Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui.
Je demande à la Chambre d'être indulgente et j'espère que personne n'invoquera le Règlement, car je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de prononcer ce discours un jour particulier pour saluer deux de mes plus ferventes partisanes.
La première est mon épouse Chantale, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui. Je veux lui souhaiter un joyeux anniversaire. Fait encore plus important, nous attendons un bébé à la fin de juillet. Je tiens à rendre hommage à mon épouse, car elle ne ménage aucun effort dans son travail à elle, qui est manifestement épuisant. Je tiens à la remercier de la grande patience dont elle fait preuve à mon égard quand je suis fatigué, même si ma fatigue n'est assurément pas comparable à la sienne. Je tiens à lui dire que je l'aime beaucoup.
Comme je ne voudrais pas susciter la jalousie dans notre foyer, je salue également notre fille, Lydia, qui est aussi une de mes grandes partisanes. Nous formons un trio et, comme je l'ai dit lors de notre mariage l'an dernier, j'ai eu la chance de tomber amoureux à deux reprises. Comme j'ignore si l'occasion se représentera avant les élections, je voulais en profiter pour les saluer et leur dire combien je les aime.
Je remercie les députés des bonnes pensées dont ils m'ont fait part.
Sur une note plus sérieuse, j'aimerais parler des amendements du Sénat au projet de loi C-59. J'aimerais plus précisément parler du processus en tant que tel et revenir ensuite sur certains aspects du projet de loi C-59, notamment en ce qui concerne des questions que j'ai soulevées auprès du ministre, des questions qui demeurent sans réponse ou, à tout le moins, sans réponse adéquate.
J'aimerais commencer par aborder une question plus actuelle concernant un projet de loi devant la Chambre au moment où on se parle. Il s'agit du projet de loi C-98, un projet de loi qui va donner plus de pouvoirs à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC pour qu'elle couvre également l'Agence des services frontaliers du Canada. C'est important parce qu'on parle depuis longtemps du fait que l'Agence des services frontaliers du Canada, seule agence ayant un rôle à jouer dans notre sécurité nationale, demeure sans comité qui aurait pour unique fonction l'examen de ses activités.
Bien sûr, il y a le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui a été créé par le projet de loi C-22, et il y aura bientôt un comité créé par le projet de loi C-59, qui va toucher à l'Agence des services frontaliers du Canada, mais seulement pour les activités concernant la sécurité nationale.
Or, j'aborde ici la question d'un comité qui serait consacré strictement à l'examen des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada, mais également au traitement des plaintes à l'interne, par exemple les différentes allégations sur le harcèlement, qu'on a vues dans les médias au cours des dernières années, ou les plaintes que pourraient formuler des citoyens d'origine musulmane relativement au profilage.
Le fait qu'il existe une surveillance ou un examen plus approfondi est très important. Je peux dire que, chaque fois qu'un article est publié, que ce soit sur une situation problématique à la frontière, sur le syndicat qui se plaint du mauvais traitement de ses travailleurs ou des situations problématiques liées à l'Agence, le ministre sort en grande pompe pour rappeler que c'était une promesse profonde et un engagement important de sa part d'avoir un appareil qui ferait en sorte de traiter ces plaintes de façon adéquate et qu'il y aurait donc une surveillance ou un examen de l'Agence.
Or que s'est-il passé en quatre ans? Il ne s'est rien passé.
Chaque fois qu'il y a un reportage dans les médias, ou un article traitant des différentes allégations problématiques, j'en suis rendu à faire un copier-coller du dernier gazouillis que j'ai publié, et ce, depuis plusieurs années. En effet, la situation se répète, sans aucun geste de la part de ce gouvernement.
Si cette situation est problématique, c'est que le ministre dépose un projet de loi à minuit moins dix, qu'il reste peu de temps au Parlement actuel et que le projet de loi n'est même pas encore à l'étude au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
J'ai du mal à croire que nous pourrons adopter le projet de loi à la Chambre, et je doute encore plus qu'il chemine au Sénat.
Cela est important, parce que le ministre lui-même a fait allusion, dans son discours, au fait que, à l'automne 2016, lorsque le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, auquel je siège, a voyagé d'un bout à l'autre du pays pour étudier la question et formuler des recommandations en vue du dépôt du projet de loi C-59, la recommandation de créer un comité qui soit attitré à l'examen précis des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada était l'une des plus importantes. Or, comme on le voit dans le projet de loi C-98, on n'a pas profité de cette occasion pour poser des gestes en ce sens.
Il y a de quoi s'inquiéter, car le projet de loi C-59 est une mesure législative omnibus. J'ai plaidé auprès de la Chambre, du ministre et même du Sénat, quand le projet de loi est arrivé au Sénat, en me servant de divers mécanismes de procédure, pour qu'on étudie certaines parties du projet de loi séparément parce que, comme l'a indiqué à juste titre le ministre, il est question d'un énorme remaniement de l'appareil de sécurité nationale. Ce n'est pas seulement qu'il faille prendre le temps de bien étudier la question, mais aussi que certains éléments, sur lesquels je reviendrai dans un instant, ne faisaient même pas partie des sujets examinés dans le cadre des consultations sur la sécurité nationale menées par le ministère ainsi que lors de l'étude faite par le comité.
Plus particulièrement, pour conclure au sujet du projet de loi C-98, le ministre ne semble pas avoir agi rapidement compte tenu des engagements qu'il avait pris quant à la surveillance ou l'examen des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada. En réponse à la question que je lui ai posée après son discours, il a dit que cela dépassait la portée du projet de loi. Voilà qui est intéressant parce qu'il s'agit d'une mesure législative omnibus et parce que le gouvernement l'a renvoyée au comité avant l'étape de la deuxième lecture expressément dans le but de permettre des amendements dépassant la portée du projet de loi puisqu'on visait un important remaniement.
J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'était pas possible d'intégrer ce genre de mécanisme au projet de loi actuel, puisque tout indiquait qu'on voulait un vaste projet de loi et qu'on envisageait même d'en élargir la portée. Nous nous retrouvons plutôt avec le projet de loi C-98, qui a été présenté à la dernière minute et qui ne pourra pas être adopté par le Parlement avant les prochaines élections.
J'ai parlé de la nature omnibus du projet de loi. Plusieurs aspects sont inquiétants à cet égard. J'ai écrit une lettre à des sénateurs au sujet des enfants dont le nom est sur la liste d'interdiction de vol et du groupe EnfantsInterditDeVol, dont le ministre a parlé. Je connais très bien ce groupe. J'aimerais féliciter les parents pour leurs efforts acharnés en ce qui concerne le dossier de leurs enfants.
Dans certains cas, ces enfants sont sur la liste simplement parce que cette liste est raciste. À la base, le fait que des noms se répètent est, en quelque sorte, une forme de profilage. Bien entendu, on pourrait tenir un débat sur l'efficacité de cette liste. Or elle est tout à fait désuète et défectueuse à cause de la similarité des noms qui se répètent. C'est effronté de prétendre qu'aucun élément de cette liste ne permettait, à une compagnie aérienne et aux agents qui géraient la liste et appliquaient les règles avant que ce projet de loi ne soit adopté, de faire la distinction entre une menace terroriste et un très jeune enfant.
Encore une fois, je félicite les parents pour leurs efforts acharnés et le travail qu'ils ont fait dans un esprit non partisan. Ils ne sont pas partisans, mais, moi, par contre, je le suis. Je profite donc de ma tribune pour dire que je trouve inadmissible la façon dont on a pris en otage ces familles et ces enfants pour faire adopter un projet de loi omnibus.
En effet, le ministre a dit que les changements apportés à la liste d'interdiction de vol allaient avoir des répercussions sur un système de redressement, qui permettrait à ces enfants de voyager sans se faire harceler à l'aéroport. Cette partie du projet de loi à elle seule comportait plusieurs centaines de pages.
J'ai demandé au gouvernement, s'il croyait réellement que cette partie du projet de loi rendrait justice à ces familles et à ces enfants, pourquoi il ne scindait pas le projet de loi et il ne l'adoptait pas plus rapidement. Nous nous opposons à plusieurs volets, à plusieurs aspects de la liste. Nous sommes même disposés à débattre de l'utilité de la liste et des défaillances qui peuvent exister. S'il y a des objectifs louables, nous sommes prêts à les considérer. Cependant, encore une fois, nous avons eu les mains liées par le mécanisme d'un projet de loi omnibus. Les libéraux nous avaient promis en campagne électorale que ce serait chose du passé.
Je sais que les parents ne diront pas cela, et je ne m'attends pas à ce qu'ils le fassent. Je les salue encore une fois pour leur esprit non partisan. Cependant, je trouve honteux et inadmissible qu'on les ait tenus en otage.
Par ailleurs, il y a aussi le projet de loi C-21.
J'ouvre ici une parenthèse. Le projet de loiC-21, auquel nous nous sommes opposés, était un projet de loi extrêmement inquiétant qui portait sur le partage d'informations à la frontière avec les Américains, entre autres. Il était donc question d'informations sur les citoyens qui se déplacent entre le Canada et les États-Unis. Le projet de loi C-59 a été retardé au Sénat, tout comme le projet de loi C-21.
Au fur et à mesure que l'attaché de presse du ministre de la Sécurité publique répondait aux doléances des parents ayant des enfants sur la liste d'interdiction de vol, il parlait soudainement du projet de loi C-21 comme d'une solution de mise en œuvre du système de recours pour les personnes voulant déposer une plainte ou ne voulant pas être retardées à l'aéroport pour un nom sur la liste, alors qu'il ne s'agit pas de l'individu identifié. Je trouve absolument effrayant qu'on utilise ces familles comme monnaie d'échange pour faire cheminer un projet de loi qui touche beaucoup d'éléments qui ne les regardent pas et qui méritent une étude plus approfondie. Selon moi, ces éléments n'ont pas encore été suffisamment examinés pour faire avancer le projet de loi.
Je remercie le ministre de la Sécurité publique d'avoir reconnu le travail que j'ai fait au comité, même s'il lui a fallu deux tentatives lorsqu'il répondait à mes questions plus tôt aujourd'hui. En comité, j'ai présenté près de 200 amendements, dont très peu ont été acceptés, ce qui ne fut pas une surprise.
J'aimerais aborder plus particulièrement un des amendements du Sénat qui a été accepté par le gouvernement. Cet amendement est important et bien simple, pour ne pas dire banal. Il propose d'ajouter une disposition à la loi afin que nous puissions réexaminer le projet de loi après trois ans, plutôt que cinq, et lui apporter des modifications si cela est nécessaire. C'est important puisque nous proposons des changements importants et profonds à notre système de sécurité nationale. Ce que je trouve fascinant, c'est que j'ai proposé le même amendement en comité, que j'ai justifié à l'aide des témoignages des experts, et les libéraux ont rejeté mon amendement. Or, tout à coup, le Sénat propose le même amendement et le gouvernement l'accepte dans la motion que nous débattons aujourd'hui.
J'ai demandé au ministre de la Sécurité publique pourquoi les libéraux n'étaient pas prêts à mettre la partisanerie de côté dans un comité parlementaire et à accepter un amendement de l'opposition qui proposait une mesure bien simple, alors qu'ils l'acceptent aujourd'hui. Il m'a répondu qu'ils avaient pris le temps de réfléchir et qu'ils avaient changé d'avis lorsque le projet de loi était au Sénat. Je ne m'attarderai pas trop là-dessus puisque mon temps est précieux, mais j'ai un peu de mal à accepter cela puisque rien n'a changé. Les experts sont venus témoigner au Comité permanent de la sécurité publique et nationale et c'était très clair, simple et raisonnable. Cela dit, je remercie le ministre d'avoir enfin reconnu, ce matin, que j'ai participé à ce processus.
J'aimerais également parler de certaines de nos préoccupations concernant le projet de loi. Deux dispositions du projet de loi actuel ayant trait au projet de loi C-51 du précédent gouvernement nous préoccupent, voire nous consternent, ainsi que quelques dispositions propres au projet de loi actuel.
Deux dispositions du projet de loi C-51 ont suscité plus de préoccupations que les autres lors du débat qui a eu lieu à la dernière législature. Ce sont elles qui préoccupaient le plus la population canadienne également, et c'est pourquoi des manifestations ont eu lieu à l'extérieur de la salle d'audience du comité dans les cinq grandes villes canadiennes qu'il a visitées en cinq jours, au cours du mois d'octobre 2016. La première disposition avait trait à la perturbation des menaces et la deuxième concernait le régime de communication d'information qui a été créé par le projet de loi C-51. Ces deux dispositions sont préoccupantes pour des raisons différentes.
Les pouvoirs de perturbation des menaces accordés au SCRS sont préoccupants, car le SCRS a initialement été créé parce qu'un consensus avait émergé au Canada autour de la nécessité de séparer le rôle d'application de la loi de la GRC, c'est-à-dire procéder à des arrestations et effectuer le travail qui s'y rapporte, de son rôle de collecte de renseignements, qui incombe désormais au SCRS. Les deux rôles ont donc été séparés.
Toutefois, en revenant à des dispositions où la distinction entre les pouvoirs n'est plus aussi nette en ce qui a trait à la perturbation de la menace, la question de la constitutionnalité se pose. D'ailleurs, les experts qui ont comparu devant le comité ont indiqué que, bien que le projet de loi C-59 soit moins inconstitutionnel que celui qui a été présenté par les conservateurs à la législature précédente, il fallait encore le soumettre à l'épreuve des tribunaux et il restait encore une certaine incertitude à son sujet.
Nous croyons toujours qu'il n'est pas nécessaire que le SCRS ait ces pouvoirs. Il demeure important de distinguer les deux rôles compte tenu des événements qui ont mené à leur séparation, c'est-à-dire les granges incendiées, la Commission Macdonald et tous les autres événements dont les gens qui ont suivi ce débat sont bien au courant, mais dont nous n'avons pas le temps de discuter aujourd'hui.
L’autre élément, c’est le partage d’information, que nous connaissons très bien. Nous avons ouvert la porte à un partage d’information libéral, pour ne pas faire un mauvais jeu de mots, entre les différents ministères du gouvernement. C'est inquiétant. Au Canada, parmi les cas les plus médiatisés de violation des droits de la personne, il y a la situation que Maher Arar a vécue à l'étranger et qui a mené à la mise sur pied de la Commission Arar. Dans de tels cas, on sait que le partage d'information avec d'autres administrations est l'un des facteurs qui ont mené à la violation des droits de la personne ou à la torture. Il s'agit d'endroits dans le monde où les droits de la personne sont presque ou complètement inexistants. On constate que le partage d’information entre les ministères du Canada peut exacerber de telles situations, notamment lorsque cet échange a lieu entre la police ou le Service canadien du renseignement de sécurité et le ministère des Afffaires étrangères.
Il y a un citoyen qui a été torturé à l'étranger et qui poursuit actuellement le gouvernement. Son nom m'échappe, j'espère qu'il me pardonnera. Affaires mondiales Canada a tenté de lui procurer un passeport afin de le rapatrier, peu importe la véracité des accusations qui pesaient contre lui, car il demeurait un citoyen canadien. Cependant, des preuves accablantes nous portent à croire que le SCRS et la GRC auraient travaillé ensemble et avec les autorités étrangères pour le maintenir à l’étranger.
Un plus grand partage d’information peut exacerber ce genre de problème, car au gouvernement, la main gauche ne sait pas toujours ce que fait la main droite. Certaines informations peuvent tomber entre les mauvaises mains. Si le ministère des Affaires étrangères tente de procurer un passeport à un individu et qu'il est obligé par la loi de partager l’information avec le SCRS, qui a un intérêt tout autre que celui de nos diplomates, cela peut nous amener sur une pente glissante.
Avec le projet de loi C-59, le régime de partage d’information qui a été dénoncé par plusieurs demeure donc en place. Je n’ai pas le temps de faire la liste exhaustive des experts et des groupes de la société civile qui ont critiqué cette réalité, mais je mentionnerai Amnistie internationale, qu'on connaît bien de réputation, qui fait un excellent travail. Ce groupe figure parmi ceux qui dénoncent le maintien de ce partage d’information, avec toutes les conséquences qu'il peut avoir pour les droits de la personne, surtout à l’étranger.
Comme le projet de loi a été renvoyé au comité avant la deuxième lecture, cela nous a conféré l’avantage de pouvoir proposer des amendements qui vont au-delà de sa portée. Nous avons constaté qu'une occasion a été ratée. Cette situation s'est déroulée en deux temps. J’invite les gens qui nous écoutent et ceux qui s’intéressent aux débats à aller voir comment cela s'est passé. Il y avait plusieurs votes et nous avons demandé un vote par appel nominal. En comité, les votes sont parfois plus rapides, mais cette fois-ci, nous avons pris le temps de faire un vote par appel nominal.
Il y avait deux propositions. D'une part, les libéraux proposaient un changement à la loi. Nous étions heureux de l'appuyer, car il était plus que temps que la loi contienne un énoncé disant que nous ne cautionnons pas la torture à l’étranger causée par les gestes de nos agences de sécurité nationale ou de nos forces policières ici. Néanmoins, comme ce changement à la loi repose toujours sur les directives ministérielles, la loi est bien loin d’être parfaite.
D'autre part, j’ai proposé des amendements visant à rendre illégal tout partage d’information qui mènerait à la torture à l’étranger. Ils ont été rejetés.
J'invite mes collègues à en prendre connaissance, car je suis à court de temps. Comme on peut le voir, 20 minutes, ce n'est pas suffisant, mais je serai heureux de répondre à des questions et des commentaires.