Madame la Présidente, je pourrais rester ici quelques minutes de plus pour écouter le député. Il y a tant à apprendre, parce que ce débat comporte de multiples facettes. Nous avons des gens qui ont travaillé dans le milieu policier pendant 35 ans et qui apportent leur expérience dans cette enceinte. Les gens qui ont fait l’objet d’accusations criminelles ont aussi beaucoup de choses à dire sur ce sujet. Il y a tellement de choses différentes que nous devons considérer, alors je respecte les propos du député. C’est ce qui fait qu'on a un débat sain à la Chambre des communes.
Je suis fière d’intervenir sur le projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis. Même si je ne suis pas entièrement en faveur du projet de loi, j’estime qu’il est dans l’intérêt des Canadiens.
Tout d’abord, je dois avouer que je m’inquiète des coûts pour les contribuables. Il y a différentes façons de voir les choses. Sous le gouvernement conservateur précédent, on appliquait le principe de l'utilisateur-payeur. Le processus a été mis en place et, pendant de nombreuses années, en tant qu’adjointe de circonscription, j’ai rencontré bien des gens qui avaient besoin d’obtenir une suspension de leur casier judiciaire.
Nous passions en revue avec eux toutes les démarches qu'ils devaient entreprendre, qu'il s'agisse d'aller au poste de police ou au palais de justice. Dans bien des cas, les gens voulaient obtenir une suspension de leur casier afin de se trouver un meilleur emploi pour mieux gagner leur vie et améliorer leur sort. Je respecte entièrement cela.
Pour beaucoup de gens, bien qu’il y ait différentes façons de voir les choses, ce que j’ai constaté, c’est que le système d’utilisateur-payeur était parfois très difficile. Ce que j’ai trouvé vraiment difficile, c’est de voir tous ces gens qui voulaient juste avoir un bon emploi, pour avoir une vie meilleure, mais qui n’avaient pas les moyens de se payer un pardon. Le montant à payer est parfois un véritable obstacle.
En fin de compte, ce qu’on veut savoir, c’est ce que ça va coûter aux contribuables. Le ministre de la Sécurité frontalière a indiqué qu’il pourrait y avoir jusqu’à 400 000 Canadiens qui ont un casier judiciaire pour possession simple de cannabis, mais le gouvernement s’attend à ce qu’entre 70 000 et 80 000 personnes soient admissibles au programme. Selon les responsables de la sécurité publique, le coût serait d’environ 2,5 millions de dollars, ce qui équivaut approximativement à 10 000 demandeurs.
Il existe différentes façons de s'y prendre. Je crois que lorsqu’une personne enfreint la loi, il faut qu’elle soit punie, mais il arrive parfois que les peines deviennent éternelles lorsque les gens n’ont pas les moyens de demander une suspension de leur casier, qui ne disparaîtra pas de lui-même. Si les gens n’ont pas les moyens de payer pour la suspension, leur casier continuera de les suivre.
C’est pourquoi j’aimerais que le gouvernement envisage la possibilité d’un examen des ressources. Les libéraux parlent tout le temps de l’examen des ressources et du fait qu’ils n’aident pas les millionnaires ou les gens qui n’ont pas besoin d’aide, alors je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas envisagé de faire un examen des ressources pour ce projet de loi. Ceux qui n’en ont pas les moyens pourraient payer moins — payer une petite partie ou payer les documents judiciaires, les dossiers ou tout ce dont ils ont besoin. Ce serait sûrement une tâche difficile, mais nous aurons plutôt une situation où des gens sans revenus et d'autres qui gagnent 500 000 $ par année paieront la même chose pour que ce soit un programme dit « universel ».
Nous savons que le programme est coûteux, alors si nous voulons mettre en place une mesure de réduction de la pauvreté, assurons-nous d’aider ceux qui vivent dans la pauvreté en réduisant les coûts pour eux afin de leur permettre d’avoir une vie meilleure.
Il a notamment été question de déterminer si la suppression des casiers judiciaires était nécessaire, l’idée étant que les gens se disent qu’il est facile de trouver un emploi et que ce n'est pas si grave d’avoir un casier judiciaire. J’ai vécu une période de ralentissement économique, et les gens qui avaient perdu leur emploi chez Ford à St. Thomas ou chez Sterling ou ailleurs cherchaient maintenant un nouvel emploi. Le fait d'avoir un casier judiciaire a nui à certains d'entre eux.
Beaucoup de gens diraient que cela va à l'encontre des droits de la personne. S’il n’y a aucune raison de s’inquiéter de ce casier judiciaire et que cela n’a rien à voir avec la capacité de faire le travail, l’employeur ne devrait pas se soucier de savoir si le candidat a un casier judiciaire. Mais soyons honnêtes: quand une entreprise reçoit 200 candidatures, il est très facile de mettre le candidat ayant un dossier « de côté », car ce sont des questions que l’entreprise ne veut pas traiter. Les entreprises ne savent pas que le casier peut être lié à une possession simple de marijuana, mais c’est un moyen simple de séparer le bon grain de l'ivraie, même si en procédant ainsi on risque de perdre le meilleur candidat. Voilà certaines des choses que nous devons comprendre.
Un des éléments clés de ce projet de loi est la réduction de la pauvreté. Je crois qu’il est extrêmement important de donner à tous les Canadiens la chance d’améliorer leur sort, et maintenant que nous avons une loi qui permet la possession de cannabis et la consommation de cannabis pour les personnes âgées de plus de 18 ans au Canada, nous devons être en mesure de nous assurer qu’aucune barrière ne continuera à nuire à ceux qui ont un casier pour possession simple. Dans le cadre d’une stratégie de réduction de la pauvreté, la suspension de casier est essentielle pour permettre à ces gens d’avoir une vie meilleure. Ce projet de loi devrait être mis en œuvre dans le cadre de cette stratégie.
Les forces de l'ordre semblent plutôt favorables, même si leur appui varie selon le moment. Comme vient de le dire le député, les gens font parfois l'objet d'accusations réduites. Certaines personnes qui vendaient de la drogue dans la rue ou qui étaient aussi en possession d'autres drogues que le cannabis ont fait l'objet d'accusations réduites. Elles avaient peut-être commis d'autres délits mineurs, mais c'est la possession de cannabis qui a été retenue, et les accusations finales ne portaient peut-être que sur ce seul délit.
Comme vient de le dire le député, si nous pouvions aller plus loin, ce serait une excellente chose, mais jusqu'où devrions-nous aller? Finalement, cela ralentirait le processus, qui ne serait pas aussi rapide que les gens le voudraient. C'est important, toutefois, parce que le casier judiciaire de certaines personnes qui ont commis des crimes beaucoup plus graves ne contient que ce délit. Dans certains cas, la personne n'a été reconnue coupable que de cette seule infraction, ou il y a peut-être eu entente de plaidoyer, ce genre de chose.
Certains Canadiens, comme les députés néo-démocrates, réclament la suppression totale du casier judiciaire. Je doute, toutefois, de la pertinence d'une suppression totale lorsque la personne a fait l'objet d'accusations réduites qui se limitent à la possession simple.
Le Parti conservateur a proposé plusieurs amendements sensés qui ont été rejetés.
Ceux qui avaient écopé d'une amende qu'ils n'avaient jamais payée seraient quand même admissibles, ce qui va à l'encontre du but d'une amende. C'est une des choses qui me préoccupent vraiment. Si, disons, une personne a une amende qui remonte à 20 ans dans son casier judiciaire, cette amende serait aussi radiée. Toutefois, si ma mère avait une amende, par exemple, elle irait le lendemain même au poste pour la payer, parce qu'elle est ainsi faite. C'est une personne très honorable. Il arrive que des gens oublient, et c'est une chose, mais certains choisissent simplement de ne pas payer l'amende et ils bénéficieraient de ce service. Donc, en fin de compte, y a-t-il eu une sanction? La réponse est non.
Je pense aussi que la suramende devrait être à la charge des personnes qui ont des amendes impayées et non du contribuable.
Nous avions proposé un amendement qui aurait permis de signer un affidavit, que j'aurais voulu voir adopter. J'ai souvent aidé des personnes qui tentaient d'obtenir leur casier judiciaire, et qui s'étaient rendues dans des palais de justice et des postes de police à cette fin. Cependant, il est extrêmement difficile d'obtenir ces casiers. Par conséquent, l'amendement qui aurait permis de signer un affidavit à la place était un amendement très positif. Je félicite tous ceux qui l'ont appuyé.
Pour revenir au projet de loi, inscrire dans les casiers judiciaires que des accusations ont été retirées ou qu'une personne a été acquittée peut avoir des répercussions négatives sur les gens qui veulent faire du bénévolat à l'école de leurs enfants. Pendant des années, j'ai participé bénévolement à des programmes de lecture et à des excursions scolaires dans les écoles de mes enfants, bien que je ne le fasse plus autant maintenant que je suis députée. Toutefois, si une personne a déjà été accusée de possession simple — et, soyons francs, c'est le cas de bon nombre de Canadiens —, elle ne sera pas autorisée à faire du bénévolat à l'école de ses enfants, ni à participer à une excursion scolaire. Disons que cette personne avait 18 ans quand cette accusation a été portée contre elle, et qu'elle a maintenant un enfant de 10 ans. Il est complètement insensé qu'on lui interdise de participer à une excursion scolaire pour cette raison.
Ces contrôles existent parce que les enfants sont vulnérables et que nous voulons veiller à leur donner le meilleur exemple possible. Cependant, une personne qui a été accusée pour possession simple n'est pas quelqu'un d'horrible pour autant. Il est important de permettre à ces gens d'apporter leur contribution, qu'ils fassent du bénévolat pour une banque alimentaire, pour une école, pour une église ou pour toute autre organisation qui vérifie les antécédents criminels. C'est un aspect très problématique.
Cela m'amène à me pencher sur la solution proposée par le NPD. Que se passerait-il si on décidait de supprimer le casier judiciaire? Cela pose de nombreux problèmes. Quelqu'un qui a un casier judiciaire ne peut pas travailler dans une banque, dans la plupart des organisations de la fonction publique ou dans le milieu des assurances. Il ne peut pas être courtier immobilier, chauffeur de taxi, policier ou enquêteur privé. Il ne peut pas travailler dans un restaurant où on sert de l'alcool. Comme je l'ai dit, il ne peut pas non plus être bénévole.
Nous devons offrir des possibilités aux gens. Il suffit parfois de leur donner une deuxième chance.
Par conséquent, je suis heureuse d'appuyer le projet de loi à l'étude. Comme pour tout projet de loi, nous allons l'examiner attentivement, parce que nous devons veiller à ce qu'il fasse exactement ce qu'il est censé faire, c'est-à-dire offrir aux gens la possibilité d'obtenir un pardon.
Regardons devant nous, mais aussi derrière, pour nous assurer de bien faire les choses.