C'est un véritable honneur, monsieur le Président, d'intervenir dans le débat sur cette motion très importante et sur l'amendement proposé par la chef de l'opposition.
Un des rôles qu'il me fait honneur d'occuper est celui de porte-parole en matière de défense. Les Forces armées canadiennes me passionnent. Durant la précédente législature j'ai d'abord été président du comité de la défense, puis secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale.
Je comprends les risques extraordinaires que nos forces armées, autant les forces régulières que de réserve, sont disposées à prendre pour protéger le Canada. Tout ce qui nous est cher — notre démocratie, notre liberté d'expression, nos droits et libertés —, nous le devons aux incroyables sacrifices des membres des Forces armées canadiennes et des anciens combattants qui les ont précédés.
J'aimerais rendre hommage à tous les membres actuels des Forces armées canadiennes, qu'ils servent au sein de la Marine royale canadienne, de l'Aviation royale canadienne, de l'Armée canadienne, des réserves ou des forces régulières. Je les remercie de nous protéger. Nous ne réalisons même pas les efforts incroyables qu'ils déploient 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour préserver notre sécurité au Canada.
Ils sont les yeux du Canada partout dans le monde. Ils défendent nos frontières pour empêcher le mal d'y entrer et sont toujours prêts à aller là où nul ne veut aller. Ils courent vers le danger. Leur engagement mérite abondamment le respect et la reconnaissance de chacun d'entre nous.
Je me suis entretenu avec de nombreux anciens combattants au cours des dernières semaines et des derniers mois, alors que la mission contre le groupe État islamique commençait à changer et que l'idée de retirer les CF-18 faisait son chemin. Les familles des militaires de service sont inquiètes pour leur fils, leur fille, leur époux ou leur épouse. Elles veulent s'assurer qu'ils ont toute la protection voulue lorsque nous les envoyons en situation dangereuse.
Le gouvernement conservateur précédent a adopté une approche pangouvernementale dans la lutte contre le groupe État islamique qui était très respectée par nos alliés. Nous participions à la mission de combat avec nos CF-18 et notre force opérationnelle aérienne stationnée au Koweït. Nous utilisions également un avion de ravitaillement Polaris et deux appareils de reconnaissance Aurora, qui cherchaient et traçaient des cibles, contribuant ainsi à l'affaiblissement du groupe État islamique.
C'est en raison de notre expertise, de notre travail et des risques que nous étions prêts à courir que le Canada était pris au sérieux et invité à participer aux décisions concernant la mission de combat. Les membres de nos forces d'opérations spéciales ont effectué un travail remarquable en fournissant conseils et assistance aux peshmergas kurdes et en participant à une mission d'entraînement, ainsi que de commandement et de contrôle.
Ces efforts ont vraiment porté leurs fruits lorsque, en décembre dernier, le groupe État islamique s'est lancé dans l'une des attaques les plus importantes dont la coalition avait été témoin. Il a envahi les positions occupées par les peshmergas kurdes entre Mossoul et Erbil et réussi à briser la ligne. Les forces d'opérations spéciales canadiennes et les peshmergas kurdes ont été en mesure de repousser le groupe État islamique et de reprendre le terrain perdu, avec l'aide des frappes aériennes effectuées par nos CF-18. C'est fort louable.
L'ancien gouvernement conservateur a aussi fourni de l'aide humanitaire, dont plus de la moitié a été destinée aux réfugiés et aux déplacés syriens. Nous avons ainsi fourni à des centaines de milliers de personnes de la nourriture, de l'eau, des abris, des vêtements, des soins médicaux et des possibilités d'instruction qui n'existaient pas jusque-là. Une somme de 1 milliard de dollars a été dépensée dans la région, dont plus de la moitié est allée à la Syrie.
Nous avons élargi le corps diplomatique et tenté de mobiliser davantage nos alliés afin de trouver des solutions dans la région et, au bout du compte, un règlement politique à la guerre civile en Syrie. Cependant, nous ne parviendrons pas à vaincre le groupe État islamique par des moyens diplomatiques. Nous le savons.
Le premier ministre a dit que l'arme la plus efficace contre la barbarie n'est pas la haine, mais la raison. À mon avis, aucun député n'attend du premier ministre qu'il discute avec le chef du groupe État islamique, comme Al-Baghdadi, pour essayer de le raisonner. Comme on le sait, chaque fois que les terroristes du groupe État islamique ont pris des otages, nous avons essayé de négocier avec eux, mais les otages ont fini par être tués sauvagement: enfermés dans des cages et brûlés, crucifiés ou décapités devant la caméra pour que le monde entier puisse être témoin de ces actes.
Il ne faut jamais oublier que ces gens ne sont pas raisonnables. Il ne faut pas penser, non plus, que les mesures que nous prenons pour traquer ces individus sont motivées par la haine. Nous exerçons notre devoir, celui de protéger la population, ce à quoi souscrivent tous les députés. Le devoir de protéger les personnes les plus vulnérables est un principe reconnu par les Nations unies.
Nous savons que les membres du groupe État islamique ciblent les minorités religieuses et ethniques: les chiites, les chrétiens, les yézidis, les Kurdes, les Turcs et bien d'autres. Ils s'en prennent à eux pour la seule et unique raison qu'ils n'adhèrent pas à leur idéologie perverse. Nous savons que le groupe État islamique s'en prend aux sunnites qui rejettent son projet d'instituer un califat: il les considère comme des apostats et les ostracise, les persécute et les exécute.
La seule façon de contrer le groupe État islamique, c'est de l'anéantir, parce qu'il s'agit d'une calamité. Si nous adoptons une approche globale comprenant des mesures diplomatiques, de l'aide humanitaire, de la formation et de l'aide aux institutions, il faut alors aussi prévoir des mesures de combat.
Le Canada a toujours fait sa juste part. Je dirais même que nous avons toujours fait plus que notre part. Partout dans le monde, nous avons la réputation de défendre les plus vulnérables et d'intervenir pour mettre fin aux atrocités. Il me faut donc comprendre pourquoi nous reculons aujourd'hui.
Pourquoi nous retirer d'une mission de combat pour laquelle nos forces terrestres, aériennes et navales sont si bien formées? Nos militaires peuvent, certes, s'occuper du rétablissement et du maintien de la paix, mais ce sont avant tout des combattants. Ils ont été formés pour se battre.
Je puis affirmer aux députés que tous les membres des Forces armées canadiennes à qui j'ai parlé, quelle que soit leur discipline, comprennent ce principe fondamental mieux que toute autre chose: ils doivent défendre notre pays et notre société et protéger les plus vulnérables.
Le Canada s'est toujours comporté comme un allié et un partenaire au sein d'une coalition. Nous n'avons jamais essayé de changer seuls la situation géopolitique dans une partie du monde. C'est en raison de nos liens solides avec nos alliés que nous devons nous engager davantage.
Ni le premier ministre, ni le ministre des Affaires étrangères, ni le ministre de la Défense nationale ne nous ont donné une seule bonne raison de cesser les bombardements. Les chasseurs sont déjà là, les ressources sont en place, les coûts sont comptabilisés et les résultats ont été remarquables.
Nous sommes au cinquième rang des pays pour l'importance de la contribution aux frappes aériennes. Nos appareils font plus que leur juste part des sorties. Environ 10 % d'entre elles sont faites par les avions canadiens. Nous devons garder cela à l'esprit lorsque nous entendons des reportages nous dire que le groupe État islamique a perdu des plumes, qu'il est en fuite et qu'au cours de quatre à six dernières semaines, il a dû réduire les salaires qu'il paie à son personnel, à ses terroristes et à ses combattants qui luttent contre nos gars.
Ces salaires sont l'une des principales raisons pour lesquelles l'équipe du groupe État islamique existe encore. Toutefois, comme le transport du pétrole a été interrompu, le groupe État islamique ne peut plus le vendre sur le marché noir. Les infrastructures ont été dégradées. Le ravitaillement en armes, munitions et nourriture a été considérablement perturbé. Par conséquent, le groupe État islamique n'a plus la capacité de prolonger la guerre, sauf en étant fidèle à sa logique génocidaire.
Maintenant que l'ennemi est en fuite, c'est le temps de le frapper encore plus fort. On dit toujours qu'il faudra envoyer des troupes sur le terrain. Les conservateurs le savent bien. C'est pourquoi nous avons pris la décision d'envoyer des membres des forces spéciales former les peshmergas kurdes, des alliés fiables qui se trouvent sur le terrain et qui sont prêts non seulement à tenir leurs positions au nom du gouvernement régional du Kurdistan, dans le Nord de l'Irak, mais aussi à reprendre les villes perdues aux mains du groupe État islamique. Une offensive majeure est prévue pour le printemps. Nous voulons nous assurer de pouvoir prendre Mossoul, et c'est là qu'interviendront les forces spéciales.
Oui, les conservateurs sont pour le renforcement de la mission de formation de manière à ce qu'il y ait davantage de troupes sur le terrain. Nous agissons sur ce plan de concert avec nos alliés, comme le Royaume-Uni et les États-Unis. En fin de compte, les combats de rue auront lieu au sol, mais nos troupes devront pouvoir compter sur la protection aérienne offerte avant toute chose par nos avions, comme nous avons pu le voir en décembre.
Je pense que les règles d'engagement ne sont pas toujours bien comprises par tous, mais, s'il y a une chose dont nous devons tenir compte, c'est la façon dont la force aérienne fonctionne. Tous les pays maintiennent dans leurs règles d'engagement la responsabilité de protéger leurs soldats. Si, pour une raison ou une autre, l'EIIS décidait de monter une vaste offensive contre de nombreuses positions de combat, pensant pouvoir reprendre des territoires, et que nos soldats se retrouvaient dans le pétrin, nos CF-18 seraient sur place pour les couvrir.
Nous savons ce qui arrive parfois lorsque d'autres avions se trouvent dans les parages. Le ministre parle beaucoup des erreurs du passé. Il est allé plusieurs fois en Afghanistan comme soldat, comme commandant et comme chef et il a été témoin de certaines des erreurs commises. J'aimerais rappeler à la Chambre ce qui s'est passé en 2002, lorsqu'un F-15 de l'armée américaine a largué une bombe de 500 livres sur des Canadiens que le pilote avait pris pour des talibans. Quatre soldats canadiens sont morts et huit autres ont été grièvement blessés.
En 2006, des soldats canadiens brûlaient des ordures au camp lorsque le pilote d'un jet A-10 Warthog de l'armée américaine qui était désorienté en raison de l'heure a ouvert le feu sur eux, tuant un soldat canadien. Nous ne pouvons pas nous permettre de minimiser l'importance d'une communication directe entre les jets canadiens et les soldats canadiens au sol. Nos soldats ne sont pas des combattants principaux, mais nous les avons vus essuyer des tirs à maintes reprises. Ne serait-ce que pour cela, ils ont besoin d'une protection aérienne serrée.
Nous triplons le nombre d'instructeurs, qui passera à 220. Selon le général Vance, cela accroît le danger. Par conséquent, il devient encore plus important que nos six CF-18 continuent de participer au combat.
Quand on examine cette motion et l'annonce qui a été faite, on constate qu'il y manque encore des détails. Après l'annonce, on a appris que le Canada allait avoir recours à des hélicoptères Griffon. Nous ne savons toujours pas s'ils seront armés ou non. Serviront-ils d'appui au combat rapproché ou de moyen de transport au cas où il faudrait apporter une aide médicale et transporter des blessés vers des hôpitaux? Permettront-ils de transporter des gens d'un lieu à un autre sans qu'ils soient exposés à des engins explosifs improvisés sur les routes? Nous avons appris une leçon en Afghanistan, où de nombreux soldats ont été blessés ou tués par des bombes placées en bordure des routes. Nous devons savoir exactement à quoi servira cet escadron d'hélicoptères Griffon.
Il est question collecte de renseignements, ce dont nous nous réjouissons. Il est question d'offrir davantage de formation médicale, secteur dans lequel le Canada a une excellente réputation. Je devrais faire valoir le point suivant. À l'heure actuelle, cette mission canadienne en Irak est très semblable à ce que nous faisons aussi en Ukraine. Il s'agit strictement d'une mission de formation. Le Canada forme les combattants principaux sur la façon d'affronter l'ennemi, il contribue au commandement et au contrôle, il offre des conseils et de l'aide. Ce n'est plus une mission de combat au sens où on l'entend habituellement.
Les règles d'engagement de nos troupes sur le terrain sont les mêmes que celles de soldats du maintien de la paix. Si nos soldats se trouvaient en Bosnie et qu'ils se faisaient tirer dessus, ils auraient tout à fait le droit de se protéger. C'est à ce but précis, c'est-à-dire à se défendre, que servent vraiment les armes qu'ils portent.
Quoi qu'il en soit, il faut encore examiner l'ensemble de la mission. C'est pour cela que notre réputation sur la scène internationale est ternie. Nous ne prenons plus place à la table principale, nous ne décidons plus où nos troupes seront stationnées ni comment est menée l'offensive contre l'EIIS pour finir par écraser l'ennemi.
On nous cite ce que les libéraux prennent pour des félicitations pour un travail bien fait. Tout le monde ici présent sait reconnaître les belles paroles que les représentants des pays amis et alliés s'échangent par courtoisie devant les médias — je tenais moi-même de tels propos en ma qualité de secrétaire parlementaire. Mais nous ne sommes pas tous dupes. J'ai entendu des gens au département d'État américain et au ministère de la Défense manifester leur mécontentement à l'égard de la décision du Canada de ne pas faire sa part dans la mission de combat.
Matthew Fisher, correspondant étranger de premier plan, a décrit la chose comme suit. Selon lui, l'idée que nos amis et alliés seraient heureux de voir nos CF-18 rentrer au Canada est une ineptie.
David Fraser, major-général à la retraite, a dit: « Si nous n’avons pas nos chasseurs, nous n’aurons pas beaucoup de poids. Nous n’aurons pas beaucoup de reconnaissance. D’un point de vue stratégique, au plan politique, nous serons perdants. » Il a ajouté que si les frappes à elles seules ne nous permettront pas de gagner, nous ne pourrons certainement pas gagner sans elles.
Le Canada a un rôle à jouer. Nos pilotes sont parmi les meilleurs au monde. Les CF-18 ont été modernisés. Ils sont maintenant dotés du meilleur matériel technologique. Seuls quelques pays disposent des ressources pour faire ce que font les CF-18, soit cibler, affaiblir et éliminer. À notre connaissance, aucun des bombardements de CF-18 n'a été associé à des pertes civiles. Ils ont toujours atteint la cible et permis de détruire des infrastructures, des postes de combat, des camps d'entraînement et des caches d'armes.
Je terminerai en disant ceci: je sais que les libéraux écoutent ce que disent certains vétérans du parti. John Manley, pour qui bien des personnes ici ont beaucoup de respect, a dit que nous ne pouvons nous asseoir à la table et prétexter devoir aller aux toilettes quand le serveur arrive avec l'addition, mais que c'est précisément ce que nous faisons en misant sur notre réputation pearsonienne plutôt que de réaliser la vision proposée par Pearson.
Je demande au gouvernement de repenser la mission dans son ensemble et de laisser les CF-18 poursuivre le combat. Encore une fois, je tiens à remercier tous les membres des Forces armées canadiennes, en particulier les membres des forces d'opérations spéciales et de la force opérationnelle aérienne, y compris nos pilotes de CF-18. Je leur souhaite la meilleure des chances. Nos pensées et nos prières leur sont dédiées. Bonne chance.