Monsieur le Président, pour commencer, je me ferai un devoir de rappeler à certains de mes collègues ce qu'est la gestion de l'offre et les avantages qui en découlent.
Le secteur laitier, tout comme celui de la volaille et des oeufs, fonctionne selon ce système. La gestion de l'offre repose sur plusieurs principes de base qui permettent d'éviter la surproduction ou la pénurie grâce à un système de quota de production conçu pour combler entièrement le marché intérieur, mais sans causer de surplus.
Ce système permet au producteur de couvrir entièrement ses coûts de production et de dégager un revenu décent. La gestion de l'offre fait que les gouvernements n'ont pas besoin, contrairement aux Américains, de subventionner l'industrie. Cela devrait plaire à mon collègue de Beauce. Je comprends qu'il est pour une réduction de la taille de l'État, mais je suis porté à croire qu'il a du mal à saisir l'enjeu du débat, en voulant abolir le présent système. Je lui conseillerais donc de retourner faire ce qu'il fait de mieux, c'est-à-dire des jingles de campagne électorale.
Le 16 mai dernier, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire adoptait une motion qui enjoignait le gouvernement de faire quatre choses: reconnaître le problème et reconnaître que l'industrie demande que le problème soit résolu, rencontrer les intervenants de l'industrie laitière, proposer une solution durable puis présenter son plan au Comité.
En fait, le gouvernement nous dit depuis un an qu'il a un plan. J'espère qu'il va le sortir cette fois-ci. Nous avons hâte de le voir.
Les membres libéraux du Comité ont senti le besoin de l'adopter, pour inciter le gouvernement à reconnaître qu'il y a un problème. C'est déjà cela de pris. Comme ils ont l'habitude de se taire complètement, cette prise de position un peu insignifiante est déjà une amélioration. À ce rythme-là, ils finiront peut-être par faire leur travail d'ici 40 ou 50 ans.
Soit dit en passant, 40 ou 50 ans, c'est environ le temps qui s'est écoulé depuis que le gouvernement libéral a exproprié 97 000 acres de terres agricoles dans mon comté pour une aérogare qui est maintenant en cours de démolition. Les parlementaires qui vivent au Québec voient ce fiasco historique chaque fois qu'ils empruntent l'autoroute 50 pour se rendre ici, au Parlement.
Le problème du lait diafiltré aurait pu être un grand enjeu pour les milliers de familles déportées de leur terre, mais comme le gouvernement les a volées, il y a près de 50 ans, c'est l'enjeu de la rétrocession des terres qui les préoccupent.
Revenons au Comité. Ce rapport est vraiment faible, édenté et inefficace. Plutôt que demander au gouvernement de reconnaître le problème et de continuer à discuter, le Comité aurait dû lui demander d'appliquer ses propres règlements. C'est probablement ce qui se serait passé si le Bloc québécois avait été membre du Comité, parce que nous, nous n'avons pas l'habitude de courber l'échine comme les députés libéraux du Québec qui sont assis de l'autre côté. Ils ne font que respecter les lignes écrites d'avance du gouvernement.
Il faut se rappeler qu'un député d'un parti pancanadien est peu fiable quand vient le moment de défendre un enjeu majeur pour le Québec. Nous pourrions parler du projet de pipeline Énergie Est et des sables bitumineux, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Toutefois, cela reste un enjeu majeur.
Ce qui nous intéresse ici, c'est la gestion de l'offre. La majorité de l'agriculture canadienne se trouve dans l'Ouest avec des fermes qui pratiquent la monoculture pour l'exportation. Tout cela, c'est le contraire de ce que nous faisons au Québec, avec notre modèle de souveraineté alimentaire. Le fédéral veut ouvrir les frontières pour faire plaisir aux gens de l'Ouest. Il les ouvre un petit peu, de temps en temps: 5 % dans l'OMC, 7 % dans l'AECG et encore 4 % à venir dans le PTP.
À chaque négociation, les exportateurs de l'Ouest gagnent un marché étranger et le Québec perd des morceaux du marché intérieur.
Les députés pancanadiens sont donc coincés entre l'Ouest et le Québec et adoptent ce genre de résolution pour la forme, mais sans grande conviction.
Avec tous ces faits, on se retrouve avec un rapport famélique comme celui d'aujourd'hui. Je ne vois pas d'autres raisons qui expliquent un rapport aussi faible, tandis que les régions sont venues hurler leur colère, la semaine dernière, ici même sur la Colline d'un Parlement qui les ignore et à un ministre et à son secrétaire parlementaire qui ont clairement oublié leurs origines au profit de leur carrière.
Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire a fait un beau discours. J'ai aimé la façon dont il parlait de lui à la troisième personne quand il parlait des rencontres avec les représentants de l'industrie laitière.
Il y a trois théories dans une telle situation. La première est que le secrétaire parlementaire est devenu vraiment imbu de lui-même. La deuxième est qu'il n'est pas secrétaire parlementaire et qu'il n'a pas assisté à ces rencontres. La troisième est qu'il ne fait que lire les lignes écrites de son parti. On lui demandera de choisir entre les trois, mais aucune des trois n'est très glorieuse.
J'aurais aimé voir les libéraux marcher avec nous sous la pluie, jeudi dernier, avec mon collègue de Joliette et mes nombreux collègues qui étaient présents sur la Colline. J'aurais aimé les voir enlever leurs petits souliers propres et faire comme je le fais tous les jours quand je viens siéger au Parlement, c'est-à-dire mettre leurs bottes de travail et venir se battre pour défendre leur monde. J'aurais aimé cela. Or cela n'est pas arrivé parce qu'ils étaient occupés à se promener en limousine.
On dit que le pouvoir corrompt, et comme le Parti libéral n'a pas changé de culture d'entreprise en 10 ans de purgatoire dans l'opposition, le ministre et le secrétaire parlementaire ont bien été assimilés par le pouvoir.
Le Bloc appuiera la motion d'aujourd'hui parce qu'on ne peut pas être contre la vertu. Toutefois, elle reste complètement insignifiante et sans portée valable parce que le gouvernement n'a pas le courage d'appliquer sa propre réglementation et est soumis aux aléas du marché américain, qui décide de ce qu'il fait. En ce moment, le gouvernement n'est donc que le pantin du gouvernement américain.
Les libéraux n'ont aucun intérêt à défendre l'ensemble de l'industrie agricole. Ils ne font que négliger les familles qui nous nourrissent pour les mener à la faillite. Cela leur évitera de racheter les quotas avant d'abolir la gestion de l'offre. En effet, c'est ce que leur libéralisme économique va amener. Par ce genre de politique colonialiste et libérale, le Canada ne fait que prouver, une fois de plus, comme dans de nombreux dossiers, que le Québec et son agriculture seraient beaucoup mieux servis si celui-ci contrôlait lui-même ses lois, ses impôts et ses traités. Le Canada ne fait que prouver, encore une fois, que le Québec serait mieux en étant libre et indépendant.