Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser au Comité aujourd'hui.
Justicia for Migrant Workers est un groupe militant basé à Toronto qui défend les intérêts des travailleurs migrants, en particulier des travailleurs agricoles, depuis 20 ans.
Pour commencer, je ne voudrais pas passer sous silence le décès de 215 enfants autochtones qui sont morts en raison des politiques nationales ratées, lacunaires et racistes sur les pensionnats. Il est essentiel que nous assumions, en tant que nation, la responsabilité de la mort de milliers d'enfants autochtones dans les pensionnats et du génocide qui se poursuit. Nous ne pouvons pas séparer ou dissocier une conversation liée à la migration et à l'immigration sans comprendre l'histoire de notre pays.
De plus, nous ne pouvons pas parler de manière honnête et approfondie de l'immigration dans les collectivités rurales sans reconnaître que, depuis plus de 54 ans, le Canada a maintenu et récemment élargi un système de main-d'oeuvre sous contrat, connu par le Programme des travailleurs agricoles saisonniers et le Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui enrichit les employeurs ruraux. C'est un mythe de dire que ces femmes et ces hommes qui peinent depuis des générations sont des travailleurs temporaires. Il s'agit d'une caractéristique permanente des collectivités rurales qui répond aux besoins des employeurs tout en déshumanisant et en éliminant les travailleurs lorsqu'ils ne sont plus nécessaires.
Cette semaine seulement, des dizaines de travailleurs ont été licenciés et retournés dans leur pays d'origine. Plusieurs ont été renvoyés et rapatriés parce qu'ils avaient dénoncé des injustices en milieu de travail, y compris des logements en piteux état et des déplacements dangereux. D'autres travailleurs se plaignent de vivre dans des logements infestés de rongeurs et dans lesquels s'entassent jusqu'à 19 travailleurs et où seulement deux toilettes fonctionnent. Dix travailleurs sont morts cette année, dont plusieurs pendant la période de quarantaine, c'est-à-dire sous la surveillance du gouvernement. Il ne s'agit pas d'une tragédie ni d'une exception. La crise persistera jusqu'à ce que nous nous attaquions aux fondements systémiques du Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada, un système qui perpétue un déséquilibre asymétrique en faveur des employeurs.
Cela se produit alors que la valeur des exportations de l'industrie agricole a augmenté d'environ 14 % par rapport à la même période l'an dernier et que le nombre de travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole a augmenté. Les demandes d'élargissement de ces programmes, des programmes racistes et des pratiques systémiques institutionnelles, sont inacceptables. Nous sommes devant un échec fondamental de la politique gouvernementale lorsque des personnes vivent et travaillent dans des collectivités sans pouvoir participer à la vie civique, sociale et politique.
La pandémie de COVID a attiré l'attention sur ce fait alors que les migrants, tant les travailleurs étrangers temporaires que les travailleurs sans papiers, étaient considérés comme des porteurs de cette maladie et que les responsables politiques ruraux locaux exigeaient des mesures accrues pour surveiller et criminaliser davantage les migrants par une application plus stricte de la loi par les services frontaliers canadiens et les services de police locaux. Récemment, des migrants ont été victimes d'intimidation dans les régions rurales de l'Ontario, où des affiches « White Lives Matter » ont ciblé particulièrement les travailleurs agricoles migrants.
Le racisme existe sous plusieurs formes et plusieurs dimensions. Le pouvoir est essentiel pour comprendre comment le racisme se manifeste dans les communautés rurales et dans les activités du Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada. Un programme qui valorise les travailleurs noirs et bruns uniquement pour leur travail tout en niant leur humanité est une honte pour nous tous. Il est essentiel que nous examinions ce qui est au coeur du problème, c'est-à-dire des permis de travail liés à un employeur, le fait que ce programme est axé sur les employeurs et le déséquilibre des pouvoirs qui existe lorsque les travailleurs sont retournés.
Justicia for Migrant Workers réclame depuis 20 ans maintenant des changements systémiques, ce qu'aucun gouvernement parmi ceux qui se sont succédé n'a réussi à faire. Le financement récemment annoncé pour les permis de travail pour les travailleurs vulnérables et les voies d'accès au programme de résidence permanente est inadéquat, car aucun des deux programmes ne corrige les injustices profondes qui existent pour tous les travailleurs.
Alors que vous élaborez des plans d'immigration pour l'avenir, vous devez porter attention à nos conseils et à ceux des travailleurs actuels et des anciens travailleurs. Le Canada ne peut pas se cacher derrière le masque ou le vernis du multiculturalisme tout en perpétuant un système d'apartheid. Partout au Canada et dans le monde, les gens surveillent de près les prochaines étapes.
Je veux terminer en énonçant quatre changements requis.
Le premier est de mettre fin aux rapatriements unilatéraux et à l'exclusion des travailleurs. On ne peut pas prétendre qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre alors que des centaines, voire des milliers de personnes ne peuvent plus travailler au Canada.
Le deuxième est l'égalité d'accès aux prestations sociales. Les travailleurs cotisent à notre régime d'assurance-emploi et à notre régime de pension sans y avoir un accès égal.
Le troisième est le statut permanent à l'arrivée. Comme je l'ai dit, nous l'accordions auparavant aux Néerlandais et aux Polonais. Ce n'est que lorsque la couleur de la peau des travailleurs a changé que nous avons modifié nos politiques d'immigration de sorte que ces travailleurs n'étaient plus accueillis sur un pied d'égalité.
Le dernier est le droit de s'organiser afin de corriger le déséquilibre de pouvoir qui existe dans cette industrie.
Ceci conclut mes observations. Je serai heureux de répondre aux questions et d'échanger avec vous.
Je vous remercie beaucoup.