Monsieur le Président, je prends la parole pour m’opposer au projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs.
Je partagerai mon temps avec le député de Saskatoon—Grasswood.
Il y a quelque chose de très ironique dans les rumeurs voulant que le gouvernement libéral envisage de présenter une motion d’attribution de temps afin de limiter le débat sur un projet de loi qui régirait le déroulement de nos élections désormais. Il n’y a pas eu suffisamment de débat sur cette importante mesure législative, et j’espère que les libéraux ne donneront pas suite à leurs menaces d’attribution de temps.
Cet important projet de loi et le manque de respect que le gouvernement continue d’afficher pour nos institutions démocratiques affaibliront considérablement la position du Canada après seulement quatre ans de règne libéral. Notre premier ministre, le chef du Parti libéral du Canada, a sans cesse essayé d’utiliser toutes sortes d’astuces pour faire pencher la balance électorale en sa faveur, mais les Canadiens voient clair dans son jeu et soulèvent des objections raisonnables et crédibles. N’oublions pas sa tentative de réviser à fond notre système électoral en fonction de sa préférence personnelle, un système qui avantagerait grandement un parti au détriment de l’autre.
Je suis sûr que la plupart de mes collègues se rappelleront la campagne électorale de 2015 où, lors des divers débats des candidats, les libéraux nous ont assuré que ce serait la dernière élection générale menée au Canada selon le système majoritaire uninominal à un tour. Ils donnaient une garantie formelle que ce seraient les dernières élections tenues selon le système majoritaire uninominal à un tour. Combien de temps cela a-t-il duré? Nous avons tous vu à quelle vitesse ils ont tourné casaque dans ce dossier.
Les Canadiens ont tenu tête au premier ministre, ont soutenu les efforts de l’opposition et fait reculer les libéraux. Alors, pourquoi maintenant? Pourquoi le Parti libéral fait-il pencher la balance en sa faveur, alors qu’il n’est au pouvoir que depuis près de trois ans? Je soupçonne que c’est parce que les libéraux ont du mal à recueillir des fonds à l’approche des élections de 2019.
Le parti des activités de financement donnant un accès privilégié a été démasqué et voilà qu’il s’en prend maintenant aux partis de l’opposition pour limiter la capacité des députés de dépenser l’argent que les Canadiens ont librement donné pour soutenir les efforts que nous faisons en vue de réclamer des comptes au gouvernement. Le premier ministre, ses ministres et même ses députés d’arrière-ban ont démontré en seulement trois ans qu’ils ont du mal à suivre les règles. Donc, comment les Canadiens peuvent-ils leur faire confiance au sujet des institutions démocratiques du pays alors que leur niveau d’éthique est si bas?
Si cette loi entre en vigueur et que l’on considère la carte d’information de l’électeur comme une preuve d’identité valide, près d’un million de votes risquent d’être considérés comme les résultats de fraudes électorales. J’en reviens au jour où, il y a quelques années, le directeur des élections, M. Marc Mayrand, a comparu devant le comité de la procédure et des affaires de la Chambre, où je siégeais. Il n’a cessé de répéter que les cartes d’information contenaient d’innombrables erreurs. À la suite de ce témoignage et de la découverte subséquente que 980 000 cartes contenaient des erreurs et avaient été envoyées à la mauvaise adresse, on a décidé qu’il ne serait pas sage d’utiliser cette carte comme preuve d’identité.
À l’heure actuelle, les Canadiens doivent présenter une pièce d’identité dans une multitude de situations. Ils doivent le faire pour acheter de l’alcool, pour monter dans un avion, pour être admis à l’hôpital, pour s’abonner à Internet, pour louer un appartement, pour ouvrir un compte en banque, pour obtenir la clé de leur chambre d’hôtel, pour louer une auto, et dans tant d’autres situations. Malgré cela, le gouvernement libéral ne pense pas qu’il soit nécessaire d’obliger les électeurs à présenter une pièce d’identité valide pour aller voter. Le droit de vote compte parmi les privilèges les plus précieux d’une démocratie, et le gouvernement libéral est prêt à le compromettre en considérant la carte d’information de l’électeur comme une preuve d’identité valide, alors qu’à la dernière élection, 980 000 de ces cartes contenaient des erreurs.
Examinons un peu les documents d’identité qui sont acceptables à l’heure actuelle en vertu de la Loi sur l’intégrité des élections. Il y a la carte d’assurance-maladie, un passeport, un certificat de naissance, une carte d’assurance sociale, un certificat de statut d’Indien, la carte de membre d’une bande, une carte de Métis, une carte d’identité des Forces canadiennes. Je ne cite là que quelques cartes et documents qui nous permettent, en présentant deux d’entre eux, de prouver notre identité et notre adresse. Cependant, pour les rares Canadiens qui ne peuvent pas présenter deux de ces documents, voici une liste d’autres formes d’identification acceptables: l’étiquette collée sur la fiole d’un médicament sur ordonnance, une carte de donneur de sang, une carte de crédit, une carte de débit, une carte d’étudiant, une carte de bibliothèque, une carte de client de l’Institut national canadien pour les aveugles, un permis de pêche ou de chasse, une lettre d’une école, un bail, un contrat d’hypothèque ainsi qu’un état de compte ou une facture électronique où figure l’adresse de la personne. Il suffit d’imprimer cet état de compte ou cette facture électronique et de l’amener au bureau de vote avec un autre document de cette liste.
Si mes collègues d’en face peuvent me nommer des électeurs qui n’ont pas réussi à fournir deux de ces documents d’identité, je suis sûr que nous trouverons d’innombrables façons de les aider à obtenir ce qu’il faut dans la longue liste que je viens de dresser.
Les membres du Parti libéral voudraient pouvoir affirmer que la Loi sur l’intégrité des élections vise à réduire les taux de participation électorale. En réalité, malgré ces règles, le taux de participation s’est avéré plus élevé que jamais à la dernière élection. De notre côté de la Chambre, nous ne craignons aucunement les taux de participation élevés. Le gouvernement actuel a fait une telle gabegie des finances du Canada que nous sommes sûrs qu’en 2019, les Canadiens se précipiteront en très grand nombre aux bureaux de vote pour freiner la hausse de la dette que le gouvernement laisse à leurs enfants et à leurs petits-enfants.
Je viens de parler d’une section de cette loi, celle qui concerne la carte d’information de l’électeur. J’y vois deux autres sections tout aussi troublantes, le financement des campagnes électorales et le registre national des futurs électeurs.
Il y a eu de nombreuses allégations voulant que des millions de dollars en financement étranger aient été acheminés à des groupes de pression tiers pendant les élections de 2015. Selon ce qui est rapporté, la fondation Tides a versé 1,5 million à des tiers canadiens pendant la seule année des élections. Les conservateurs veulent savoir où en est toute enquête en cours et quelles mesures ont été prises pour régler le problème de l'ingérence étrangère dans les élections de 2015. Si les libéraux étaient vraiment déterminés à empêcher l'ingérence étrangère dans les élections canadiennes, ils auraient dû régler ce problème il y a des mois.
Ils ont par contre proposé de limiter les dépenses pendant la période préélectorale. Cette période irait du 30 juin, date à laquelle les élections sont déclenchées, au jour du scrutin. Pendant ce temps, les partis politiques devraient s'en tenir à un certain plafond de dépenses alors que les libéraux auraient accès à des services de transport gouvernementaux et pourraient faire des annonces de financement et passer des publicités gouvernementales. On voit clairement que les libéraux font pencher la balance en leur faveur. Ce n'est pas démocratique et les Canadiens en sont bien conscients.
Qui plus est, ce projet de loi créerait un registre national des futurs électeurs. Ici aussi, les Canadiens ont des craintes, et avec raison. Ils voient dans cette mesure que le Parti libéral du Canada veut simplement s'ingérer dans la vie privée des jeunes Canadiens et recueillir des renseignements les concernant à des fins politiques. Nous avons tenté à plusieurs reprises d'obtenir une réponse claire de la part de la ministre à ce sujet pendant la période des questions, mais on ne nous a servi que des semblants de réponse et des phrases toutes faites.
Pour terminer, n'oublions pas que le gouvernement libéral actuel a déjà réussi à ne pas respecter le délai fixé par le directeur général des élections lorsqu'il a comparu le mois dernier devant le comité. Il a déclaré ceci:
Lors de ma dernière comparution en février, j'ai indiqué que la fenêtre d'opportunité pour mettre en oeuvre des changements majeurs à temps pour les prochaines élections générales rétrécissait rapidement. Ce message n'avait rien de nouveau: M. Mayrand et moi-même avions déjà indiqué que les changements législatifs devaient être adoptés avant avril 2018. Cela signifie que nous sommes maintenant au point où la mise en oeuvre de nouvelles dispositions législatives comportera vraisemblablement certains compromis.
La décision du gouvernement d'autoriser l'usage de la carte d'information de l'électeur comme pièce d'identité représente un échec en puissance. C'est une carte d'information et non une carte d'identité, même si les députés d'en face la décrivent souvent comme telle. D'ailleurs, nous venons juste d'entendre mon collègue de Winnipeg en parler à maintes reprises comme d'une carte d'identité de l'électeur dans son discours. Ce n'est pas une carte d'identité de l'électeur. Le site Web d'Élections Canada indique clairement qu'il s'agit d'une carte d'information de l'électeur et non d'une carte d'identité. C'est une carte d'information parce que son but est de fournir de l'information. Comme on l'a déjà dit, aux élections de 2015, 986 613 cartes d'information de l'électeur contenaient des renseignements inexacts. Elles ont été envoyées à de mauvaises adresses ou étaient incomplètes. Pourtant, l'utilisation de près d'un million de cartes d'information de l'électeur inexactes à titre de pièce d'identification ne pose aucun problème pour les libéraux.
Le projet de loi laisse énormément à désirer. Il est axé sur une idéologie malavisée, et le gouvernement essaie de le faire adopter à toute vapeur à la Chambre après avoir raté le délai fixé par le directeur général des élections. J'espère que mes collègues d'en face se joindront aux conservateurs pour voter contre cette mesure législative.