Monsieur le Président, je suis fière de prendre la parole en faveur du projet de loi C-245, parrainé par ma collègue la députée de Saint-Hyacinthe—Bagot, qui vise à élaborer une stratégie nationale sur la réduction de la pauvreté.
La pauvreté constitue malheureusement une réalité de plus en plus présente au Canada. Depuis l'adoption unanime de la motion d'Ed Broadbent, en 1989, qui visait à éradiquer la pauvreté avant l'an 2000, les gouvernements libéraux et conservateurs successifs ont très peu fait pour atteindre cet objectif.
Le Canada est fier d'arriver, depuis 1989, en première ou en deuxième position des pays où il fait bon vivre, selon divers critères des Nations unies. Toutefois, les Canadiens qui vivent dans la pauvreté, dont un nombre alarmant d'enfants, ne sont pas en meilleure position qu'ils ne l'étaient en 1989.
Comment est-ce possible dans un pays aussi privilégié que le Canada, avec ses ressources naturelles et une main-d'oeuvre qualifiée et instruite? Comment peut-on tolérer une situation dans laquelle nos voisins ont de la difficulté à se trouver un toit, à mettre du pain sur la table et à prendre soin de leur famille?
Dans mon bureau, il y a une affiche sur laquelle on peut lire « Il suffit d'avoir la volonté politique ». Cette affiche a été créée en souvenir de la motion d'Ed Broadbent, que la Chambre avait adoptée à l'unanimité en 1989. Nous voici pourtant en 2016, et bien peu de choses ont changé. La volonté politique n'était manifestement pas au rendez-vous. Les gouvernements successifs ne sont pas parvenus à faire de la pauvreté une priorité.
La réduction de la pauvreté est une entreprise complexe et difficile, mais nous ne devons pas nous laisser intimider par l'ampleur de la tâche. Trop de temps a déjà été gaspillé en lamentations et en consultations répétitives qui ne produisent aucune amélioration tangible pour les gens vivant dans la pauvreté.
Le projet de loi C-245 constitue une proposition clé en main pour le gouvernement fédéral, qui pourrait l'adopter et la mettre en oeuvre tout de suite. Il prévoit la création du Commissariat à la réduction de la pauvreté ainsi que du Conseil national de l'élimination de la pauvreté et de l'inclusion sociale.
Ce sont des mesures concrètes qui favoriseraient les efforts de réduction de la pauvreté ayant des effets mesurables et cumulatifs et au sujet desquels il serait possible de rendre des comptes. Les gouvernements disent souvent que notre société ne peut pas se permettre certaines mesures de réduction de la pauvreté. Au contraire, nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés.
Je voudrais tout de même rendre à César ce qui est à César: le gouvernement a mis en oeuvre l'Allocation canadienne pour enfants et il a augmenté de 10 % le Supplément de revenu garanti. Malheureusement, ces mesures ne suffiront pas, à elles seules, à éradiquer vraiment la pauvreté au Canada. Le projet de loi C-26 des libéraux est censé accroître la sécurité de la retraite pour l'ensemble des Canadiens par une bonification du Régime de pensions du Canada, mais il exclut de cette bonification des personnes figurant parmi les plus vulnérables: les femmes qui quittent temporairement le marché du travail pour avoir des enfants ainsi que les personnes handicapées. Que cette omission ait été au départ volontaire ou non, les libéraux refusent d'amender le projet de loi. Ils ne veulent strictement rien faire pour deux des groupes les plus vulnérables de la société.
Je viens de la formidable circonscription de Saskatoon-Ouest, une circonscription diversifiée où, malheureusement, il y a de la pauvreté, et la pauvreté coûte très cher. En Saskatchewan, Poverty Costs, une coalition d'organismes communautaires, a calculé que le coût économique de la pauvreté en Saskatchewan s'élevait à 3,8 milliards de dollars par année.
Bien entendu, les coûts associés à la pauvreté vont au-delà des sommes consacrées au maintien du filet de sécurité sociale du Canada. Les coûts en occasions manquées et les conséquences de l'inégalité croissante entre les résidants nous touchent tous. En outre, le recours accru aux services de santé en raison de la pauvreté coûte en Saskatchewan 420 millions de dollars par année. En raison de la pauvreté, nous devons consacrer entre 50 et 120 millions de dollars par année de plus que nous le ferions autrement au système de justice pénale.
Selon le même rapport, une personne sur dix dans notre population ne gagne pas assez pour subvenir à ses besoins fondamentaux. Un parent qui travaille à plein temps au salaire minimum ne gagne que 20 000 $ par année. C'est presque 15 000 $ sous le seuil de la pauvreté pour une famille de quatre. La pauvreté nous touche inégalement et les chiffres ont de quoi choquer: 17 % des enfants canadiens, 33 % des enfants d'immigrants et 64 % des enfants des Premières Nations vivent dans la pauvreté.
En Saskatchewan, il y a des gens, y compris des femmes, des enfants, des nouveaux arrivants, des Autochtones, des personnes handicapées et des résidants des régions rurales qui sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté et qui doivent faire face à des barrières systémiques qui les empêchent de s'en sortir.
Au chapitre de la santé, il y a des inégalités liées à la pauvreté qui découlent directement des mauvaises conditions de vie, de l'accès inadéquat à des aliments sains et du niveau de stress élevé qui accompagne la difficulté à joindre les deux bouts. Le stress que subissent ceux qui vivent dans la pauvreté peut aussi être mortel,
À Saskatoon, les adultes à faible revenu sont 4,5 fois plus susceptibles d'avoir des pensées suicidaires et 15 fois plus susceptibles de tenter de se suicider.
En Saskatchewan, comme partout au pays, le coût de la vie augmente, mais les salaires ne suivent pas nécessairement cette tendance.
En 2012, la Saskatchewan affichait le deuxième taux d'inflation en importance du pays, mais elle occupait quand même l'avant-dernier rang en ce qui a trait au salaire minimum.
La bonne nouvelle, c'est que la population est généralement plus consciente des facteurs sociaux qui ont un effet déterminant sur la santé, et que les gens sont de plus en plus favorables à ce qu'on s'attaque aux causes sous-jacentes des problèmes de santé. Environ 94 % des Saskatchewanais sont en faveur de la lutte contre la pauvreté, et 89 % sont favorables à l'adoption d'une stratégie provinciale pour lutter contre la pauvreté en Saskatchewan.
Nous étions donc très optimistes pour la Saskatchewan lorsque le gouvernement provincial a adopté une stratégie de lutte contre la pauvreté en 2014. Hélas, le Parti de la Saskatchewan a depuis fait marche arrière dans ce dossier qui est pourtant plus prioritaire que jamais.
Les faits démontrent qu'il est moins coûteux d'endiguer la pauvreté dès le départ que de compenser ses effets plus tard. La pauvreté gagne toutefois du terrain au lieu de diminuer, comme le montrent les grands titres de la semaine dernière.
D'après le Bilan-Faim 2016, un rapport exhaustif sur la faim et le recours aux banques alimentaires au Canada, la Saskatchewan affiche l'une des plus fortes hausses du nombre d'utilisateurs des banques alimentaires depuis l'an dernier. C'est aussi en Saskatchewan que la fréquentation des banques alimentaires par les enfants est la plus élevée: 45 % des personnes servies sont des enfants.
Steve Compton, le PDG de la banque alimentaire de Regina, souligne que des gens ont recours à la banque alimentaire même s'ils ont un emploi. Parmi les ménages qui ont recours aux banques alimentaires, il y en a près d'un sur six qui a un revenu d'emploi, mais qui doit tout de même se tourner vers la banque alimentaire pour joindre les deux bouts. Ce phénomène est dû en grande partie au fait que la croissance de l'emploi au Canada vient exclusivement d'emplois précaires et peu rémunérés, sans avantages sociaux. Il ne faut donc pas s'étonner que les Canadiens continuent de compter sur les banques alimentaires. Le ministre des Finances affirme, pour sa part, que nous devrions simplement nous adapter à la précarité des emplois.
Le gouvernement libéral doit reconnaître que la pauvreté augmente et doit utiliser les leviers dont il dispose pour favoriser la création d'emplois stables à long terme, plutôt que de simplement hausser les épaules. Instaurer un salaire minimum fédéral de 15 $ l'heure serait un bon point de départ.
Je suis très fière de dire que, dans ma circonscription, quatre employeurs progressistes se sont déjà engagés à payer à leurs employés un salaire décent. Un salaire décent fait une énorme différence pour les familles, les particuliers et les collectivités. Un gouvernement véritablement progressiste le comprendrait et agirait en conséquence.
La semaine dernière, l'organisme Campagne 2000 a publié son rapport annuel sur la pauvreté des enfants et des familles. C'est tout à fait navrant de constater que cette organisation, dont l'objectif était d'éliminer la pauvreté chez les enfants au plus tard en l'an 2000, existe toujours, mais surtout qu'elle est plus loin que jamais de réaliser son objectif. Après avoir passé des décennies à défendre les droits des enfants et des familles vivant dans la pauvreté, Campagne 2000 demande toujours au gouvernement fédéral d'élaborer un plan national de lutte contre la pauvreté.
Son rapport national de 2016, intitulé « Une feuille de route pour éradiquer la pauvreté des enfants et des familles au Canada », fait état des plus récentes statistiques sur la pauvreté des enfants et des familles au Canada et contient des recommandations claires à l'intention du gouvernement fédéral, afin que celui-ci fasse preuve de leadership et prenne des mesures pour mettre fin à la pauvreté des enfants et des familles.
Le projet de loi C-245 peut être la première étape. Il a déjà fait l'objet d'une étude en comité, et le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social a reconnu qu'il s'agit d'un excellent projet de loi.
Les libéraux ont déclaré à maintes reprises à la Chambre et devant différents comités que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour réduire la pauvreté au Canada, et que le Canada a besoin d'une stratégie de collaboration à long terme afin de lutter contre la pauvreté.
Un logement sûr et abordable, des services de garde abordables, des services de santé accessibles, un salaire décent et un revenu de base pour tous constituent des facteurs importants qui contribuent au bien-être des Canadiens.
J'ai bon espoir que cet excellent projet de loi sera adopté sans tarder et qu'il fera partie d'une stratégie de collaboration vraiment exhaustive qui permettra enfin de s'attaquer à tous les facteurs qui contribuent à la pauvreté dans notre pays.