Merci beaucoup. Si je vous disais que je suis aussi heureux que vous d'être de retour, ce serait très, très peu dire. J'en suis enchanté.
Je tiens d'abord à vous remercier tous. Je vais commencer par parler de l'amendement de Ryan Turnbull, qui propose le nom des témoins à convoquer dans ce cas particulier.
Je reviendrai à ces témoins et à l'amendement qui les propose, mais avant cela, je voudrais revenir sur le concept de prorogation. Comme nous en avons discuté, je pense qu'il est très important de souligner le contexte de ce qu'elle est réellement, de ce qu'elle était censée être et de ce qu'elle est devenue. Quant à savoir si elle a bifurqué ou si elle s'est égarée dans une direction ou une autre, c'est une tout autre question.
De nombreux parlementaires du monde entier, et certainement du Commonwealth, peuvent débattre longuement de la justification d'une prorogation. À mon avis, celle qui nous occupe est tout à fait justifiée dans le contexte de la grande réinitialisation, comme on le dit en jargon informatique. Je l'ai mentionnée lors de notre dernière réunion, alors pour y revenir, cette grande réinitialisation sera évidemment une élection, sauf pour des gens comme moi qui connaissent si bien la procédure parlementaire — je suis sûr que M. Nater et M. Blaikie m'appuieront de tout cœur en examinant cette question en profondeur.
Lors de notre dernière réunion, je semblais blaguer, mais je suis aussi très sérieux quand je parle de l'évolution de nos pratiques démocratiques au cours de ces mille dernières années. Évidemment, la démocratie de Westminster s'exerce dans les pays du Commonwealth depuis la signature de la Magna Carta, qui en est le fondement même. Le petit peuple du Sud de l'Angleterre s'est massé à l'extérieur de tous les châteaux qui existaient afin d'exiger le pouvoir de représentation pour la population.
Je pense que vous en comprendriez mieux le contenu en lisant des feuilles de thé que le langage de l'époque. En lisant la Magna Carta, on constate un élément de protection contre le règne absolu du monarque. Elle prévoyait une certaine protection pour les monarques aussi et une protection pour les autres. Il y a mille ans, nous avons séparé plusieurs concepts pour la première fois: le pouvoir de la royauté du pouvoir du peuple ainsi que la protection des petites gens, les sujets de la Couronne.
On y trouve également certains éléments, comme le fait d'autoriser que soient jugés par leurs pairs les gens accusés d'avoir commis un crime tellement atroce que les petites gens de l'Angleterre ne pouvaient pas le tolérer. Cela figure dans la Magna Carta et dans d'autres documents. Nous avons tous hérité de ces concepts, comme nous le savons. Nous nous retrouvons ensuite dans le Statut de Westminster, signé quelques années plus tard.
Essentiellement, le Statut de Westminster nous accorde le droit de gérer nos propres affaires tout en demeurant liés à la Couronne, aux traditions de Westminster. Je parle de traditions parce que, même si notre manuel du Parlement est presque aussi épais, nous suivons encore bon nombre de ces coutumes et traditions en effectuant notre travail quotidien, que ce soit à la Chambre des communes ou au Sénat.
De tous les outils à notre disposition, la prorogation est en fait très prescriptive. Pensez‑y un peu. Comme je l'ai dit, il est parfois possible de l'interpréter sottement de diverses façons, mais je pense que la prorogation indique de façon prescriptive comment, lorsqu'une situation se termine, le Parlement peut se relancer dans une nouvelle direction.
On pourrait discuter sans fin de ce concept, mais à quoi bon, puisqu'il suffirait de lancer une élection ou de présenter de nouveaux projets de loi lorsqu'on a fini de traiter les précédents? La prorogation, déclenchée par le discours du Trône, indique aux citoyens ce que le gouvernement a l'intention de faire. Qu'y a‑t‑il de mal à cela? J'y vois là un gouvernement responsable. Il n'a même pas besoin d'être relié à Westminster pour dire à sa population: « voici l'orientation que nous désirons prendre, voici la cible que nous désirons atteindre ».
Comme ce mot est lancé à toutes les sauces dans toutes les démocraties, que ce soit ici ou dans celle des États-Unis d'Amérique, de l'Amérique du Sud ou du reste de l'Europe, la reddition de comptes est la clé d'un vote éclairé.
Le droit de vote est bien sûr prévu dans la Charte des droits et libertés. Elle prévoit le droit fondamental et inhérent de s'exprimer démocratiquement devant le peuple que l'on veut diriger. Certains pourraient dire: « je ne veux pas diriger. Je ne veux pas prendre des décisions pour toute une population, mais je sais parfaitement qui devrait le faire. Je sais quels objectifs je désire atteindre lorsque mes pairs qui sollicitent mon vote me décrivent leur orientation ».
Cela dit, la prorogation vise plusieurs choses. Elle bloque, puis elle relance. Cependant, elle fait un peu plus que cela... Je pense qu'au fond, de façon générale, les gens nous regarderont en disant: « Que cherchez-vous à accomplir exactement? »
Ils s'acquittent de leurs tâches quotidiennes, qu'il s'agisse de présenter des projets de loi du gouvernement, des projets de loi d'initiative parlementaire, des motions, des travaux de comités, des études ou des rapports. Tout ce que l'on dépose à la Chambre des communes et au Sénat découle d'une vision et d'une orientation présentées par le gouvernement. J'allais dire par le parti qui a le plus de sièges, mais ce n'est pas tout à fait exact. Tout dépend d'un concept tout à fait essentiel, celui du parti qui gagne la confiance de la Chambre et la majorité des sièges. Voilà ce qu'il nous faut.
Pensez‑y un peu. Nous pourrions nous trouver dans une situation où les membres d'un caucus particulier choisissent le premier ministre et le ministre de tout le monde. Il ne s'agit pas nécessairement du parti qui gagne le plus grand nombre de sièges. Il suffit que ce parti gagne la confiance de la Chambre. Vous pouvez compter sur des gens de l'extérieur de votre propre caucus pour vous accorder cette confiance.
Vous vous souviendrez qu'il y a plusieurs années — je ne sais plus exactement la date, mais c'était, je crois, il y a six ou sept ans —, lorsque David Cameron a été élu au Royaume-Uni, il n'avait pas la majorité. Il était minoritaire. Il avait deux options: soit s'entendre avec un autre parti pour gouverner pendant les quatre ans à venir, soit suivre le flot des tâches quotidiennes du gouvernement et voir ce qui se passerait. Chaque jour, à la Chambre, vous vous efforcez de gagner sa confiance pour faire adopter un projet de loi ou une mesure législative de confiance, comme le budget ou toute autre motion de confiance.
Évidemment, M. Cameron a tendu la main aux lauréats de la médaille de bronze, l'équipe de troisième place, les libéraux-démocrates. Ce qui était intéressant, et ce qui a enseigné une leçon à beaucoup de gens, c'est qu'on aurait pu croire que comme les conservateurs avaient gagné le plus grand nombre de sièges, ils avaient la prérogative de demander l'appui d'un autre parti à la Chambre des communes afin d'obtenir la majorité des sièges et des votes.
Fait intéressant — du moins, je trouve cela assez intéressant, mais je ne sais pas si vous êtes de mon avis —, le parti qui avait gagné la médaille d'argent, l'équipe de deuxième place, le Parti travailliste, a entamé des négociations avec le Parti libéral-démocrate.
Les conservateurs ont eu la prérogative de chercher un appui, et les gens se disaient: « bon, on verra bien ». Je suppose qu'en voyant cette situation, les libéraux-démocrates se sont dit: « oh là! le pouvoir arrive en troisième place, c'est grisant! Nous avons décroché la médaille de bronze, mais nous avons l'impression d'être sur le podium ». Les libéraux-démocrates étaient devenus les chevaliers du roi.
Dans ce cas particulier, les choses n'allaient pas si bien, alors ils ont cherché l'appui des syndicats. Comment se fait‑il que l'équipe qui arrive en deuxième place s'allie avec celle de la troisième place pour se hisser en première place? Dans un monde absolu, cela n'a aucun sens, mais en fait c'est logique, parce que l'équipe de deuxième place avec celle de troisième place obtient la majorité des sièges à la Chambre des communes. Les deux équipes gagnent la confiance de la Chambre.
Un an plus tard, les libéraux-démocrates ont dit: « vous savez, cet endroit est merveilleux et grandiose, mais c'est un peu trop pour nous. Nous allons filer en douce par la porte d'en arrière ». Autrement dit, si le Parti travailliste avait été seul à former le gouvernement, il aurait perdu un vote de confiance, et la Reine aurait dû décider si... Bon, elle aurait eu deux options. Elle aurait pu désigner un autre parti, ou simplement lancer des élections.
Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que la prorogation vise à établir l'orientation que le gouvernement veut prendre, une fois que la Chambre a choisi qui sera ce gouvernement.
Quittons le Royaume-Uni pour revenir au Canada. Les libéraux ont discuté avec le NPD. J'en parle comme si je n'en faisais pas partie, mais je vous avoue que j'y ai participé. Nous n'avions toujours pas cette confiance. Nous n'avions toujours pas assez de sièges, mais à l'époque, nous avions une entente avec le Bloc. Le Bloc nous a dit: « je vais vous dire ce que nous allons faire. Nous ne ferons pas partie de votre petit jeu, de votre parti, mais nous resterons ici, et nous vous promettons de ne pas vous mettre les bâtons dans les roues ».
Le premier ministre de l'époque n'aimait pas beaucoup cela. J'essaie de m'écarter de mon opinion sur tout cela. J'essaie simplement d'expliquer ce qui s'est passé. Le premier ministre Harper a demandé la prorogation. Cela nous a placés devant un dilemme. Qu'allions-nous faire?
Il a alors fallu s'adresser à la gouverneure générale en lui disant: « je crois que nous avons besoin d'une réinitialisation ». La gouverneure générale a dit, bien entendu: « Pourquoi voudriez-vous faire cela? » Le premier ministre a répondu: « eh bien, nous voulons repartir à zéro. Nous ne voulons pas d'élections, mais nous voudrions tout simplement repartir à zéro et probablement faire quelque chose d'un peu différent. Nous voulons présenter une nouvelle vision de l'orientation que nous avons adoptée. Cette vision ne sera pas tellement nouvelle, mais elle décrira mieux l'orientation que nous voulons prendre ».
Certains premiers ministres sont allés jusqu'à demander une prorogation de plusieurs mois, pour mettre les gens à l'aise, pour que les députés puissent regarder les Jeux olympiques tout à leur aise. Vous pensez probablement que ce que je viens de dire est tout à fait absurde, n'est‑ce pas? C'est vrai. Les Jeux olympiques de Vancouver étaient en cours, alors il fallait proroger le Parlement. Écoutez, je ne vais pas porter de jugement, bien que vous l'entendiez probablement dans le ton de ma voix.
Laissons tomber le ton de ma voix. Si ces intentions semblent abominables, ou simplement quelque peu naïves, quoi qu'il en soit, nous parlons de prorogation. À quoi sert-elle, et pourquoi?
Pour lancer une prorogation, il faut le faire avec un visage impénétrable, parce qu'elle est très prescriptive, comme je l'ai dit tout à l'heure. Elle nous est extrêmement utile, à nous parlementaires, dans notre démocratie parlementaire.
Je pourrais citer plusieurs autres épisodes de prorogation. Passons de celle‑là à celle que nous avons eue récemment. J'ai une opinion bien arrêtée sur cette prorogation, mais seulement à cause de ce qui se passe actuellement.
Lors de notre dernière réunion, j'ai commencé mon intervention en félicitant ma collègue, Mme Duncan, de nous avoir expliqué ce qui s'est passé ces derniers temps, cette pandémie. Comme elle est professionnelle de la santé, elle l'a fait beaucoup mieux que moi. De plus, elle a décrit les répercussions de la COVID‑19 dans sa circonscription et dans son domaine de compétence.
Elle l'a fait avec délicatesse, mais en réalité la situation est bien pire que cela. Ces répercussions ont tout changé pour les gouvernements. Elles ont tout changé pour tout le monde. N'ont-elles pas tout changé pour tous les gouvernements cités dans la Constitution, les gouvernements nationaux, infranationaux, fédéraux, provinciaux et municipaux?
Demandez cela à tous les premiers ministres du pays. Oui, je vis à Terre-Neuve-et-Labrador. Il est vrai que nous n'avons pas fait face à un nombre de cas aussi élevé que ceux d'autres régions. Juste avant de me brancher à cette réunion, j'ai entendu dire que la Nouvelle-Écosse passe un mauvais quart d'heure. Pour ce qui est de l'Ontario et du Québec, je souhaite à mes collègues qui sont sur Zoom et à ceux qui ne le sont pas de rester en bonne santé.
Revenons à la prorogation. Je vous ai expliqué le changement de vision d'un gouvernement particulier.
Oui, lorsqu'un gouvernement est sur le point de finir le mandat qu'il a présenté à la population et qu'il désire accomplir quelque chose d'essentiel pour le pays, quelque chose qu'il n'avait peut-être pas expliqué auparavant, c'est ce qu'il doit faire. Mais je le répète, c'est la prérogative d'un gouvernement qui désire faire quelque chose de différent, mais qui ne se sent pas tout à fait à l'aise de l'imposer au pays en clamant: « mais voyons, nous avons le droit de le faire, puisque nous sommes au pouvoir ».
Dans le cas qui nous occupe, la situation est différente. Le sol sur lequel nous nous trouvons s'est déplacé. Nous parlons ici du genre de changement déclenché par une grande guerre. En un sens, nous sommes en guerre contre un ennemi invisible qui s'appelle virus. Nous nous battons sur tous les fronts. Nous sommes infirmières. Nous sommes médecins. Nous sommes camionneurs. Nous sommes enseignants. Nous sommes...
Pas plus tard qu'hier, je parlais avec l'un des techniciens qui installent Internet. Vous vous demandez peut-être ce qu'il a en commun avec un travailleur de première ligne? Il amène maintenant l'école aux élèves. N'oublions pas qu'auparavant, Internet était un excellent outil pour l'école dans ces petites collectivités, mais que maintenant, Internet est devenu l'école. Dans les circonstances actuelles, il est maintenant l'école, alors les services de ce technicien sont plus vitaux que nous n'aurions jamais pu l'imaginer avant l'éclosion de la pandémie.
Le sol s'est‑il déplacé sous nos pieds? Oh, oui. Et c'est probablement le message le plus important que je veux vous transmettre aujourd'hui: si vous ne pouvez pas lancer la réinitialisation que la procédure parlementaire appelle une prorogation, si vous ne pouvez pas la lancer maintenant, alors quand? Quand le ferez-vous? C'est une question fondamentale.
Certains diront qu'elle n'est pas nécessaire. Je sais que de grands érudits, des gens plus intelligents que moi, pourraient dire cela, mais vous savez, je me fonde sur mon expérience personnelle. Je siège ici depuis bientôt 18 ans. Je suis probablement ici depuis plus longtemps que certaines des gargouilles qui se trouvent au‑dessus de l'édifice de l'Ouest, pour l'amour du ciel. J'ai traversé de nombreuses circonstances similaires. Que vous jugiez une prorogation néfaste ou judicieuse, j'en suis venu à comprendre qu'il faut s'en servir lorsqu'elle est absolument nécessaire. C'est une troisième dimension à laquelle je n'avais jamais pensé jusqu'à maintenant.
Nous avons lu de nombreuses manchettes depuis que le premier ministre Harper a lancé une prorogation, ou à l'époque où Paul Martin et Jean Chrétien l'ont utilisée. Sa vraie signification s'est perdue dans un débat visant à déterminer qui en tire avantage. C'est comme une partie d'échecs. Qui en tire avantage? À mon avis, la prorogation est dépourvue de toute stratégie — ce dont nous parlons ici, je vous dirai honnêtement. Évidemment, vous vous attendez à ce que j'en discute, puisque je suis du côté du gouvernement. Mais attention, quand les conservateurs ont lancé une prorogation, j'étais aussi d'accord avec eux. À l'époque, j'allais à l'encontre d'un bon nombre de mes collègues et de mon propre parti. Nous ne relançons pas une prorogation pour nous sentir rassurés pendant que nous regardons les Jeux olympiques de Vancouver. Nous la relançons parce que nous sommes en guerre. Nous avons perdu beaucoup trop de vies ces derniers temps pour nous perdre dans ces discussions.
Je comprends tout à fait que vous vouliez aborder une question importante. Je vais revenir à la motion de Mme Vecchio et à l'amendement concernant l'organisme de bienfaisance, les témoins que vous voulez convoquer, comme la vice-première ministre et, comme le souligne l'amendement, les frères Kielburger. Écoutez, j'ai autant de questions à leur poser que vous, vraiment, et je vous comprends, et je comprends que vous teniez à aller au fond des choses.
N'oubliez pas que de 2006 à 2015, j'étais dans l'opposition. Je sais comment cela fonctionne. Je ne fais pas de l'obstruction, je discute longuement de ce qui se passe.
Nous avons tous contribué au bien du pays. Certains pourraient penser le contraire. Nous nous accusons les uns les autres de ne pas le faire. Certains me regardent en se demandant pourquoi je participe à une conversation prolongée qu'ils qualifieraient d'obstruction systématique, mais cela fait partie de la démocratie. Toutes les démocraties modernes font cela. En me regardant, vous pensez probablement: « pourquoi participeriez-vous à ce genre de choses alors que hors du royaume de Zoom, il se passe des choses horribles? »
Eh bien, oui, vous avez raison, il se passe des choses horribles. Je peux cependant vous dire que nous venons tous à cette réunion — j'allais dire à cette réunion de comité, mais plutôt à cette réunion de comité Zoom — d'un point de vue virtuel pour affirmer seulement que nous croyons vraiment à ce que nous faisons, nous tous, et je ne doute d'aucun de nous. Je ne vais pas contrarier quiconque voudrait faire comparaître certains témoins que nous avons déjà entendus. Il y a aussi peut-être des retards dans tout cela à cause des manigances pratiquées à la Chambre des communes. Bon nombre de ces manigances du monde réel se retrouvent maintenant dans le monde virtuel. Eh bien, c'est très bien, car c'est ce que nous sommes. Nous sommes parlementaires.
Ces manigances ne vont pas disparaître. Cependant, pour vous répondre, ce qui me dérange beaucoup ces jours‑ci, c'est qu'au lieu de combattre un argument avec un contre-argument, ce qui, à mon avis, est tout à fait logique, comme pourquoi cette prorogation devrait avoir lieu maintenant, vous voulez tout simplement faire taire les gens. Cependant, soyons honnêtes. Nous avons le droit de nous exprimer et nous devrions le faire.
Quand je me suis lancé en politique, une personne qui avait beaucoup d'expérience m'a dit que maintenant que j'étais en politique, que je me lançais en politique, son conseil était simple et mathématique. Je lui ai demandé: « quelle est l'équation? Si nous obtenons plus de sièges, nous formons le gouvernement? » Il m'a répondu: « non, pas celle‑ci. C'est un calcul extrêmement simple. C'est ce qu'on appelle une proportion de 2‑1 ». Je lui ai demandé quelle était cette proportion de 2‑1, et il m'a répondu: « vous avez deux oreilles et une bouche. Respectez bien cette proportion. Essayez d'écouter plus que vous ne parlez, et au fil du temps, vous pourriez avoir fait beaucoup plus de bien que de mal ».
Pour paraphraser Shakespeare, nous pouvons simplement continuer à parler sans rien dire ou présenter un message qui a du sens et dont nous finissons par être fiers.
Est‑ce que je serai fier de tout cela? Comme je l'ai mentionné plus tôt, j'étais à l'opposition. Suis‑je fier d'avoir essayé de duper le monde? Non, mais je suis fier d'avoir fait de mon mieux et, en fin de compte, je suis fier d'avoir représenté mes électeurs de la meilleure façon possible, et pas seulement mes propres électeurs, mais tous les Canadiens qui désirent une vie meilleure.
Permettez-moi de revenir encore une fois à la question de la prorogation, parce que je crois que ceci est l'essence même de la prorogation. Nous obtenons deux réponses sur deux plans différents à nos questions au sujet d'un événement. D'un côté, nous voulons une réponse à nos questions et d'un autre côté, nous avons la procédure parlementaire et la raison pour laquelle nous utilisons les outils dont nous disposons.
Cela dit, la prorogation a commencé bien avant notre arrivée et bien avant mon arrivée et elle existe depuis pas mal de temps. Toutefois, dans notre pays la prorogation repose sur un bon fondement.
Je vais vous lire une partie du fondement même de la prorogation. Je suis arrivé ici en 2004. Je crois que c'est en 2010 que j'ai appris à écrire « prorogation ». Je savais un peu de quoi il s'agissait, mais je ne savais même pas comment l'épeler, je vous le jure.
Alors voici:
La prorogation est la prérogative de la Couronne, qui agit sur la recommandation du premier ministre. Il est possible de proroger une session du Parlement par proclamation lorsque la Chambre siège ou pendant un ajournement. La Chambre des communes et le Sénat sont alors prorogés jusqu'à l'ouverture de la prochaine session.
Évidemment, il y a le choix du moment. Parfois, on attend des mois dans la mesure du possible, jusqu'à l'expiration d'un événement comme les Jeux olympiques de Vancouver ou cela se fait le lendemain. Nous avons vu cela aussi.
À mon avis, la durée de la dernière prorogation était raisonnable — quelques semaines — pour permettre au gouvernement de réorganiser ses priorités jusqu'à ce qu'il soit en mesure de présenter l'orientation qu'il voulait suivre.
N'oubliez pas que nous sommes au beau milieu d'une pandémie. Je vais être très honnête avec vous. Si les conservateurs formaient le gouvernement et prorogeaient le Parlement à ce moment‑ci, puis reprenaient le flambeau en prononçant un discours du Trône, je ne pourrais pas dire que leur décision est néfaste, loin de là.
Nous sommes en pleine pandémie. Je ne dirais pas assez souvent que nous sommes en pleine guerre. Dans le cadre de la gouvernance, regardez ce que nous avons accompli ces derniers temps: la Prestation canadienne d'urgence, les subventions salariales, tout cela.
Prenons l'exemple de la Prestation canadienne d'urgence, dont un grand nombre de mes électeurs avaient besoin. Non seulement nous donnions plus d'argent, mais c'était un nouveau concept. Nous avons commencé par l'assurance-emploi et nous nous sommes rendu compte que le système ne fonctionnait pas. Nous avons passé de l'assurance-emploi à la Prestation canadienne d'urgence, et ce n'est pas peu dire.
Si vous m'aviez dit avant les dernières élections que nous aurions besoin d'un tout nouveau système pour verser des prestations aux personnes en difficulté, un système totalement distinct de l'assurance-emploi et que cela se ferait par l'entremise de l'Agence du revenu du Canada, j'aurais dit: « bonne chance! Dans huit ans, au bout de trois études, nous offrirons peut-être une prestation minime ». Nous avons été obligés de le faire. Je ne fais que souligner les défis que nous avons dû relever à ce moment‑là.
Dans mes fonctions de député assis dans un bureau pour répondre aux appels des gens, je me demandais: « Faut‑il le lui accorder ou non? Que faire? » À ce moment‑là, ces programmes sortaient à toute vitesse. Le gouvernement devait être très agile, et c'est aussi très peu dire.
La subvention salariale en est probablement un meilleur exemple. Un nombre incroyable d'entreprises passaient à travers les mailles du filet. Elles ne réussissaient pas à se qualifier, alors nous avons dû changer la donne pour les admettre au programme. Nous ne cherchions pas à faire fonctionner ce programme pour nous-mêmes, mais pour ces entreprises. Nous voulions aider la majorité des gens. Pour ce faire, le gouvernement devait être agile, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je dis cela, parce que cela justifie la prorogation.
Quant aux effets de la prorogation, voici ce qu'on lit dans La procédure et les usages de la Chambre des communes:
La prorogation d'une session met fin à tous les travaux du Parlement. Sauf quelques exceptions, les affaires non complétées expirent au Feuilleton et doivent être reprises du début à la prochaine session.
Encore une fois, regardez la situation dans laquelle nous nous trouvions. Certains enjeux inscrits au Feuilleton étaient effectivement très importants, et nous devrons y revenir. Évidemment que nous aurions pu ramener une bonne partie d'entre eux de la session précédente, et n'importe quel gouvernement ou quiconque réclamant la prorogation en aurait profité de façon égale.
Les projets de loi qui n'ont pas reçu la sanction royale avant la prorogation disparaissent totalement et, pour qu'ils puissent aller de l'avant, doivent être représentés à la session suivante comme s'ils n'avaient jamais vu le jour. Il arrive toutefois que des projets de loi soient rétablis au début de la nouvelle session, à l'étape où ils en étaient à la fin de la session précédente.
J'ai entendu quelqu'un décrire la prorogation comme — pardonnez l'expression, ce n'est pas la mienne, mais pardonnez-moi de la répéter — « une guillotine » ou « on découpe tout en plein milieu et l'on n'en parle plus ». Ce n'est pas nécessairement le cas. C'est plutôt comme une grosse main qui apparaît pour nous faire immédiatement tout arrêter. On peut ramener certains enjeux. Je poursuis:
Il arrive toutefois que des projets de loi soient rétablis au début de la nouvelle session, à l'étape où ils en étaient à la fin de la session précédente. Cela se fait soit du consentement unanime de la Chambre, soit par l'adoption d'une motion en ce sens, après avis et débat. La Chambre a aussi modifié provisoirement le Règlement pour pouvoir reconduire des mesures législatives à la session suivante, après une prorogation.
J'essaie de voir si j'ai perdu quelqu'un. Non, vous êtes toujours là. Évidemment, nous sommes des parlementaires, alors voilà.
Je vois Ken McDonald agiter la main de loin dans son bureau, quelque part dans les coins sombres de la belle circonscription d'Avalon. Je suis heureux de vous voir, monsieur McDonald.
Je poursuis:
Depuis 2003, la prorogation n'a guère eu d'incidence sur les Affaires émanant des députés.
Donc les projets de loi d'initiative parlementaire demeurent sacrés malgré la prorogation:
En raison de cette exception considérable au principe de cessation des affaires, la Liste portant examen des affaires émanant des députés dressée au début d'une législature ainsi que tous les projets de loi d'abord présentés à la Chambre et toutes les motions, inscrites ou non dans l'ordre de priorité, demeurent les mêmes d'une session à l'autre.
Cela comporte aussi un caractère sacré.
Je tiens à féliciter Paul Martin, qui a apporté beaucoup de changements à nos procédures, de bons changements. Prenons par exemple les projets de loi d'initiative parlementaire. Saviez-vous que lorsque nous votons sur un projet de loi d'initiative parlementaire, nous commençons à la dernière rangée? Pourquoi faisons-nous cela, demandez-vous? Je suis heureux que vous ayez posé la question, Wayne Long. C'est pour que l'on ne se laisse pas influencer par les banquettes ministérielles de son parti, et c'est donc la dernière rangée qui commence.
Soit dit en passant, nous disions souvent que les pires sièges étaient ceux de l'opposition ainsi que les banquettes d'arrière-ban, tout au coin là où il faut voter en premier.