Monsieur le Président, je propose que le 14e rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, présenté le jeudi 7 février 2019, soit adopté.
Je prends la parole aujourd'hui pour demander l'adoption du 14e rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées intitulé « Soutenir les familles après la perte d'un enfant », et j'ai un message: il faut agir maintenant. Le temps n'est plus aux débats, aux tergiversations de toutes sortes ou aux jeux politiques élaborés. Le temps est aux mesures concrètes.
On nous présente une solution claire, une voie à suivre. Ne pas adopter de mesures concrètes serait mal servir les parents qui ont besoin de notre aide et de notre compassion maintenant.
Le parcours de la motion M-110 a commencé il y a environ quatre ans, quand une famille de ma circonscription, Banff—Airdrie, m'a raconté son histoire et m'a demandé de l'aide. C'était une histoire d'immense douleur. Elle est restée gravée dans ma mémoire. On parle d'une douleur qu'un parent, ou toute autre personne, ne devrait jamais avoir à vivre.
Quinn, la merveilleuse fille de Sarah et Lee Cormier, est née en 2014. À peine quatre mois plus tard, la petite est décédée subitement dans son sommeil, plongeant sa famille dans la douleur et la tristesse. Sarah et Lee ont vécu le pire cauchemar de tout parent. Ébranlés, endeuillés et accablés par la souffrance, ils ont également dû faire face immédiatement à la bureaucratie froide et insensible du gouvernement fédéral.
Ils ont été obligés de retourner tout de suite au travail, car leurs prestations parentales ont été interrompues le jour même où Quinn est décédée. S'ils n'avaient pas avisé immédiatement le gouvernement fédéral du décès de leur fille, et avaient ainsi continué de recevoir leurs prestations, on leur aurait demandé de les rembourser. On peut très bien imaginer qu'en pareille situation, aviser le gouvernement n'est vraiment pas la première chose à laquelle peut penser une personne endeuillée. En outre, il aurait fallu procéder au remboursement en personne, car il n'y a pas d'autre façon de faire, que ce soit en ligne ou même par téléphone.
Sarah et Lee Cormier ont appelé Service Canada à plusieurs reprises. Après avoir attendu au bout du fil et expliqué encore et encore leur cas pénible, on leur a dit qu'ils devraient, au plus fort de leur peine, se présenter à un bureau de Service Canada et faire la queue pour montrer le certificat de décès de leur fille.
Lors de sa comparution devant le comité, Lee Cormier a dit ce qui suit:
Quinn est décédée le 28 décembre. Le 3 janvier, nous avons assisté à ses obsèques, et le 5 janvier, nous avons fait la queue à Service Canada. L'employée nous a dit que nous avions de la chance de ne pas avoir à rembourser les prestations de la semaine suivante. Voici les mots qu'elle a utilisés: « Votre enfant cesse d'exister, alors les prestations cesseront d'exister. »
Pensons à ces mots et à ce que cela signifierait de les entendre lorsque l'on pleure la perte d'un enfant: « Votre enfant cesse d'exister, alors les prestations cesseront d'exister. » C'est ce que leur a dit un employé du gouvernement fédéral. Aucun parent endeuillé ne devrait avoir à vivre ce que les Cormier ont vécu.
Malheureusement, les Cormier ne sont pas les seules victimes de ce processus bureaucratique froid et sans cœur. J'ai entendu des histoires semblables de centaines de parents. Au cours des dernières années, ils ont courageusement communiqué avec moi pour me raconter leurs histoires.
Par exemple, il y a l'histoire déchirante de Paula Harmon, une avocate de la Nouvelle-Écosse qui a perdu sa fille Grace. Elle a été obligée de raconter son histoire à maintes reprises à plusieurs fonctionnaires de Service Canada et a finalement été dirigée vers un médecin pour obtenir une note qui lui permettrait d'être admissible à un congé de maladie. L'un des arguments avancés par le gouvernement est que les gens peuvent avoir droit à un congé de maladie.
Sur la note, le médecin a indiqué « deuil de la fille de la patiente » comme motif d'absence. Lorsque Mme Harmon a présenté cette note au fonctionnaire fédéral, ce dernier lui a dit qu'elle n'était pas admissible à des prestations. Bref, on lui a fait comprendre à mots couverts que si le médecin pouvait indiquer un autre motif d'absence, elle serait peut-être admissible.
Je mentionne également le cas de Rachel et Rob Samulack, qui habitent ici même à Ottawa. Leur fils Aaron Isaiah Robert Peters Samulack est né le 19 juin 2016, mais n'a passé que 100 minutes, par ailleurs fort précieuses, avec sa famille après sa naissance. Il est décédé dans les bras de ses parents qui lui ont exprimé tout leur amour.
Dans leurs démarches pour obtenir des prestations afin de pouvoir faire le deuil de leur enfant, Rachel et Rob ont eux aussi dû raconter leur histoire crève-coeur à maintes reprises à de nombreux agents de Service Canada. Finalement, Rachel a dû reprendre le travail bien avant d'en être prête.
Je songe aussi au cas de Gillian Hato, de l'Alberta, à qui des fonctionnaires fédéraux ont dit qu'elle devait se présenter en personne à la banque pour rembourser les prestations reçues; elle ne pouvait pas le faire en ligne. Elle n'avait pas d'autre choix que de se présenter en personne alors qu'elle traversait une période de peine intense. Mme Hato a déclaré au comité qu'elle ne supportait pas de sortir en public. Elle n'était pas encore prête pour cela. La seule idée de devoir entrer à la banque pour rembourser ces prestations l'a littéralement rendue malade alors qu'elle était dans le stationnement. Elle vivait dans une petite localité et elle savait que si elle entrait, on lui demanderait des nouvelles de son bébé.
Je rappelle également l'histoire de Jens et Kerstin Locher, qui ont perdu leur fils Tobias. Jens a témoigné devant le comité de cette expérience éprouvante. Quand Jens et Kerstin se sont présentés à Service Canada, ils ont dû exposer leur situation à un fonctionnaire dans un bureau à aire ouverte. Je cite un extrait du témoignage de Jens, qui a déclaré:
Après le décès de Tobias, nous avons dû prendre des dispositions avec Service Canada pour organiser le congé de maternité de mon épouse. Durant cette période difficile, nous avons dû quitter notre maison, le refuge où nous nous cachions, et nous aventurer dans le monde pour remplir quelques documents. Nous avons dû nous tenir debout dans le bureau à espace ouvert et expliquer notre situation. En plus de tout cela, plusieurs années plus tard[,] nous avons reçu une lettre de Service Canada disant que nous avions réclamé trop d'argent. Il a fallu plusieurs appels téléphoniques et lettres sur plusieurs mois pour clarifier avec le personnel que nous n'avions pas commis de fraude concernant ce paiement en trop. Nous avions simplement demandé que la période commence immédiatement après le décès de Tobias, qui est survenu une fin de semaine, et mon épouse n'est pas retournée au travail le lundi.
En raison de quelque paramètre du système, le système de l'assurance-emploi avait rajusté la date de début du lundi que nous avions demandée pour qu'elle passe au lundi de la semaine suivante. Nous ne l'avions pas remarqué, et l'employeur de mon épouse a fait commencer le congé à la semaine que nous avions demandée, et il y avait donc cet écart d'une semaine. Nous avons ensuite dû expliquer pendant plusieurs mois que nous avions droit aux 15 semaines, mais qu'il y avait cet écart.
Ce ne sont là que quelques-unes des centaines d'histoires que j'ai entendues de parents en deuil.
Tous les députés doivent parfois mettre de côté leur esprit de parti pour voir les choses d'un point de vue purement humain. Il s'agit évidemment de l'un de ces cas. Cette question-ci n'est pas partisane; c'est une question de compassion. Il faut régler ce problème. Il faut agir dès maintenant. Les sept recommandations contenues dans le rapport du comité nous fournissent la solution. Elles nous donnent la voie à suivre, mais le gouvernement doit les mettre en oeuvre.
Ce qui m'a le plus surpris dans le parcours de la motion M-110, ce sont les obstacles que le gouvernement libéral a dressés à toutes les étapes du processus.
Je dois remercier de nombreux députés de tous les partis qui ont reconnu l'importance d'agir dans ce dossier non partisan: les députés libéraux de Lac-Saint-Louis et de Nova-Centre, qui ont tous les deux donné des discours passionnés sur le sujet; le député libéral d'Edmonton-Centre, qui a eu le courage de parler au comité du deuil périnatal qu'a vécu sa famille; et la députée néo-démocrate de Saint-Hyacinthe—Bagot, qui a aussi appuyé sans réserve ce dossier tout au long du débat et de l'étude en comité.
Je tiens aussi à remercier mes collègues conservateurs les députés d'Elgin—Middlesex—London, de Flamborough—Glanbrook, de Yorkton—Melville et de Calgary Shepard, qui se sont tous montrés très solidaires à toutes les étapes du processus parlementaire.
Malgré la nature non partisane de ce sujet, les libéraux ont posé un obstacle dans le tout premier débat. Durant la première heure du débat, le 27 avril 2018, le député de Kanata—Carleton a pris la parole et a lu froidement ce qui était manifestement des notes de discours copiées-collées au sujet de différentes mesures d'aide plutôt que de reconnaître qu'il y a des ratés dans le système. Il a semblé à l'époque que les libéraux n'allaient pas appuyer la motion et je pense que c'est ce qui est arrivé.
Toutefois, ce jour-là, à la tribune, il y avait des parents touchés qui étaient visiblement très déçus. Ils étaient venus écouter le gouvernement libéral, qui parle si souvent d'aider les parents; pourtant, les libéraux ont pris la parole et allégué avec désinvolture qu'il n'y avait pas vraiment de problème. Ils ont plutôt mentionné des choses qu'ils avaient faites qui n'ont eu aucune incidence sur le problème en question. Partout au pays, de nombreux parents ont écouté ce discours et c'est leur détermination, les milliers de signatures sur des pétitions et les centaines de courriels et d'appels téléphoniques à des députés libéraux partout au pays pour les supplier d'appuyer cette motion qui ont forcé le gouvernement à changer d'idée.
À l'étape de la deuxième lecture, les libéraux ont affirmé qu'ils accepteraient seulement d'appuyer la motion si j'en modifiais le libellé pour qu'au lieu de recevoir « instruction d'entreprendre une étude », le comité des ressources humaines « soit invité » à en entreprendre une. Des motions visant à donner des instructions aux comités sont constamment adoptées à la Chambre mais, dans ce cas-ci, les libéraux tentaient de faire croire que c'était, en quelque sorte, inapproprié. J'étais certes inquiet parce que je craignais que les libéraux se servent de ce prétexte pour ne pas tenir des réunions de comité sur cette motion. Cependant, je me réjouissais aussi, bien sûr, du fait que les libéraux semblaient faire volte-face sur cette question. Cette question devait être étudiée, et je me suis rendu compte que, parfois, il faut mettre un peu d'eau dans son vin pour parvenir à ses fins. C'est ainsi que le 8 juin 2018, la motion M-110, modifiée, a été adoptée à l'unanimité par la Chambre.
Puis les difficultés entourant le fait que le comité « soit invité » à faire quelque chose au lieu qu'il en « reçoive l'instruction » ont commencé à survenir. Comme la motion ne mentionnait que l'idée d'« inviter », les députés de la majorité libérale du comité ont décidé qu'au lieu des six rencontres avec des témoins que la motion demandait, ils n'avaient besoin que d'en tenir quatre. Comme la motion ne mentionnait que l'idée d'« inviter », les députés de la majorité libérale du comité ont décidé qu'il n'était pas nécessaire de présenter le rapport au plus tard le 8 décembre 2018, soit la date limite fixée dans la motion, parce que la motion ne faisait que les « inviter » à le faire. Quand quelqu'un au comité remettait cela en question, tout débat était immédiatement interrompu, habituellement par une motion du député libéral de Pitt Meadows—Maple Ridge dont la majorité libérale imposait ensuite l'adoption. Les libéraux ont même manifesté cette attitude déplorable devant des personnes qui étaient là pour témoigner. Finalement, le rapport du comité a été présenté le 7 février 2019, soit pas moins de deux mois après la date qui avait été prévue.
Toutefois, il y a eu d'autres obstacles à surmonter pour que le gouvernement libéral donne suite aux recommandations contenues dans le rapport. Tous les députés libéraux ont voté contre l'amendement proposé par les conservateurs à la loi d'exécution du budget qui aurait donné 12 semaines de congé de deuil aux parents après la perte d'un enfant. Cette recommandation figurait même dans le rapport du comité. Tous les autres partis à la Chambre des communes ont appuyé cet amendement.
Lorsque les députés conservateurs ont récemment demandé une mise à jour sur les progrès de la mise en œuvre des recommandations du comité des ressources humaines, une fois de plus, le député libéral de Pitt Meadows—Maple Ridge a mis fin au débat. Pis encore, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, qui est responsable de la mise en œuvre de ces recommandations, était présent au comité et il a gardé le silence. Il aurait facilement pu promettre de veiller à ce que ces recommandations soient mises à exécution ou même faire le point sur ce que faisait le gouvernement, mais il a gardé le silence. Au lieu de cela, la seule réponse que nous ayons reçue des libéraux et du ministre est une lettre au langage fleuri donnée en réponse au rapport, trois mois plus tard, qui ne prend aucune des mesures concrètes dont les parents en deuil ont besoin. Plutôt que de dire que le gouvernement mettra en œuvre les recommandations, la lettre énonce des mesures prises par le passé et des demi-mesures qui ne remédient tout simplement pas au problème.
On ne peut laisser ce rapport moisir sur une tablette. Il s'agit d'une feuille de route pour que les parents en deuil n'aient plus à endurer de difficultés ni à souffrir de détresse financière ou affective indue en raison du fonctionnement des programmes du gouvernement. Les parents en deuil méritent beaucoup mieux que le traitement que leur réserve le gouvernement actuel. Il devient de plus en plus évident que si des mesures sont prises dans ce dossier, elles ne proviendront pas du gouvernement libéral.
Les libéraux ont eu de nombreuses occasions d'agir et de faire ce qui s'impose, mais, bien franchement, ils font des pieds et des mains pour que rien ne bouge. Ils essaient de paraître compatissants, mais ils travaillent en fait activement à miner les efforts déployés pour aider les parents en deuil.
Je souligne tout le travail et le dévouement des nombreux défenseurs de la cause des parents de partout au pays. Sans leurs efforts, nous ne serions jamais parvenus à forcer les libéraux à ne serait-ce qu'appuyer cette motion ou à accepter les recommandations nécessaires du rapport du comité. Je pense à des gens comme Sarah et Lee Cormier de la course Quinn's Legacy, qui a lieu dans ma ville, Cheryl Salter-Roberts de la marche Baby Steps Walk to Remember, à Edmonton et à Sherwood Park, Nancy et Peter Slinn et Nicole Chadwick-Dunning de l'organisme Empty Cradle, en Colombie-Britannique, Annick Robinson de la campagne Un lit pour câliner, Paula Harmon de Gardens for Grace, en Nouvelle-Écosse, Jens Locher de la campagne October15.ca, Rob et Rachel Samulack, les organisateurs de La course Papillon à Ottawa et à Gatineau ainsi qu'à Brockville, Rachael Behie et l'initiative Bria's Band, de la Nouvelle-Écosse, Jenita Naylor de l'organisme Hope Box Canada, ainsi que Michelle Lafontaine du PAIL Network.
Je tiens à remercier tous ces militants courageux et les innombrables autres personnes qui défendent elles aussi cette cause partout au pays. C'est leur détermination qui nous a permis de nous rendre jusqu'ici. C'est leur détermination qui mènera à l'obtention de résultats.
Je dois maintenant demander à ces militants de réclamer, encore une fois, un passage à l'action. Il s'agit d'un enjeu non partisan, tout comme le fait de demander d'agir. Passer à l'action est la seule façon d'aller de l'avant. Il ne faut pas se laisser berner par les vœux pieux ni par les excuses. Seules les mesures concrètes sont acceptables.
Les candidats doivent prendre des engagements fermes. Les militants doivent poser les questions difficiles. Ils doivent demander aux députés libéraux pourquoi aucune mesure concrète n'a été prise alors qu'il était tout à fait possible de le faire. Ils doivent demander et obtenir des engagements fermes à l'égard de la mise en œuvre des recommandations du rapport.
Les Canadiens peuvent en avoir l'assurance: lorsqu'un gouvernement conservateur sera élu, en octobre prochain, il prendra des mesures pour les parents endeuillés, contrairement aux libéraux qui, eux, n'ont rien fait.