Parfait.
Je sais que nous débattons d'un amendement qui... Je vais être honnête. Je suis très reconnaissante à M. Barsalou-Duval d'avoir proposé cet amendement. Je sais que nous avons eu quelques discussions sur la possibilité de parcourir ce très long rapport provisoire — plus de 60 pages, je crois — et de retenir les points sur lesquels nous sommes tous d'accord. Comme je l'ai déjà dit, je crois fermement que tous les membres de ce comité veulent ce qu'il y a de mieux pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes. Je n'ai aucun doute là‑dessus.
Je pense que nous avons quelques divergences en ce qui concerne la meilleure façon de faire, et c'est légitime. Je pense que l'idée d'extraire les recommandations sur lesquelles nous sommes d'accord, de publier un rapport provisoire, de tenir cette conversation, puis de continuer à examiner celles qui ne font peut-être pas consensus, est une très bonne idée. Le problème, c'est que cette solution se trouve dans une motion, la motion principale, qui fixe un délai pour ce faire. Si nous prenons le calendrier, d'après mes calculs, il reste environ une heure et 45 minutes pour débattre de ce rapport de plus de 60 pages, pour le parcourir et trouver un consensus sur chaque point. Cela m'inquiète un peu. Nous sommes peut-être en mesure de le faire. J'espère vraiment que nous le sommes.
J'apprécierais vraiment que M. Bezan retire cette motion. Je sais que notre prochaine réunion est prévue pour étudier l'ébauche du rapport. S'il semble y avoir une volonté de la part des membres du Comité d'extraire les éléments qui comptent vraiment pour trouver des solutions à ce problème, les domaines sur lesquels nous pouvons faire consensus, je pense que c'est une bonne idée.
Le problème que cela me pose, c'est qu'il s'agit d'amender une motion qui ne nous laisse pas le temps de tenir cette discussion pour arriver à ce consensus. Je ne voudrais pas que les membres du Comité se contentent de voter — boum, boum, boum — sans aucun débat sur ces questions, et que nous ne produisions pas le genre de rapport réfléchi dont nous aurions besoin.
Je ne suis pas encore tout à fait certaine. Ce sur quoi je suis tout à fait d'accord avec M. Barsalou-Duval, c'est sur la partie de l'amendement qui dit que nous devons mettre fin à la culture qui persiste depuis trop longtemps dans les Forces armées canadiennes. Je suis absolument d'accord avec lui. Je sais que tous les membres de ce comité le croient aussi et veulent le faire.
Nous avons maintenant passé quatre mois à entendre des témoins et, chaque fois que nous pensons être arrivés au point où nous pouvons commencer à examiner l'ébauche du rapport afin que nous puissions présenter des recommandations, il y a des séances d'urgence et des motions pour convoquer de nouveaux témoins. Chaque fois, après mûre réflexion, nous avons dit: « D'accord, convoquons ces témoins ». Nous avons convoqué M. Marques, et Mme Telford, mais dès que nous sommes prêts à commencer, il y a toujours une autre motion.
Je vais être honnête. Je ne crois pas que si nous adoptons cette motion ou même l'amendement, il n'y en aura pas d'autres. Honnêtement, je pense que la meilleure solution serait de retirer la motion et de permettre à la présidente de convoquer la réunion vendredi, comme il est prévu au calendrier, afin de pouvoir commencer à examiner ces projets de rapports.
Cela dit, je voudrais discuter de certains éléments de cet amendement qui renvoient à la culture. Je m'insurge contre les membres de ce comité qui laissent entendre que quelqu'un parle au nom des personnes survivantes car, tout au long de ce processus, j'ai lu les recommandations qu'elles ont formulées. Ces recommandations étaient soit rédigées par des personnes survivantes, soit exprimées dans des témoignages, qu'il s'agisse de témoignages ici même ou devant le Comité de la condition féminine. Ce n'est pas forcément ce qui devrait se produire, à mon avis. Ce sont des recommandations qui ont été présentées par des personnes survivantes.
Nous savons que les personnes survivantes ne constituent pas un groupe homogène. Nous savons qu'il existe de nombreux points de vue. En fait, les points de vue sur les solutions rapportées diffèrent. J'ai entendu des gens laisser entendre que l'examen de Mme Arbour n'est pas nécessaire parce qu'il y a déjà eu un examen il y a six ans. Le rapport Deschamps nous a montré qu'il y avait, je crois, une bonne volonté d'essayer de mettre en œuvre ces recommandations.
Nous avons créé les CIIS, les centres d'intervention sur l'inconduite sexuelle, et nous les avons doté de capacités spécialisées, de soutien externe et de ressources supplémentaires pour servir de point de contact et pour aider les personnes survivantes.
Les CIIS font un travail remarquable. À l'époque, nous n'avions pas réalisé, et cela devient très évident maintenant, que le fait de sortir les CIIS des Forces armées canadiennes, mais en les laissant quand même sous l'égide du ministère de la Défense nationale, le côté civil, ne correspondait pas à ce que les personnes survivantes considèrent comme une indépendance complète. Nous réalisons maintenant que nous devons dépasser ce modèle, mais c'est très étroitement lié.
Il y a autant de solutions proposées que de problèmes.
Selon Mme Deschamps, il est clair qu'il fallait un organisme externe indépendant, mais elle n'a pas dit comment ni à quoi il devait ressembler. Elle n'a pas donné de détails à ce sujet. Pour ceux qui disent: « Eh bien, faites‑le tout simplement », plusieurs personnes différentes — des personnes survivantes, des défenseurs, des universitaires — nous ont déjà présenté des perceptions très différentes de la façon de s'y prendre. Pour beaucoup d'entre elles, comme nous l'avons même entendu, la solution serait peut-être un ombudsman qui rendrait compte au Parlement. Des gens nous ont dit qu'il faut confier cette tâche aux CIIS, parce que les membres de son effectif sont ceux qui possèdent des connaissances spécialisées sur l'inconduite sexuelle et que nous devons avoir un mécanisme qui ne s'occupe pas de toutes les questions à propos desquelles on pourrait s'adresser à un ombudsman, mais qui concerne l'inconduite sexuelle.
D'autres disent que non, si c'est au sein des CIIS, les agresseurs et les personnes touchées se trouvent dans la même institution, et il faut un pare-feu entre les deux. Beaucoup ont réclamé un modèle similaire à celui d'un inspectorat général, complètement hors de la chaîne de commandement. Mais alors, de quoi s'agirait‑il? Quel serait son rôle?
Nous savons que de nombreuses personnes survivantes nous ont demandé de nous pencher sur le système de justice militaire. Nous savons que de nombreuses personnes survivantes ont vécu une expérience avec ce système et avec le système de la police militaire et avec leur chaîne de commandement qui leur a été très préjudiciable. Nous devons nous pencher aussi sur cette question.
Quand ces gens disent que Mme Deschamps avait toute la feuille de route, qu'elle avait cerné le problème, déterminé l'allure que devaient prendre les solutions générales... D'ailleurs, nous avons mis en œuvre un grand nombre de ces solutions. Nous avions un projet de loi, le projet de loi C‑77, qui portait explicitement sur une déclaration des droits des victimes.
Quant au système de justice militaire, nous savons que l'ancien juge Morris Fish met la dernière main à un rapport sur ce système. C'est le fruit d'un examen obligatoire de la Loi sur la défense nationale. J'espère que le Comité s'intéressera à ce rapport lorsqu'il sera déposé ici et qu'il prendra le temps de convoquer le juge Fish pour en discuter.
En fait, notre prochaine étude après celle‑ci porte sur la justice militaire. Nous savons que la justice militaire est essentielle pour garantir que les personnes survivantes reçoivent le soutien nécessaire pour obtenir le dénouement juste qu'elles souhaitent.
Les propositions à ce sujet sont si nombreuses, même au sein de notre comité. Nous avons entendu de nombreuses solutions différentes, et nous demandons à Mme Arbour de faire le tour de la question et de tracer la feuille de route et de nous dire comment nous allons y parvenir, en prenant tous les différents points de vue sur ce à quoi cela devrait ressembler et en les rassemblant et en créant un système basé sur le vécu des personnes survivantes et pour éviter qu'il y en ait d'autres, ce qui, soit dit en passant, est l'objet même de cet amendement. Je suis très reconnaissante à mon collègue du Bloc de l'avoir inclus dans cet amendement, car c'est précisément ce que nous devons faire lorsque nous cherchons des solutions.
Si nous devions arriver à un consensus sur certains de ces points et les présenter dans un rapport provisoire, je pense que ces points de consensus auraient beaucoup de poids, car au lieu d'avoir un rapport du Comité dans lequel quatre partis disent des choses complètement différentes et des rapports complémentaires ou dissidents différents, nous aurions un rapport dans lequel la réflexion de tous les partis serait axée sur les femmes et les hommes.
Ce serait une idée merveilleuse. Pour être honnête, je suis un peu inquiète. Compte tenu des discussions que nous avons eues, je ne sais pas si nous y arriverons, mais je l'espère. Je suis reconnaissante à M. Barsalou-Duval d'au moins essayer. Il propose une solution qui pourrait en fait nous donner une piste pour trouver ce consensus.
Cependant, indépendamment de cela, nous savons qu'à l'heure actuelle, nous avons la lieutenante-générale Carignan, qui est chargée de prendre tous les différents éléments de cette question dans l'ensemble des FAC, dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale, et de rassembler le tout sans attendre un rapport pendant un an.
Je pense que c'est aussi un peu cynique quand des gens disent: « Eh bien, nous prenons Mme Arbour et nous produisons simplement un autre examen afin que nous puissions attendre ». Nous avons dit très clairement — et à un moment donné, j'aimerais lire le discours que j'ai prononcé lorsque nous avons annoncé la participation de Mme Arbour et de la lieutenante-générale Carignan — que nous allons mettre en œuvre...
Tout d'abord, le ministre a dit que les recommandations de Mme Arbour seront contraignantes, que nous allons y donner suite, mais aussi que nous allons les mettre en œuvre à mesure que les mesures provisoires seront présentées.
Cela signifie qu'à mesure que la mission de la lieutenante-générale Carignan se met en place, lorsque Mme Arbour suggérera que nous agissions rapidement sur un point particulier, elle sera déjà prête et pourra commencer à mettre en œuvre ces mesures sur-le-champ. Nous parlons de quelques semaines. Pour les personnes survivantes qui nous écoutent, je sais que le temps presse et que nous devons agir maintenant.
Je vous ai entendu et j'ai eu des entretiens et je sais que c'est un moment très difficile pour les personnes survivantes. C'est un moment difficile pour les membres des Forces armées canadiennes qui ont été victimes de cette inconduite horrible et intolérable et qui ne se sont pas encore manifestées. Je tiens à vous dire que je ne vous le reproche pas. Je sais que nous parlons de courage avec les personnes qui se manifestent. Vous ne manquez pas de courage si vous n'êtes pas encore prêtes à vous manifester. Cependant, notre travail, notre responsabilité en tant que législateurs, est de veiller à créer un système où vous pouvez, où vous vous sentez en sécurité, où vous vous sentez à l'aise, où vous savez que si vous dénoncez, vous pourrez avoir votre mot à dire sur le déroulement de ce processus et que vous serez vous-même en mesure de contrôler comment vous pourrez le faire progresser.
Si ce que vous souhaitez, c'est que l'agresseur soit traduit en justice, nous avons mis en place un système qui y veillera. Si ce dont vous avez besoin, c'est du soutien par vos pairs, d'une aide psychologique, si ce dont vous avez besoin, c'est de simplement proposer des idées, des solutions ou des propositions pour corriger le système afin que la personne suivante ne subisse pas ce que vous avez vécu, cette avenue doit aussi être à votre disposition.
Il n'y a pas de solution unique. Nous savons que les personnes survivantes doivent franchir de nombreuses étapes et qu'il est souvent difficile d'être la première à le faire. Dans les Forces armées canadiennes, et je peux parler de mon expérience personnelle, nous constatons souvent que nous ne voulons pas être la première à parler. Nous voulons voir si quelqu'un d'autre a vécu la même chose et ensuite dénoncer. Je pense que c'est ce qui est en train de se passer. Lorsque les gens auront le sentiment qu'il y a des conséquences, qu'il n'y a pas d'impunité, nous commencerons alors à voir plus de gens se sentir à l'aise et en sécurité pour se manifester.
À l'heure actuelle, nous avons pour but et pour objectif de créer un processus sûr, dans lequel vous n'avez pas à craindre de représailles, où vous avez le contrôle sur le déroulement du processus, où vous avez des défenseurs, où vous disposez de renseignements sur vos options et vous connaissez l'allure que prendra chacune d'elles, afin que si vous décidez de le faire, cela n'aboutisse pas à un processus sur lequel vous n'avez plus le sentiment d'avoir le contrôle; il faut aussi que ce soit un processus qui fasse en sorte que cela ne se reproduise plus. Cela signifie qu'en ce qui concerne les personnes qui adoptent ce comportement — et nous l'avons vu, un comportement criminel — mais aussi des comportements qui abaissent et humilient les gens et les font se sentir petits et indésirables, que tout le long de ce spectre, il y ait un processus permettant de traiter ces situations et dans lequel les gens, à un certain point, peuvent obtenir un dénouement équitable.
La situation que nous voyons actuellement dans les Forces armées canadiennes est très difficile, mais nous devons la traverser. Quand les affaires très médiatisées ont été révélées, que les gens ont commencé à dire leur vérité et que des gens ont dit: « Ça m'est arrivé », et ce, sur une tribune publique, ce qui est incroyablement difficile et, bien franchement, ce qui ne devrait pas être la façon de faire...
Il y a eu des moyens de le faire à la fois confidentiellement et par l'entremise d'un processus de justice militaire, et publiquement si c'est ce que la personne souhaite, mais une fois que les gens ont commencé à se manifester, nous avons commencé à voir des conséquences. Des enquêtes de la police militaire sont en cours. L'ensemble des Forces armées canadiennes se penche sur le changement de culture. De nombreuses personnes ont dû démissionner à cause de ces enquêtes, et voyant cela, d'autres personnes auront le sentiment de pouvoir elles aussi se manifester.
Je crois que nous allons voir plus de cas de cette nature, et je ne pense pas que ce soit forcément une mauvaise chose, car nous devons passer au travers de cette situation pour atteindre l'autre côté, c'est-à-dire pour créer une culture au sein des Forces armées canadiennes qui permette aux gens de s'épanouir. Il ne suffit pas de mettre fin à ce comportement. Il ne suffit pas de mettre fin aux préjudices. Il ne suffit pas de mettre fin aux propos humiliants.
Nous avons entendu le professeur Okros parler de la définition du pouvoir, avec cette idée d'une culture guerrière masculine normative qui est vraiment basée sur une image de ce qu'est une armée, à l'image de la Première Guerre mondiale, dans les tranchées.
Les Forces armées canadiennes sont en train de vivre un énorme changement, tout comme les forces armées du monde entier. Il y a tellement de professions qui reposent en grande partie sur le renseignement. Tout cela est très différent de la masculinité toxique que l'on retrouve actuellement dans les Forces armées canadiennes. Cela ne veut pas dire que tous les membres ou que certains membres des Forces armées canadiennes sont en quelque sorte des mauvaises personnes. Il s'agit d'une culture systémique qui blesse franchement les femmes, mais aussi les hommes, car elle crée ce genre de comportement normatif.
Dès que vous ne correspondez pas à cette norme, dès que vous êtes un peu différent — et nous le voyons avec toutes sortes de facteurs d'identité — vous vous sentez indésirable. Je l'ai entendu. Je l'ai entendu de la part de nombreuses personnes qui estiment que le problème n'est même pas lié aux activités criminelles flagrantes, mais à chaque étape du processus qui s'intensifie jusqu'à ce qu'on en arrive là.
C'est sur cela que nous devons nous concentrer. Je suis très heureuse que cet amendement traite explicitement de la culture. J'ai bien d'autres choses à dire sur la culture. Je sais que certains de mes collègues ont levé la main, je vais donc m'assurer qu'ils aient la chance de s'exprimer.
En mettant l'accent sur la culture, mais aussi sur les personnes survivantes, M. Barsalou-Duval nous rend un grand service. Je ne suis pas encore convaincue que cela nous sorte de l'impasse, mais j'espère que les membres du Comité pourront réfléchir à ce qu'il a dit ici afin que nous puissions peut-être trouver une solution. Nous pouvons encore produire un rapport qui renferme des recommandations et dont nous pourrons peut-être dire qu'il a l'appui de tous les membres du Comité, tous partis confondus, parce que ce n'est pas un enjeu partisan. C'est ce que tous les Canadiens souhaitent, à mon avis. Nous traversons une période très difficile dans les Forces armées canadiennes. Nous devons la traverser de manière à en sortir plus forts, avec de meilleurs processus et de meilleures procédures, afin que cela ne se reproduise plus.
Au bout du compte, comme je l'ai dit, il ne suffit pas de mettre fin aux préjudices. Nous devons créer des Forces armées canadiennes où chacun peut s'épanouir, où chacun est apprécié pour ce qu'il apporte, et où la diversité est une source de force. C'est là où nous voulons arriver.
Ce n'est que la première étape. J'attends avec impatience les travaux de Mme Arbour et de la lieutenante-générale Carignan sur le sujet. J'espère vraiment que les membres du Comité pourront mettre de côté la politique et vraiment essayer de formuler des recommandations sur lesquelles nous pourrons construire et trouver une voie à suivre pour mettre en place une meilleure institution aux termes de ce processus.
Merci, madame la présidente.