Merci, madame la présidente, et merci à tous les membres du Comité pour l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis sûr que beaucoup d'entre vous se demandent pourquoi on m'a permis de m'adresser à un comité chargé de discuter des futurs accords commerciaux entre le Royaume-Uni et le Canada. J'espère pouvoir expliquer clairement dans les prochaines minutes pourquoi nous pensons qu'il existe un lien important.
Je n'ai qu'une seule voix, mais je dis « nous » parce que je parle au nom d'environ 136 000 pensionnés britanniques qui ont choisi le Canada comme lieu de résidence pour leur retraite. La grande majorité de ces personnes ont, comme moi, émigré il y a de nombreuses années pour répondre à la demande du Canada en main-d'œuvre qualifiée, comme des infirmières, des enseignants, des pompiers et des ouvriers, dans l'industrie pétrolière en plein essor dans les années 1970. D'autres sont venus au Canada, après avoir travaillé toute leur vie au Royaume-Uni, pour être avec des membres de leur famille qui avaient déjà émigré.
Avant de quitter le Royaume-Uni, nous avons travaillé et nous avons versé des cotisations obligatoires au régime de pension de l'État britannique, qui est l'équivalent du RPC, en supposant qu'à la retraite, nous serions traités de la même manière que tous les pensionnés britanniques résidant dans le monde entier.
Cependant, nous ne sommes pas traités sur un pied d'égalité parce que nous avons choisi de vivre au Canada, et il en va de même pour les pensionnés dans la plupart des pays du Commonwealth. Il en résulte que près d'un demi-million de pensionnés ne reçoivent jamais l'augmentation annuelle de leur pension britannique. Nous sommes connus comme des pensionnés « bloqués ».
Vous vous demandez peut-être pourquoi.
Une réponse est que le Royaume-Uni a continuellement refusé les demandes des fonctionnaires canadiens de signer un accord réciproque pour mettre fin à cette discrimination. Ils affirment que l'augmentation des pensions vise à tenir compte de l'inflation au Royaume-Uni, mais ils font abstraction du fait qu'ils indexent déjà les pensions d'un demi-million d'expatriés à l'étranger dans de nombreux pays, y compris chez nos voisins les États-Unis.
Un récent document d'information de la Chambre des Communes du Royaume-Uni sur les pensions bloquées à l'étranger indique que le déblocage des pensions britanniques au Canada n'a pas été envisagé lors de la négociation d'un accord de sécurité sociale avec le Canada en 1959. Ce n'est pas surprenant. La pension payable à l'étranger n'a été introduite qu'en 1946. Les déplacements dans le monde n'en étaient qu'à leurs débuts. Il y avait très peu de personnes concernées en 1959, mais 61 ans se sont écoulés depuis, et le Royaume-Uni s'accroche toujours à cette décision historique.
Comme de plus en plus de personnes ont commencé à être touchées pendant la période de forte inflation des années 1960, de plus en plus de députés du Royaume-Uni ont commencé à recevoir des lettres de pensionnés de l'étranger qui protestaient contre l'injustice de la politique de blocage. Cette protestation s'est amplifiée au fil des ans, avec l'explosion des voyages dans le monde entier.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de l'incidence de cette politique ici au Canada.
Peter Duffey, 95 ans, de Vancouver, vit à 300 mètres seulement de la frontière américaine. Il a travaillé pendant 40 ans au Royaume-Uni. Il a piloté des bombardiers pendant la Deuxième Guerre mondiale et il reçoit toujours 52 livres par semaine, comme c'est le cas depuis 30 ans. Par contre, s'il vivait aux États-Unis, il toucherait 134 livres. Anne Puckridge, 95 ans, de Calgary — elle aussi une ancienne combattante — ne reçoit que 72 livres par semaine au lieu de 134 livres.
Ces deux personnes âgées ont été spoliées de milliers de livres de la pension qui leur revenait de droit, comme d'innombrables autres membres des 136 000 pensionnés « bloqués » au Canada.
La réponse standard que nous recevons du Royaume-Uni est qu'il s'agit d'une politique qui a été maintenue par les gouvernements successifs pendant de nombreuses années. Cependant, le fait que cette politique remonte à plusieurs années ne signifie pas pour autant qu'elle soit juste. Ce qui était applicable il y a 70 ans ne l'est plus dans le monde d'aujourd'hui. Si une chose est moralement répréhensible, elle est répréhensible, purement et simplement.
Il y a quelques années, notre association s'est liée à un groupe similaire en Australie pour rallier les gens afin de demander que justice soit faite. L'International Consortium of British Pensioners défend désormais les intérêts des pensionnés « bloqués » partout dans le monde.
Il y a seulement deux mois, Sir Roger Gale, député conservateur au Royaume-Uni depuis 38 ans et président du groupe parlementaire multipartite sur les pensions britanniques bloquées, a publié un rapport extrêmement critique à l'égard de son propre gouvernement pour avoir perpétué cette pratique.
Pendant des décennies, le Royaume-Uni a maintenu qu'il ne conclurait pas de nouveaux accords concernant les pensions bloquées. Pourtant, avec le Brexit, le Royaume-Uni a récemment signé de nouveaux accords sur les pensions avec 23 pays afin de garantir le maintien des pensions majorées pour tous les expatriés dans les pays de l'Union européenne, comme il se doit. Le Royaume-Uni ne peut plus prétendre ne pas conclure de nouveaux accords, et il est clair que le Canada devrait avoir la possibilité de conclure un accord actualisé dans le cadre des négociations commerciales en cours.
Au début de cette semaine, Sir Roger Gale a invité plus de 30 députés du Royaume-Uni et du Canada à discuter des moyens de faire avancer les pourparlers sur la question des pensions bloquées, et un certain nombre de députés canadiens, dont la ministre responsable des pensions, Deb Schulte, ont suggéré que vos prochaines négociations commerciales offriraient assurément un bon point de départ.
Au nom des 136 000 personnes dont les pensions sont bloquées et qui résident au Canada, nous vous serions vraiment reconnaissants de bien vouloir soulever cette question auprès de vos homologues de l'autre côté de l'océan. Alors que le Canada entame des négociations commerciales avec le Royaume-Uni, pour une valeur estimée à 27 milliards de dollars par an, il n'y a pas de meilleur moment pour tenir cette discussion cruciale.
On estime que cette politique coûte à l'économie canadienne près d'un demi-milliard de dollars chaque année, et la responsabilité de soutenir les personnes à très faibles revenus ne devrait pas retomber sur le dos des contribuables canadiens, comme c'est le cas actuellement avec des subventions telles que le Supplément de revenu garanti et l'aide sociale.
Un haut commissaire récemment arrivé au Royaume-Uni nous a dit que la seule épine dans une excellente relation bilatérale était celle des pensions bloquées au Canada. On aurait certainement pu penser qu'en tant que grand partenaire du Commonwealth, le Canada aurait été le dernier endroit où cette pratique immorale, injuste et discriminatoire aurait pu se perpétuer pendant si longtemps.
J'espère avoir démontré que la politique actuelle représente un coût pour le Canada et qu'elle a une incidence profonde sur le bien-être de nombreux membres les plus vulnérables de notre société.
En conclusion, je suis conscient que cette question peut sembler déborder le cadre des discussions commerciales normales, mais maintenant plus que jamais, votre comité est en excellente position de négociation pour exiger que le Royaume-Uni réponde rapidement à la récente demande officielle du Canada de signer un accord de sécurité sociale.
Une définition du mot « commerce » est de donner volontairement des choses ou des services et d'obtenir d'autres choses ou services en retour.