Madame la Présidente, je tiens moi aussi à exprimer ma profonde gratitude pour le ton que les députés ont adopté. Il s'agit d'une discussion très intense et très triste.
C'est un privilège pour moi de parler de la motion M-174, qui porte sur la prévention du suicide.
Nous discutons d'un sujet dont les gens ont souvent beaucoup de mal à parler, alors je tiens à profiter de l'occasion pour reconnaître les proches qui vivent la réalité du suicide, surtout à la lumière du discours qui a précédé le mien.
Il est tout simplement impossible d'imaginer que quelqu'un que l'on aime puisse se suicider. Je tiens à souligner que certaines communautés au Canada sont aux prises avec des taux de suicide particulièrement élevés, notamment les Autochtones, la communauté LGBTQ2, les militaires et les anciens combattants, pour ne nommer que celles-là.
En février dernier, un jeune homme de ma famille a réussi à se suicider. Cet événement a été dévastateur pour notre village d'un peu plus de 300 habitants, pour ma famille et, surtout, pour ceux qui l'aimaient le plus, c'est-à-dire ses parents, sa soeur, ses oncles, ses tantes, ses cousins, ses cousines et ses grands-parents.
Le suicide bouleverse profondément les gens qu'il touche. Ces personnes sont rongées par les questions. Comment est-ce possible? Pourquoi? La plupart des gens autour ne savent pas trop comment se comporter. J'ai entendu parler de cas où les proches d'une personne qui s'est suicidée se retrouvent complètement isolés parce que l'entourage ne sait pas trop comment aborder la question, comment parler de la douleur éprouvée, et il trouve donc plus simple d'éviter ces personnes. Que peut-on dire à une personne qui a perdu un être cher par le suicide?
J'ai vu le père de mon proche vivre cette situation difficile. Il n'arrivait pas à prononcer les mots. Les mots sont puissants, nous le savons. Le simple fait de les dire tout haut rend les choses plus réelles. Comment une personne arrive-t-elle vivre avec cette douleur? Comment peut-on l'aider? Qui peut-on appeler? Voilà pourquoi nous avons besoin d'un plan d'action national pour la prévention du suicide pour aider les Canadiens, un plan global de prévention du suicide et de soutien en cas de suicide.
Chaque mois, en moyenne, un militaire actif des Forces armées canadiennes se suicide. En tant que députée qui compte une base militaire dans sa circonscription, je pense qu'il est important que la Chambre en soit consciente. L'épidémie se poursuit, et ce, malgré certaines des mesures concrètes qui ont été adoptées pour faire face aux problèmes de santé mentale dans les forces armées.
Lorsque le projet de loi C-77 a été adopté à la Chambre, à la fin de l'année dernière, j'étais déçue qu'il ne supprime pas l'alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale. Cet alinéa fait de la mutilation une infraction disciplinaire aux termes du code de discipline militaire. Je suis profondément préoccupée par le fait que des membres des forces armées puissent envisager sérieusement de se suicider tout en se sentant incapables de le dire ou de demander de l'aide parce qu'ils pourraient faire l'objet de sanctions disciplinaires. Ce sont des conditions terribles pour une personne qui souhaite dévoiler cette vérité accablante à son sujet. Lorsque des gens vivent une situation qui les amène à envisager la mutilation, il doit exister un moyen pour eux de se manifester en toute sécurité.
En comité, le député d'Esquimalt—Saanich—Sooke a proposé une modification pour supprimer l'alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale. Malheureusement, la modification a été rejetée, soi-disant pour des raisons de procédure. La proposition a été présentée de nouveau à la Chambre dans le projet de loi C-426. Compte tenu des sentiments qui règnent à la Chambre, j'espère vraiment que la mesure législative obtiendra le consentement unanime à toutes les étapes lorsque nous en serons saisis.
On se rend compte, dans le contexte du débat sur la motion M-174, qu'il faut régler ce problème. Il ne faut pas que les Canadiens pensent ne pas pouvoir demander l'aide dont ils ont désespérément besoin. Les Forces armées canadiennes méritent qu'on les aide. La simple existence de l'alinéa 98c) demeure un obstacle pour les membres des Forces canadiennes à la recherche de l'aide en santé mentale dont ils ont besoin, et la Chambre n'a plus qu'une seule occasion de régler ce problème. J'aimerais vraiment que cela se fasse pendant la présente législature.
Aujourd'hui, nous débattons de la motion M-174, déposée ici par le député de Timmins—Baie James. J'aimerais le remercier de son travail et de ses efforts inlassables dans ce dossier et d'avoir présenté la motion. Je suis soulagée d'apprendre que le gouvernement va l'appuyer.
Je remercie aussi le député parce que cette motion parle de l'isolement dont j'ai parlé plus tôt. Lorsque les gens se suicident, ou lorsque leur tentative échoue, tout le monde est touché, et c'est souvent l'isolement qui est la partie la plus difficile à supporter. Les gens ne savent pas trop quoi dire, terrifiés devant la douleur que représente ce choix, quel qu'en soit le résultat.
Cela illustre parfaitement bien les raisons pour lesquelles il est si important d'avoir un plan d'action national de prévention du suicide. On doit s'atteler à cet enjeu de façon directe et holistique. Plus il y a d'isolement et de silence autour du suicide, plus les gens cacheront leurs pensées et moins ils demanderont l'aide dont ils ont besoin.
Il est impératif de ne laisser pour compte aucune collectivité. Nous devons avoir un cadre, car il y a beaucoup de collectivités petites ou isolées, comme celles que je représente, qui ont un accès limité aux services. Comment leur tendre la main de façon sécuritaire? Nous savons tous que lorsque des suicides ont lieu dans une petite collectivité, il y a souvent un effet de contagion.
Le jeune homme dont j'ai parlé et qui est un membre de ma famille est la seconde personne à s'être suicidée depuis un an et demi dans notre petite collectivité de moins de 300 habitants. La portée de son geste a été immense dans la collectivité et chacun a craint qu'il ne soit imité par un autre enfant.
Quand je pense aux messages que certains jeunes affichent sur Facebook et qui sont une remise en question de l'existence, je vois à quel point il est important de traiter le problème d'isolement auquel font face ces enfants. On ne pourra y arriver que par un cadre applicable à l'échelle du pays, qui nous permette d'agir collectivement.
Personne ne veut vivre cette expérience. Je pense à mon frère qui a un grave problème de santé mentale. Je pense à la force dont il a dû faire preuve pour relever de multiples défis. C'est dur pour lui de faire face à des gens qui ne comprennent pas le problème de santé mentale invisible dont il souffre quotidiennement. Le fait que des gens ne le comprennent pas et lui manquent de respect m'inquiète.
Nous savons tous ce que c'est d'aimer quelqu'un et de sentir que nous nous battons pour sa vie. Je suis vraiment heureuse qu'on en parle et qu'on envisage un système pour s'attaquer à ce fléau.
Le comité des anciens combattants a récemment commencé une étude sur les effets de la prise de méfloquine par les anciens combattants. La méfloquine est un médicament qui aide à prévenir et à guérir le paludisme, mais qui, on l'a découvert, peut avoir un effet toxique sur le cerveau. Un grand nombre d'anciens combattants partout au pays ignorent qu'ils souffrent d'empoisonnement à la méfloquine et que leurs symptômes s'y rapportent directement. Certains anciens combattants se sont enlevé la vie, et l'on se demande si les effets non diagnostiqués de l'utilisation de la méfloquine pourraient en être partiellement responsables. C'est une question que nous devons examiner, et c'est pourquoi cette motion est très importante.
Je n'ai pas parlé de toutes les collectivités vulnérables du pays qui sont aux prises avec un taux de suicide élevé. Leurs histoires doivent être entendues, et j'espère voir tous les députés appuyer cette motion afin que le travail de prévention puisse se faire. Je suis très heureuse de constater que beaucoup de députés vont l'appuyer, mais nous devons nous assurer que tous le fassent.
Le Canada dispose actuellement d'un cadre fédéral de prévention du suicide, mais celui-ci ne prévoit pas de financement, d'objectifs, d'échéanciers ou d'activités visant à réduire le nombre de suicides. En outre, il n'assigne pas de responsabilités aux provinces et aux territoires. Nous savons que, si personne n'a la responsabilité du dossier, si aucun objectif n'est fixé et si les ressources ne sont pas au rendez-vous, le travail ne se fera tout simplement pas.
Je dois dire à quel point je suis honorée d'être ici alors que nous discutons d'une des questions les plus difficiles. Nous faisons tous face à des difficultés, et il faut trouver le courage d'en parler alors que souvent, d'autres se taisent. J'encourage tous les députés et tous les Canadiens à se souvenir de tendre la main à ces gens, même lorsque c'est difficile et que cela les met mal à l'aise. Parfois, il faut être solidaire avec les gens, même lorsqu'ils se sentent mal. Nous devons reconnaître que nous sommes également mal à l'aise, mais nous devons leur faire savoir que nous les accompagnons et que nous les soutenons.
Je pense que le projet de loi contribuera à encourager cela et je suis vraiment heureuse que nous allions l'appuyer et voir des changements s'opérer au Canada.