle au gouvernement que 57 amendements auraient pu être adoptés pour améliorer le projet de loi. Cela dit, c'est tout de même un premier pas dans la bonne direction.
Je remercie tous mes collègues qui ont travaillé au sein du comité et qui ont fait leur possible pour transmettre le message des personnes qui n'étaient pas là. C'est notre rôle, en tant que députés, de prendre la parole pour ceux et celles qui ne l'ont pas et de faire en sorte qu'ils puissent la prendre à leur tour quand elles le veulent et où elles le veulent.