Madame la présidente, gilakas' la. Je tiens à reconnaître le territoire traditionnel du peuple algonquin.
Notre nation et le monde, nos façons d'être, en fait notre humanité, sont mis à l'épreuve dans le cadre de cette intervention à la COVID-19. Nous vivons depuis quelque temps dans des circonstances sans précédent, et notre intervention aura de profondes répercussions au cours des années à venir. Je pense que nous comprenons tous la gravité de la responsabilité que nous avons à la Chambre de faire les choses correctement. Nous sommes de tout cœur avec les personnes qui souffrent de ce virus. Nous reconnaissons les sacrifices que font les gens pour protéger ceux qui risquent le plus de succomber à cette maladie. Nous ne pensons plus à ce que nous pouvons faire pour nous-mêmes, mais à ce que nous pouvons faire pour autrui.
Nous nous devons également de féliciter le gouvernement qui, avec le soutien de ses fonctionnaires, a pris des mesures sans précédent pour établir de nombreux programmes de secours d'urgence, de la PCU au CUEC, en passant par les programmes de santé mentale et bien d'autres. Les programmes d'urgence aident beaucoup, et avec l'aide de la Chambre, le gouvernement a créé de nouveaux programmes conçus en fonction des besoins.
Cela dit, nous nous heurtons encore à des problèmes. Le bureau de ma circonscription, comme ceux de tous les députés, a reçu des appels de beaucoup de gens, y compris des aînés, qui ont encore du mal à joindre les deux bouts et qui ont besoin de l'aide du gouvernement. Les petites entreprises ont de la difficulté à satisfaire aux critères du CUEC, et il y a des problèmes au sujet des loyers et de ce qui constitue un revenu viable.
De plus, après deux mois de mesures extrêmes de distanciation sociale, les résidants de Vancouver Granville, comme tous les Canadiens, souhaitent un retour à la normale. En attendant le vaccin, nous essayons d'imaginer ce que sera la vie pendant la transition entre l'intervention d'urgence et la nouvelle normalité. Nous envisageons le commencement de la fin, si l'on peut dire.
De toute évidence, la distanciation physique et une bonne hygiène sont des habitudes que nous avons acquises en vivant avec la COVID-19. Dans certains cas, il faudra les institutionnaliser, surtout dans les milieux de vie collective. Dans le cas des établissements de soins de longue durée, le gouvernement devrait établir des normes nationales que les provinces devront respecter pour obtenir une partie du soutien financier destiné aux aînés. De plus, il faudrait normaliser la rémunération, les avantages sociaux et les horaires des préposés aux services de soutien à la personne.
Pour ce qui est du moment et du degré d'élimination des restrictions, nous devons évidemment continuer de nous laisser guider par la science et par nos experts en santé. Ne faisons pas les erreurs commises par certains autres gouvernements. Nous ne sauverons pas les emplois et l'économie en sacrifiant des vies.
Comme la pandémie a évolué différemment dans les régions du Canada à cause de sa diversité géographique et politique, il ne sera pas nécessaire que les provinces et les territoires établissent des plans identiques pour rouvrir leurs économies. Toutefois, au sein de notre système de fédéralisme coopératif, le gouvernement fédéral pourra en assumer la coordination. Nous sommes tous reliés les uns aux autres, et notre Constitution protège le droit à la mobilité. Il nous faut encore des tests et des modes de suivi plus efficaces pour tout le pays. Au fur et à mesure que le suivi électronique et la recherche des contacts se généraliseront, nous devrons tenir compte des droits à la protection de la vie privée et de la façon dont nous utilisons les données. Il faudra probablement réglementer ces choses.
Il y a beaucoup d'éléments à considérer dans la planification de notre stratégie économique post-COVID. En vertu de la nouvelle norme, et même après la levée des restrictions, il est peu probable que les gens recommencent simplement à vivre comme avant, du moins pas avant que l'on ne trouve un vaccin. Même si, en étant optimistes, l'économie redémarre à 90 %, les circonstances ne seront plus les mêmes. La pandémie a produit des répercussions financières à plus long terme. On prévoit que le ratio de la dette fédérale au PIB sera de 48,4 % en 2020-2021. Notre économie survivra, mais ce n'est certainement pas idéal, surtout si l'on tient compte de la dette des provinces, des municipalités et des communautés autochtones. Nous devrons établir des outils fiscaux pour appuyer les gouvernements provinciaux et autres au-delà des mécanismes actuels de transfert et de stabilisation.
D'autres mesures fiscales pourraient être nécessaires. Certains proposent d'augmenter la TPS. Une chose est certaine: le niveau actuel des dépenses ne nous soutiendra pas pendant cette période de transition.
En outre, certaines personnes suggèrent de nouvelles façons d'aider les Canadiens, comme l'établissement d'un revenu de subsistance garanti, et d'autres pays envisagent aussi de le faire.
Il est certain que toutes les entreprises ne survivront pas, malgré les mesures d'urgence. Nous devrons choisir les industries et les entreprises auxquelles fournir un soutien supplémentaire et dans quelles circonstances nous l'accorderons. Nous devrions fournir des produits et des services essentiels et si nous intervenons, ce devrait être principalement au moyen de placements à échéance non déterminée.
J'espère que le ministre des Finances déposera bientôt le budget de 2020. Nous avons besoin de projections pour discuter de notre plan.
Tous les jours, à Vancouver et ailleurs, je le sais, nous faisons du vacarme à 19 heures pour manifester notre soutien aux travailleurs de première ligne. Quand j'entends ce bruit, je ne peux m'empêcher de penser à la valorisation et à la rémunération de leur travail. Nous les remercions parce que nous dépendons d'eux, mais cette gratitude ne se reflète pas dans leurs salaires. Il faut vraiment que notre société applique un système de valeurs différent pour récompenser le travail accompli. Il est grand temps d'y réfléchir et d'agir.
Oui, nous appuyons tous la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie, mais cette pandémie nous a montré que notre aide devrait viser avant tout la classe ouvrière et les personnes les plus vulnérables. On juge les sociétés en fonction de la façon dont elles traitent leurs membres les plus vulnérables. Si les membres de notre société s'entraidaient vraiment, si nous offrions d'excellents soins de santé à tous, surtout aux aînés et aux personnes les plus vulnérables, des soins de santé qui leur procureraient la sécurité, les soins et l'attention qu'ils méritent chaque jour, ces personnes n'auraient probablement pas autant souffert pendant cette crise. Si nous ne reconnaissons pas cela maintenant, quand le reconnaîtrons-nous? Si nous pouvons aider ces gens pendant une pandémie, pourquoi ne pas les aider de façon permanente?
Heureusement, et sans oublier la victime de la baie Alert, dans ma nation, il n'y a pas eu d'éclosion importante de COVID dans les communautés autochtones du Canada, mais cela pourrait changer. Nous devons demeurer vigilants et soutenir les communautés autochtones qui prennent des mesures pour protéger leurs membres de la COVID-19. Nous devons affirmer leur droit inhérent de le faire.
L'isolement cause aussi de plus en plus de troubles de santé mentale, surtout dans les communautés éloignées. La pandémie ne fait que souligner la nécessité d'une véritable réconciliation et d'un cadre de reconnaissance des droits afin que nous puissions nous attaquer adéquatement au surpeuplement, au manque d'infrastructures et à la pauvreté et que nous parvenions à favoriser une bonne gouvernance.
En élaborant notre plan socioéconomique post-pandémie, il faut que nous visions aussi à relancer l'économie, comme le font certains pays exemplaires comme l'Allemagne. Le premier ministre dit souvent que l'environnement et l'économie vont de pair. La vérité, et ce que ce virus nous démontre, c'est que l'environnement, dont nous faisons tous partie, oriente l'économie, et il continuera de le faire de façon plus spectaculaire avec la hausse des températures climatiques.
Les photos des dauphins qui s'ébattent dans les canaux de Venise sont peut-être prématurées, mais la planète semble guérir. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas relancer l'économie, bien au contraire. Cela nous amène cependant à réfléchir au type d'économie que nous allons relancer. Cela nous amène aussi à réfléchir à la façon dont nous mesurons le bien-être et le succès des membres de notre société. Ils ne dépendent pas uniquement de la croissance du PIB.
On fonde toujours la mesure du niveau de vie d'un pays sur son PIB par habitant. Apparemment, plus le pourcentage par habitant est élevé, meilleur est le niveau de vie de la population. Cependant, comme je l'ai lu dans un article publié récemment, les résultats du PIB mesurent très mal le bien-être social d'une population. En tant qu'outil économique, il ne fait que poser des hypothèses sur le niveau de vie de base, qui varie d'une nation à une autre sur le plan socioéconomique. De plus, un niveau de vie élevé ne reflète pas nécessairement le niveau de bien-être des membres de la société. Il faut que nous repensions tout cela.
En examinant cette crise sous l'angle des relations internationales, nous constatons qu'elle survient à un moment où la démocratie subit des pressions, où l'ordre fondé sur des règlements internationaux est remis en question et où le pouvoir change complètement. À bien des égards, la COVID-19 crée une véritable tempête internationale. Lorsque le vaccin sera enfin disponible, le Canada pourra faire preuve de leadership et insister pour qu'il soit mis à la disposition des populations qui en ont le plus besoin.
Dans nos fonctions de députés à la Chambre, nous avons beaucoup à faire. Je suis convaincue qu'en travaillant ensemble, nous accomplirons de grandes choses dans le cadre de notre intervention à cette pandémie. Nous agirons avec bienveillance et compassion. Comme le dit toujours Bonnie Henry, notre extraordinaire administratrice de la santé publique en Colombie-Britannique, restez calmes, soyez compatissants et tenez-vous en sécurité.
Gilakas'la.