Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité.
C'est avec plaisir que je vous parle aujourd'hui de la question de la sécurité alimentaire dans le Nord, particulièrement dans la région du Nunavik, et au nom du président et ancien sénateur Charlie Watt Sr.
Le Nunavik est une région arctique qui occupe le tiers supérieur de la province de Québec, au nord du 55e parallèle. Notre région est plus vaste que la France et compte 15 communautés essaimées sur les rives de la baie d'Hudson, du détroit d'Hudson et de la baie d'Ungava. Sa population totale s'élève à plus de 12 000 habitants. Considérez-la comme une île, puisque les seuls moyens de s'y rendre consistent à prendre l'avion pendant l'année et à prendre le bateau pendant les mois d'été.
Notre éloignement a des répercussions considérables sur notre sécurité alimentaire. Alors que le Sud du Canada bénéficie de vastes réseaux routiers et ferroviaires payés par les contribuables, les Inuits paient tous les impôts, mais les lacunes que comportent les infrastructures de leurs installations aéroportuaires et l'absence totale de ports en eaux profondes contribuent à faire augmenter les prix des aliments et le gaspillage alimentaire.
La sécurité alimentaire existe quand tous les êtres humains ont en tout temps un accès physique et économique à des aliments sains et nutritifs en quantité suffisante pour mener une vie saine et active, alors que l'insécurité alimentaire existe quand une personne ou une famille n'a pas accès à suffisamment d'aliments. Au Nunavik, il importe de tenir compte de l'accès aux aliments traditionnels et aux denrées saines achetées en magasin quand on veut améliorer la sécurité alimentaire.
L'Université Laval a réalisé des études comparant le coût de la vie au Nunavik et dans le Sud du Québec. Ces études ont révélé qu'en 2011, l'épicerie coûtait 81 % plus cher au Nunavik qu'à Québec. Le rapport de recherche intitulé Le coût de la vie au Nunavik est le fruit d'une collecte et d'une analyse de données intensives de 16 mois menées entre janvier 2015 et 2016, dans le cadre desquelles 450 ménages choisis au hasard dans six communautés du Nunavik sises sur les côtes des baies d'Hudson et d'Ungava ont été sélectionnés pour ce projet.
L'enquête a révélé que les ménages à faible revenu dépensent un total combiné de plus de 70 % de leur revenu pour l'alimentation et le logement, soit 43 % pour les aliments et 27 % pour le logement. Si on s'intéresse au revenu, selon le recensement de 2016, le revenu médian des Inuits était d'un peu plus de 25 627 $, alors qu'il s'établissait à 79 328 $ pour les non-Inuits. Le revenu des Inuits étant trois fois moins élevé, si l'épicerie coûte 81 % de plus et que le revenu est trois fois moins élevé que dans le Sud, tout cela crée une insécurité alimentaire considérable et a des conséquences sociales supplémentaires sur le plan de la santé physique et mentale.
Des programmes comme Nutrition Nord Canada contribuent à réduire le haut coût de la vie, mais cela ne suffit pas. Notre région a donc créé des programmes supplémentaires que nous appelons les mesures de réduction du coût de la vie au Nunavik — lesquelles sont gérées par l'Administration régionale Kativik, ou ARK, et ont été négociées avec l'aide Makivik — pour aller au-delà du programme Nutrition Nord Canada. Il y a six mesures visant à réduire le coût de la vie: l'aide aux aînés; la réduction du coût du transport aérien; le programme de soutien à l'approvisionnement en aliments traditionnels dans les communautés; le programme d'appareils ménagers et d'équipement de récolte et de chasse; le programme des aliments et des autres produits de première nécessité, qui offre un rabais de 15 à 35 % sur la majorité des denrées alimentaires achetées au Nunavik; et le programme sur l'essence, qui prévoit un rabais de 40 ¢ sur le litre d'essence. Le prix de l'essence est fixé une fois par année au Nunavik, où il est acheminé par voie maritime. À l'heure actuelle, le prix de l'essence y est de 1,85 $, alors qu'à Ottawa, les prix variaient de 90,9 ¢ chez Costco à 94,9 ¢ chez Canadian Tire au 8 décembre.
Au titre du programme de réduction du coût de la vie, le gouvernement du Québec s'est engagé à verser 115,8 millions de dollars sur six ans à partir de 2019.
Pour nous, cependant, les aliments venant du Sud ne constituent qu'une partie de la nourriture que nous consommons. Le produit de la chasse est tout aussi important, si ce n'est plus, car il nous nourrit non seulement physiquement, mais aussi culturellement et spirituellement. La sécurité alimentaire des Inuits englobe la culture, la santé et le bien-être, et la souveraineté alimentaire, c'est-à-dire notre pouvoir de prise de décisions et de gestion sur nos ressources alimentaires.
Nous sommes membres de nombreux comités de la faune. En outre, Makivik est propriétaire-exploitant du Centre de recherche du Nunavik, situé à Kuujjuaq, depuis des décennies. Nous menons nos propres recherches directement sur les aliments traditionnels que nous consommons et nous contrôlons ces informations. Cela fait partie de ce que nous considérons comme notre sécurité alimentaire.
La nouvelle subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs a été favorablement accueillie. La chasse et la cueillette de subsistance sont essentielles à notre sécurité alimentaire. Nous devons toutefois souligner qu'au moment où ce programme est mis en œuvre, nous sommes soumis à des restrictions quant à la chasse à l'ours polaire, au béluga et bientôt au caribou. La population inuite augmente et la pression sur la faune est élevée. Nous devons absolument pouvoir avoir accès à la faune. Il importe également que les communautés aient la capacité de s'impliquer entièrement dans la surveillance et la gestion de la faune.
Parlons maintenant de certains projets qui existent dans notre région. Le projet Pirursiivik entrepris à Inukjuak, dans la baie d'Hudson, en collaboration avec Makivik, la Fondation One Drop, la Fondation RBC et le centre alimentaire Sirivik, a construit une serre exploitée à l'année afin d'y cultiver des plantes traditionnelles.
Le conteneur hydroponique installé à Kuujjuaq — vous avez peut-être vu The Growcer à l'émission Dragons' Den, sur CBC — est un conteneur de transport entièrement indépendant conçu pour aider les communautés autochtones des régions éloignées, particulièrement dans l'Arctique. Ce projet fournit des légumes frais à Kuujjuaq. Toujours à Kuujjuaq, il y a une soupe populaire, un programme de distribution de boîtes alimentaires aux aînés et un programme sur la terre.